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1
p. 179-180
COMEDIE FRANÇOISE.
Début :
Le 24 Mai le Sr Calvareau de Rochebelle reprit son début par l'Enfant prodigue [...]
Mots clefs :
Comédie-Française, Comédiens
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texteReconnaissance textuelle : COMEDIE FRANÇOISE.
COMEDIE FRANÇOISE.
E 24 Mai le Sr Clavareau de Roche-
L'belle reprit fon début par l'Enfant prodigue
, dont il joua le rolle avec un plein
fuccès ; il n'eft pas poffible de mieux rendre
la fcene de la reconnoiffance : il y mit
toute la vérité , tout le pathétique & tonte
la précifion qu'elle demande ; il paroît
propre aux rolles de fentiment dans le
comique noble ; à un extérieur décent
il joint beaucoup de fineffe , il faifit les
nuances , il fent auffi -bien qu'il détaille ;
toujours attentif à la fcene , il poffede le
jeu muet , & ne fait jamais de contre-fens ,
qualité d'autant plus rare dans un acteur
qui débute , qu'elle manque fouvent au
Comédien qui a le plus d'ufage & qui eſt
le mieux établi.
Le 26 , le même acteur joua Seide dans
Mahomet , tragédie de M. de Voltaire ; il
y a été justement applaudi, Par la maniere
dont il a rendu la grande fituation du
H vj
180 MERCURE DE FRANCE.
quatrieme acte , il a montré qu'on n'a jamais
l'organe foible quand on a l'art de le
conduire , & que la vraie force eft plus
dans l'ame que dans les poumons.
Le 28 , les Comédiens françois donnerent
l'Homme à bonnes fortunes. L'acteur
nouveau y repréfenta Moncade , mais il
a l'air trop fenfé pour bien jouer la fatuité;
il a mieux rendu Durval dans le Préjugé à
la mode.
Le 31 , les mêmes Comédiens donnerent
une repréfentation des Troyennes , de
M. de Chateaubrun ; elles leur avoient été
demandées par des perfonnes de diftinction
, & furent applaudies par une affemblée
auffi brillante que nombreuſe. Voici
Pextrait de fon Philoctete .
E 24 Mai le Sr Clavareau de Roche-
L'belle reprit fon début par l'Enfant prodigue
, dont il joua le rolle avec un plein
fuccès ; il n'eft pas poffible de mieux rendre
la fcene de la reconnoiffance : il y mit
toute la vérité , tout le pathétique & tonte
la précifion qu'elle demande ; il paroît
propre aux rolles de fentiment dans le
comique noble ; à un extérieur décent
il joint beaucoup de fineffe , il faifit les
nuances , il fent auffi -bien qu'il détaille ;
toujours attentif à la fcene , il poffede le
jeu muet , & ne fait jamais de contre-fens ,
qualité d'autant plus rare dans un acteur
qui débute , qu'elle manque fouvent au
Comédien qui a le plus d'ufage & qui eſt
le mieux établi.
Le 26 , le même acteur joua Seide dans
Mahomet , tragédie de M. de Voltaire ; il
y a été justement applaudi, Par la maniere
dont il a rendu la grande fituation du
H vj
180 MERCURE DE FRANCE.
quatrieme acte , il a montré qu'on n'a jamais
l'organe foible quand on a l'art de le
conduire , & que la vraie force eft plus
dans l'ame que dans les poumons.
Le 28 , les Comédiens françois donnerent
l'Homme à bonnes fortunes. L'acteur
nouveau y repréfenta Moncade , mais il
a l'air trop fenfé pour bien jouer la fatuité;
il a mieux rendu Durval dans le Préjugé à
la mode.
Le 31 , les mêmes Comédiens donnerent
une repréfentation des Troyennes , de
M. de Chateaubrun ; elles leur avoient été
demandées par des perfonnes de diftinction
, & furent applaudies par une affemblée
auffi brillante que nombreuſe. Voici
Pextrait de fon Philoctete .
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Résumé : COMEDIE FRANÇOISE.
En mai, l'acteur Clavareau de Roche-Lebelle se distingue au sein de la troupe de la Comédie Française. Le 24 mai, il incarne l'Enfant prodigue avec succès, notamment dans la scène de la reconnaissance, où il montre une grande vérité, un pathétique et une précision. Il est particulièrement adapté aux rôles de sentiment dans le comique noble, grâce à sa finesse et son attention aux nuances. Le 26 mai, il joue Seide dans la tragédie 'Mahomet' de Voltaire et reçoit des applaudissements pour sa gestion du quatrième acte, démontrant que la force vocale véritable réside dans l'âme plutôt que dans les poumons. Le 28 mai, il interprète Moncade dans 'L'Homme à bonnes fortunes', mais son apparence trop sérieuse ne convient pas au rôle de fat. Il est plus convaincant dans le rôle de Durval dans 'Le Préjugé à la mode'. Le 31 mai, la troupe présente 'Les Troyennes' de Chateaubrun à la demande de personnes distinguées et reçoit des applaudissements d'une assemblée nombreuse et brillante.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 180-196
EXTRAIT DE PHILOCTETE.
Début :
Ulysse & Pyrrhus accompagnés de Démas, ouvrent la scene, qui est dans l'isle [...]
Mots clefs :
M. de Chateaubrun, Dieux, Amour, Grecs, Guerrier, Gloire, Héros, Seigneur, Comédie-Française
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texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT DE PHILOCTETE.
EXTRAIT DE PHILOCTETE.
Ulyffe & Pyrrhus accompagnés de Démas
, ouvrent la fcene , qui eft dans l'ifle
de Lemnos , à vue de la caverne qui fert
de retraite à Philoctete . Le premier dit au
fils d'Achille , que Philoctete refpire dans
ce defert affreux , & que les Grecs ne peuvent
triompher de Troye fans le bras de ce
guerrier , uni à la valeur de Pyrrhus. Les
Dieux l'ont déclaré par la bouche de Calchas'
; cet Oracle eft un arrêt dont on ne
peut appeller. Si Philoctete n'eft ramené
JUIN. 1755. 181
dans l'armée , elle va périr dans l'opprobre
& dans la mifere. Pyrrhus impatient veut
courir vers Philoctete , mais Ulyffe le retient
, & l'inftruit du jufte courroux de ce
Prince contre les Grecs . Il lui apprend que
dès les premiers jours du fiége d'Ilion ,
Un Troyen le bleffa d'un dard envenimé
Par d'horribles douleurs le poiſon ſe déclare :
Mais fon ardeur s'éteint dans un profond fommeil,
Et jamais la douleur ne fuccéde au réveil.
A peine ce guerrier revoit-il la lumière ,
Qu'il retrouve fa voix &. fa force premiere ;
Jufqu'à d'autres accès fans ceffe renaiſſans ,
L'art épuifa fur lui fes fecours impuiffans.
Ce mal cruel rendit Philoctete fi farouche
qu'il devint infupportable à tous les
chefs , & particulierement aux Atrides
qu'il accabloit de reproches amers. Le Roi
d'Itaque , pour les en délivrer , joua le mécontent,
engagea Philoctete à le fuivre dans
l'ifle de Lemnos où il feignit de fe retirer ,
& l'abandonna feul dans ce defert pendant
fon fommeil. Ulyffe , après ce récit
recommande à Pyrrhus de ne pas le nommer
il lui confeille , pour arracher ce héros
de fa retraite , de feindre que la tempête
l'a pouflé fur ce rivage , qu'il à quitté
182 MERCURE DE FRANCE.
le camp des Grecs , & qu'il retourne à Scyros
, révolté contre un fiége fi lent , & indigné
de l'avarice fordide des chefs qui
ont fruftré fa valeur de fes droits . Pyrrhus
réfifte d'abord à ce confeil , la feinte répugne
à fon grand coeur ; mais Ulyffe lui
en fait fentir la néceffité & s'éloigne
pour le laiffer agir .
›
Pyrrhus refte avec Démas , & s'écrie en
jettant les regards fur l'entrée de la caverne
,
Mon oeil foutient à peine
Cet horrible tableau de la miſere humaine ;
Quelques vafes groffiers que le befoin conftruit ,
Des feuilles , des lambeaux qui lui fervent de lit.
Il voit fortir du fond de cet antre fauvage
une jeune beauté ; il eft frappé de
fes charmes , il l'aborde , & apprend d'elle
que fon nom eft Sophie , & qu'elle eft la
fille de Philoctete. Så tendreffe l'a conduite
dans cette ifle déferte pour y partager
le malheur de fon pere ; elle y aborda par
un naufrage. Nous allions périr , dit- elle ,
Hercule nous fecourut .
Il retint dans nos coeurs notre ame fugitive ,
Et fon bras bienfaiſant nous pouffa fur la rive.
Nous appellons mon pere , il s'avance vers nous.
Que n'éprouvai -je point dans un moment fi doux !
Avec quelle tendreffe il efluya mes larmes ↓
JUIN.
183 1755.
Combien für mon état témoigna-t- il d'allarmes !
Quels mouvemens confus de joie & de pitié ,
De fanglots mutuels qu'exhaloit l'amitié !
