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1
p. 222-233
« Les Chevaliers, Commandeurs & Officiers de l'Ordre du Saint-Esprit, [...] »
Début :
Les Chevaliers, Commandeurs & Officiers de l'Ordre du Saint-Esprit, [...]
Mots clefs :
Roi, Bataillons, Protection des frontières, Sa Majesté britannique, Différends, Colonies américaines, Apaisement, Naissance du Prince
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texteReconnaissance textuelle : « Les Chevaliers, Commandeurs & Officiers de l'Ordre du Saint-Esprit, [...] »
Les Chevaliers , Commandeurs & Officiers de
l'Ordre du Saint -Efprit , tous en Manteau de
deuil , s'étant affemblés le a de Janvier , vers les
dix heures du matin dans le Cabinet du Roi , Sa
Majefté fortit de fon appartement pour aller à la
Chapelle. Le Roi , devant qui les deux Huiffiers
de la Chambre portoient leurs Maffes , étoit en
Manteau violet ,le Collier de l'Ordre par- deffus ,
ainfi que celui de l'Ordre de la Toifon d'Or. Sa
FEVRI E R. 1756. 223
Majefté étoit précédée de Monfeigneur le Dauphin
, du Duc d'Orléans , du Prince de Condé ,
du Comte de Clermont , du Prince de Conty , du
Comte de la Marche , du Comte d'Eu , du Duc
de Penthiévre , & des Chevaliers , Commandeurs
& Officiers de l'Ordre . Elle affifta à la Meffe de
Requiem , que l'Archevêque de Narbonne , Prélat
Commandeur de l'Ordre du Saint - Esprit , célébra
pour le repos des ames des Chevaliers morts pendant
le cours de l'année derniere. Enfuite Sa Ma
jefté fut reconduite à fon appartement , ains
qu'Elle étoit venue à la Chapelle.
Le 3 , les Députés des Etats de Bretagne eurent
audience du Roi . Ils furent préfentés à Sa Majesté
par M. le Duc de Penthievre , Gouverneur de la
Province , & par M. le Comte de Saint Florentin ,
Miniftre & Secrétaire d'Etat , & conduits par M.
le Marquis de Dreux , Grand Maître des Cérémonies.
La Députation étoit compofée pour le Cler.
gé , de M. l'Evêque de Nantes qui porta la parole ;
de M. le Comte de Polignac pour la Nobleffe , &
de M. Marion , Député du Commerce de Saint-
Malo , pour le Tiers- Etat.
Le 4, Madame la Marquife de Broglie fur
préfentée à Leurs Majeftés & à la Famille Royale.
M. de Machault , Garde des Sceaux de France ,
Miniftre & Secrétaire d'Etat ayant le Département
de la Marine , préſenta le même jour au Roi M. le
Chevalier de Tourville , Officier des Vaiffeaux de
Sa Majesté.
Les Officiers Généraux qui feront employés
fur les côtes de l'Océan , depuis Dunkerque jufqu'à
la frontiere d'Efpagne , fous les ordres de M.
le Maréchal Duc de Belle-Ifle , font :
LIEUTENANS-GENERAUX , Meffieurs , le Mar
quis de Clermont Gallerande , fur les côtes de
Kiv
224 MERCURE DE FRANCE.
Saintonge , Païs d'Aunis & Poitou . Le Comte
d'Eftrées & le Duc d'Harcourt , côtes de Normandie
& du Gouvernement du Havre . Le Prince de
Soubize , côtes de Flandre. Le Duc de Chaulnes ,
côtes de Picardie & Calaifis. M. de Crémille , le
Marquis d'Hérouville , côtes de Guyenne , de
Bayonne & du Païs de Labour. Le Comte de Saint
Germain , côtes de Flandre.
t.
MARECHAUX DE CAMP . MM . le Duc d'Aiguillon
, côtes de Bretagne . Du Barail , côtes de
Flandre. Le Marquis de Dreux , côtes de Saintonge
, Païs d'Aunis & Poitou, Le Marquis de Puyfegur
, côtes de Normandie & du Gouvernement
du Havre. Le Marquis de Voyer , M. Lally , dans
le Boulonnois. Le Marquis de Narbonne , côtes
de Guyenne , de Bayonne & du Pais de Labour.
Le Marquis de Curfay , côtes de Bretagne. Le
Comte de Raymond , côtes de Normandie & du
Gouvernement du Havre .
T
Le Maréchal Duc de Richelieu , à qui le Roi a
donné le commandement général des côtes de la
Méditerranée depuis la frontiere d'Eſpagne jufqu'au
Var , aura fous fes ordres trois Lieutenans-
Généraux, & deux Maréchaux de Camp .
LIEUTENANS- GENERAUX employés fous les ordres
de ce Maréchal. Le Duc de Mirepoix , fur les côtes
de Languedoc. Le Comte de Graville , côtes
de Rouffillon . Le Marquis de Maillebois , côtes
de Provence.
MARECHAUX DE CAMP qui ferviront fous les
mêmes ordres. Le Comte de Moncan , côtes de
Languedoc. Le Comte de Lannion , côtes de Provence
.
On a annoncé l'année derniere , que l'Académie
de Pau avoit propofé pour le Sujet du Prix
qu'elle doit diftribuer en 1756 , L'utilité des déFEVRIER.
1756. 225
44
couvertesfaites dans les Sciences fous le Regne de
Louis XV. Une des Pieces de Poélies qui ont été
envoyées à cette Académie , a été adreffée par la
Pofte à l'Abbé de Sorberio , ci - devant Secrétaire
de la Compagnie , & on lit au bas cette Sentence ,
Eft aliquidfub Sole novum. L'Auteur n'a pas joine
à fon Poëme le billet cacheté qui devoit contenir
fon nom , & fur lequel devoit être répetée la
Sentence ci- deſſus mentionnée. Il eft averti qu'il
ne peut entrer en concours s'il ne répare cette
omiffion , en envoyant une autre copie de fon
ouvrage , accompagnée d'un Billet dans lequel i
obferve les deux formalités dont on vient de parler.
On a appris que le 21 du mois dernier il y avoit
eu un nouveau tremblement de terre à Lisbonne.
Plufieurs des maifons qui n'avoient été qu'ébranlées
, ont été détruites . Leur chûte a fait périt
encore plus de trois cens perfonnes. Nouvelle
incertaine .
Sur la démiſſion volontaire'de M. le Duc de
Bethune en faveur de M. le Duc de Charoft fon
petit- fils , le Roi a accordé à ce dernier la Lieurtenance
- Générale de Picardie & du Boulonnois ,
ainfi que le Gouvernement des Ville & Citadelle
de Calais.
On apprend de Luneville , que le Roi ayant
nommé Commandeur Honoraire de l'Ordre Royal
& Militaire de Saint Louis M. de Baye , Brigadier
de Cavalerie , Commandant les deux Compagnies
des Cadets Gentilshommes du Roi de Pologne
Duc de Lorraine & de Bar , Sa Majefté Polonoife
a fait l'honneur à cet Officier , de le revêtir lui-
-même du grand Cordon rouge.
La nuit du 26 au 27 de Décembre , on fentit
à Rocroy deux legeres fecouffes de tremblement
de terre , la premiere à onze heures cin-
K v
226 MERCURE DE FRANCE.
quante-fix minutes , la feconde à minuit douze
minutes . Elles s'annoncerent par un bruit fourd
de peu de durée , & le Ciel , au rapport des fentinelles
qui étoient pour lors en faction , parut tour
en feu.
M. Rouillé , Miniftre & Secrétaire d'Etat ayant
le Département des Affaires Etrangeres , écrivit
le 21 du même mois à Monfieur Fox , Secrétaire
d'Etat du Roi d'Angleterre , la Lettre fuivante.
·
Monfieur , c'est par ordre du Roi mon Maître ,
que j'ai l'honneur d'envoyer à votre Excellence le
Mémoire que je joins ici , &c.
« Il n'a pas tenu au Roi que les différends concernant
l'Amérique n'ayent été terminés par les
» voies de la conciliation , & Sa Majesté eft en
» état de le démontrer à l'Univers entier par des
preuves authentiques.
Le Roi , toujours animé du défir le plus fin-
» cere de maintenir le repos public & la plus parfaite
intelligence avec Sa Majefté Britannique
» a fuivi avec la bonne foi & la confiance la plus
entiere la négociation relative à cet objet.
» Les affurances que le Roi de la Grande Bre-
» tagne & fes Miniftres renouvelloient fans ceffe
» de vive voix & par écrit , étoient fi formelles
» & fi préciſes fur les difpofitions pacifiques de Sa
Majefté Britannique , que le Roi fe feroit re-
» proché le moindre doute fur la droiture des in-
» tentions de la Cour de Londres .
» Il n'eft guere poflible de concevoir com-
» ment ces affurances pouvoient fe concilier avec
ples ordres offenfifs , donnés en Novembre 1754
au Général Braddock , & au mois d'Avril 1755à
» P'Amiral Bofſcawen.
» L'attaque au mois de Juillet dernier , & la
prife de deux vaiffeaux du Roi en pleine mer &
7 FEVRIER. 1756. 227
D fans déclaration de guerre , étoient une infulte
publique au pavillon de Sa Majefté ; & elle auroit
témoigné fur le champ tout le jufte reffen-
» tinient que lui infpiroit une entrepriſe fi irrégu
liere & fi violente , fi elle avoit pu croire que
» P'Amiral Boscawen n'eût agi que par les ordres.
» de la Cour.
» Le même motif avoit d'abord fufpendu le
» jugement du Roi fur les pirateries que les vaiffeaux
de guerre Anglois exercent depuis plu
» fieurs mois contre la navigation & le commervce
des fujets de Sa Majefté , au mépris du droit
des gens , de la foi des traités , des ufages établis
parmi les nations policées , & des égards
» qu'elles fe doivent réciproquement.
