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1
p. 234-238
LETTRE du P. Castel, en Réponse à M. le Gendre de S. Aubin, sur l'Existence des Points inégaux.
Début :
J'ay lû, M. ce que vous m'avez fait l'honneur d'écrire pour et contre quelques-unes de mes [...]
Mots clefs :
Points inégaux, Point, Points, Géométrie, Surface, Ligne, Étendue, Corps, Entendement, Profondeur
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE du P. Castel, en Réponse à M. le Gendre de S. Aubin, sur l'Existence des Points inégaux.
LETTRE du P. Castel , en Réponse
à M. le Gendre de S. Aubin , sur l'Existence
des Points inégaux .
J'Ay lit ,M. ce que vous m'avez faitl'honneur d'écrire pour et contre quelques- unes de mes
Pensées. Là - dessus et sur vos autres Ouvrages
j'ai conçu une grande idée de votre Erudition
philosophique et de la maniere nette et débarassée
dont vous maniez la plupart des questions
que votre sujet vous présente. Mais , avec la même
candeur , je vous avoue que je voudrois que
yous n'eussiez point touché , au moins si fortement
, à la Géométrie moderne , qui est tout aussi
certaine que la Géométrie ancienne , lorsqu'elle
est en bonne main .
Pour ce qui me regarde , je ne me formalise
point que vous soyez un peu révolté contre mes
Points inégaux, et même, si vous voulez . incommensurables
. Il est bon d'éclaircir les nouveautéz.
Et croyez vous que la premiere fois que ces
Points se présenterent à moi , je fus fort docile
à m'y ren ire , et que je m'y fusse jamais rendu,
si la suite invariable des conclusions géométriques
qui m'y avoient conduit , ne m'avoient
enfin entraîné malgré moi ?
Car vous insinuez dans votre Réponse qu'on
aime la nouveauté et qu'on court après , comme
s'il n'y avoit qu'à courir . Croyez - moy , M. ceux
qui y donnent , le font tout bonnement sans y
penser , sans le sçavoir , et parce qu'apparamment
ils sont faits pour y donner ; au lieu que
je.
FEVRIER. 7134. 235
je meferois bien fort de montrer que ce sont ceux
qui n'y donnent pas , qui souvent y courent le
plus . Peu importe , chacun fait comme il veut,
Comme il sçait et comme il peut.
Pour mes Points ils sont démontrez , puisqu'ils
le sont géométriquement et par la Géometrie
même d'Euclide, sans aucun excès de raisonnement
ou de discours , dont on puisse se défier.
Car c'est Euclide même qui dit qu'un cercle ne
touche une ligne qu'en un point , et que l'intersection
de deux lignes droites n'est jamais qu'un
point. Or le contact d'un plus grand cercle est
un plus grand point , aussi bien que l'intersection
plus oblique de deux lignes ; cela se voit
dans le Physique, et se conçoit très-bien dans le
Géometrique ; et voilà tout.
La chose est si vraye au reste , qu'après avoir
rapporté une de mes Démonstrations , vous n'avez
pas jugé à propos de l'entamer . Vous avez
pris un autre tour , selon l'ancienne maniere philosophique
, dont vous deviez pourtant vous défier
, après avoir si bien montré dans votre Traité
qu'elle n'est bonne qu'à former des opinions
frivoles.
Vous concevez une partie de matiere et vous
la concevez , dites - vous , aussi petite qu'elle peut
être. C'est beaucoup ,je n'en veux pas davantage.
Mais c'est en Géométre qu'il faut prendre desormais
cette supposition avec précision , avec
force , sans la rétracter par aucune contre supposition
secrette.
Une partie de matiere aussi petite qu'elle peut
être , n'est ni d'un pied de diametre , ni d'un demi
pied , ni d'un pouce , ni d'une ligne , ni a'une
demi ligne , ni d'un centiéme , ni d'un miliémo ,
&c. de ligne , ni d'une mesure, en un mot, qu'on
puisse
236 MERCURE DE FRANCE
puisse partager ni en deux , ni en trois , ni en
aucun nombre imaginable. Cette partie ainsi di
minuée est une partie en effet et non un tout.
Elle est une , elle est indivisible c . q. f. d. même
par votre supposition.
Comment donc, M. y distinguez - vous tout de
suite deux parties , dont l'une touche à un plan ,
l'autre ne le touche pas , l'une étant en dessus et
l'autre en dessous ? C'est que vous n'avez pas
suivi le fil géometrique de votre propre hypothese.
Mais ce que vous n'avez pas fait , c'est
à moi de le faire pour éluder votre objection . Je
le ferai donc , ma coûtume , lorque j'ai un principe
, étant de le laisser aller tout droit , me réservant
à juger de sa valeur par le but où il va
aboutir.
Comme celui- cy n'aboutit qu'à dire avec Euclide
, que le Point est ce qui n'a point de parties
, punctum est cujus pars nulla mais je ne
sçaurois m'en défier.
›
Les Points que j'admets sont de vrais Points
physiques autant que géométriques . Leur donnez-
vous un dessous ? Je leur ôte donc le dessus.
J'étois jeune lorsqu'un Maître m'amusoit de ce
raisonnement. S'il y avoit un Point quelque part
au milieu de l'air , il regarderoit l'Orient et l'Occident
, le Septentrion et le Midi , le Zénith et le
Nadir. Je trouvois cela évident ; je ne connoissois
encore que des corps , et le Point que je concevois
étoit un corps.
Mais un Point , ai - je dit enfin , est un Point
et n'a par conséquent qu'un aspect. Six Points
cardinaux qui ont six aspects , sont six points.
Celui de l'Orient n'est pas celui de l'Occident.
Est -ce qu'un angle qui tourne la pointe au Midy,
la tourne aussi au Nord Est-ce que dans une
Place
FEVRIER . 1734. 237
Place de guerre , le même angle est saillant et
rentrant Est- ce qu'une pointe pique en dedans
comme en dehors.