Les périls de la mer , mes craintes , ma mifere ,
J'oubliai tout , Seigneur , en embraffant mon pere
;
Voilà le langage naïf de la nature. Les
vers les plus pompeux valent - ils ceux
qu'elle infpire ? Cette fimplicité charmante
qui rend fi bien le fentiment , n'eſtelle
pas la vraie éloquence ? Pyrrhus témoigne
le defir qu'il a de voir Philoctete
Sophie répond, qu'armé d'un arc qui pourvoit
à leur fubfiftance , il erre dans les
bois , & qu'elle va le chercher. Pyrrhus
devant Démas fait éclater pour Sophie une
pitié qui laiffe entrevoir le premier trait
de l'amour. Démas lui repréfente qu'il ne
doit s'occuper que du foin de rendre Philoctete
aux Grecs prêts à périr.
Philoctete paroît avec Sophie , & marque
fa furprife à Pyrrhus , qu'il n'a jamais
vu , de le voir dans des lieux fi fauvages.
11 exprime en même tems fon reffentiment
contre les chefs de la Grece , & leur ingratitude
, par ces deux vers juftement applaudis
,
Les bienfaits n'avoient pu m'attacher les Atrides
:
Je fous apprivoifer jufqu'aux monftres avides.
184 MERCURE DE FRANCE.
Pyrrhus fe nomme ; Philoctere montre
une joie très- vive de voir en lui le fils
d'Achille dont il a toujours été l'ami ; mais
apprenant la mort de ce héros par la bouche
de fon fils , il s'écrie avec douleur
2
Achille eft mort , grands Dieux , & les Atrides
vivent
! Y
7 25377
Pyrrhus s'offre à conduire Philoctete &
fa fille dans leur patrie. Ce guerrier y
confent ; mais dans le moment qu'il veut
partir , il eft arrêté par un accès de fon
mal , qui l'oblige à rentrer dans fon antre
, & qui termine le premier acte. Y
101-20
Pyrrhus ouvre le fecond acte par ce beau
monologue , qui peint avec des couleurs
fi touchantes l'état de mifere & de douleur
où il vient de voir Philoctete dans la
caverne , ayant près de lui fa fille qui arrofoit
fes mains de larmes. Quel contraſte ,
dit- il , avec l'éducation qu'on nous donne !
p , cody courqu
"P
On écarte de nous juſqu'à l'ombre des maux
On n'offre à nos regards que de fiants tableaux
Pour ne point nous déplaire , on nous cache à
nous - mêmes ; ovo zng , ol mbase C
On ne nous entretient que de grandeurs fupre
-kot mes.unim un saciera'n aistroid as S11
On ajoûte à nos noms des noms ambitieux :
Autant que l'on le peut on fait de nous des Dieur.
JUIN.
185
1755 .
Victimes des flateurs , malheureux que nous fom
mes ,
Que ne nous apprend-t-on que les Rois font des
hommes !
·Démas furvient ; il exhorte Pyrrhus à
diffimuler encore pour engager Philoctete
à partir. La générofité de Pyrrhus attendri
s'en offenfe , & marque un vrai remords
d'avoir employé la feinte . Philoctete paroît
avec Sophie , & veut fe rendre au rivage.
Pyrrhus l'arrête. Philoctete furpris , lui en
demande la raifon . Le fatal fecret échappe
de la bouche du fils d'Achille, qui rougit de
commettre une perfidie , & lui déclare
qu'il le méne aux Atrides . A cet aveu le Roi
d'Eubée devient furieux. Pyrrhus l'inftruit
de la pofition des Grecs , & du befoin
qu'ils ont de fon bras pour renverfer
Troye , & s'arracher à une mort honteuſe ;
il le preffe en même tems d'immoler fon
reffentiment au falut de l'Etat. Philoctete
refufe de fe rendre , & fait des imprécations
contre Ulyffe & les autres chefs. Pyrrhus
lui répond , qu'il ne peut fe venger plus
noblement d'eux qu'en faifant triompher
fa patrie , & qu'en voyant Agamemnon
lui-même ramper à fes pieds. Philoctete
perfifte à ne point prêter fon fecours au
Roi d'Argos ; mais il propofe à Pyrrhus
186 MERCURE DE FRANCE.
d'aller combattre avec leurs foldats , & d'a
voir feuls la gloire de vaincre les Troyens.
Pyrrhus approuve ce parti ; mais comme il
entend du bruit , il s'éloigne avec Philoctete.
Démas qui les écoutoit , veut inftruire
Ulyffe du projet que ces deux guerriers
viennent de former ; mais le Roi d'Itaque
lui dit que les Grecs cachés avec lui fous
un rocher l'ont entendu , qu'ils ont réſolu
de les en punir ; & que s'il n'eût retenu
leur fureur , ils alloient fondre fur eux &
les immoler. Démas ajoûte qu'il craint encore
plus la fille que le pere . Ulyffe lui en
demande la raifon ; l'autre lui répond
que Pyrrhus adore Sophie."
›
Ulyffe en paroit allarmé , & quitte la
fcene en difant qu'il va voir avec les
Grecs ce qu'on doit oppofer à ce fatal
amour qui peut tout détruire.
I
Ulyffe ouvre le troifieme acte avec Démas.
Il tient un papier à la main , & dit à
Démas que les Grecs veulent entraîner
au camp Philoctete mort ou vivant , que
tel eft l'arrêt qu'ils viennent de figner ; &
que fi ce Prince refifte , ils veulent exterminer
fa famille , & faire fubir à fa fille
le fort d'Iphigénie . Ulyffe craint que Pyrrhus
ne prenne leur défenſe ; mais Démas
lui répond que fa résistance fera vaine , &
JUIN 1755. 187
que les Grecs viennent d'envelopper Philoctete
de toutes parts:
Pyrrhus paroît ; Ulyffe le preffe de partir
fans Philoctete , en difant qu'il ne veut
pas lui-même qu'on emmene ce guerrier au
camp . Pyrrhus s'excufe fur la pitié. Ulyffe
lui dit que la pitié dont il eft ému , n'eft
qu'un amour déguifé. Le premier répond
que l'amour n'eft pas un crime. Non , réplique
le Roi d'Itaque ,
Quand élevant le coeur , loin de l'humilier ,
Aux régles du devoir l'amour fçait le plier ,
Et ne l'enyvre point de fon poifon funefte :
Il eft fublime alors , la fource en eft céleste ,
Et c'eſt de cet amour que les Dieux font heureux.
Mais , Seigneur , quand l'amour , le bandeau fur
les yeux ,
Enchaîne le devoir aux pieds d'une maîtreffe ,
A des coeurs généreux n'infpire que foibleffe ,
Tient fous un joug d'airain leur courage foumis ,
Leur fait facrifier gloire , patrie , amis ,
Et des droits les plus faints rompt le noeud légitime
;
Alors , Seigneur , alors cet amour eft an crime.
Pyrrhus veut fe juftifier en difant qu'Achille
aima comme lui . Ulyffe lui repart
qu'il n'aima point aux dépens de fa gloire ,
& qu'il quitta tout pour elle. Il lui fait en
188 MERCURE DE FRANCE.
même tems une peinture pathétique de
l'état affreux où l'armée des Grecs fe trouve
réduite , ajoûtant qu'il va la joindre ,
& mourir fur le tombeau d'Achille , tandis
que fon fils refte tranquille à Lemnos
par l'amour. Ce trait réveille le
courage de Pyrrhus , & l'adroit Ulyffe pour
achever de le déterminer à le fuivre , lui
rapporte ainfi les dernieres paroles d'Achille
expirant , après qu'il l'eut arraché
lui-même des mains des Troyens .
enchaîné
Cher ami , me dit-il , cache-moi tes alarmes ;
Et laiffe- moi mourir parmi le bruit des armes. T
Par tes foins je fuis libre , & je refpire encor
Tu m'épargnes l'affront dont je flétris Hector.:
Que mon fils à jamais en garde la mémoire ,
Et te rende les foins que tu prens de ma gloire.
Sers-lui de pere , amis qu'il te ferve de fils . ' ; i
Voilà fes derniers voeux ; les avez-vous remplis
:
Pyrrhus eft prêt à partir , quand la préfence
de Sophie le retient il fe trouve
alors entre la gloire & l'amour, La premiere
foutenue par l'art d'Ulyffe , femble
d'abord l'emporter ; mais l'amour mieux
déféndu par les larmes de Sophie ', triomphe
enfin de Pyrrhus , & l'entraîne de fon
côté. Ce jeune héros en tournant les yeux
vers elle , s'écrie :
JUIN.
183 1755.
Quoi vous pleurez , courons à votre pere.
Il vole fur les pas de Sophie. Ulyffe fo
retire avec Démas , en difant que Pyrrhus
va fe perdre & combler le malheur de
Philoctete & de fa fille . Ce troifiéme Acte
eft d'une grande beauté .