Le Roi avoit lieu d'attendre des fentimens
de Sa Majefté Britannique , qu'à fon retour à
» Londres elle défavoueroit la conduite de fon
Amirauté & de fes Officiers de mer , & qu'elle
» donneroit à Sa Majefté une fatisfaction'
tionnée à l'injure & au dommage,
propor
» Mais le Roi voyant que le Roi d'Angleterre
» bien loin de punir les brigandages de la Marine
» Angloife , les encourage au contraire , en demandant
à fes Sujets de nouveaux fecours con
» tre la France , Sa Majesté manqueroit à ce qu'el
» le doit à fa propre gloire , à la dignité de ſa
» Couronne , & à la défenfe de fes peoples , fi
elle différoit plus long - tems d'exiger du Roi
» de la Grande Bretagne une réparation éclatante:
» de l'outrage fait au pavillon François , & des
dommages caufes aux Sujets du Roi,
Sa Majefté croit donc devoir s'adreffer direc
tement à Sa Majefté Britannique , & lui deman
der la rehitution prompte & entiere de tous les
» vaiffeaux Francois , tant de guerre que mar-
3Y
K vj
228 MERCURE DE FRANCE.
chands, qui, contre toutes les loix & contre tou
tes les bienséances , ont été pris par la Marine
» Angloife , & de tous les Officiers , Soldats , Ma-
» telots , Artillerie , Munitions , Marchandifes , &
genéralement de tout ce qui appartenoit à ces
>> vaiffeaux .
»
» Le Roi aimera toujours mieux devoir à l'équité
du Roi d'Angleterre qu'à tout autre moyen
»la fatisfaction que Sa Majeſté a droit de recla-
» mer & toutes les Puiffances verront fans dou
» te dans la démarche qu'elle s'eft déterminée à
» faire une nouvelle preuve bien ſenſible de cet
» amour conftant pour la paix , qui dirige fes
» confeils & fes réfolutions.
» Si Sa Majefté Britannique ordonne la refti-
» tution des vailleaux dont il s'agit , le Roi fera
» difpofé à entier en négociation fur les autres
fatisfactions qui lui font légitimement dues , &
» continuera de fe prêter , comme il a fait précé-
» demment à un accommodement équitable &
» folide fur les difcuffions qui concernent l'Amé
>> rique.
» Mais fi , contre toute efpérance , le Roi d'Angleterre
fe refufe à la réquifition que le Roi luí
» fait , Sa Majefté regardera će deni de jufticé
» comme la déclaration de guerre la plus authen-
» tique , & comme un deffein forme par la Cour
» de Londres , de troubler le repos de l'Europe .
M. Fox á fait à M. Rouillé la réponſe qui fuit
& qui eft datée de Whitehall , le 13 Janvier.
Monfieur , j'ai reçu le 3 de ce mois la lettre
dont votre Excellence m'a honoré , en date du zí
du mois paffé , avec le Mémoire dont elle étoit accompagnée
. Je n'ai pas tardé à les mettre devant
le Roi mon Maître, c'eft par fes ordres que j'ai
P'honneur d'informer votre Excellence que Sa Ma
FEVRIER. 1756. 229
jefté continue de fouhaiter la confervation de la
tranquillité publique ; mais quoique le Roi fe prê
tera volontiers à un accommodement équitable &
folide , Sa Majesté ne fçauroit accorder la deman
de qu'on fait de la reftitution prompte entiere
de tous les vaiffeaux François , & de tout ce qui y
appartenoit , comme une condition préliminaire à
toute négociation ; le Roi n'ayant rien fait dans
toutes fes démarches , que ce que les hoftilités com
mencées pas la France en tems de pleine paix ( dont
on a les preuves les plus authentiques ) , & ce que
Sa Majesté doit à fon honneur , à la défense des
droits & poffeffions de fa Couronne , & à la fureté
defes Royaumes, ont rendu jufte indifpenfable.
J'ai l'honneur d'être , &c.
Le 18 M. le Duc de Charoft prêta ferment
entre les mains du Roi , pour la Lieutenance- Générale
de Picardie & du Boulonnais , & pour le
Gouvernement
des Ville & Citadelle de Calais .
Monfeigneur le Dauphin & Madame la Dauphine
vinrent le 19 de Janvier à Paris , pour rendre
à Dieu leurs folemnelles actions de graces , à
l'occafion de la naiffance de Monfeigneur le Comte
de Provence. Ce Prince & cette Princeffe arriverent
fur les trois heures & demie après- midi à
PEglife Métropolitaine , & furent reçus à la porte
de l'Eglife par l'Abbé de Saint- xupery , Doyen
du Chapitre , à la tête des Chanoines . Ayant été
conduits dans le Choeur , ils affifterent au Te
Deum , auquel le Doyen officia . En fortant , ils
firent leur priere à la Chapelle de la Vierge . De
1'Eglife Métropolitaine , Monfeigneur le Dau
phin & Madame Pa Dauphine fe rendirent à celle
de Sainte Geneviévé . L'Abbé , à la tête de fa Communauté
, les reçut à la porte de l'Eglife . Lorfque
ce Prince & cette Princeffe furent entrés dans le
230 MERCURE DE FRANCE.
Choeur , on célebra le Salut. La Châffe de Sainte
Géneviéve étoit découverte. Monfeigneur le Dauphin
& Madame la Dauphine , en arrivant à l'Eglife
Métropolitaine & à celle de Sainte Géneviéve
, ont trouvé une Compagnie des Gardes Françoifes
& une des Gardes Suiffes fous les armes . Le
foir , ce Prince & cette Princeffe retournerent à
Verfailles. Le peuple eft accouru partout en foule
fur leur paffage , & a témoigné par fes acclamations
la joie que lui caufoit leur préfence.
Sa Majesté voulant qu'il foit pourvu au remplacement
des Soldats , qui manquent dans les
Bataillons de Milice , & en même- tems à la levée
de l'augmentation qu'Elle a réfolu de faire dans
ces Bataillons , a ordonné ce qui fuit . ARTICLE I.
Les Bataillons de Milice , qui font actuellement
compofés de cinq cens hommes en dix Compa
gnies , feront portés à cinq cens quatre-vingt-dix
hommes chacun , formant le même nombre de
dix Compagnies , dont une de Grenadiers de cinquante
hommes , une de Grenadiers Poftiches de
foixante , & huit de Fufiliers de pareil nombre ;
les neuf Compagnies , tant de Grenadiers Poftiches
que de Fusiliers , devant être augmentées
chacune de dix hommes. ART. II. Entend Sa Majefté
, que , conformément aux ordres qu'Elle
donnés pour fufpendre la délivrance des congés
d'ancienneté aux Cavaliers , Dragons & Soldats
de fes troupes , il ne foit également délivré aucun
congé d'ancienneté aux Soldats de fes Bataillons
de Milice pendant la préfente année ; fe réſervant
de régler ceux qui devront être expédiés dans la
fuite. ART. III. Veut Sa Majefté , qu'il foit incel
famment procédé par le fieur Berryer , Lieutenant-
Général de Police de la Ville de Paris , &
par les Intendans des Provinces & Généralités di
FEVRIER. 1756. 271
A
Royaume , ou leurs Subdélégués , à la levée tant
des remplacemens qu'il y a à faire pour completer
le fonds actuel des Bataillons de Milice de
leurs Départemens , que des quatre -vingt- dix
hommes d'augmentation par Bataillon , enforte
qu'ils puiffent être affemblés auffi- tôt que Sa Majesté
le preferira .
L'honneur qu'a la Provence , de voir porter fon
nom au troifiéme petit - Fils de France , faifoit à la
Ville d'Aix une loi de célébrer la naiffance de ce
Prince , par des réjouiffances éclatantes. La Fêtefut
annoncée le 12 de Décembre par plufieurs
troupes de Trompettes , de Tambours & de Tambourins
qui parcoururent la Ville . Le 14 , on
chanta le Te Deum dans l'Eglife Métropolitaine.
Un Bucher fut allumé dans la Place des Prêcheurs.
Devant l'Hôtel du Gouvernement , dont la façade
étoit illuminée avec autant de goût que de magnificence
, s'élevoit un Arc de Triomphe , fous lequel
le Duc de Villars fir diftribuer des viandes au
peuple pendant quatre heures confécutives . Toute
la nuit , il coula des quatre angles du Buffet quatre
Fontaines de vin. Une Cavalcade d'environ deux
cens Citoyens , divifés en quatre Compagnies
différemment habillées , fe promena dans les principales
rues. Trois de ces Compagnies , l'une de
Mafques de divers caracteres , l'autre de Cavaliers
Turcs , la troifiéme vêtue d'un riche uniforme
militaire , précédoient un Char orné de dorures
& d'emblêmes , & rempli de Symphonistes. Au
fond de ce Char , on voyoit deux perfonnes ,
dont l'une repréſentoit la Provence tenant dans fes
bras un Enfant , & l'autre le Roi René , qui regardoit
cet enfant avec complaifance . La quatriéme
Compagnie , habillée à la Chinoife ,fuivait
le Char. Chaque Compagnieavoit fes laftrumens,
232 MERCURE DE FRANCE.
*
fes Etendards & fes Officiers ; & la bride du cheval
de chaque Cavalier étoit tenue par un Valet
mafqué , lequel portoit un flambeau. Quinze Bergeres
& autant de Bergers fe rendirent chez M. le
Duc de Villars en chantant l'événement qui
caufoit l'allégreffe publique , & en exprimant la
leur d'une maniere d'autant plus tonchante
qu'elle étoit plus naïve . Il y eut au Gouvernement
un fouper fomptueux , & l'on y fervit huit tables,
compofant enfemble deux cens cinquante couverts.