Le Point , dites- vous , est une abstraction de
l'entendement. J'avois prévenu cette objection
dans l'endroit de ma Mathématique que vous at
taquez . Le Point , la ligne , la surface . appartiennent
à l'étendue , sont dans l'étenduë , indépendamment
de notre entendement ; et s'ils sont
dans notre entendement , ils sont donc aussi dans
l'étenduë qui en est l'objet . Il seroit ridicule que
la Géomerie , tant pratique que speculative , ne
fut fondée que sur une abstraction de l'entendement.
Ce seroit une Géometrie toute fantastique
à laquelle il n'y a nul doute que l'etenduë ne se
refusât ; au lieu que dans la pratique , l'étenduë
se prête à la Géométrie avec un concert qu'on
ne peut trop admirer .
Il est réel et très- réel que les corps sont terminez
par des surfaces , par des lignes , par des
points. Y a- t'il rien de plus réel que les bornes
qui terminent toutes choses ? Or ces bornes sont
indivisibles et n'ont chacune qu'un côté . La surface
n'est surface que du côté qu'elle présente ,
en dehors et non en dedans . On voit ce côté ,
mais on ne voit que ce côté ; on fait plus , on le
touche et on ne touche que lui . Bien surement
ce qu'on voit et ce qu'on touche est réel hors
de notre entendement.
Quoi ! je puis par une operation aussi grossiere
que l'est le toucher , faire le discernement
de la surface et du corps ; toucher la surface ,
longueur et largeur , sans toucher la profondeur?
Et vous me direz que ces choses là ne sont pas
réellement distinctes , et qu'elles ne le sont que
par une operation de l'esprit , tandis qu'elles le
sont
228 MERCURE DE FRANCE
sont par une operation de l'oeil , et même de la
main.
Car absolument ce que je vois , ce que je tou
che, n'a point de profondeur. Au - dessous , je sçai
bien qu'il y a une profondeur ; mais elle appartient
au corps et non à la surface.
Je vois ce qui vous embarasse et ce qui a de
tout temps embarassé ceux qui ont agité cette
question pour et contre. Si le Point n'est pas la
ligne , si la longueur n'est pas la largeur ou la
profondeur , vous voudriez qu'on séparât tout
cela et qu'on laissât - là la matiere sans largeur ,
sans longueur , &c .
Quand je dirois que cela est impossible , je ne
dirois autre chose , si ce n'est que les modification
ne se séparent pas des choses modifiées , ni
les accidens des substances . Mais qui suis - je pour
dire que cela est impossible ? Il est impossible
aux hommes de faire des Points indivisibles.
Mais je n'oserois dire que cela fût impossible à
Dieu , et c'est , j'ose le dire , la Géometrie même
qui de concert avec la Religion , m'inspire ce respect
, depuis sur tout qu'elle m'a fourni cette expression
simple d'une chose bien sublime 1 :
I dont j'ai donné ailleurs l'explication.
à M. le Gendre de S. Aubin , sur l'Existence
des Points inégaux .
J'Ay lit ,M. ce que vous m'avez faitl'honneur d'écrire pour et contre quelques- unes de mes
Pensées. Là - dessus et sur vos autres Ouvrages
j'ai conçu une grande idée de votre Erudition
philosophique et de la maniere nette et débarassée
dont vous maniez la plupart des questions
que votre sujet vous présente. Mais , avec la même
candeur , je vous avoue que je voudrois que
yous n'eussiez point touché , au moins si fortement
, à la Géométrie moderne , qui est tout aussi
certaine que la Géométrie ancienne , lorsqu'elle
est en bonne main .
Pour ce qui me regarde , je ne me formalise
point que vous soyez un peu révolté contre mes
Points inégaux, et même, si vous voulez . incommensurables
. Il est bon d'éclaircir les nouveautéz.
Et croyez vous que la premiere fois que ces
Points se présenterent à moi , je fus fort docile
à m'y ren ire , et que je m'y fusse jamais rendu,
si la suite invariable des conclusions géométriques
qui m'y avoient conduit , ne m'avoient
enfin entraîné malgré moi ?
Car vous insinuez dans votre Réponse qu'on
aime la nouveauté et qu'on court après , comme
s'il n'y avoit qu'à courir . Croyez - moy , M. ceux
qui y donnent , le font tout bonnement sans y
penser , sans le sçavoir , et parce qu'apparamment
ils sont faits pour y donner ; au lieu que
je.
FEVRIER. 7134. 235
je meferois bien fort de montrer que ce sont ceux
qui n'y donnent pas , qui souvent y courent le
plus . Peu importe , chacun fait comme il veut,
Comme il sçait et comme il peut.
Pour mes Points ils sont démontrez , puisqu'ils
le sont géométriquement et par la Géometrie
même d'Euclide, sans aucun excès de raisonnement
ou de discours , dont on puisse se défier.
Car c'est Euclide même qui dit qu'un cercle ne
touche une ligne qu'en un point , et que l'intersection
de deux lignes droites n'est jamais qu'un
point. Or le contact d'un plus grand cercle est
un plus grand point , aussi bien que l'intersection
plus oblique de deux lignes ; cela se voit
dans le Physique, et se conçoit très-bien dans le
Géometrique ; et voilà tout.
La chose est si vraye au reste , qu'après avoir
rapporté une de mes Démonstrations , vous n'avez
pas jugé à propos de l'entamer . Vous avez
pris un autre tour , selon l'ancienne maniere philosophique
, dont vous deviez pourtant vous défier
, après avoir si bien montré dans votre Traité
qu'elle n'est bonne qu'à former des opinions
frivoles.
Vous concevez une partie de matiere et vous
la concevez , dites - vous , aussi petite qu'elle peut
être. C'est beaucoup ,je n'en veux pas davantage.