Z Sophie commence le quatriéme Acte avec
Palmire fa gouvernante , & lui dit que fans
Pyrrhus les Grecs auroient furpris & enlevé
fon pere. Elle avoue avec cette ingé
nuité qui accompagne l'innocence , que
ce jeune héros lui a déclaré qu'il l'adoroit
, & qu'elle y a été fenfible par reconnoiffance
pour
le fervice qu'il a rendu à
fon pere. Palmire l'avertit de redouter les
effets de fa beauté . Je n'ai pas oublié , lui
répond Sophie , vos fages leçons.
Hélas ! cette beauté , ce charme fouverain ;
Dont le fexe s'honore , & qui le rend fi vain
Si la vertu n'en fait un ornement célefte ,
Eft , des Dieux irrités , le don le plus funefte.
" Philoctete arrive , & dit à fa fille qu'il
faut fauver l'honneur d'un pere infortuné ,
& lui remet un poignard. Sophie lui demande
quel ufage elle en doit faire : il répond
qu'il a vécu comme Hercule , &
qu'il veut mourir de même , ajoutant que
Le poifon peut encore lui porter une at
190 MERCURE DE FRANCE.
teinte , que les Grecs pourroient faifir, ce
moment pour le charger de fers , & qu'elle
doit le fouftraire à leur fureur , en faisant
ce qu'Hercule exigea de fon fils. Elle frémit
de commettre un parricide . Philoctete
defeſpéré de ce refus , s'écrie
s'écrie que dans
cette extrêmité il va lancer ces flèches redoutables
qui portent d'inévitables coups ,
& qu'il va commencer par Pyrrhus . Sophie
allarmée l'arrête , & lui apprend que
c'eft le fecours de Pyrrhus qui l'a dérobé à
l'audace des Grecs , & qu'elle en eft aimée.
Philoctete raffuré par l'amour de Pyrrhus
pour fa fille , la preffe de lui déclarer que
La flamme eft connue de fon pere , qui l'approuve
; mais que fi ce jeune guerrier ne
fe joint à lui pour les venger ,
elle rejette
avec dédain les offres de fa foi. Sophie le
lui jure , en lui difant tendrement qu'après
avoir partagé fa gloire , il eft jufte qu'elle
partage fon affront. Philoctete qui voit
venir Pyrrhus, rentre dans fon afyle , & recommande
à Sophie d'éprouver le coeur de
fon amant.
Pyrrhus dit à Sophie qu'il a fait retirer
les foldats , mais qu'elle engage fon pere
à remplir leurs voeux ; que le falut public
doit être un de fes bienfaits,, & qu'il ofe à
çe motif preffant joindre l'intérêt de fon
amour. Elle lui répond que Philoctete eft
JUI N. 1755. 191*
·
inftruit de fes feux , qu'il confent que
l'hymen les couronne , mais qu'il veut que
ces noeuds foient formés dans fes états .
Pyrrhus lui réplique en foupirant , que la
Grece l'implore , & qu'il ne peut l'abandonner,
Elle l'interrompt en lui difant que
puifque l'intérêt de fon pere & le fien lui
font moins chers que celui des Atrides ,
elle rend à fon amour les fermens qui le
lient. Seigneur , ajoute- t -elle ':
Plus grands dans nos deferts que vous ,
trône ,
fur votre
L'honneur nous tiendra lieu de fceptre & de cou
ronne.
Partez , laiffez -nous feuls dans ces fauvages lieux
La vertų pour témoin n'a befoin que des Dieux..
Pyrrhus lui fait entendre que Philoctete
a tout à craindre de la rage des Grecs. Sophie
répond que fa main va mettre un
frein à leurs droits prétendus , que fon
pere vient de l'armer d'un poignard , &
que fi les Grecs s'avançoient pour le pren
are , elle a juré de le plonger dans le coeur
de Philoctete
,› pour prévenir fa honte.
Pourriez-vous , lui dit Pyrrhus , verfer le
fang d'un pere ? elle s'écrie :
Que fçais-je leurs fureurs me ferviront de guid
des ? >
191 MERCURE DE FRANCE.
Un mortel fans honneur n'eſt plus qu'un monſtrë
affreux ,
Que tout autre homme abhorre , & qui craint
tous les yeux ;
Chaque regard l'infulte , & réveillant fa honte ;
De fon honneur perdu , lui redemande compte
Lui fait baiffer la vûe , & femble l'avertir
De fuir dans le tombeau qui devroit l'engloutir.
Pyrrhus frappé de ce tableau promet à
Sophie de périr plutôt mille fois que de
fouffrir que leurs foldats en viennent à
cette violence . Elle le quitte en lui re-.
commandant ainſi les jours de fon pere :
Etes-vous à l'abri du deſtin qui l'accable ›
Si les hommes , hélas ! réfléchiffoient fur eux ;
Ils répandroient des pleurs fur tous les malheu
reux.
Ulyffe vient apprendre à Pyrrhus que
les Troyens inftruits de l'oracle , ont profité
du tems de fon abſence pour attaquer
le camp , qu'ils font près de forcer fi luimême
ne vole au fecours des Grecs ; qu'ils
ont déja bleffé plufieurs chefs de l'armée
& qu'ils ont fouillé dans le tombeau d'Achille
, & difperfé les reftes de fon corps ,
qui font devenus la proie des chiens & des
vautours.
JUIN. 1755. 193
yautours. Pyrrhus devient furieux à cette
nouvelle , & veut voler au camp . Ulyffe
infifte alors pour enlever Philoctete , &
montre les foldats qui l'ont fuivi pour
cette exécution. Mais Pyrrhus s'écrie qu'ils
n'avancent point , que Philoctete eft armé
des traits du defefpoir , & que fa mort va
tromper leur eſpérance. Il termine le quatriéme
acte , en difant qu'il va tenter un
dernier effort auprès du pere de Sophie ,
& qu'après il s'abandonne tout entier aux
confeils d'Ulyffe.
Pyrrhus paroît d'abord feul au cinquiéme
acte , & dit à Ulyffe qui furvient , qu'il
n'a pu fléchir Philoctete. Le Roi d'Itaque
lui montre l'arrêt que la Grece a dicté contre
ce guerrier indomptable. Pyrrhus lui
repréfente qu'en livrant Philoctete à la
mort on venge la patrie , mais qu'on ne
la fauve pas. Ulyffe répond qu'avant
d'exécuter l'arrêt , il veut tout effayer , &
qu'il veut voir Philoctete , qui arrive dans
ce moment avec Sophie. C'eft ici cette admirable
fcene qui forme non feulement
un dénouement des plus heureux , mais
qui fait encore elle feule un des plus beaux
cinquiémes actes qui foient au théâtre :
il faudroit la tranfcrire toute entiere pour
en faire fentir toutes les beautés . Philoctete
à l'afpect d'Ulyffe s'écrie dans fa fu-
II.Vol. I
194 MERCURE DE FRANCE.
reur qu'on lui rende fes armes. Ce der
nier lui donne les fiennes. Philoctete veut
l'en percer , mais Pyrrhus l'arrête . Ce
guerrier les brave par ces deux vers , dont
le dernier eft digne de Corneille :
Un oracle accablant vous à glacés d'effroi.
Vous vous trouvez preffés entre les Dieux & moi.
Ulyffe lui dit de ne punir que lai , &
d'avoir pitié de fa patrie :
Graces à mon exil , cruel je n'en ai plus ,
Lui répond Philoctete :
•
Je voue à vos fureurs les Grecs que je détefte ;
Dieux ! épargnez Pyrrhus & foudroyez le refte .
Le fils d'Achille eſt révolté de cette imprécation
; mais Ulyffe combat alors Philoctete
avec tous les traits de fon éloquen-.
ce. Il l'attaque par fon foible , c'eſt - à- dire
par l'endroit le plus fenfible à fa gloire.p
Vous ofez (lui dit- il ) confpirer contre votre pays...
Quand un homme a formé ce projet parricide ,
On dévoue aux tourmens ce citoyen perfide :
Son opprobre s'attache aux flancs qui l'ont posté ,
Et fa honte le fuit dans fa poftérité .
A fes concitoyens fon nom eft exécrable ;
On recherche avec foin les traces dy coupable.
JUIN. 1755. 195
Rebut de l'univers , à foi- même odieux :
Il vit errant , fans loix , fans amis & fans Dieux.
Son fupplice aux mortels offre un exemple horri
ble ;
Le tombeau lui refuſe un afyle paifible ,
Et la terre abandonne aux monftres dévorans ,
De fon corps déchiré , les reftes expirans.
Ses manes agités d'une éternelle rage ,
En vain parmi les morts fe cherchent un paffage ;
L'enfer même l'enfer fe rend fourd à fes cris.
Si vous l'ofez , cruel , vengez - vous à ce prix.
Philoctete eft effrayé de cette image.
Ulyffe pour achever de le defarmer , &
pour frapper le dernier coup , preffe Pyrrhus
de partir. Renvoyez , dit - il , des
vaiffeaux qui puiffent tranfporter ce héros
par-tout où il voudra aller :
Maître du fort des Grecs , qu'il le foit de lui- mê
me.
Emmenez tous nos Grecs ; je refte près de lui.
Philoctete à ces mots s'écrie :
Ulyffe près de moi ! retire-toi barbare .
Ulyffe lui fait cette réplique admirable ,
qui le met pour ainfi dire au pied du mur .