M. le Duc de Villars donna le lendemain dans
la Salle de l'Hôtel de Ville un Bal , pendant lequel
on diftribua des rafraîchiffemens de toute
efpece Le 21 , ce Seigneur a la tête des Confuls
& du Corps de Ville , affifta à la Meffe , que la
Ville fit chanter dans l'Eghte des Dominicains . A
Pentrée de la nuit , on tira dans la Place de l'Hô .
tul de Ville , un feu d'artifice qui dura trois quarts
d'heure. La face de cet Hôtel étoit illuminée en
lampions & en pots à feu. Toutes les perfonnes
de diftinction y fouperent. Cette Fête , dans laquelle
la Nobleffe & le peuple ont fait éclater à
l'envi leur zele & leur joie , fera mémorable particuliérement
pour les pauvres . La Ville en a habillé
& diverſement fecouru un très- grand nombre,
& M. le Duc de Villars a répandu fes largeſſes
fur tous ceux qui le font préfentés.
Pendant le cours de l'année derniere , il eft
mort à Paris vingt mille vingt- une perſonnes :
il s'y eft fait dix-neuf mille quatre cens douze
baptêmes , & quatre mille cinq cens un mariages;
& il y a eu quatre mille deux cens foixantetreize
Enfans Trouvés.
Le 22 , les Actions de la Compagnie des Indes
étoient à quatorze cens livres : les Billets de la
premiere Loterie Royale , à huit cens vingt-cinq;
FEVRIER. 1756. 233
& ceux de la troifiéme Loterie , à fix cens dix- huit.
Ceux de la Seconde n'avoient point de prix fixe.
l'Ordre du Saint -Efprit , tous en Manteau de
deuil , s'étant affemblés le a de Janvier , vers les
dix heures du matin dans le Cabinet du Roi , Sa
Majefté fortit de fon appartement pour aller à la
Chapelle. Le Roi , devant qui les deux Huiffiers
de la Chambre portoient leurs Maffes , étoit en
Manteau violet ,le Collier de l'Ordre par- deffus ,
ainfi que celui de l'Ordre de la Toifon d'Or. Sa
FEVRI E R. 1756. 223
Majefté étoit précédée de Monfeigneur le Dauphin
, du Duc d'Orléans , du Prince de Condé ,
du Comte de Clermont , du Prince de Conty , du
Comte de la Marche , du Comte d'Eu , du Duc
de Penthiévre , & des Chevaliers , Commandeurs
& Officiers de l'Ordre . Elle affifta à la Meffe de
Requiem , que l'Archevêque de Narbonne , Prélat
Commandeur de l'Ordre du Saint - Esprit , célébra
pour le repos des ames des Chevaliers morts pendant
le cours de l'année derniere. Enfuite Sa Ma
jefté fut reconduite à fon appartement , ains
qu'Elle étoit venue à la Chapelle.
Le 3 , les Députés des Etats de Bretagne eurent
audience du Roi . Ils furent préfentés à Sa Majesté
par M. le Duc de Penthievre , Gouverneur de la
Province , & par M. le Comte de Saint Florentin ,
Miniftre & Secrétaire d'Etat , & conduits par M.
le Marquis de Dreux , Grand Maître des Cérémonies.
La Députation étoit compofée pour le Cler.
gé , de M. l'Evêque de Nantes qui porta la parole ;
de M. le Comte de Polignac pour la Nobleffe , &
de M. Marion , Député du Commerce de Saint-
Malo , pour le Tiers- Etat.
Le 4, Madame la Marquife de Broglie fur
préfentée à Leurs Majeftés & à la Famille Royale.
M. de Machault , Garde des Sceaux de France ,
Miniftre & Secrétaire d'Etat ayant le Département
de la Marine , préſenta le même jour au Roi M. le
Chevalier de Tourville , Officier des Vaiffeaux de
Sa Majesté.
Les Officiers Généraux qui feront employés
fur les côtes de l'Océan , depuis Dunkerque jufqu'à
la frontiere d'Efpagne , fous les ordres de M.
le Maréchal Duc de Belle-Ifle , font :
LIEUTENANS-GENERAUX , Meffieurs , le Mar
quis de Clermont Gallerande , fur les côtes de
Kiv
224 MERCURE DE FRANCE.
Saintonge , Païs d'Aunis & Poitou . Le Comte
d'Eftrées & le Duc d'Harcourt , côtes de Normandie
& du Gouvernement du Havre . Le Prince de
Soubize , côtes de Flandre. Le Duc de Chaulnes ,
côtes de Picardie & Calaifis. M. de Crémille , le
Marquis d'Hérouville , côtes de Guyenne , de
Bayonne & du Païs de Labour. Le Comte de Saint
Germain , côtes de Flandre.
t.
MARECHAUX DE CAMP . MM . le Duc d'Aiguillon
, côtes de Bretagne . Du Barail , côtes de
Flandre. Le Marquis de Dreux , côtes de Saintonge
, Païs d'Aunis & Poitou, Le Marquis de Puyfegur
, côtes de Normandie & du Gouvernement
du Havre. Le Marquis de Voyer , M. Lally , dans
le Boulonnois. Le Marquis de Narbonne , côtes
de Guyenne , de Bayonne & du Pais de Labour.
Le Marquis de Curfay , côtes de Bretagne. Le
Comte de Raymond , côtes de Normandie & du
Gouvernement du Havre .
T
Le Maréchal Duc de Richelieu , à qui le Roi a
donné le commandement général des côtes de la
Méditerranée depuis la frontiere d'Eſpagne jufqu'au
Var , aura fous fes ordres trois Lieutenans-
Généraux, & deux Maréchaux de Camp .
LIEUTENANS- GENERAUX employés fous les ordres
de ce Maréchal. Le Duc de Mirepoix , fur les côtes
de Languedoc. Le Comte de Graville , côtes
de Rouffillon . Le Marquis de Maillebois , côtes
de Provence.
MARECHAUX DE CAMP qui ferviront fous les
mêmes ordres. Le Comte de Moncan , côtes de
Languedoc. Le Comte de Lannion , côtes de Provence
.
On a annoncé l'année derniere , que l'Académie
de Pau avoit propofé pour le Sujet du Prix
qu'elle doit diftribuer en 1756 , L'utilité des déFEVRIER.
1756. 225
44
couvertesfaites dans les Sciences fous le Regne de
Louis XV. Une des Pieces de Poélies qui ont été
envoyées à cette Académie , a été adreffée par la
Pofte à l'Abbé de Sorberio , ci - devant Secrétaire
de la Compagnie , & on lit au bas cette Sentence ,
Eft aliquidfub Sole novum. L'Auteur n'a pas joine
à fon Poëme le billet cacheté qui devoit contenir
fon nom , & fur lequel devoit être répetée la
Sentence ci- deſſus mentionnée. Il eft averti qu'il
ne peut entrer en concours s'il ne répare cette
omiffion , en envoyant une autre copie de fon
ouvrage , accompagnée d'un Billet dans lequel i
obferve les deux formalités dont on vient de parler.
On a appris que le 21 du mois dernier il y avoit
eu un nouveau tremblement de terre à Lisbonne.
Plufieurs des maifons qui n'avoient été qu'ébranlées
, ont été détruites . Leur chûte a fait périt
encore plus de trois cens perfonnes. Nouvelle
incertaine .
Sur la démiſſion volontaire'de M. le Duc de
Bethune en faveur de M. le Duc de Charoft fon
petit- fils , le Roi a accordé à ce dernier la Lieurtenance
- Générale de Picardie & du Boulonnois ,
ainfi que le Gouvernement des Ville & Citadelle
de Calais.
On apprend de Luneville , que le Roi ayant
nommé Commandeur Honoraire de l'Ordre Royal
& Militaire de Saint Louis M. de Baye , Brigadier
de Cavalerie , Commandant les deux Compagnies
des Cadets Gentilshommes du Roi de Pologne
Duc de Lorraine & de Bar , Sa Majefté Polonoife
a fait l'honneur à cet Officier , de le revêtir lui-
-même du grand Cordon rouge.
La nuit du 26 au 27 de Décembre , on fentit
à Rocroy deux legeres fecouffes de tremblement
de terre , la premiere à onze heures cin-
K v
226 MERCURE DE FRANCE.
quante-fix minutes , la feconde à minuit douze
minutes . Elles s'annoncerent par un bruit fourd
de peu de durée , & le Ciel , au rapport des fentinelles
qui étoient pour lors en faction , parut tour
en feu.
M. Rouillé , Miniftre & Secrétaire d'Etat ayant
le Département des Affaires Etrangeres , écrivit
le 21 du même mois à Monfieur Fox , Secrétaire
d'Etat du Roi d'Angleterre , la Lettre fuivante.
·
Monfieur , c'est par ordre du Roi mon Maître ,
que j'ai l'honneur d'envoyer à votre Excellence le
Mémoire que je joins ici , &c.
« Il n'a pas tenu au Roi que les différends concernant
l'Amérique n'ayent été terminés par les
» voies de la conciliation , & Sa Majesté eft en
» état de le démontrer à l'Univers entier par des
preuves authentiques.
Le Roi , toujours animé du défir le plus fin-
» cere de maintenir le repos public & la plus parfaite
intelligence avec Sa Majefté Britannique
» a fuivi avec la bonne foi & la confiance la plus
entiere la négociation relative à cet objet.
» Les affurances que le Roi de la Grande Bre-
» tagne & fes Miniftres renouvelloient fans ceffe
» de vive voix & par écrit , étoient fi formelles
» & fi préciſes fur les difpofitions pacifiques de Sa
Majefté Britannique , que le Roi fe feroit re-
» proché le moindre doute fur la droiture des in-
» tentions de la Cour de Londres .
» Il n'eft guere poflible de concevoir com-
» ment ces affurances pouvoient fe concilier avec
ples ordres offenfifs , donnés en Novembre 1754
au Général Braddock , & au mois d'Avril 1755à
» P'Amiral Bofſcawen.
» L'attaque au mois de Juillet dernier , & la
prife de deux vaiffeaux du Roi en pleine mer &
7 FEVRIER. 1756. 227
D fans déclaration de guerre , étoient une infulte
publique au pavillon de Sa Majefté ; & elle auroit
témoigné fur le champ tout le jufte reffen-
» tinient que lui infpiroit une entrepriſe fi irrégu
liere & fi violente , fi elle avoit pu croire que
» P'Amiral Boscawen n'eût agi que par les ordres.