Mais c'est en Géométre qu'il faut prendre desormais
cette supposition avec précision , avec
force , sans la rétracter par aucune contre supposition
secrette.
Une partie de matiere aussi petite qu'elle peut
être , n'est ni d'un pied de diametre , ni d'un demi
pied , ni d'un pouce , ni d'une ligne , ni a'une
demi ligne , ni d'un centiéme , ni d'un miliémo ,
&c. de ligne , ni d'une mesure, en un mot, qu'on
puisse
236 MERCURE DE FRANCE
puisse partager ni en deux , ni en trois , ni en
aucun nombre imaginable. Cette partie ainsi di
minuée est une partie en effet et non un tout.
Elle est une , elle est indivisible c . q. f. d. même
par votre supposition.
Comment donc, M. y distinguez - vous tout de
suite deux parties , dont l'une touche à un plan ,
l'autre ne le touche pas , l'une étant en dessus et
l'autre en dessous ? C'est que vous n'avez pas
suivi le fil géometrique de votre propre hypothese.
Mais ce que vous n'avez pas fait , c'est
à moi de le faire pour éluder votre objection . Je
le ferai donc , ma coûtume , lorque j'ai un principe
, étant de le laisser aller tout droit , me réservant
à juger de sa valeur par le but où il va
aboutir.
Comme celui- cy n'aboutit qu'à dire avec Euclide
, que le Point est ce qui n'a point de parties
, punctum est cujus pars nulla mais je ne
sçaurois m'en défier.
›
Les Points que j'admets sont de vrais Points
physiques autant que géométriques . Leur donnez-
vous un dessous ? Je leur ôte donc le dessus.
J'étois jeune lorsqu'un Maître m'amusoit de ce
raisonnement. S'il y avoit un Point quelque part
au milieu de l'air , il regarderoit l'Orient et l'Occident
, le Septentrion et le Midi , le Zénith et le
Nadir. Je trouvois cela évident ; je ne connoissois
encore que des corps , et le Point que je concevois
étoit un corps.
Mais un Point , ai - je dit enfin , est un Point
et n'a par conséquent qu'un aspect. Six Points
cardinaux qui ont six aspects , sont six points.
Celui de l'Orient n'est pas celui de l'Occident.
Est -ce qu'un angle qui tourne la pointe au Midy,
la tourne aussi au Nord Est-ce que dans une
Place
FEVRIER . 1734. 237
Place de guerre , le même angle est saillant et
rentrant Est- ce qu'une pointe pique en dedans
comme en dehors.
Le Point , dites- vous , est une abstraction de
l'entendement. J'avois prévenu cette objection
dans l'endroit de ma Mathématique que vous at
taquez . Le Point , la ligne , la surface . appartiennent
à l'étendue , sont dans l'étenduë , indépendamment
de notre entendement ; et s'ils sont
dans notre entendement , ils sont donc aussi dans
l'étenduë qui en est l'objet . Il seroit ridicule que
la Géomerie , tant pratique que speculative , ne
fut fondée que sur une abstraction de l'entendement.
Ce seroit une Géometrie toute fantastique
à laquelle il n'y a nul doute que l'etenduë ne se
refusât ; au lieu que dans la pratique , l'étenduë
se prête à la Géométrie avec un concert qu'on
ne peut trop admirer .
Il est réel et très- réel que les corps sont terminez
par des surfaces , par des lignes , par des
points. Y a- t'il rien de plus réel que les bornes
qui terminent toutes choses ? Or ces bornes sont
indivisibles et n'ont chacune qu'un côté . La surface
n'est surface que du côté qu'elle présente ,
en dehors et non en dedans . On voit ce côté ,
mais on ne voit que ce côté ; on fait plus , on le
touche et on ne touche que lui . Bien surement
ce qu'on voit et ce qu'on touche est réel hors
de notre entendement.
Quoi ! je puis par une operation aussi grossiere
que l'est le toucher , faire le discernement
de la surface et du corps ; toucher la surface ,
longueur et largeur , sans toucher la profondeur?
Et vous me direz que ces choses là ne sont pas
réellement distinctes , et qu'elles ne le sont que
par une operation de l'esprit , tandis qu'elles le
sont
228 MERCURE DE FRANCE
sont par une operation de l'oeil , et même de la
main.
Car absolument ce que je vois , ce que je tou
che, n'a point de profondeur. Au - dessous , je sçai
bien qu'il y a une profondeur ; mais elle appartient
au corps et non à la surface.
Je vois ce qui vous embarasse et ce qui a de
tout temps embarassé ceux qui ont agité cette
question pour et contre. Si le Point n'est pas la
ligne , si la longueur n'est pas la largeur ou la
profondeur , vous voudriez qu'on séparât tout
cela et qu'on laissât - là la matiere sans largeur ,
sans longueur , &c .
Quand je dirois que cela est impossible , je ne
dirois autre chose , si ce n'est que les modification
ne se séparent pas des choses modifiées , ni
les accidens des substances . Mais qui suis - je pour
dire que cela est impossible ? Il est impossible
aux hommes de faire des Points indivisibles.
Mais je n'oserois dire que cela fût impossible à
Dieu , et c'est , j'ose le dire , la Géometrie même
qui de concert avec la Religion , m'inspire ce respect
, depuis sur tout qu'elle m'a fourni cette expression
simple d'une chose bien sublime 1 :
I dont j'ai donné ailleurs l'explication.
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Résumé : LETTRE du P. Castel, en Réponse à M. le Gendre de S. Aubin, sur l'Existence des Points inégaux.