Si votre coeur pour moi ne peut être adouci ,
Suivez les Grecs , Seigneur , & me laiffez ici.
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
Philoctete à ce trait demeure interdit.
Sa fille fe joint à Ulyffe , & embraſſe ſes
genoux pour le fléchir . Ce guerrier attendri
par les larmes de fa fille , céde à cette
derniere inftance . Il lui facrifie fon reffentiment
, conſent de l'unir à Pyrrhus , &
termine la piece en difant :
Le Ciel m'ouvre les yeux fur la vertu d'Ulyffe ,
Et femble m'annoncer la fin de mon fupplice :
En marchant fur les pas au rivage Troyen ,
Nous fuivrons le grand homme & le vrai citoyen.
On ne peut pas conduire ni dénouer
une piece avec plus d'art. Que M. de Châteaubrun
a tiré fur tout un heureux parti
de l'épifode de Sophie ! 'que fon Ulyffe eft
beau ! & que M. de la Noue l'a bien
rendu !
Ulyffe & Pyrrhus accompagnés de Démas
, ouvrent la fcene , qui eft dans l'ifle
de Lemnos , à vue de la caverne qui fert
de retraite à Philoctete . Le premier dit au
fils d'Achille , que Philoctete refpire dans
ce defert affreux , & que les Grecs ne peuvent
triompher de Troye fans le bras de ce
guerrier , uni à la valeur de Pyrrhus. Les
Dieux l'ont déclaré par la bouche de Calchas'
; cet Oracle eft un arrêt dont on ne
peut appeller. Si Philoctete n'eft ramené
JUIN. 1755. 181
dans l'armée , elle va périr dans l'opprobre
& dans la mifere. Pyrrhus impatient veut
courir vers Philoctete , mais Ulyffe le retient
, & l'inftruit du jufte courroux de ce
Prince contre les Grecs . Il lui apprend que
dès les premiers jours du fiége d'Ilion ,
Un Troyen le bleffa d'un dard envenimé
Par d'horribles douleurs le poiſon ſe déclare :
Mais fon ardeur s'éteint dans un profond fommeil,
Et jamais la douleur ne fuccéde au réveil.
A peine ce guerrier revoit-il la lumière ,
Qu'il retrouve fa voix &. fa force premiere ;
Jufqu'à d'autres accès fans ceffe renaiſſans ,
L'art épuifa fur lui fes fecours impuiffans.
Ce mal cruel rendit Philoctete fi farouche
qu'il devint infupportable à tous les
chefs , & particulierement aux Atrides
qu'il accabloit de reproches amers. Le Roi
d'Itaque , pour les en délivrer , joua le mécontent,
engagea Philoctete à le fuivre dans
l'ifle de Lemnos où il feignit de fe retirer ,
& l'abandonna feul dans ce defert pendant
fon fommeil. Ulyffe , après ce récit
recommande à Pyrrhus de ne pas le nommer
il lui confeille , pour arracher ce héros
de fa retraite , de feindre que la tempête
l'a pouflé fur ce rivage , qu'il à quitté
182 MERCURE DE FRANCE.
le camp des Grecs , & qu'il retourne à Scyros
, révolté contre un fiége fi lent , & indigné
de l'avarice fordide des chefs qui
ont fruftré fa valeur de fes droits . Pyrrhus
réfifte d'abord à ce confeil , la feinte répugne
à fon grand coeur ; mais Ulyffe lui
en fait fentir la néceffité & s'éloigne
pour le laiffer agir .
›
Pyrrhus refte avec Démas , & s'écrie en
jettant les regards fur l'entrée de la caverne
,
Mon oeil foutient à peine
Cet horrible tableau de la miſere humaine ;
Quelques vafes groffiers que le befoin conftruit ,
Des feuilles , des lambeaux qui lui fervent de lit.
Il voit fortir du fond de cet antre fauvage
une jeune beauté ; il eft frappé de
fes charmes , il l'aborde , & apprend d'elle
que fon nom eft Sophie , & qu'elle eft la
fille de Philoctete. Så tendreffe l'a conduite
dans cette ifle déferte pour y partager
le malheur de fon pere ; elle y aborda par
un naufrage. Nous allions périr , dit- elle ,
Hercule nous fecourut .
Il retint dans nos coeurs notre ame fugitive ,
Et fon bras bienfaiſant nous pouffa fur la rive.
Nous appellons mon pere , il s'avance vers nous.
Que n'éprouvai -je point dans un moment fi doux !
Avec quelle tendreffe il efluya mes larmes ↓
JUIN.
183 1755.
Combien für mon état témoigna-t- il d'allarmes !
Quels mouvemens confus de joie & de pitié ,
De fanglots mutuels qu'exhaloit l'amitié !
Les périls de la mer , mes craintes , ma mifere ,
J'oubliai tout , Seigneur , en embraffant mon pere
;
Voilà le langage naïf de la nature. Les
vers les plus pompeux valent - ils ceux
qu'elle infpire ? Cette fimplicité charmante
qui rend fi bien le fentiment , n'eſtelle
pas la vraie éloquence ? Pyrrhus témoigne
le defir qu'il a de voir Philoctete
Sophie répond, qu'armé d'un arc qui pourvoit
à leur fubfiftance , il erre dans les
bois , & qu'elle va le chercher. Pyrrhus
devant Démas fait éclater pour Sophie une
pitié qui laiffe entrevoir le premier trait
de l'amour. Démas lui repréfente qu'il ne
doit s'occuper que du foin de rendre Philoctete
aux Grecs prêts à périr.
Philoctete paroît avec Sophie , & marque
fa furprife à Pyrrhus , qu'il n'a jamais
vu , de le voir dans des lieux fi fauvages.
11 exprime en même tems fon reffentiment
contre les chefs de la Grece , & leur ingratitude
, par ces deux vers juftement applaudis
,
Les bienfaits n'avoient pu m'attacher les Atrides
:
Je fous apprivoifer jufqu'aux monftres avides.
184 MERCURE DE FRANCE.
Pyrrhus fe nomme ; Philoctere montre
une joie très- vive de voir en lui le fils
d'Achille dont il a toujours été l'ami ; mais
apprenant la mort de ce héros par la bouche
de fon fils , il s'écrie avec douleur
2
Achille eft mort , grands Dieux , & les Atrides
vivent
! Y
7 25377
Pyrrhus s'offre à conduire Philoctete &
fa fille dans leur patrie. Ce guerrier y
confent ; mais dans le moment qu'il veut
partir , il eft arrêté par un accès de fon
mal , qui l'oblige à rentrer dans fon antre
, & qui termine le premier acte. Y
101-20
Pyrrhus ouvre le fecond acte par ce beau
monologue , qui peint avec des couleurs
fi touchantes l'état de mifere & de douleur
où il vient de voir Philoctete dans la
caverne , ayant près de lui fa fille qui arrofoit
fes mains de larmes. Quel contraſte ,
dit- il , avec l'éducation qu'on nous donne !
p , cody courqu
"P
On écarte de nous juſqu'à l'ombre des maux
On n'offre à nos regards que de fiants tableaux
Pour ne point nous déplaire , on nous cache à
nous - mêmes ; ovo zng , ol mbase C
On ne nous entretient que de grandeurs fupre
-kot mes.unim un saciera'n aistroid as S11
On ajoûte à nos noms des noms ambitieux :
Autant que l'on le peut on fait de nous des Dieur.
JUIN.
185
1755 .
Victimes des flateurs , malheureux que nous fom
mes ,
Que ne nous apprend-t-on que les Rois font des
hommes !
·Démas furvient ; il exhorte Pyrrhus à
diffimuler encore pour engager Philoctete
à partir. La générofité de Pyrrhus attendri
s'en offenfe , & marque un vrai remords
d'avoir employé la feinte . Philoctete paroît
avec Sophie , & veut fe rendre au rivage.
Pyrrhus l'arrête. Philoctete furpris , lui en
demande la raifon . Le fatal fecret échappe
de la bouche du fils d'Achille, qui rougit de
commettre une perfidie , & lui déclare
qu'il le méne aux Atrides . A cet aveu le Roi
d'Eubée devient furieux. Pyrrhus l'inftruit
de la pofition des Grecs , & du befoin
qu'ils ont de fon bras pour renverfer
Troye , & s'arracher à une mort honteuſe ;
il le preffe en même tems d'immoler fon
reffentiment au falut de l'Etat. Philoctete
refufe de fe rendre , & fait des imprécations
contre Ulyffe & les autres chefs. Pyrrhus
lui répond , qu'il ne peut fe venger plus
noblement d'eux qu'en faifant triompher
fa patrie , & qu'en voyant Agamemnon
lui-même ramper à fes pieds. Philoctete
perfifte à ne point prêter fon fecours au
Roi d'Argos ; mais il propofe à Pyrrhus
186 MERCURE DE FRANCE.
d'aller combattre avec leurs foldats , & d'a
voir feuls la gloire de vaincre les Troyens.
Pyrrhus approuve ce parti ; mais comme il
entend du bruit , il s'éloigne avec Philoctete.