» de la Cour.
» Le même motif avoit d'abord fufpendu le
» jugement du Roi fur les pirateries que les vaiffeaux
de guerre Anglois exercent depuis plu
» fieurs mois contre la navigation & le commervce
des fujets de Sa Majefté , au mépris du droit
des gens , de la foi des traités , des ufages établis
parmi les nations policées , & des égards
» qu'elles fe doivent réciproquement.
Le Roi avoit lieu d'attendre des fentimens
de Sa Majefté Britannique , qu'à fon retour à
» Londres elle défavoueroit la conduite de fon
Amirauté & de fes Officiers de mer , & qu'elle
» donneroit à Sa Majefté une fatisfaction'
tionnée à l'injure & au dommage,
propor
» Mais le Roi voyant que le Roi d'Angleterre
» bien loin de punir les brigandages de la Marine
» Angloife , les encourage au contraire , en demandant
à fes Sujets de nouveaux fecours con
» tre la France , Sa Majesté manqueroit à ce qu'el
» le doit à fa propre gloire , à la dignité de ſa
» Couronne , & à la défenfe de fes peoples , fi
elle différoit plus long - tems d'exiger du Roi
» de la Grande Bretagne une réparation éclatante:
» de l'outrage fait au pavillon François , & des
dommages caufes aux Sujets du Roi,
Sa Majefté croit donc devoir s'adreffer direc
tement à Sa Majefté Britannique , & lui deman
der la rehitution prompte & entiere de tous les
» vaiffeaux Francois , tant de guerre que mar-
3Y
K vj
228 MERCURE DE FRANCE.
chands, qui, contre toutes les loix & contre tou
tes les bienséances , ont été pris par la Marine
» Angloife , & de tous les Officiers , Soldats , Ma-
» telots , Artillerie , Munitions , Marchandifes , &
genéralement de tout ce qui appartenoit à ces
>> vaiffeaux .
»
» Le Roi aimera toujours mieux devoir à l'équité
du Roi d'Angleterre qu'à tout autre moyen
»la fatisfaction que Sa Majeſté a droit de recla-
» mer & toutes les Puiffances verront fans dou
» te dans la démarche qu'elle s'eft déterminée à
» faire une nouvelle preuve bien ſenſible de cet
» amour conftant pour la paix , qui dirige fes
» confeils & fes réfolutions.
» Si Sa Majefté Britannique ordonne la refti-
» tution des vailleaux dont il s'agit , le Roi fera
» difpofé à entier en négociation fur les autres
fatisfactions qui lui font légitimement dues , &
» continuera de fe prêter , comme il a fait précé-
» demment à un accommodement équitable &
» folide fur les difcuffions qui concernent l'Amé
>> rique.
» Mais fi , contre toute efpérance , le Roi d'Angleterre
fe refufe à la réquifition que le Roi luí
» fait , Sa Majefté regardera će deni de jufticé
» comme la déclaration de guerre la plus authen-
» tique , & comme un deffein forme par la Cour
» de Londres , de troubler le repos de l'Europe .
M. Fox á fait à M. Rouillé la réponſe qui fuit
& qui eft datée de Whitehall , le 13 Janvier.
Monfieur , j'ai reçu le 3 de ce mois la lettre
dont votre Excellence m'a honoré , en date du zí
du mois paffé , avec le Mémoire dont elle étoit accompagnée
. Je n'ai pas tardé à les mettre devant
le Roi mon Maître, c'eft par fes ordres que j'ai
P'honneur d'informer votre Excellence que Sa Ma
FEVRIER. 1756. 229
jefté continue de fouhaiter la confervation de la
tranquillité publique ; mais quoique le Roi fe prê
tera volontiers à un accommodement équitable &
folide , Sa Majesté ne fçauroit accorder la deman
de qu'on fait de la reftitution prompte entiere
de tous les vaiffeaux François , & de tout ce qui y
appartenoit , comme une condition préliminaire à
toute négociation ; le Roi n'ayant rien fait dans
toutes fes démarches , que ce que les hoftilités com
mencées pas la France en tems de pleine paix ( dont
on a les preuves les plus authentiques ) , & ce que
Sa Majesté doit à fon honneur , à la défense des
droits & poffeffions de fa Couronne , & à la fureté
defes Royaumes, ont rendu jufte indifpenfable.
J'ai l'honneur d'être , &c.
Le 18 M. le Duc de Charoft prêta ferment
entre les mains du Roi , pour la Lieutenance- Générale
de Picardie & du Boulonnais , & pour le
Gouvernement
des Ville & Citadelle de Calais .
Monfeigneur le Dauphin & Madame la Dauphine
vinrent le 19 de Janvier à Paris , pour rendre
à Dieu leurs folemnelles actions de graces , à
l'occafion de la naiffance de Monfeigneur le Comte
de Provence. Ce Prince & cette Princeffe arriverent
fur les trois heures & demie après- midi à
PEglife Métropolitaine , & furent reçus à la porte
de l'Eglife par l'Abbé de Saint- xupery , Doyen
du Chapitre , à la tête des Chanoines . Ayant été
conduits dans le Choeur , ils affifterent au Te
Deum , auquel le Doyen officia . En fortant , ils
firent leur priere à la Chapelle de la Vierge . De
1'Eglife Métropolitaine , Monfeigneur le Dau
phin & Madame Pa Dauphine fe rendirent à celle
de Sainte Geneviévé . L'Abbé , à la tête de fa Communauté
, les reçut à la porte de l'Eglife . Lorfque
ce Prince & cette Princeffe furent entrés dans le
230 MERCURE DE FRANCE.
Choeur , on célebra le Salut. La Châffe de Sainte
Géneviéve étoit découverte. Monfeigneur le Dauphin
& Madame la Dauphine , en arrivant à l'Eglife
Métropolitaine & à celle de Sainte Géneviéve
, ont trouvé une Compagnie des Gardes Françoifes
& une des Gardes Suiffes fous les armes . Le
foir , ce Prince & cette Princeffe retournerent à
Verfailles. Le peuple eft accouru partout en foule
fur leur paffage , & a témoigné par fes acclamations
la joie que lui caufoit leur préfence.
Sa Majesté voulant qu'il foit pourvu au remplacement
des Soldats , qui manquent dans les
Bataillons de Milice , & en même- tems à la levée
de l'augmentation qu'Elle a réfolu de faire dans
ces Bataillons , a ordonné ce qui fuit . ARTICLE I.
Les Bataillons de Milice , qui font actuellement
compofés de cinq cens hommes en dix Compa
gnies , feront portés à cinq cens quatre-vingt-dix
hommes chacun , formant le même nombre de
dix Compagnies , dont une de Grenadiers de cinquante
hommes , une de Grenadiers Poftiches de
foixante , & huit de Fufiliers de pareil nombre ;
les neuf Compagnies , tant de Grenadiers Poftiches
que de Fusiliers , devant être augmentées
chacune de dix hommes. ART. II. Entend Sa Majefté
, que , conformément aux ordres qu'Elle
donnés pour fufpendre la délivrance des congés
d'ancienneté aux Cavaliers , Dragons & Soldats
de fes troupes , il ne foit également délivré aucun
congé d'ancienneté aux Soldats de fes Bataillons
de Milice pendant la préfente année ; fe réſervant
de régler ceux qui devront être expédiés dans la
fuite. ART. III. Veut Sa Majefté , qu'il foit incel
famment procédé par le fieur Berryer , Lieutenant-
Général de Police de la Ville de Paris , &
par les Intendans des Provinces & Généralités di
FEVRIER. 1756. 271
A
Royaume , ou leurs Subdélégués , à la levée tant
des remplacemens qu'il y a à faire pour completer
le fonds actuel des Bataillons de Milice de
leurs Départemens , que des quatre -vingt- dix
hommes d'augmentation par Bataillon , enforte
qu'ils puiffent être affemblés auffi- tôt que Sa Majesté
le preferira .
L'honneur qu'a la Provence , de voir porter fon
nom au troifiéme petit - Fils de France , faifoit à la
Ville d'Aix une loi de célébrer la naiffance de ce
Prince , par des réjouiffances éclatantes. La Fêtefut
annoncée le 12 de Décembre par plufieurs
troupes de Trompettes , de Tambours & de Tambourins
qui parcoururent la Ville . Le 14 , on
chanta le Te Deum dans l'Eglife Métropolitaine.
Un Bucher fut allumé dans la Place des Prêcheurs.
Devant l'Hôtel du Gouvernement , dont la façade
étoit illuminée avec autant de goût que de magnificence
, s'élevoit un Arc de Triomphe , fous lequel
le Duc de Villars fir diftribuer des viandes au
peuple pendant quatre heures confécutives . Toute
la nuit , il coula des quatre angles du Buffet quatre
Fontaines de vin. Une Cavalcade d'environ deux
cens Citoyens , divifés en quatre Compagnies
différemment habillées , fe promena dans les principales
rues. Trois de ces Compagnies , l'une de
Mafques de divers caracteres , l'autre de Cavaliers
Turcs , la troifiéme vêtue d'un riche uniforme
militaire , précédoient un Char orné de dorures
& d'emblêmes , & rempli de Symphonistes. Au
fond de ce Char , on voyoit deux perfonnes ,
dont l'une repréſentoit la Provence tenant dans fes
bras un Enfant , & l'autre le Roi René , qui regardoit
cet enfant avec complaifance . La quatriéme
Compagnie , habillée à la Chinoife ,fuivait
le Char. Chaque Compagnieavoit fes laftrumens,
232 MERCURE DE FRANCE.
*
fes Etendards & fes Officiers ; & la bride du cheval
de chaque Cavalier étoit tenue par un Valet
mafqué , lequel portoit un flambeau. Quinze Bergeres
& autant de Bergers fe rendirent chez M. le
Duc de Villars en chantant l'événement qui
caufoit l'allégreffe publique , & en exprimant la
leur d'une maniere d'autant plus tonchante
qu'elle étoit plus naïve . Il y eut au Gouvernement
un fouper fomptueux , & l'on y fervit huit tables,
compofant enfemble deux cens cinquante couverts.