Le Père Castel répond à M. le Gendre de Saint-Aubin au sujet de l'existence des points inégaux. Castel commence par louer l'érudition et la clarté de Saint-Aubin, tout en regrettant que ce dernier ait critiqué la géométrie moderne, qu'il considère aussi certaine que la géométrie ancienne. Castel défend ses points inégaux en affirmant qu'ils sont démontrés géométriquement et conformément aux principes d'Euclide. Il explique que les points inégaux sont des points physiques et géométriques réels, et non des abstractions de l'entendement. Selon Castel, les surfaces, lignes et points sont des bornes réelles et indivisibles, terminant les corps. Il soutient que, bien que les hommes ne puissent créer des points indivisibles, cela n'est pas impossible pour Dieu. Castel conclut en affirmant que la géométrie et la religion confirment cette idée.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 872-879
SUITE de la Réponse de M. de Saint-Aubin, au Problême sur l'Essence de la Matiere.
Début :
J'ay affaire aujourd'hui à trois Géometres, à deux Anonymes et au P. Castel. Le premier [...]
Mots clefs :
Essence de la matière, Point, Matière, Louis-Bertrand Castel, Infini, Calcul, Corps, Géométrie, Points, Raisonnement, Portion, Absurde, Entendement
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texteReconnaissance textuelle : SUITE de la Réponse de M. de Saint-Aubin, au Problême sur l'Essence de la Matiere.
SUITE de la Réponse de M. de Saint-
Aubin , au Problême sur l'Essence de
la Matiere.
' Ay affaire aujourd'hui à trois Géometres , à
deux Anonymes et au P. Castel. Le premier
des Anonymes croit que , suivant mon aveu ,
toute la solidité de la Géométrie réside dans le
Problême sur l'Essence de la Matiere , dont il se
déclare l'Auteur ; et il me fait dire en propres
termes , que la Géométrie n'est pas plus solide ,
quoique je n'aye comparé le Problème qu'aux
écueils de raisonnement , que la plupart des Géométres
n'ont pas évitez . C'est ce qu'il est facile
de voir dans la premiere Partie de ma Réponse.
L'Analise de l'Infini se propose de pousser toujours
en avant son Calcul , sans se soucier des
absurditez. Suivant ce Principe , elle considere
les quantitez positives et les négatives , les possibles
et les imaginaires , les vrayes et les absurdes .
Ces distinctions sont si bien établies , que les termes
de nul , d'imaginaire et d'absurde , sont propres
à la science et affectez à differentes quantitez
Algebriques. Elle tire de l'infini des solutions
plus courtes , des vûës plus étenduës , une analogie
et des expressions plus generales .
Mais les écueils du raisonnement qu'elle rencontre
sur sa route , elle ne doit les considerer
que comme des ecueils ; ce qui est compris dans
le Calcul , ne devant pas toujours passer dans le
raisonnement. Et c'est encore un avantage de
l'infini , d'avertir quand il se présente dans une
anaMAY.
1734. 873
analogie, que la supposition cesse d'être possible .
L'Auteur du Problême , au contraire , veut
guider le raisonnement par des opérations qui
ne sont propres qu'au Calcul . Il prétend trouver
par le Calcul , que le mouvement infini est égal
au repos ; et partant de cette conclusion absurde ,
il detruit toutes les propriétez de la Matiere ; il
la réduit à une simple possibilité , ce qui est nier
son existence ; et il soutient qu'un corps peut
être à la fois dans tous les lieux de l'Univers.
Mais , dira- t'on , le Calcul est donc imparfait
et trompeur , puisqu'il a donné à l'Auteur du
Problême cette premiere conclusion de l'égalité
du mouvement infini et du repos.
0 .
Je réponds que l'Auteur du Problême a dû
s'appercevoir que le Calcul lui donnoit les deux
contradictoires , sçavoir , moe , et mo
Car il est évidemment contradictoire que e ,
quantité de mouvement finie , soit égale à o
nullité de mouvement. Il n'y a rien de plus opposé
à la précision du Calcul , que d'en inferer
qu'une quantité de mouvement soit en mêmesemps
réelle et déterminée , et qu'elle soit nulle.
Toute grandeur , multipliée par zero, est égale
à zéro ; et si d'une grandeur multipliée par zéro,
il résulte un produit réel , c'est une marque infail
lible que cette grandeur est absurde.
Est - ce la faute du Calcul ? Ce ne l'est en aucune
maniere. Sa charge est autre que celle du raisonnement.
Suivant le raisonnement , à une demande
absurde point de réponse; suivant le calcul
, à une demande absurde , réponse absurde.
Vous interrogez le calcul par l'infini , grandeur
absurde en Géométrie , que vous supposez
séelie ; le calcul vous répond une absurdité , qui
est une confirmation de l'absurdité de l'infini
géométriques
La
874 MERCURE DE FRANCE
La Géométrie transcendante considere comme
point de rencontre un point , qui par la supposition
ne peut rencontrer . Elle examine aussi dans
la réunion des deux points , les rapports qu'auroient
ces deux points séparez . C'est - là tout le
mystere de l'infini , auquel rien ne manque du
côté du Calcul , et auquel il ne manque du côté
du raisonnement , que d'employer des mots qui
Bussent de la justesse et qui parussent moins merveilleux
; ce qui seroit facile.Voilà quels sont les
vrais principes de la Géométrie de l'infini ; et
quoiqu'ils n'ayent été expliquez nulle part , je ne
crains pas qu'ils soient désavouez par les plus
sçavans Géométres . C'est deffendre cette Géométrie
que de montrer qu'elle n'a aucune part
au Scepticisme et aux inclusions inconcevables ,
que l'Auteur du Problême a voulu y introduire.
Dans le même Mercure de Janvier , un autre
Géométre s'est imaginé que j'attaquois la Géométrie
, en tant que ses Elements , qui sont des
points , des lignes , des surfaces , ne sont que des
abstractions de l'entendement sans réalité. C'est
l'ancienne objection des Sceptiques , renouvellée
par Bayle. Les Géométres ont raison de ne s'y
pas arrêter. Quoique la précision géométrique
ne puisse être executée réellement et dans la matiere,
c'est un objet très- digne de l'entendement,
et qui conduit à la plus grande exactitude réelle
qui soit possible . Mais cette question n'étoit
qu'indirecte ; il s'agissoit de sçavoir si le passage
du fini à l'infini peut se faire par l'exaltation
du point à la ligne , de la ligne à la surface , &c.
et j'ay soutenu que les Infinitaires ne l'entendent
ni ne le peuvent entendre ainsi ; car une infinité
de surfaces n'est point un solide.