Démas qui les écoutoit , veut inftruire
Ulyffe du projet que ces deux guerriers
viennent de former ; mais le Roi d'Itaque
lui dit que les Grecs cachés avec lui fous
un rocher l'ont entendu , qu'ils ont réſolu
de les en punir ; & que s'il n'eût retenu
leur fureur , ils alloient fondre fur eux &
les immoler. Démas ajoûte qu'il craint encore
plus la fille que le pere . Ulyffe lui en
demande la raifon ; l'autre lui répond
que Pyrrhus adore Sophie."
›
Ulyffe en paroit allarmé , & quitte la
fcene en difant qu'il va voir avec les
Grecs ce qu'on doit oppofer à ce fatal
amour qui peut tout détruire.
I
Ulyffe ouvre le troifieme acte avec Démas.
Il tient un papier à la main , & dit à
Démas que les Grecs veulent entraîner
au camp Philoctete mort ou vivant , que
tel eft l'arrêt qu'ils viennent de figner ; &
que fi ce Prince refifte , ils veulent exterminer
fa famille , & faire fubir à fa fille
le fort d'Iphigénie . Ulyffe craint que Pyrrhus
ne prenne leur défenſe ; mais Démas
lui répond que fa résistance fera vaine , &
JUIN 1755. 187
que les Grecs viennent d'envelopper Philoctete
de toutes parts:
Pyrrhus paroît ; Ulyffe le preffe de partir
fans Philoctete , en difant qu'il ne veut
pas lui-même qu'on emmene ce guerrier au
camp . Pyrrhus s'excufe fur la pitié. Ulyffe
lui dit que la pitié dont il eft ému , n'eft
qu'un amour déguifé. Le premier répond
que l'amour n'eft pas un crime. Non , réplique
le Roi d'Itaque ,
Quand élevant le coeur , loin de l'humilier ,
Aux régles du devoir l'amour fçait le plier ,
Et ne l'enyvre point de fon poifon funefte :
Il eft fublime alors , la fource en eft céleste ,
Et c'eſt de cet amour que les Dieux font heureux.
Mais , Seigneur , quand l'amour , le bandeau fur
les yeux ,
Enchaîne le devoir aux pieds d'une maîtreffe ,
A des coeurs généreux n'infpire que foibleffe ,
Tient fous un joug d'airain leur courage foumis ,
Leur fait facrifier gloire , patrie , amis ,
Et des droits les plus faints rompt le noeud légitime
;
Alors , Seigneur , alors cet amour eft an crime.
Pyrrhus veut fe juftifier en difant qu'Achille
aima comme lui . Ulyffe lui repart
qu'il n'aima point aux dépens de fa gloire ,
& qu'il quitta tout pour elle. Il lui fait en
188 MERCURE DE FRANCE.
même tems une peinture pathétique de
l'état affreux où l'armée des Grecs fe trouve
réduite , ajoûtant qu'il va la joindre ,
& mourir fur le tombeau d'Achille , tandis
que fon fils refte tranquille à Lemnos
par l'amour. Ce trait réveille le
courage de Pyrrhus , & l'adroit Ulyffe pour
achever de le déterminer à le fuivre , lui
rapporte ainfi les dernieres paroles d'Achille
expirant , après qu'il l'eut arraché
lui-même des mains des Troyens .
enchaîné
Cher ami , me dit-il , cache-moi tes alarmes ;
Et laiffe- moi mourir parmi le bruit des armes. T
Par tes foins je fuis libre , & je refpire encor
Tu m'épargnes l'affront dont je flétris Hector.:
Que mon fils à jamais en garde la mémoire ,
Et te rende les foins que tu prens de ma gloire.
Sers-lui de pere , amis qu'il te ferve de fils . ' ; i
Voilà fes derniers voeux ; les avez-vous remplis
:
Pyrrhus eft prêt à partir , quand la préfence
de Sophie le retient il fe trouve
alors entre la gloire & l'amour, La premiere
foutenue par l'art d'Ulyffe , femble
d'abord l'emporter ; mais l'amour mieux
déféndu par les larmes de Sophie ', triomphe
enfin de Pyrrhus , & l'entraîne de fon
côté. Ce jeune héros en tournant les yeux
vers elle , s'écrie :
JUIN.
183 1755.
Quoi vous pleurez , courons à votre pere.
Il vole fur les pas de Sophie. Ulyffe fo
retire avec Démas , en difant que Pyrrhus
va fe perdre & combler le malheur de
Philoctete & de fa fille . Ce troifiéme Acte
eft d'une grande beauté .
Z Sophie commence le quatriéme Acte avec
Palmire fa gouvernante , & lui dit que fans
Pyrrhus les Grecs auroient furpris & enlevé
fon pere. Elle avoue avec cette ingé
nuité qui accompagne l'innocence , que
ce jeune héros lui a déclaré qu'il l'adoroit
, & qu'elle y a été fenfible par reconnoiffance
pour
le fervice qu'il a rendu à
fon pere. Palmire l'avertit de redouter les
effets de fa beauté . Je n'ai pas oublié , lui
répond Sophie , vos fages leçons.
Hélas ! cette beauté , ce charme fouverain ;
Dont le fexe s'honore , & qui le rend fi vain
Si la vertu n'en fait un ornement célefte ,
Eft , des Dieux irrités , le don le plus funefte.
" Philoctete arrive , & dit à fa fille qu'il
faut fauver l'honneur d'un pere infortuné ,
& lui remet un poignard. Sophie lui demande
quel ufage elle en doit faire : il répond
qu'il a vécu comme Hercule , &
qu'il veut mourir de même , ajoutant que
Le poifon peut encore lui porter une at
190 MERCURE DE FRANCE.
teinte , que les Grecs pourroient faifir, ce
moment pour le charger de fers , & qu'elle
doit le fouftraire à leur fureur , en faisant
ce qu'Hercule exigea de fon fils. Elle frémit
de commettre un parricide . Philoctete
defeſpéré de ce refus , s'écrie
s'écrie que dans
cette extrêmité il va lancer ces flèches redoutables
qui portent d'inévitables coups ,
& qu'il va commencer par Pyrrhus . Sophie
allarmée l'arrête , & lui apprend que
c'eft le fecours de Pyrrhus qui l'a dérobé à
l'audace des Grecs , & qu'elle en eft aimée.
Philoctete raffuré par l'amour de Pyrrhus
pour fa fille , la preffe de lui déclarer que
La flamme eft connue de fon pere , qui l'approuve
; mais que fi ce jeune guerrier ne
fe joint à lui pour les venger ,
elle rejette
avec dédain les offres de fa foi. Sophie le
lui jure , en lui difant tendrement qu'après
avoir partagé fa gloire , il eft jufte qu'elle
partage fon affront. Philoctete qui voit
venir Pyrrhus, rentre dans fon afyle , & recommande
à Sophie d'éprouver le coeur de
fon amant.
Pyrrhus dit à Sophie qu'il a fait retirer
les foldats , mais qu'elle engage fon pere
à remplir leurs voeux ; que le falut public
doit être un de fes bienfaits,, & qu'il ofe à
çe motif preffant joindre l'intérêt de fon
amour. Elle lui répond que Philoctete eft
JUI N. 1755. 191*
·
inftruit de fes feux , qu'il confent que
l'hymen les couronne , mais qu'il veut que
ces noeuds foient formés dans fes états .
Pyrrhus lui réplique en foupirant , que la
Grece l'implore , & qu'il ne peut l'abandonner,
Elle l'interrompt en lui difant que
puifque l'intérêt de fon pere & le fien lui
font moins chers que celui des Atrides ,
elle rend à fon amour les fermens qui le
lient. Seigneur , ajoute- t -elle ':
Plus grands dans nos deferts que vous ,
trône ,
fur votre
L'honneur nous tiendra lieu de fceptre & de cou
ronne.
Partez , laiffez -nous feuls dans ces fauvages lieux
La vertų pour témoin n'a befoin que des Dieux..
Pyrrhus lui fait entendre que Philoctete
a tout à craindre de la rage des Grecs. Sophie
répond que fa main va mettre un
frein à leurs droits prétendus , que fon
pere vient de l'armer d'un poignard , &
que fi les Grecs s'avançoient pour le pren
are , elle a juré de le plonger dans le coeur
de Philoctete
,› pour prévenir fa honte.
Pourriez-vous , lui dit Pyrrhus , verfer le
fang d'un pere ? elle s'écrie :
Que fçais-je leurs fureurs me ferviront de guid
des ? >
191 MERCURE DE FRANCE.
Un mortel fans honneur n'eſt plus qu'un monſtrë
affreux ,
Que tout autre homme abhorre , & qui craint
tous les yeux ;
Chaque regard l'infulte , & réveillant fa honte ;
De fon honneur perdu , lui redemande compte
Lui fait baiffer la vûe , & femble l'avertir
De fuir dans le tombeau qui devroit l'engloutir.
Pyrrhus frappé de ce tableau promet à
Sophie de périr plutôt mille fois que de
fouffrir que leurs foldats en viennent à
cette violence . Elle le quitte en lui re-.
commandant ainſi les jours de fon pere :
Etes-vous à l'abri du deſtin qui l'accable ›
Si les hommes , hélas ! réfléchiffoient fur eux ;
Ils répandroient des pleurs fur tous les malheu
reux.