M. le Duc de Villars donna le lendemain dans
la Salle de l'Hôtel de Ville un Bal , pendant lequel
on diftribua des rafraîchiffemens de toute
efpece Le 21 , ce Seigneur a la tête des Confuls
& du Corps de Ville , affifta à la Meffe , que la
Ville fit chanter dans l'Eghte des Dominicains . A
Pentrée de la nuit , on tira dans la Place de l'Hô .
tul de Ville , un feu d'artifice qui dura trois quarts
d'heure. La face de cet Hôtel étoit illuminée en
lampions & en pots à feu. Toutes les perfonnes
de diftinction y fouperent. Cette Fête , dans laquelle
la Nobleffe & le peuple ont fait éclater à
l'envi leur zele & leur joie , fera mémorable particuliérement
pour les pauvres . La Ville en a habillé
& diverſement fecouru un très- grand nombre,
& M. le Duc de Villars a répandu fes largeſſes
fur tous ceux qui le font préfentés.
Pendant le cours de l'année derniere , il eft
mort à Paris vingt mille vingt- une perſonnes :
il s'y eft fait dix-neuf mille quatre cens douze
baptêmes , & quatre mille cinq cens un mariages;
& il y a eu quatre mille deux cens foixantetreize
Enfans Trouvés.
Le 22 , les Actions de la Compagnie des Indes
étoient à quatorze cens livres : les Billets de la
premiere Loterie Royale , à huit cens vingt-cinq;
FEVRIER. 1756. 233
& ceux de la troifiéme Loterie , à fix cens dix- huit.
Ceux de la Seconde n'avoient point de prix fixe.
Fermer
Résumé : « Les Chevaliers, Commandeurs & Officiers de l'Ordre du Saint-Esprit, [...] »
En janvier 1756, les Chevaliers de l'Ordre du Saint-Esprit se réunirent pour une messe de requiem en mémoire des membres décédés. Le roi, accompagné du Dauphin et divers princes, était vêtu d'un manteau violet et des colliers des ordres du Saint-Esprit et de la Toison d'Or. Le 3 janvier, les députés des États de Bretagne furent reçus par le roi, présentés par le duc de Penthièvre et le comte de Saint Florentin. Le 4 janvier, la marquise de Broglie fut présentée à la famille royale, et le chevalier de Tourville fut introduit au roi par Machault, Garde des Sceaux. Plusieurs officiers généraux furent nommés pour surveiller les côtes de l'Océan et de la Méditerranée sous les ordres du maréchal duc de Belle-Isle et du maréchal duc de Richelieu. L'Académie de Pau proposa un sujet pour le prix de poésie de 1756. Un nouveau tremblement de terre à Lisbonne causa davantage de victimes. Le duc de Charost reçut la lieutenance générale de Picardie et du Boulonnais et prêta serment pour sa nouvelle fonction. Le roi de Pologne honora un officier français, et des secousses sismiques furent ressenties à Rocroy. Le ministre Rouillé écrivit au secrétaire d'État britannique Fox concernant les différends en Amérique et les attaques navales. Fox répondit que le roi d'Angleterre ne pouvait accorder la restitution des vaisseaux français comme condition préliminaire à toute négociation. Le Dauphin et la Dauphine se rendirent à Paris pour des actions de grâce à l'occasion de la naissance du comte de Provence. Le roi ordonna l'augmentation du nombre de soldats dans les bataillons de milice. Le document mentionne également la composition des compagnies militaires, incluant une de Grenadiers de cinquante hommes, une de Grenadiers Postiches de soixante, et huit de Fusiliers de cinquante hommes. Les neuf compagnies de Grenadiers Postiches et de Fusiliers doivent être augmentées chacune de dix hommes. Les congés d'ancienneté pour les soldats des Bataillons de Milice sont suspendus pour l'année en cours. Des festivités furent organisées à Aix pour célébrer la naissance du troisième petit-fils de France. Ces réjouissances inclurent des annonces par des troupes de trompettes et tambours, un Te Deum chanté dans l'église métropolitaine, un bûcher allumé sur la Place des Prêcheurs, et un Arc de Triomphe devant l'Hôtel du Gouvernement. Des distributions de nourriture et de vin furent faites, et une cavalcade de citoyens parcourut les principales rues. La fête comprenait également des masques, des cavaliers turcs, et des uniformes militaires, ainsi qu'un char orné de dorures et d'emblèmes. Enfin, le texte fournit des statistiques sur les naissances, mariages, et décès à Paris au cours de l'année précédente, ainsi que les prix des actions de la Compagnie des Indes et des billets de loterie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 177-201
Nouvelles de la Cour, de Paris, &c.
Début :
Le 9 Octobre, sur les cinq heures de l'après-midi, Madame la Dauphine commença à sentir [...]
Mots clefs :
Naissance du Prince, Comte d'Artois, Famille royale, Cérémonie, Madame la Dauphine, Accession à des charges, Serment, Troupes, Actes de piété et démonstrations de joies, Députés, Canada, Anglais, Nouvelle France, Campagne militaire, Ennemis, Marquis de Vaudreuil, Forts, Expéditions, Batailles, Lieutenant, Colonel, Marquis de Montcalm, Capitaine, Soldats, Chevalier, Milices, Défense, Les sauvages, Camps, Protections, Artillerie, Siège, Victoire, M. Passemant, Miroir, Corsaires , Navires, Marchandises
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Nouvelles de la Cour, de Paris, &c.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
I
E 9 Octobre , fur les cinq heures de l'aprèsmidi
, Madame la Dauphine commença à fentir
Hv
178 MERCURE DE FRANCE.
des douleurs. Vers les fept heures du foir , cette
Princeffe accoucha d'un Prince , que le Roi a nom.
mé Comte d'Artois. M. l'Abbé de Bouillé , Comtede
Lyon , & premier Aumônier de Sa Majeſté ,
fit , à fept heures un quart , la cérémonie de l'ondoyement
, en préfence du Curé de la Paroiffe da
Château . Monfieur Rouillé , Miniftre d'Etat , Sur
Intendant général des Poftes , & grand Tréforier
de l'Ordre du S. Elprit , ayant apporté le Cordon
de cet Ordre , eut l'honneur de le paffer au col
du Prince . Monfeigneur le Comte d'Artois fut enfuite
remis à la Comteffe de Marfan , Gouvernante.
des Enfans de France ; & elle le porta à l'appartement
qui lui étoit deſtiné . Ce Prince y fut conduit
par le Maréchal Duc de Luxembourg , Capitaine
des Gardes du Corps.
Le Roi & la Reine , accompagnés de la Famille
Royale , ainfi que des Princes & Princeffes du
Sang , des grands Officiers de la Couronne , des.
Miniftres , des Seigneurs & Dames de la Cour
& précédés des deux Huiffiers de la Chambre quis
portoient leurs maffes , fe rendirent le lendemain
à la Chapelle. Leurs Majeftés y entendirent la
Meffe , pendant laquelle M. Colin de Blamont ,
Chevalier de l'Ordre de S. Michel , & Sur- Intendant
de la Mufique de la Chambre , fit exécuter le
Te Deum en mufique , de fa compofition . Cette
Hymne fut entonnée par M. l'Abbé Gergois, Chapelain
ordinaire de la Chapelle- Mufique.
Après la Meffe , le Roi & la Reine , Monfeigneur
le Dauphin , Monfeigneur le Duc de Bourgogne ,
Monfeigneur le Duc de Berry , Monfeigneur le
Comte de Provence , Madame Infante Duchellede
Parme , Madame ,. & Mefdames Victoire , Sophie
& Louife , reçurent dans leurs appartemens
les révérences des Dames de la Cour , à l'occafion
NOVEMBRE. 1757 179
des couches de Madame la Dauphine , & de la
naiffance du Prince.
On tira le foir un bouquet d'artifice devant les
fenêtres du Roi.
Sa Majefté a fait partir Monfieur Pernot- du
Buat , un de fes Gentilshommes ordinaires
pour aller à Luneville donner part de la naiffance
de Monfeigneur le Comte d'Artois au Roi de Pologne
, Duc de Lorraine & de Bar.
Madame la Dauphine & le jeune Prince fe por--
tent auffi bien qu'on puiffe le défirer.
9"
Sur le premier avis que Madame la Dauphine:
avoit reffenti quelques douleurs , le Corps - de-Ville
s'étoit affemblé. A huit heures & demie du foir
le fieur d'Amfreville , Chefde Brigade des Gardes.
du Corps , vint lui apprendre , de la part du Roi,.
la naiffance d'un Prince. Auffi -tôt les Prevôt des
Marchands & Echevins firent annoncer à toute la
Ville , par une falve générale de l'artillerie , & par
la cloche de l'Hôtel- de-Ville , qui a fonné jufqu'au
lendemain minuit , la nouvelle faveur qu'il
a plu à Dieu d'accorder au Roi & à la Nation. On
tira le même foir dans la place de l'Hôtel - de-Ville :
un grand nombre de fufées volantes,
Le ro , les officiers des cérémonies étant ab--
fens , le fieur Ourfin de Soligny , Maître d'hôtel
du Roi , remit au Corps - de- Ville une lettre de Sa
Majefté. Il fut fait deux falves générales de l'artil
lerie , l'une dès le matin , l'autre vers les fix heu--
res du foir , après laquelle les Prevôt des Marchands
& Echevins allumerent,avec les cérémonies
accoutumées , le bucher qui avoit été dreffé dans
la place devant l'Hôtel- de- Villé . Ce feu fut accom.-
pagné d'une grande quantité d'artifice : On fit couler
dans la place plufieurs fontaines de vin , & l'on
diftribua du pain &. des. viandes au peuple . Des.
H.vj.