Le P. Castel est depuis survenu dans le Mercu
MAY. 1734- 875
re de Février. Il ne touche pas la plupart des
questions principales , sçavoir si , en Géométrie ,
on peut expliquer le passage du fini à l'infini ; si
la matiere n'est qu'une simple possibilité ; si c'est
une chose concevable que l'Etre absorbé dans le
néant ; si le plusqu'infini , les differens ordres
d'infinis et le simple infini géométrique actuelle
ment subsistant , sont des objets réels de l'entendement
ou des contradictions.
Le P. Castel se renferme dans la question de
la divisibilité à l'infini , si souvent debattuë et qui
appartient plus à la Physique qu'à la Géométrie.
Les Points , dit-il , que j'admets , sont de vrais
Points Physiques , autant que géométriques. Il admet
donc de vrais atomes , en même- temps qu'il
soutient l'infini géométrique , les differens ordres
d'infinis et le plusqu'infini .
Il vient de dire que le Point,qu'il admet; est Phy-
Bique , c'est à-dire , qu'il est matériel ou qu'il
est un corps et pour faire entendre qu'en suivant
le sentiment de la divisibilité à l'infini , il a été
dans l'erreur , il dit aussi- tôt après : le Point que
je concevois étoit un corps ; c'est- à - dire, que le
Point qu'il conçoit aujourd'hui , n'est pas un
corps , ou que le Point qu'il admet , n'est pas un
Point Physique.
Il nous donne ensuite des exemples sensibles.
Un point suspendu en l'air n'a qu'un aspect. Oui ,
un point Mathématique conçû en l'air,et qui n'est
qu'une abstraction de l'entendement ; mais si
c'est telle portion qu'on voudra de matiere , elle
aura toujours differents aspects relatifs à tout ce
qui l'environne. Je puis considerer l'angle d'une
fortification , en tant qu'il est saillant ; mais la
matiere qui compose cet angle , a nécessairement
an côté opposé et qui regarde la Place,
Le
876 MERCURE DE FRANCE
Le P. Castel m'impute une contre supposition
secrette , parce que j'ai dit que la plus petite por
tion de matiere ne cesse point , par la division
d'être matiere elle - même ; que la portion de matiere
la plus divisée qu'on puisse imaginer , étant
mise sur un plan , le touchera toujours par une de
ses parties , et ne le touchera pas par celle qui est
au-dessus, Il n'y a aucune contre- supposition ni expresse
ni secrette dans cette hypotèse . La portion
de matiere , la plus petite et la plus divisée qu'on
puisse imaginer, est encore divisible, parce que l'imagination
est finie, et que la divisibilité est infinie.
Ou si ces expressions de la portion de la
Matiere la plus petite et la plus divisée qu'on
puisse imaginer, déplaisent au P. Castel , il n'y
a qu'à dire qu'une portion de matiere , quelque
petite et quelque divisée qu'on la suppose , étant
mise sur un plan, le touchera toujours par une de
ses parties , et ne le touchera pas par celle qui est
au-dessus.
Le P. Castel continuë ainsi : Le point, la ligne,
la surface , appartiennent à l'étendue , sont dans
P'étendue indépendamment de notre entendement.
Je répons qu'au contraire le point , la ligne , la
surface , n'appartiennent en aucune maniere à
l'étendue et n'y sont point ni dépendamment ni
indépendamment de notre entendement. L'esprit
les considere abstractivement, mais ils ne peuvent
être réellement dans l'étendue . Tout ce qui est.
étendu et matériel , a nécessairement longueur ,
largeur et profondeur .
Ya-t'il rien de plus réel , dh le P. Castel , que
les bornes qui terminent quelque chose ? Non, sans
doute , mais si je ne fais attention en elles qu'à
cette qualité terminative , pour ainsi - dire , c'est
ane abstraction de l'entendement , Si je considere
MAY . 1734. 877
les bornes telles que réellement elles existent , si
je les considere comme des corps ou des portions
de corps , elles ne peuvent cesser d'avoir un côté
interieur joint à un exterieur , et d'être composées
de parties. Car toute portion d'un corps est
matér! elle , et elle - même est un corps.
Quoi ! je puis , dit le P. Castel , par une operation
aussi grassiere que l'est le toucher , faire le discernement
de la surface et du corps , toucher la surface,
longueur et largeur , sans toucher la profondeur , et
vous me direz que ces choses -là ne sont pas réellement
distinctes , et qu'elles ne le sont que par une
operation de l'esprit , tandis qu'elles le sont par
une operation de l'oeil et même de la main? Car
absolument ce que je vois et ce que je touche , n'a
point de profondeur. Au - dessous je sçais bien qu'il
ya une profondeur , mais elle appartient au corps
e non à la surface.
être
Ces paroles renferment la démonstration la
plus forte de la divisibilité à l'infini et l'exclusion
la plus formelle des atomes , puisque , de l'aveu
du P. Castel , la profondeur est réellement distincte
de la longueur , et que l'une ne peut
sans l'autre, Donc tout ce qui est Physique est
composé de parties réellement distinctes ; donc
il ne peut y avoir de point physique , le point
étant un, simple et sans parties ; donc la plus petite
portion de matiere qu'on puisse imaginer ,
peut encore devenir plus petite et ne peut cesser
d'être divisible ; C. Q. F. D.