Ulyffe vient apprendre à Pyrrhus que
les Troyens inftruits de l'oracle , ont profité
du tems de fon abſence pour attaquer
le camp , qu'ils font près de forcer fi luimême
ne vole au fecours des Grecs ; qu'ils
ont déja bleffé plufieurs chefs de l'armée
& qu'ils ont fouillé dans le tombeau d'Achille
, & difperfé les reftes de fon corps ,
qui font devenus la proie des chiens & des
vautours.
JUIN. 1755. 193
yautours. Pyrrhus devient furieux à cette
nouvelle , & veut voler au camp . Ulyffe
infifte alors pour enlever Philoctete , &
montre les foldats qui l'ont fuivi pour
cette exécution. Mais Pyrrhus s'écrie qu'ils
n'avancent point , que Philoctete eft armé
des traits du defefpoir , & que fa mort va
tromper leur eſpérance. Il termine le quatriéme
acte , en difant qu'il va tenter un
dernier effort auprès du pere de Sophie ,
& qu'après il s'abandonne tout entier aux
confeils d'Ulyffe.
Pyrrhus paroît d'abord feul au cinquiéme
acte , & dit à Ulyffe qui furvient , qu'il
n'a pu fléchir Philoctete. Le Roi d'Itaque
lui montre l'arrêt que la Grece a dicté contre
ce guerrier indomptable. Pyrrhus lui
repréfente qu'en livrant Philoctete à la
mort on venge la patrie , mais qu'on ne
la fauve pas. Ulyffe répond qu'avant
d'exécuter l'arrêt , il veut tout effayer , &
qu'il veut voir Philoctete , qui arrive dans
ce moment avec Sophie. C'eft ici cette admirable
fcene qui forme non feulement
un dénouement des plus heureux , mais
qui fait encore elle feule un des plus beaux
cinquiémes actes qui foient au théâtre :
il faudroit la tranfcrire toute entiere pour
en faire fentir toutes les beautés . Philoctete
à l'afpect d'Ulyffe s'écrie dans fa fu-
II.Vol. I
194 MERCURE DE FRANCE.
reur qu'on lui rende fes armes. Ce der
nier lui donne les fiennes. Philoctete veut
l'en percer , mais Pyrrhus l'arrête . Ce
guerrier les brave par ces deux vers , dont
le dernier eft digne de Corneille :
Un oracle accablant vous à glacés d'effroi.
Vous vous trouvez preffés entre les Dieux & moi.
Ulyffe lui dit de ne punir que lai , &
d'avoir pitié de fa patrie :
Graces à mon exil , cruel je n'en ai plus ,
Lui répond Philoctete :
•
Je voue à vos fureurs les Grecs que je détefte ;
Dieux ! épargnez Pyrrhus & foudroyez le refte .
Le fils d'Achille eſt révolté de cette imprécation
; mais Ulyffe combat alors Philoctete
avec tous les traits de fon éloquen-.
ce. Il l'attaque par fon foible , c'eſt - à- dire
par l'endroit le plus fenfible à fa gloire.p
Vous ofez (lui dit- il ) confpirer contre votre pays...
Quand un homme a formé ce projet parricide ,
On dévoue aux tourmens ce citoyen perfide :
Son opprobre s'attache aux flancs qui l'ont posté ,
Et fa honte le fuit dans fa poftérité .
A fes concitoyens fon nom eft exécrable ;
On recherche avec foin les traces dy coupable.
JUIN. 1755. 195
Rebut de l'univers , à foi- même odieux :
Il vit errant , fans loix , fans amis & fans Dieux.
Son fupplice aux mortels offre un exemple horri
ble ;
Le tombeau lui refuſe un afyle paifible ,
Et la terre abandonne aux monftres dévorans ,
De fon corps déchiré , les reftes expirans.
Ses manes agités d'une éternelle rage ,
En vain parmi les morts fe cherchent un paffage ;
L'enfer même l'enfer fe rend fourd à fes cris.
Si vous l'ofez , cruel , vengez - vous à ce prix.
Philoctete eft effrayé de cette image.
Ulyffe pour achever de le defarmer , &
pour frapper le dernier coup , preffe Pyrrhus
de partir. Renvoyez , dit - il , des
vaiffeaux qui puiffent tranfporter ce héros
par-tout où il voudra aller :
Maître du fort des Grecs , qu'il le foit de lui- mê
me.
Emmenez tous nos Grecs ; je refte près de lui.
Philoctete à ces mots s'écrie :
Ulyffe près de moi ! retire-toi barbare .
Ulyffe lui fait cette réplique admirable ,
qui le met pour ainfi dire au pied du mur .
Si votre coeur pour moi ne peut être adouci ,
Suivez les Grecs , Seigneur , & me laiffez ici.
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
Philoctete à ce trait demeure interdit.
Sa fille fe joint à Ulyffe , & embraſſe ſes
genoux pour le fléchir . Ce guerrier attendri
par les larmes de fa fille , céde à cette
derniere inftance . Il lui facrifie fon reffentiment
, conſent de l'unir à Pyrrhus , &
termine la piece en difant :
Le Ciel m'ouvre les yeux fur la vertu d'Ulyffe ,
Et femble m'annoncer la fin de mon fupplice :
En marchant fur les pas au rivage Troyen ,
Nous fuivrons le grand homme & le vrai citoyen.
On ne peut pas conduire ni dénouer
une piece avec plus d'art. Que M. de Châteaubrun
a tiré fur tout un heureux parti
de l'épifode de Sophie ! 'que fon Ulyffe eft
beau ! & que M. de la Noue l'a bien
rendu !
Fermer
Résumé : EXTRAIT DE PHILOCTETE.
L'extrait de 'Philoctète' se déroule sur l'île de Lemnos, où Ulysse et Pyrrhus discutent de la nécessité de ramener Philoctète, un guerrier essentiel à la victoire contre Troie. Philoctète, abandonné sur l'île en raison d'une blessure empoisonnée incurable, est décrit comme farouche et insupportable. Ulysse conseille à Pyrrhus de feindre un naufrage pour approcher Philoctète sans éveiller sa méfiance. Pyrrhus rencontre Sophie, la fille de Philoctète, et apprend son histoire. Philoctète apparaît ensuite, exprimant son ressentiment contre les Grecs. Pyrrhus se propose de les conduire, lui et Sophie, dans leur patrie, mais un accès de douleur oblige Philoctète à rentrer dans sa caverne. Dans le second acte, Pyrrhus exprime sa pitié pour la misère de Philoctète. Ulysse révèle à Pyrrhus que les Grecs sont prêts à tout pour ramener Philoctète. Philoctète, furieux, refuse de se rendre aux Grecs. Pyrrhus propose alors de combattre avec lui contre les Troyens, sans les autres Grecs. Dans le troisième acte, Ulysse et Démas discutent de la manière de capturer Philoctète. Pyrrhus, partagé entre son amour pour Sophie et son devoir, finit par choisir l'amour. Sophie avoue à sa gouvernante qu'elle aime Pyrrhus. Dans le quatrième acte, Sophie révèle à Philoctète l'amour de Pyrrhus et son aide contre les Grecs. Philoctète accepte leur union à condition que Pyrrhus les aide à se venger. Pyrrhus, pressé par Sophie, accepte de rejoindre Philoctète pour combattre les Troyens, malgré les appels de la Grèce. Dans le cinquième acte, Ulysse montre à Philoctète un arrêt de mort dicté par la Grèce. Philoctète, face à Ulysse, exige ses armes mais est arrêté par Pyrrhus. Ulysse utilise son éloquence pour convaincre Philoctète de renoncer à sa vengeance, en lui décrivant les horreurs réservées aux traîtres. Touché par les larmes de sa fille Sophie, Philoctète cède et accepte de se réconcilier. La pièce se termine par l'union de Sophie et Pyrrhus, et Philoctète reconnaît la vertu d'Ulysse.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 196-200
COMEDIE ITALIENNE.
Début :
Le 22 Mai les Comédiens Italiens ont remis, ou plutôt donné pour la premiere [...]
Mots clefs :
Comédiens-Italiens, Comédie en danse, Ballet
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texteReconnaissance textuelle : COMEDIE ITALIENNE.
COMEDIE ITALIENNE.
LE 22 Mai les Comédiens Italiens ont
remis , ou plutôt donné pour la premiere
fois , le Mai , Ballet mêlé de chants . Il eft
changé & embelli de façon qu'on peut
l'annoncer comme un divertiffement nouveau
; on peut même dire qu'il forme une
petitè Comédie en danfe. J'ajouterai qu'on
JUI N. 1755. 197
*
en voit peu qui faffent autant de plaifir au
théâtre par la variété & par la gaieté continue.
Je crois obliger le lecteur de lui en
donner ici le Programme .
Le fond du théâtre repréfente la porte
d'un château , au - deffus l'on découvre
une terraffe ornée de baluftrades & de fontaines
& garnie de vafes remplis de
fleurs.
>
PREMIERE ENTRÉE .