180 MERCURE DE FRANCE.
orcheftres remplis de muficiens , mêlerent le foa
de leurs inftrumens aux acclamations dictées paa
Palégretle publique. La façade de l'Hôtel- de-
Ville fut illuminée par plufieurs filets de terrines ,
ainfi que l'hotel du Prevôt des Marchands , & les
mailons des Echevins & Officiers du Bureau de la
Ville.
Le Roi a accordé à M. le Marquis de la Tour-
Dupin de Paulin le régiment de Guyenne , vacant
par la mort de M. le Conte de Montmorenci-
Laval , tué à la bataille de Haftembecke .
a
Le Roi ayant admis dans fon Confeil des Dépêches
les fieurs Gilber de Voyfins & Berryer , Confeillers
d'Etat , le 16 octobre ils eurent l'honneur
de faire leurs remerciemens à Sa Majeſté.
Sa Majesté a donné le gouvernement général de
l'Orléanois , vacant par la mort de M. le Duc d'Antin
, au Comte de Rochecouart , fon Miniftre
Plénipotentiaire à la Cour de Parme.
Le 19 , M. le Duc de Duras prêta ferment entre
les mains du Roi pour la charge de premier Gentilhomme
de la Chambre , vacante par la mort du
Duc de Gefvres.
Le même jour, M. le Marquis de Gontaut prêta
ferment entre les mains de Sa Majeſté , pour la
Lieutenance générale du Languedoc , vacante par
la mort de M. le Maréchal Duc de Mirepoix.
Le Roi a difpofé en faveur du Prince de Beauveau
, de la charge de Capitaine des Gardes du
Corps , qu'avoit auffi le feu Maréchal Duc de Mirepoix
Sa Majesté a accordé au Vicomte de Noë,
Chambellan du Duc d'Orléans , & Capitaine de
vaiffeau , un brevet de Colonel à la ſuite du régiment
d'Orléans cavalerie.
M. de Lamoignon de Bafville a obteau da
A
a.
I
fo
P
ve
G
M
G:
NOVEMBRE . 1757. 181
Roi l'agrément de la charge de Préſident du Par
lement , dont le fieur Molé , premier Préfident ,
étoit revêtu.
Le Roi a nommé M. le Comte des Salles, Capitaine
de Cavalerie dans le régiment d'Harcourt ,
à la place deColoneldans lesGrenadiers de France,
vacante par la nomination de M. le Marquis de la
Tour - Dupin de Paulin au régiment de Guyenne.
Les troupes de la Maiſon du Roi , qui avoient
été détachées pour la défenſe de nos côtes , ne
font point arrivées à leur deftination , par la
prompte retraite des Anglois , & ont eu ordre de
revenir. Les Gardes Françoifes & les Gardes Suiffes
qui étoient reftées à Tours , à Saumur & à
Blois , doivent fe rendre ici fucceffivement dans
Fla fin d'octobre , & au commencement de novembre.
Les détachemens des Gardes du Corps ,
Gendarmes de la Garde , Chevaux- Légers , &
Moufquetaires de la premiere Compagnie , font
tous partis le 19 octobre , d'Orléans , d'Eftampes ,
d'Arpajon & de Chartres , où ils étoient reftés. La
feconde Compagnie des Moufquetaires , & les
Grenadiers à cheval , qui avoient reçu des contreordres
à temps , n'ont point quitté leurs quartiers.
Madame la Dauphine étant accouchée d'un
Prince le 9 d'octobre , M. le Marquis de Paulmy ,
Miniftre & Sécretaire d'Etat , expédia fur le champ.
un courier aux Députés des Etats de la Province
d'Artois
, pour leur faire fçavoir que le Roi avoit
nommé le nouveau Prince , Comte de cette Pro-,
vince. Auffitôt que cette nouvelle fut portée à
Arras , Capitale de l'Artois , toutes les cloches de
la Ville fonnerent , les habitans fermerent d'euxmêmes
leurs boutiques , & coururent en foule à
P'Eglife , pour y rendre à Dieu des actions.de.gra
182 MERCURE DE FRANCE.
ees de l'heureuſe délivrance de Madame la Dau
phine , & lui demander la conſervation d'un
Prince qui leur eft d'autant plus cher , que la
Province , depuis cinq hecles , a été privée de
Phonneur de voir fon nom porté par un Prince
de la Maiſon Royale. Ces actes de piété furent
fuivis des démonftrations de la joie la plus vive.
La nouvelle fut bientôt répandue jufqu'aux extrê
mités de l'Artois ; & tous les peuples , à l'envi de
la Capitale , s'emprefferent de faire éclater lear
reconnoiffance & leur alegreffe . Les Etats de la
province s'affemblerent extraordinairement , &
éfolurent de nommer une députation folemnelle,
formée de trois perfonnes de chaque ordre , pour
aller , conjointement avec les députés ordinaires
qui réfident cette année à la fuite de la Cour , remercier
le Roi de lafaveur fignalée que Sa Majesté
vient d'accorder à l'Artois , & pour la féliciter ,
ainfi que la Famille royale , fur cet heureux évé
nement. Cette députation s'étant rendue à Verfailles
le Dimanche 16 d'octobre , elle fut admife
à l'audience du Roi , de la Reine , de Monseigneur
le Dauphin , de Monfeigneur le Duc de Bourgogne
, de Monfeigneur le Duc de Berry , de Mon
feigneur le Comte de Provence , de Monfeigneur
le Comte d'Artois , de Madame Infante Ducheffe
de Parme , de Madame , & de Meſdames Victoire ,
Sophie & Louife. Les Députés furent préfentés
par M. le Marquis de Paulmy , Miniftre & Secresaire
d'Etat , ayant le département de la Province,
& conduits par M. Defgranges , Maître des Céré
monies. La députation étoit compofée de MM. les
Evêques d'Arras , de Saint - Omer , l'Abbé de
Saint-Waak & l'Abbé de Cry , Chanoine de is
Cathédrale d'Arras , pour le Clergé ; de MM. le
Marquis de Creny , le Comte d'Houchin , k
Bar
記
acc
Co
On
La
Pa
4
#1
NOVEMBRE . 1757. 183:
Baron de Wifmes , & le Baron d'Haynin , pour la
Nobleffe ; de MM. de Canchy , Echevin de la ville
de Saint - Omer ; Cornuel & Goffes , Echevins de
la ville d'Arras , & de Gouves , Procureur du Roi
de la même ville , pour le Tiers - Etat. Elle étoit
accompagnée de M. le Premier Préfident & du .
Confeil Provincial d'Artois . M. l'Evêque de Saint-
Omer porta la parole , & exprima d'une maniere:
touchante les fentimens de joie , d'amour , de
refpect & de reconnoiffance, communs à tous les
habitans de l'Artois. Cette Province fut réunie à
la Couronne en 1199 , par Philippe Augufte. Il
Périgea en Comté , & la donna à fon fils aîné , depuis
Louis VIII . Ce Comté paffa enfuite à Robert,.
fecond fils de Louis , qui porta le nom de Comte:
d'Artois , & fut tué à la bataille de la Maffoure,
Philippe le Bel en 1297 érigea l'Artois en Comté
Pairie.
La Princeffe de Condé eft accouchée heureufe--
ment les d'Octobre d'une Princeffe.
Les mauvais fuccès que les Anglois ont éprouvés
dans les entreprifes qu'ils ont tentées , foit dans le
fein de la paix , foit depuis la déclaration de la
guerre , pour envahir le Canada , ne les ont point
rebutés . Perfonne n'ignore les préparatifs im
menfes qu'ils avoient faits pour l'attaquer cette
année tout à la fois par mer & du côté des
terres. Les forces navales , que le Roi a deſtinées
pour la défenſe de cette colonie , ont fait échouer
leur projet du côté de la mer; & les difpofitions:
qui ont été faites dans le pays , les ont mis éga
lement hors d'état de faire aucune tentative fur les
frontieres.
Dès la fin de la campagne de l'année derniere ,,
M. le Marquis de Vaudreuil, Gouverneur & Lieute
pant-Général de la Nouvelle France , s'occupa de
184 MERCURE DE FRANCE.
tous les arrangemens qu'il pouvoit y avoir à pren
dre pour le mettre en état de les repouffer de toutes
parts.
Il prit des mefures pour avoir des partis de Canadiens
& de Sauvages continuellement en cam.
pagne durant l'hyver. Les incurfions que ces détachemens
ont faites fur les ennemis leur ont ré
beaucoup de monde , & donné l'alarme à leurs
colonies, où ils ont fait beaucoup de ravages.
M. le Marquis de Vaudreuil s'eft appliqué authà
ménager les bonnes difpofitions des Nations Sauvages
, qui en général font foulevées contre l'iajuftice
des prétentions & la violence des procédés
des Anglois. Celles qui font anciennement alliées
de la France n'ont point ceffé de donner de nouvelles
preuves de leur fidélité , & ont été continuellement
en parti contre les ennemis. D'autres
Nations nombreuſes font entrées dans cette alliance
, & ont pris part à la guerre. Les Iroquois
eux-mêmes , ces Nations que les Anglois repréſen
tent à l'Europe comme leurs fujettes , animés des
mêmes motifs que les autres Sauvages , ont pris le
même parti , malgré les efforts de toute espece
que les Gouverneurs Anglois ont faits pour obtenir
d'eux qu'ils s'en tinffent à la neutralité qu'ils
avoient obfervée dans les guerres précédentes
d'entre la France & l'Angleterre.
C'eſt relativement aux avantages que M. le Marquis
de Vaudreuil s'eft vu en état de tirer des difpofitions
de toutes ces Nations , qu'il a réglé fes
opérations.