Je puis me promener sur une Montagne sans
descendre dans une Vallée. Le P. Castel voudroit-
il en conclure qu'une Montagne peut être
sans vallée Une portion de matiere ne peut pas
être davantage sans longueur , largeur et profon
deur , disons plus, sans une multiplicité de partiog
878 MERCURE DE FRANCE
ties et d'aspects qui répondent à tous les corps
qui l'environnent , qu'une montagne peut être
sans vallée .
Mais je suppose que le Systême des atomes
soit soutenable : ces atomes , au moins , ne peuvent
être inégaux. Car leur difference seroit une
multiplicité de parties , et le plus gros pourroit
par un retranchement être rendu égal au plus
petit. Les atomes inégaux du P. Castel reviennent
au même que les points naissants et évanouissants
, auxquels Newton attribue differens
rapports entr'eux . L'inégalité des points Mathématiques
, quoique soutenue par ces deux Auteurs
celebres , n'en est pas moins contradictoire,
Après avoir rapporté la démonstration suivante
du P. Castel ; Dans un quarré qui à sa
diagonale , les lignes qui coupent ce quarré
parallelement à l'autre côté , coupent la diagonale
en autant de points , ni plus ni moins ; or la diagonale
est plus grande que le côté; donc les points d'in
tersection sont plus grands , ce qu'il falloit démontrer.
J'ai pleinement réfuté ce raisonnement
que le P. Castel dit que je n'ai pas jugé à propos
d'entamer , et je l'ai réfuté de la maniere la
plus directe , en faisant voir qu'il ne résulte autre
chose de l'hypothèse , sinon que les intervalles
d'intersection sont plus grands dans la dia
gonale que dans le côté du quarré.
C'est une pétition de principe, de prétendre que
le point est plus grand dans un plus grand cercle
: Euclide a bien sûrement pensé le contraire ,
lorsqu'il a démontré que dans tout cercle on ne
peut tirer qu'une tangente au même point. Les
objections qu'on peut faire sur le point de contact
d'un plus grand cercle , se rapportent au
cercle matériel , où il ne peut y avoir de point
MaMAY.
1734. 879
Mathématique et dans lequel la précision géométrique
ne peut se rencontrer,
pour
Quant à ce que le P. Castel donne l'expression
simple d'une chose bien sublime ,
xo1 ; il me permettra de dire que je n'y
trouve aucune sublimité ; et les principes que j'ai
expliquez , ne m'y laissent appercevoir qu'une
double impossibilité , dont les deux parties se
detruisent par la division et la multiplication.
Il est temps de finir une Dissertation aussi
abstraite. La Géométrie qui va rigoureusement
à la précision du vrai , est fort éloignée de l'esprit
de dispute. Ne donnons pas lieu aux Dialec
ticiens et aux Physiciens de prétendre que cett
science soit , comme les leurs , sujette aux contrarietez
d'opinions.
Aubin , au Problême sur l'Essence de
la Matiere.
' Ay affaire aujourd'hui à trois Géometres , à
deux Anonymes et au P. Castel. Le premier
des Anonymes croit que , suivant mon aveu ,
toute la solidité de la Géométrie réside dans le
Problême sur l'Essence de la Matiere , dont il se
déclare l'Auteur ; et il me fait dire en propres
termes , que la Géométrie n'est pas plus solide ,
quoique je n'aye comparé le Problème qu'aux
écueils de raisonnement , que la plupart des Géométres
n'ont pas évitez . C'est ce qu'il est facile
de voir dans la premiere Partie de ma Réponse.
L'Analise de l'Infini se propose de pousser toujours
en avant son Calcul , sans se soucier des
absurditez. Suivant ce Principe , elle considere
les quantitez positives et les négatives , les possibles
et les imaginaires , les vrayes et les absurdes .
Ces distinctions sont si bien établies , que les termes
de nul , d'imaginaire et d'absurde , sont propres
à la science et affectez à differentes quantitez
Algebriques. Elle tire de l'infini des solutions
plus courtes , des vûës plus étenduës , une analogie
et des expressions plus generales .
Mais les écueils du raisonnement qu'elle rencontre
sur sa route , elle ne doit les considerer
que comme des ecueils ; ce qui est compris dans
le Calcul , ne devant pas toujours passer dans le
raisonnement. Et c'est encore un avantage de
l'infini , d'avertir quand il se présente dans une
anaMAY.
1734. 873
analogie, que la supposition cesse d'être possible .
L'Auteur du Problême , au contraire , veut
guider le raisonnement par des opérations qui
ne sont propres qu'au Calcul . Il prétend trouver
par le Calcul , que le mouvement infini est égal
au repos ; et partant de cette conclusion absurde ,
il detruit toutes les propriétez de la Matiere ; il
la réduit à une simple possibilité , ce qui est nier
son existence ; et il soutient qu'un corps peut
être à la fois dans tous les lieux de l'Univers.
Mais , dira- t'on , le Calcul est donc imparfait
et trompeur , puisqu'il a donné à l'Auteur du
Problême cette premiere conclusion de l'égalité
du mouvement infini et du repos.
0 .
Je réponds que l'Auteur du Problême a dû
s'appercevoir que le Calcul lui donnoit les deux
contradictoires , sçavoir , moe , et mo
Car il est évidemment contradictoire que e ,
quantité de mouvement finie , soit égale à o
nullité de mouvement. Il n'y a rien de plus opposé
à la précision du Calcul , que d'en inferer
qu'une quantité de mouvement soit en mêmesemps
réelle et déterminée , et qu'elle soit nulle.
Toute grandeur , multipliée par zero, est égale
à zéro ; et si d'une grandeur multipliée par zéro,
il résulte un produit réel , c'est une marque infail
lible que cette grandeur est absurde.
Est - ce la faute du Calcul ? Ce ne l'est en aucune
maniere. Sa charge est autre que celle du raisonnement.
Suivant le raisonnement , à une demande
absurde point de réponse; suivant le calcul
, à une demande absurde , réponse absurde.