Le Ballet commence au point du jour ;
plufieurs Payfans viennent pour donner
des bouquets à leurs maîtreffes , d'autres
apportent des échelles à un fignal ; plufieurs
jeunes Payfans & Payfannes garniffent
la terraffe & reçoivent les bouquets.
Les Amans témoignent leur joie par une
danfe vive.
SECONDE ENTRÉE.
Les Payfannes fortent du château avec
leurs bouquets, & remercient les Payfans de
leur galanterie ; ils vont tous pour rentrer
dans le château , un Payfan retient deux
des Payfannes & danfe avec elles un pas
de trois .
TROISIEME ENTRE E.
Une autre troupe de Payfans & Payfan
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
nes viennent planter le Mai devant la
porte du château ; tous danfent autour ,
pendant que la jeuneffe forme une danfe
gaie fur la terraffe , de forte que l'on voit
en même tems deux corps de Ballets . Un
Payfan chante les agrémens du mois de
Mai.
QUATRIEME ENTRÉE.
La porte du château s'ouvre ; le Seigneur
& la Dame vêtus en Berger & Bergere
, & fuivis de tous les habitans , forment
une marche autour du Mai ; une
Bergere chante , un Payfan & une Payſanne
danfent un pas deux.
Le Seigneur & la Dame chantent une
Mufette , elle invite après un Berger à la
danfer avec elle . Ils exécutent enfuite un
Tambourin.
Le pas de deux eft coupé par un pas de
trois , qui à fon tour l'eft par un autre pas
de deux tous les Payfans & Payfannes
chantent & danfent une ronde.
CINQUIEME ENTRÉE.
Contredanfe.
Ce Divertiffement eft compofé de trois
corps de Ballets , le premier commence la
contredanſe.
JUIN. 1755-
199
Danfé par
Second Couplet.
les amans & leurs maîtreffes .
Troifiéme Couplet.
Danfé par la jeuneſſe du village .
Danfé
Quatrieme Couplet.
par le Seigneur & la Dame.
Cinquième Couplet.
Les trois corps de Ballets fe joignent
enfemble . La jeuneffe occupe toujours le
centre , & fe trouve fouvent fous les bras
des deux autres corps de Ballets , ce qui
multiplie les figures de façon qu'il paroît
beaucoup plus de monde qu'il n'y en a.
La Contredanfe finit par une lutte d'entrechats.
Premier pas de trois.
Mlle Camille . M. Sody. Mile Catinop
Premier
pas
de deux.
Mlle Camille. M. Balletti ( cadet . )
Deuxieme pas
de deux.
Mlle Favart. M. Balletti ( aîné . )
Deuxieme pas de trois.
M. Berquelor. Mlle Marine. M. Dupuis.
I iv
200 MERCURE DE FRANCE .
Troisieme pas de deux.
Mlle Catinon . M. Billioni.
Troifieme pas de trois.
M. Vifintini. Mlle Artus. M. Artus.
LE 22 Mai les Comédiens Italiens ont
remis , ou plutôt donné pour la premiere
fois , le Mai , Ballet mêlé de chants . Il eft
changé & embelli de façon qu'on peut
l'annoncer comme un divertiffement nouveau
; on peut même dire qu'il forme une
petitè Comédie en danfe. J'ajouterai qu'on
JUI N. 1755. 197
*
en voit peu qui faffent autant de plaifir au
théâtre par la variété & par la gaieté continue.
Je crois obliger le lecteur de lui en
donner ici le Programme .
Le fond du théâtre repréfente la porte
d'un château , au - deffus l'on découvre
une terraffe ornée de baluftrades & de fontaines
& garnie de vafes remplis de
fleurs.
>
PREMIERE ENTRÉE .
Le Ballet commence au point du jour ;
plufieurs Payfans viennent pour donner
des bouquets à leurs maîtreffes , d'autres
apportent des échelles à un fignal ; plufieurs
jeunes Payfans & Payfannes garniffent
la terraffe & reçoivent les bouquets.
Les Amans témoignent leur joie par une
danfe vive.
SECONDE ENTRÉE.
Les Payfannes fortent du château avec
leurs bouquets, & remercient les Payfans de
leur galanterie ; ils vont tous pour rentrer
dans le château , un Payfan retient deux
des Payfannes & danfe avec elles un pas
de trois .
TROISIEME ENTRE E.
Une autre troupe de Payfans & Payfan
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
nes viennent planter le Mai devant la
porte du château ; tous danfent autour ,
pendant que la jeuneffe forme une danfe
gaie fur la terraffe , de forte que l'on voit
en même tems deux corps de Ballets . Un
Payfan chante les agrémens du mois de
Mai.
QUATRIEME ENTRÉE.
La porte du château s'ouvre ; le Seigneur
& la Dame vêtus en Berger & Bergere
, & fuivis de tous les habitans , forment
une marche autour du Mai ; une
Bergere chante , un Payfan & une Payſanne
danfent un pas deux.
Le Seigneur & la Dame chantent une
Mufette , elle invite après un Berger à la
danfer avec elle . Ils exécutent enfuite un
Tambourin.
Le pas de deux eft coupé par un pas de
trois , qui à fon tour l'eft par un autre pas
de deux tous les Payfans & Payfannes
chantent & danfent une ronde.
CINQUIEME ENTRÉE.
Contredanfe.
Ce Divertiffement eft compofé de trois
corps de Ballets , le premier commence la
contredanſe.
JUIN. 1755-
199
Danfé par
Second Couplet.
les amans & leurs maîtreffes .
Troifiéme Couplet.
Danfé par la jeuneſſe du village .
Danfé
Quatrieme Couplet.
par le Seigneur & la Dame.
Cinquième Couplet.
Les trois corps de Ballets fe joignent
enfemble . La jeuneffe occupe toujours le
centre , & fe trouve fouvent fous les bras
des deux autres corps de Ballets , ce qui
multiplie les figures de façon qu'il paroît
beaucoup plus de monde qu'il n'y en a.
La Contredanfe finit par une lutte d'entrechats.
Premier pas de trois.
Mlle Camille . M. Sody. Mile Catinop
Premier
pas
de deux.
Mlle Camille. M. Balletti ( cadet . )
Deuxieme pas
de deux.
Mlle Favart. M. Balletti ( aîné . )
Deuxieme pas de trois.
M. Berquelor. Mlle Marine. M. Dupuis.
I iv
200 MERCURE DE FRANCE .
Troisieme pas de deux.
Mlle Catinon . M. Billioni.
Troifieme pas de trois.
M. Vifintini. Mlle Artus. M. Artus.
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Résumé : COMEDIE ITALIENNE.
Le 22 mai 1755, les Comédiens Italiens ont présenté pour la première fois le ballet 'Le Mai', un spectacle mêlant chants et danses, annoncé comme un divertissement nouveau et comparable à une petite comédie en danse. Ce ballet, salué pour sa variété et sa gaieté, se déroule devant la porte d'un château orné de balustrades, fontaines et vases de fleurs. Il se compose de cinq entrées distinctes. La première entrée montre des valets apportant des bouquets à leurs maîtresses et dansant avec eux. La deuxième entrée voit les valets et valettes sortir du château pour remercier les valets et danser. La troisième entrée présente une autre troupe de valets et valettes plantant le Mai et dansant autour. La quatrième entrée voit le seigneur et la dame, vêtus en bergers, ouvrir la porte du château et danser avec les habitants. La cinquième entrée est une contredanse composée de trois corps de ballets, incluant les amants, la jeunesse du village et le seigneur et la dame. Les principaux danseurs incluent Mlle Camille, M. Sody, Mlle Catinon, M. Balletti, Mlle Favart, M. Berquelor, Mlle Marine, M. Dupuis, Mlle Artus et M. Artus.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 200-203
VAUDEVILLE SUR LA CONTREDANSE.
Début :
Allons gai : [...]
Mots clefs :
Comédiens-Italiens, Mois de mai, Comédie, Musique
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : VAUDEVILLE SUR LA CONTREDANSE.
VAUDEVILLE SUR LA CONTREDANSE.
•
PREMIER COUPLET.
Allons gai:
Voici le mois de Mai ,
Le doux mois d'amourette.
Commençons
Nos jeux & nos chanfons ,
Et, danfops fur l'herbette .
Colin
Prend Colinette ;
De violette
Pare fon fein.
Le coeur
Le plus fauvage
Souvent s'engage . ¡
Par une fleur.
Allons gai , &c.
Bergers , une fleurette
De vos feux devient l'interprête
Et Flore
Fait éclore
Ses préfens
JUIN. 1755. 201
VILLA
Pour fervir les amans.
Allons gai , & c.
SECOND
Allons gai , & c.
Plaiſirs ,
COUPLE T.
Bonheur champêtre ,
Vous allez naître
De nos foupirs.
Tout rit
Dans ces afyles ,
Ces lieux tranquilles
Qu'amour chérit.
Allons gai , & c.
Déja tout fent les flammes ,
Tendre amour , printems de nos ames
Tu charmes ,
Tu defarmes
Nos rigueurs
Par tes attraits vainqueurs;
Allons gai , & c .
TROISIEME COUPLET.
Allons gai , & c .