Il avoit jugé que les ennemis tourneroient leurs
principaux efforts du côté du Lac Saint- Sacrearent
& du Lac Champlain ; & il a donné une
attention particuliere à munir les Forts qui défendent
cette frontiere. Les ennemis ayant été infor
NOVEMBRE. 1757 . 185
més qu'on devoit faire pafler du Fort Saint-Fre
déric au Fort de Carillon quelques provifions fous
l'escorte d'un petit détachement , en envoyere t
un de quatre-vingts hommes d'élite , qui enleva les
premieres traînes de ce convoi & fept Soldats ;
mais le Commandant du Fort Saint- Frédéric fit
marcher un nouveau détachement qui coupa celui
des ennemis dans fon chemin , le défit entiérerement
, à l'exception de trois hommes qui fe
fauverent , & reprit les traînes dont les ennemis
s'étoient emparés , & trois Soldats qui reftoient
de ceux qui avoient été enlevés . Cette action fe
pafla au mois de Janvier. MM . de Bafferode & de
la Grandville , Capitaines aux Régimens de Languedoc
& de la Reine , y eurent la principale
part.
M. le Marquis de Vaudreuil apprit dans le même
temps que les ennemis avoient raflemblé au
Fort Georges fitué fur le Lac Saint -Sacrement ,
des approvifionnemens confidérables de toures
les efpeces , & qu'ils avoient fait conftruire fous
le canon de ce Fort un très -grand nombre de barques
, de bateaux & d'autres bâtimens , non-feulement
pour le tranfport de ces approvifionnemens
, mais encore pour s'affurer la navigation de
ce Lac. Il jugea que tous ces préparatifs étoient
deftinés pour des entreprifes que les ennemis fe
propofoient d'exécuter au printems. Pour leur en
ôter les moyens , il fit , matcher au mois de Mars
un détachement de quinze cens hommes de troupes
réglées , Canadiens & Sauvages , fous les ordres
de M. Rigaud- de Vaudreuil , Gouverneur
des Trois - Rivieres , qui réuffit fi bien dans fon
expédition , qu'il parvint à brûler tous les bâtimens
de mer , tous les magafins qui étoient rem➡
plis de toutes fortes de munitions & d'uftenfiles
186 MERCURE DE FRANCE.
pour une armée de quinze mille hommes , & généralement
tout ce que les ennemis avoient raſ◄
femblé fous le Fort , lequel refta ifolé.
M. le Marquis de Vaudreuil ne fe contenta
pas des obftacles qu'il oppofoit par- là à l'exécution
des projets des ennemis du côté du Lac Saint-Sacrement
, il fortifia de nouveau les garnifons des
poftes qui font fur cette frontiere ; & au moyen
du renfort de troupes & des autres fecours que le
Roi a fait paffer en Canada , ce Gouverneur s'eft
trouvé en état d'agir offenfivement contre les ennemis.
Du côté de la Belle Riviere , il a fait détruire
plufieurs petits Forts qu'ils y avoient établis .
Pour profiter efficacement des avantages de
Pexpédition de M. Rigaud , & de ceux de la fituation
où le trouvoit la colonie du côté de la mer ,
il a formé le projet de s'emparer du Fort Georges.
L'établiffement de ce Fort , qui n'avoit été fait
que depuis peu de temps, étoit une de ces invaſions
que les Anglois font dans l'ufage de faire en tems
de paix fur les poffeflions de leurs voisins ; & il
leur donnoit les plus grandes facilités pour atta
quer le Canada par fon centre.
M. le Marquis de Vaudreuil a chargé de cette
importante expédition M. le Marquis de Montcalm
, Maréchal de Camp. Le corps de troupes
qu'il y a deftiné , étoit compofé de fix bataillons
de troupes de terre , d'un détachement des
troupes réglées de la colonie , de plufieurs détachemens
de milices , & de plufieurs partis de
Sauvages. Toutes ces troupes ont été raſſemblées
le 20 Juillet à Carrillon , où M. de Bourlamaque
, Colonel d'Infanterie , avoit déja fait les dif
pofitions préliminaires pour la marche de l'armée.
M. le Marquis de Montcalm s'y étoit rende
Σ
&
C
C
f
C
་
NOVEMBRE. 1757. 187
quelque temps auparavant. En attendant que l'armée
pût le mettre en marche , il avoit détaché
M. de Rigaud- de Vaudreuil , pour s'emparer de
la tête du portage du Lac Saint- Sacrement , avec
un corps de troupes de la colonie , de Canadiens
& de Sauvages.
M. Kigaud- de Vaudreuil s'étant établi dans ce
pofte , il envoya trois détachemens à la découverte.
Le premier , qui n'étoit que de dix hommes ,
fut attaqué fur le Lac Saint- Saciement par plufieurs
canots , dans lefquels il y avoit cent vinge
à cent trente Anglois . Quoique M. de Saint-
Ours , Lieutenant des troupes de la Colonie ,
qui le commandoit , fût bleffé à la premiere décharge
, il fe défendit avec tant de fermeté , qu'il
obligea les ennemis à fe retirer.
Le fecond , qui étoit affez confidérable , fut
commandé par M. Marin , autre Lieutenant , quis
fe fit précéder par huit Sauvages qui faifoient fon
avant-garde , lefquels fe trouverent vis - àvis quarante
Anglois. Dès le premier abord , ils firent :
leur décharge fur les ennemis , tuerent leur Com
mandant , & mirent le refte en fuite. M. Marin ,,
ayant rejoint fon avant-garde , réduifit fon détachement
à cent cinquante hommes d'élite . Il fe
porta près du Fort Edouard , éloigné de quelques.
lieues du Fort Georges , fans être découvert. Il défit
d'abord une patrouille de dix hommes , enfuite
une garde ordinaire de cinquante hommes ,
& plufieurs travailleurs. Il fe préfenta à la vue da
camp des ennemis , qui fortirent au nombre de
trois mille hommes faifant feu fur lui . Il le foutine
pendant deux heures. Ce ne fut même qu'avec
peine qu'il obligea les Sauvages qui étoient avec
ui , à fe retirer, Il tua dans certe action plus de
"
H
188 MERCURE DE FRANCE. Re
*
cent cinquante hommes , à quarante defquels les
Sauvages leverent la chevelure. Il n'en perdit pas
un feul & il n'y eut de bleffés que deux Sauvages.
Le troifieme détachement , commandé par M.
Corbiere , autre Officier de la Colonie , fe tint
embufqué pendant une journée. Au commencement
de la nuit , il apperçut fur le Lac vingt Berges
& deux Efquifs , dans lefquels il y avoit plus
de trois cens cinquante Anglois , commandés par
le Colonel Parker , cinq Capitaines , & fix autres
Officiers. Les Sauvages qui étoient avec lui firent
leur cri & leur décharge en même temps. Les
ennemis firent une foible réſiſtance. Deux feules
Berges fe fauverent , les autres furent prifes ou
coulées à fond. M. Corbier revint avec ceat
foixante-un prifonniers . Il y eut plus de cent cinquante
Anglois tués ou noyés ; & dans le détachement
François , il n'y eut qu'un Sauvage blee
affez légèrement .
M. le Marquis de Montcalm s'occupoit cependant
des difpofitions de fa marche . Il diftribua les
miliciens en plufieurs bataillons , dont il donnale
commandement à des Officiers des troupes de la
Colonie ; & des compagnies détachées de ces treapes
, il compofa un bataillon pour rouler avec
ceux des troupes de terre . H donna auffi à M. de
Villiers , Capitaine de celles de la Colonie , &
connu par plufieurs expéditions qu'il a exécutées
dans cette guerre , un corps de trois cens volontaires
Canadiens ; de maniere que l'armée le
trouva compofée de trois brigades de troupes ré-
'glées , qui étoient la brigade de la Reine , formée
des bataillons de la Reine & Languedoc , &
de celui des troupes de la Colonie ; la Brigade de
Sarre , des bataillons de la Sarre & de Guyen
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Ca
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སྒོ་
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9-
E
NOVEMBRE . 1757. 189
celle de Royal- Rouffillon , des bataillons de
Royal- Rouffillon & Bearn ; de fix brigades de
milices , des trois cens volontaires de Villiers , &
d'un détachement d'artillerie & de génie , compofé
de fept Officiers , & d'environ cent vingt
canonniers , bombardiers ou ouvriers . Tous ces
corps ne faifoient cependant enſemble que cinq
mille cinq cens combattans , non compris les
Sauvages qui étoient au nombre d'environ dixhuit
cens , parce que M. le Marquis de Montcalm
fut obligé de prendre dans les troupes quelques
détachemens , tant pour la garnifon du Fort de
Carillon , que pour quelques autres poftes .
Il étoit queftion de tranfporter par terre & à
bras d'hommes , depuis Carillon jufqu'au Lac
Saint-Sacrement , non feulement l'artillerie & les
munitions de guerre & de bouche de toute espece,
mais encore plus de quatre cens bateaux & canots ;
& cette opération fut fuivie avec tant de foin ,
qu'elle fut achevée la nuit du 31 Juillet au premier
Août.
Dès le 30 Juillet M. le Marquis de Montcalm
avoit fait partir M. le Chevalier de Levis , Brigadier
, à la tête d'un corps de deux mille cinq cens
hommes compofé de fix compagnies de Grenadiers
, huit piquets des volontaires de Villiers ,
d'environ mille Canadiens , & cinq cens Sauvages
, pour marcher au travers des bois , affurer
la navigation de l'armée , reconnoître & couvrir
fes débarquemens. Malgré les difficultés & les
fatigues de cette marche , cet Officier prit pofte
dès le lendemain au foir à la Baie de Ganaouské ,
qui n'eft qu'à quatre lieues du Fort Georges.
Le premier Août l'armée s'embarqua , & arriva
le 2 à trois heures du matin dans cette même
Baic. M. le Chevalier de Levis en repartit avec
190 MERCURE DE FRANCE.
fon détachement à dix heures , fe porta à une anfe
éloignée du Fort Anglois d'environ une lieue , &
fut reconnoître le Fort , la pofition des ennemis ,
& le débarquement propre à l'artillerie L'armée
arriva fur les onze heures du foir à cette même
anfe , & tout le monde reſta au bivouac .