Vous interrogez le calcul par l'infini , grandeur
absurde en Géométrie , que vous supposez
séelie ; le calcul vous répond une absurdité , qui
est une confirmation de l'absurdité de l'infini
géométriques
La
874 MERCURE DE FRANCE
La Géométrie transcendante considere comme
point de rencontre un point , qui par la supposition
ne peut rencontrer . Elle examine aussi dans
la réunion des deux points , les rapports qu'auroient
ces deux points séparez . C'est - là tout le
mystere de l'infini , auquel rien ne manque du
côté du Calcul , et auquel il ne manque du côté
du raisonnement , que d'employer des mots qui
Bussent de la justesse et qui parussent moins merveilleux
; ce qui seroit facile.Voilà quels sont les
vrais principes de la Géométrie de l'infini ; et
quoiqu'ils n'ayent été expliquez nulle part , je ne
crains pas qu'ils soient désavouez par les plus
sçavans Géométres . C'est deffendre cette Géométrie
que de montrer qu'elle n'a aucune part
au Scepticisme et aux inclusions inconcevables ,
que l'Auteur du Problême a voulu y introduire.
Dans le même Mercure de Janvier , un autre
Géométre s'est imaginé que j'attaquois la Géométrie
, en tant que ses Elements , qui sont des
points , des lignes , des surfaces , ne sont que des
abstractions de l'entendement sans réalité. C'est
l'ancienne objection des Sceptiques , renouvellée
par Bayle. Les Géométres ont raison de ne s'y
pas arrêter. Quoique la précision géométrique
ne puisse être executée réellement et dans la matiere,
c'est un objet très- digne de l'entendement,
et qui conduit à la plus grande exactitude réelle
qui soit possible . Mais cette question n'étoit
qu'indirecte ; il s'agissoit de sçavoir si le passage
du fini à l'infini peut se faire par l'exaltation
du point à la ligne , de la ligne à la surface , &c.
et j'ay soutenu que les Infinitaires ne l'entendent
ni ne le peuvent entendre ainsi ; car une infinité
de surfaces n'est point un solide.
Le P. Castel est depuis survenu dans le Mercu
MAY. 1734- 875
re de Février. Il ne touche pas la plupart des
questions principales , sçavoir si , en Géométrie ,
on peut expliquer le passage du fini à l'infini ; si
la matiere n'est qu'une simple possibilité ; si c'est
une chose concevable que l'Etre absorbé dans le
néant ; si le plusqu'infini , les differens ordres
d'infinis et le simple infini géométrique actuelle
ment subsistant , sont des objets réels de l'entendement
ou des contradictions.
Le P. Castel se renferme dans la question de
la divisibilité à l'infini , si souvent debattuë et qui
appartient plus à la Physique qu'à la Géométrie.
Les Points , dit-il , que j'admets , sont de vrais
Points Physiques , autant que géométriques. Il admet
donc de vrais atomes , en même- temps qu'il
soutient l'infini géométrique , les differens ordres
d'infinis et le plusqu'infini .
Il vient de dire que le Point,qu'il admet; est Phy-
Bique , c'est à-dire , qu'il est matériel ou qu'il
est un corps et pour faire entendre qu'en suivant
le sentiment de la divisibilité à l'infini , il a été
dans l'erreur , il dit aussi- tôt après : le Point que
je concevois étoit un corps ; c'est- à - dire, que le
Point qu'il conçoit aujourd'hui , n'est pas un
corps , ou que le Point qu'il admet , n'est pas un
Point Physique.
Il nous donne ensuite des exemples sensibles.
Un point suspendu en l'air n'a qu'un aspect. Oui ,
un point Mathématique conçû en l'air,et qui n'est
qu'une abstraction de l'entendement ; mais si
c'est telle portion qu'on voudra de matiere , elle
aura toujours differents aspects relatifs à tout ce
qui l'environne. Je puis considerer l'angle d'une
fortification , en tant qu'il est saillant ; mais la
matiere qui compose cet angle , a nécessairement
an côté opposé et qui regarde la Place,
Le
876 MERCURE DE FRANCE
Le P. Castel m'impute une contre supposition
secrette , parce que j'ai dit que la plus petite por
tion de matiere ne cesse point , par la division
d'être matiere elle - même ; que la portion de matiere
la plus divisée qu'on puisse imaginer , étant
mise sur un plan , le touchera toujours par une de
ses parties , et ne le touchera pas par celle qui est
au-dessus, Il n'y a aucune contre- supposition ni expresse
ni secrette dans cette hypotèse . La portion
de matiere , la plus petite et la plus divisée qu'on
puisse imaginer, est encore divisible, parce que l'imagination
est finie, et que la divisibilité est infinie.
Ou si ces expressions de la portion de la
Matiere la plus petite et la plus divisée qu'on
puisse imaginer, déplaisent au P. Castel , il n'y
a qu'à dire qu'une portion de matiere , quelque
petite et quelque divisée qu'on la suppose , étant
mise sur un plan, le touchera toujours par une de
ses parties , et ne le touchera pas par celle qui est
au-dessus.
Le P. Castel continuë ainsi : Le point, la ligne,
la surface , appartiennent à l'étendue , sont dans
P'étendue indépendamment de notre entendement.
Je répons qu'au contraire le point , la ligne , la
surface , n'appartiennent en aucune maniere à
l'étendue et n'y sont point ni dépendamment ni
indépendamment de notre entendement. L'esprit
les considere abstractivement, mais ils ne peuvent
être réellement dans l'étendue . Tout ce qui est.
étendu et matériel , a nécessairement longueur ,
largeur et profondeur .
Ya-t'il rien de plus réel , dh le P. Castel , que
les bornes qui terminent quelque chose ? Non, sans
doute , mais si je ne fais attention en elles qu'à
cette qualité terminative , pour ainsi - dire , c'est
ane abstraction de l'entendement , Si je considere
MAY . 1734. 877
les bornes telles que réellement elles existent , si
je les considere comme des corps ou des portions
de corps , elles ne peuvent cesser d'avoir un côté
interieur joint à un exterieur , et d'être composées
de parties. Car toute portion d'un corps est
matér! elle , et elle - même est un corps.