Le fon
De la mufette
Séduit Lifette
Sur le gazon .
Tirfis
LYON
Iv
202 MERCURE DE FRANCE.
Par cette adreffe ,
De fa tendreffe
Reçoit le prix.
Allons gai , & c.
L'amour fous nos fougères
Tend des lacs aux jeunes Bergeres .
Fillette
Joliette ,
En ce mois.
N'allez point feule aux bois.
Allons gai , &c.
QUATRIEME COUPLET.
Palfangué ,
Voici le mois de mai , &c.
Vien çà ,
Vien çà , Paquette ,
A la franquette ,
Mets ta main là.
Morgue ,
De t'voir fi fiare ;
Sçais-tu que Piare
Eft fatigué ?
Jarnigué , voici , &c .
Faut-il que j'aille au piautre ,
Quand j'avons un coeur comme un autre ?
Mais ... fille ...
Ton oeil brille ,
Et je fens
JUIN. 1755 203
Naître en moi le printems.
Sarpegué , voici , &c.
Les paroles de ce Vaudeville font de
M. Favart. Les danfes du Ballet font de la
compofition de M. Deheffe , & la mufique
eft de M. Defbroffes ,
Le 31 Mai les Comédiens Italiens donnerent
la premiere repréſentation du Maître
de Musique , Comédie nouvelle en
deux actes , mêlée d'arietes , & parodiée
de l'Italien , avec un divertiffement. Cette
piece eft de M. Borand , Auteur de la
Servante Maitreffe ; le public lui a fait un
accueil favorable. Le premier acte paroît
avoir le plus réuffi , nous en rendrons un
compte plus détaillé dans la fuite des repréfentations
•
PREMIER COUPLET.
Allons gai:
Voici le mois de Mai ,
Le doux mois d'amourette.
Commençons
Nos jeux & nos chanfons ,
Et, danfops fur l'herbette .
Colin
Prend Colinette ;
De violette
Pare fon fein.
Le coeur
Le plus fauvage
Souvent s'engage . ¡
Par une fleur.
Allons gai , &c.
Bergers , une fleurette
De vos feux devient l'interprête
Et Flore
Fait éclore
Ses préfens
JUIN. 1755. 201
VILLA
Pour fervir les amans.
Allons gai , & c.
SECOND
Allons gai , & c.
Plaiſirs ,
COUPLE T.
Bonheur champêtre ,
Vous allez naître
De nos foupirs.
Tout rit
Dans ces afyles ,
Ces lieux tranquilles
Qu'amour chérit.
Allons gai , & c.
Déja tout fent les flammes ,
Tendre amour , printems de nos ames
Tu charmes ,
Tu defarmes
Nos rigueurs
Par tes attraits vainqueurs;
Allons gai , & c .
TROISIEME COUPLET.
Allons gai , & c .
Le fon
De la mufette
Séduit Lifette
Sur le gazon .
Tirfis
LYON
Iv
202 MERCURE DE FRANCE.
Par cette adreffe ,
De fa tendreffe
Reçoit le prix.
Allons gai , & c.
L'amour fous nos fougères
Tend des lacs aux jeunes Bergeres .
Fillette
Joliette ,
En ce mois.
N'allez point feule aux bois.
Allons gai , &c.
QUATRIEME COUPLET.
Palfangué ,
Voici le mois de mai , &c.
Vien çà ,
Vien çà , Paquette ,
A la franquette ,
Mets ta main là.
Morgue ,
De t'voir fi fiare ;
Sçais-tu que Piare
Eft fatigué ?
Jarnigué , voici , &c .
Faut-il que j'aille au piautre ,
Quand j'avons un coeur comme un autre ?
Mais ... fille ...
Ton oeil brille ,
Et je fens
JUIN. 1755 203
Naître en moi le printems.
Sarpegué , voici , &c.
Les paroles de ce Vaudeville font de
M. Favart. Les danfes du Ballet font de la
compofition de M. Deheffe , & la mufique
eft de M. Defbroffes ,
Le 31 Mai les Comédiens Italiens donnerent
la premiere repréſentation du Maître
de Musique , Comédie nouvelle en
deux actes , mêlée d'arietes , & parodiée
de l'Italien , avec un divertiffement. Cette
piece eft de M. Borand , Auteur de la
Servante Maitreffe ; le public lui a fait un
accueil favorable. Le premier acte paroît
avoir le plus réuffi , nous en rendrons un
compte plus détaillé dans la fuite des repréfentations
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Résumé : VAUDEVILLE SUR LA CONTREDANSE.
Le texte présente un vaudeville intitulé 'Vaudeville sur la contredanse', composé de plusieurs couplets célébrant l'arrivée du mois de mai et les plaisirs champêtres associés à l'amour et à la nature. Le premier couplet invite à la gaieté et à la danse, mettant en scène Colin et Colinette qui s'engagent par une fleur. Le second couplet évoque les plaisirs et le bonheur champêtre, charmé par l'amour et le printemps. Le troisième couplet décrit l'amour qui tend des pièges aux jeunes bergères, tandis que le quatrième couplet est une invitation plus directe et familière à la danse et à l'amour. Les paroles sont de M. Favart, les danses du ballet de M. Deheffe, et la musique de M. Desbroffes. Le 31 mai 1755, les Comédiens Italiens ont donné la première représentation de 'Le Maître de Musique', une comédie en deux actes mêlée d'ariettes et parodiée de l'italien, avec un divertissement. Cette pièce, écrite par M. Borand, auteur de 'La Servante Maîtresse', a reçu un accueil favorable du public, notamment pour son premier acte.
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5
p. 203-204
CONCERT SPIRITUEL.
Début :
Le Concert qui fut exécuté le Jeudi 29 Mai, jour de la Fête-Dieu, fut très-beau [...]
Mots clefs :
Concert spirituel, Concert
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CONCERT SPIRITUEL.
CONCERT SPIRITUEL.
LE
E Concert qui fut exécuté le Jeudi
29 Mai , jour de la Fête- Dieu , fut trèsbeau
& très- varié . Il commença par la
premiere fuite des pieces de clavecin de
M. Clement , mife en fymphonie par luimême
; enfuite Cantate à grand choeur de
M. Davefne. Mme Veftris de Giardini
chanta deux airs Italiens. On s'apperçoit
I vj
204 MERCURE DE FRANCE .
du progrès qu'elle fait chaque jour ; elle
met à profit les bons confeils qu'on lui
donne , & mérite de plus en plus l'applaudiffement
des connoiffeurs . Mlle Sixte , qui
a chanté au Concert de la Reine , débuta
avec le plus brillant fuccès dans Ufquequò ,
petit motet de M. Mouret. Le public a
conçu de fon talent les plus grandes efpérances
; l'accueil qu'elle en a reçu doit raffurer
fa timidité , & l'engager à tenir tout
ce qu'elle promet.
M. Balbatre joua fur l'orgue l'ouverture
de Pigmalion , fuivie des Sauvages , & fit
toujours un nouveau plaifir. Le Concert
finit par Magnus Dominus , motet à grand
choeur de M. de Mondonville.
LE
E Concert qui fut exécuté le Jeudi
29 Mai , jour de la Fête- Dieu , fut trèsbeau
& très- varié . Il commença par la
premiere fuite des pieces de clavecin de
M. Clement , mife en fymphonie par luimême
; enfuite Cantate à grand choeur de
M. Davefne. Mme Veftris de Giardini
chanta deux airs Italiens. On s'apperçoit
I vj
204 MERCURE DE FRANCE .
du progrès qu'elle fait chaque jour ; elle
met à profit les bons confeils qu'on lui
donne , & mérite de plus en plus l'applaudiffement
des connoiffeurs . Mlle Sixte , qui
a chanté au Concert de la Reine , débuta
avec le plus brillant fuccès dans Ufquequò ,
petit motet de M. Mouret. Le public a
conçu de fon talent les plus grandes efpérances
; l'accueil qu'elle en a reçu doit raffurer
fa timidité , & l'engager à tenir tout
ce qu'elle promet.
M. Balbatre joua fur l'orgue l'ouverture
de Pigmalion , fuivie des Sauvages , & fit
toujours un nouveau plaifir. Le Concert
finit par Magnus Dominus , motet à grand
choeur de M. de Mondonville.
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Résumé : CONCERT SPIRITUEL.
Le concert spirituel du jeudi 29 mai, jour de la Fête-Dieu, fut marqué par une grande diversité et une haute qualité musicale. Il débuta avec la première suite des pièces de clavecin de M. Clément, orchestrée par lui-même, suivie d'une cantate à grand chœur de M. Davenne. Mme Vestris de Giardini interpréta deux airs italiens, révélant un progrès quotidien et méritant les applaudissements des connaisseurs. Mlle Sixte, déjà connue pour ses performances au Concert de la Reine, fit ses débuts dans le petit motet 'Usquequò' de M. Mouret, suscitant de grandes attentes. M. Balbastre joua à l'orgue l'ouverture de 'Pigmalion' suivie des 'Sauvages', offrant un nouveau plaisir aux auditeurs. Le concert se conclut par 'Magnus Dominus', un motet à grand chœur de M. de Mondonville.
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