Quoi ! je puis , dit le P. Castel , par une operation
aussi grassiere que l'est le toucher , faire le discernement
de la surface et du corps , toucher la surface,
longueur et largeur , sans toucher la profondeur , et
vous me direz que ces choses -là ne sont pas réellement
distinctes , et qu'elles ne le sont que par une
operation de l'esprit , tandis qu'elles le sont par
une operation de l'oeil et même de la main? Car
absolument ce que je vois et ce que je touche , n'a
point de profondeur. Au - dessous je sçais bien qu'il
ya une profondeur , mais elle appartient au corps
e non à la surface.
être
Ces paroles renferment la démonstration la
plus forte de la divisibilité à l'infini et l'exclusion
la plus formelle des atomes , puisque , de l'aveu
du P. Castel , la profondeur est réellement distincte
de la longueur , et que l'une ne peut
sans l'autre, Donc tout ce qui est Physique est
composé de parties réellement distinctes ; donc
il ne peut y avoir de point physique , le point
étant un, simple et sans parties ; donc la plus petite
portion de matiere qu'on puisse imaginer ,
peut encore devenir plus petite et ne peut cesser
d'être divisible ; C. Q. F. D.
Je puis me promener sur une Montagne sans
descendre dans une Vallée. Le P. Castel voudroit-
il en conclure qu'une Montagne peut être
sans vallée Une portion de matiere ne peut pas
être davantage sans longueur , largeur et profon
deur , disons plus, sans une multiplicité de partiog
878 MERCURE DE FRANCE
ties et d'aspects qui répondent à tous les corps
qui l'environnent , qu'une montagne peut être
sans vallée .
Mais je suppose que le Systême des atomes
soit soutenable : ces atomes , au moins , ne peuvent
être inégaux. Car leur difference seroit une
multiplicité de parties , et le plus gros pourroit
par un retranchement être rendu égal au plus
petit. Les atomes inégaux du P. Castel reviennent
au même que les points naissants et évanouissants
, auxquels Newton attribue differens
rapports entr'eux . L'inégalité des points Mathématiques
, quoique soutenue par ces deux Auteurs
celebres , n'en est pas moins contradictoire,
Après avoir rapporté la démonstration suivante
du P. Castel ; Dans un quarré qui à sa
diagonale , les lignes qui coupent ce quarré
parallelement à l'autre côté , coupent la diagonale
en autant de points , ni plus ni moins ; or la diagonale
est plus grande que le côté; donc les points d'in
tersection sont plus grands , ce qu'il falloit démontrer.
J'ai pleinement réfuté ce raisonnement
que le P. Castel dit que je n'ai pas jugé à propos
d'entamer , et je l'ai réfuté de la maniere la
plus directe , en faisant voir qu'il ne résulte autre
chose de l'hypothèse , sinon que les intervalles
d'intersection sont plus grands dans la dia
gonale que dans le côté du quarré.
C'est une pétition de principe, de prétendre que
le point est plus grand dans un plus grand cercle
: Euclide a bien sûrement pensé le contraire ,
lorsqu'il a démontré que dans tout cercle on ne
peut tirer qu'une tangente au même point. Les
objections qu'on peut faire sur le point de contact
d'un plus grand cercle , se rapportent au
cercle matériel , où il ne peut y avoir de point
MaMAY.
1734. 879
Mathématique et dans lequel la précision géométrique
ne peut se rencontrer,
pour
Quant à ce que le P. Castel donne l'expression
simple d'une chose bien sublime ,
xo1 ; il me permettra de dire que je n'y
trouve aucune sublimité ; et les principes que j'ai
expliquez , ne m'y laissent appercevoir qu'une
double impossibilité , dont les deux parties se
detruisent par la division et la multiplication.
Il est temps de finir une Dissertation aussi
abstraite. La Géométrie qui va rigoureusement
à la précision du vrai , est fort éloignée de l'esprit
de dispute. Ne donnons pas lieu aux Dialec
ticiens et aux Physiciens de prétendre que cett
science soit , comme les leurs , sujette aux contrarietez
d'opinions.
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Résumé : SUITE de la Réponse de M. de Saint-Aubin, au Problême sur l'Essence de la Matiere.
Le texte présente une réponse à des critiques concernant l'essence de la matière et la géométrie, impliquant trois géomètres : deux anonymes et le Père Castel. Le premier anonyme soutient que la solidité de la géométrie repose sur le problème de l'essence de la matière et accuse l'auteur de la réponse de considérer la géométrie comme fragile. L'auteur de la réponse explique que l'analyse de l'infini utilise diverses quantités pour obtenir des solutions plus courtes et des vues plus étendues, mais critique l'utilisation incorrecte du calcul qui mène à des conclusions absurdes, comme l'égalité du mouvement infini et du repos. Il défend la géométrie de l'infini en distinguant les rôles du calcul et du raisonnement. Un autre géomètre anonyme accuse l'auteur de la réponse d'attaquer la géométrie en considérant ses éléments comme des abstractions sans réalité. L'auteur réplique que, bien que les éléments géométriques soient abstraits, ils sont dignes de l'entendement et conduisent à une grande exactitude. Le Père Castel aborde la question de la divisibilité à l'infini, admettant des points physiques tout en soutenant l'infini géométrique. Il donne des exemples pour illustrer ses arguments, mais l'auteur de la réponse conteste ses suppositions et démontre la divisibilité infinie de la matière. L'auteur conclut en affirmant que la géométrie vise la précision du vrai et doit éviter les disputes. Il réfute les objections du Père Castel sur les points mathématiques et leur taille dans les cercles.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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