Des prifonniers , qui furent faits pendant la
nuit des Canadiens & des Sauvages , rappor
par
terent que le nombre des ennemis pouvoit monter
à trois mille hommes , dont cinq cens étoient actuellement
dans le Fort , & le refte dans un camp
retranché qui étoit placé fur une hauteur à deux
cens toiles du Fort & à portée d'en rafraîchir continuellement
la garnifon. Ils ajouterent qu'au fignal
d'un coup de canon , toutes les troupes devoient
prendre les armes.
Sur ce rapport , qui s'accordoit avec les connoiffances
que M. le Chevalier de Levis avoit pri
fes fur la polition des ennemis , M. le Marquis de
Montcalm donna fur le champ l'ordre de marche
de l'armée , dont la difpofition fut faite pour recevoir
les ennemis , en cas qu'ils vinfſent à fa rencontre
, & pour , dans le cas où ils ne viendroient
pas , inveftir la place , & même attaquer le camp
retranché , s'il étoit jugé fufceptible d'une attaque
de vive force .
Le 3 à la pointe du jour , l'armée ſe mit en
marche.
M. le Chevalier de Levis faifoit l'avant-garde
avec fon corps , une partie des milices & tous les
Sauvages. Les bataillons & le refte des milices
marchoient enfuite en colonne , M. Rigaud-de
Vaudreuil à la droite , M. de Bourlamaque à la
gauche , & M. le Marquis de Montcalm dans le
centre. M. de Privat , Lieutenant- Colonel , avoit
été placé avec cinq cens hommes de troupes &
NOVEMBRE. 1757. 198
ane brigade de milices à la garde des bateaux &
de l'artillerie.
A midi , l'inveſtiſſement fut entierement formé
M. le Marquis de Montcalm , qui s'étoit porté à
l'avant -garde , ayant reconnu qu'il ne pouvoit at
taquer les retranchemens des ennemis , fans trop
compromettte fes forces , envoya ordre à M. de
Bourlamaque d'affeoir le camp de l'armée , la
gauche au Lac , la droite à des ravines preſque
inacceffibles , & d'y conduire fur le champ les
brigades de la Sarre & de Royal- Rouffillon . Pour
lui , avec la brigade de la Reine & une brigade de
milices , il paffa la nuit au bivouac , à portée de
foutenir le camp que M. le Chevalier de Levis occupoit
avec l'avant-garde fur le chemin du Forg
Gorges au Fort Edouard.
Comme ce pofte de l'avant -garde étoit trop
éloigné du ſiege , des bateaux & des vivres , elle
fe rapprocha le 4 au matin. M. le Marquis de
Montcalm ramena les deux brigades qu'il avoit
avec lui , prendre leur place dans le camp. L'ar
mée deſtinée à faire le fiege fe trouva alors poſtée ,
& compofée de fept bataillons de troupes , & de
deux brigades de milices. M. le Chevalier de Le
vis & M. Rigaud- de Vaudreuil , avec le refte des
milices , les volontaires de Villiers , & tous les
Sauvages , furent chargés de couvrir la droite du
camp , d'obferver les mouvemens des ennemis du
côté du chemin du Fort Edouard , & de leur don
ner à croire , par des mouvemens continuels , que
cette communication étoit encore occupée.
Dans l'après- midi du même jour 4 , on mar
qua le dépot de la tranchée. On fit le chemin de
ce dépôt au camp , les fafcines , gabions & fauciffons
néceffaires pour le travail de cette premiere
nuit ; & l'on mit en état une anfe , à laquelle le
192 MERCURE DE FRANCE.
dépôt aboutifloit , pour y pouvoir débarquer dans
la nuit l'artillerie à mesure qu'on en auroit befoin.
La nuit du 4 aus , on ouvrit la tranchée à 350
toiles du Fort d'attaque , embraffant le front du
Nord-Oueſt : cette tranchée étoit une espece de
premiere parallele. On commença auffi deux batteries
avec leur communication à la parallele.
Dans la journée dus , les travailleurs de jour
perfectionnerent les ouvrages de la nuit. Mais on
fut obligé de retirer un peu plus en arriere la gauche
du camp de l'armée , laquelle fe trouvoit trop
expofée au feu de la Place.
Le même jour , les Sauvages intercepterent
une lettre du Général Webb , écrite du Fort
Edquard en date du 4 à minuit . Il mandoit au
Commandant du Fort Georges , qu'auffitôt après
J'arrivée des milices des provinces auxquelles il
avoit envoyéordre devenir le joindre fur le champ,
il s'avanceroir pour combattre l'armée Françoife ;
que cependant , fi ces milices arrivoient trop tard
le Commandant fît enforte d'obtenir les meilleures
conditions qu'il pourroit. Cette lettre détermina
M. le Marquis de Montcalm à accélérer encore
la construction des batteries ; & le nombre
des travailleurs fut augmenté.
La nuit dus au6 , on acheva la batterie de la
gauche qui fut en état de tirer à la pointe du jour ;
elle étoit de huit pieces de canon & d'un mortier,
& elle battoit le front d'attaque & la rade des barques.
On acheva auſſi la communication de la batterie
de la droite avec la parallele , & l'on avança
confidérablement cette batterie.
La nuit du 6 au7 , on conduifit un boyau de
Iso toifes en avant fur la capitale du Baftion de
P'Ouest , & l'on acheva la batterie de la droite.
Elle étoit de huit pieces de canon , d'un mortier
&
te
fe
NOVEMBRE . 1757. 193
& de deux obufiers : elle battoit en écharpant le
front d'attaque , & à ricochet le camp retranché.
Elle fut démafquée à fept heures du matin ; &
après une double falve des deux batteries , M. le
Marquis de Montcalm jugea à propos de faire porter
au Commandant de la Place la lettre du Général
Webb , par M. de Bougainville un de fes Aides
de camp.
La nuit du 7 au 8 , les travailleurs cheminant
fur la Place , en continuant le boyau commencé
la veille , lequel fut conduit à 100 toifes du foffé,
ouvrirent auffi à l'extrêmité de ce boyau , un cro
chet pour y établir une troifieme batterie , & y
loger de la moufqueterie . Vers minuit , les enne
mis firent fortir trois cens hommes du camp retranché
. M. de Villiers tomba fur eux avec un
petit nombre de Canadiens & de Sauvages , leur
tua foixante hommes , fit deux prifonniers , &
força le refte à rentrer dans le camp.
Le travail de la nuit avoit conduit à un marais
P'environ so toifes de paffage , qu'un côteau qui
e bordoit mettoit à couvert des batteries de la
Place , à l'exception de 10 toifes de longueur ,
bendant lefquelles on étoit expoſé au feu de ces
batteries. Quoiqu'en plein jour , M. le Marquis
le Montcalm fit faire ce paffage comme celui
l'un foffé de place rempli d'eau , les fappeurs s'y
orterent avec tant de vivacité , que , malgré le
eu du canon & de la moufqueterie des ennemis ,
I fut achevé dans la matinée même , & qu'avant
a nuit une chauffée capable de fupporter l'artilleie
fe trouva pratiquée dans le marais. La moufueterie
des Canadiens & des Sauvages , qui tisient
aux embrafures du Fort , diminua beauoup
durant cette journée le feu des ennemis .
A quatre heures du foir , les Sauvages- Décou
I
194 MERCURE DE FRANCE.
vreurs rapporterent qu'un gros corps d'armée
marchoit au fecours de la place par le chemin du
Fort Edouard . M. le Chevalier de Levis s'y por
fur le champ avec la plus grande partie des Canadiens
& tous les Sauvages. M. le Marquis de
Montcalm ne tarda pas à le joindre avec la brigade
de la Reine & une brigade de milices . Il s'avançoit
en bataille prêt à recevoir l'ennemi ; les
bataillons en colone fur le grand chemin , les
Canadiens & les Sauvages fur les aîles dans les
bois , lorfqu'il apprit que la nouvelle étoit faufle.
Il fit rentrer les troupes dans leur camp . Ce mor
vement ne caufa aucun dérangement aux travar
du fiege ; & la promptitude avec laquelle il f
exécuté , fit un très -bon effet dans l'efprit des
Sauvages.
La nuit du 8 au 9 , on déboucha du marais pur
un boyau fervant de communication à la feconde
parallele qui fut ouverte fur la crête du côteau, &
fort avancée dans la nuit. C'eft de cette parallele
qu'on devoit partir pour établir les batteries de
breche , & en la prolongeant , envelopper le Fort
& couper la communication avec le retranche
ment , laquelle jufqu'alors avoit été libre. L
affiégés n'en donnerent pas le temps à huit he
res du matin ils arborerent pavillon blanc .
201
tro
le
fet
M. le Marquis de Montcalm dit au Colonel Co
Yong , envoyé par le Commandant pour trait
de la capitulation , qu'il ne pouvoit en fignera
cune fans en avoir auparavant communiqué les
ticles aux Sauvages. Deux motifs l'engageoiesti
ce ménagement pour eux : il croyoit le devoir
confiance & à la foumiffion avec lesquelles ils s
toient prêtés depuis le commencement de l'exp
dition à l'exécution des ordres qu'il leur avoit do
nés , & de toutes les propofitions qu'il leur apo
la
M
NOVEMBRE. 1757. 195
faites ; & il vouloit les mettre par -là dans l'obli
gation de ne rien faire de contraire à la capitulation
qui feroit arrêtée. Il convoqua donc fur le
champ un Confeil Général de tous les Sauvages.
Il expofa aux Chefs les conditions auxquelles les
Anglois offroient de fe rendre , & celles qu'il
étoit réfolu de leur accorder. Les Chefs s'en rapporterent
à tout ce qu'il feroit , & lui promirent
de s'y conformer , & d'empêcher que leurs jeunes
gens n'y contrevinffent directement ni indirectement.
M. le Marquis de Montcalm envoya immédia
tement après ce confeil , M. de Bougainville ,
pour rédiger la capitulation avec le Colonel Monro
, Commandant de la Place & du camp retran,
ché. Les principaux articles furent :
Que les troupes , tant de la garniſon que du
retranchement , fortiroient avec leurs bagages &
les honneurs de la guerre , & qu'elles fe retiroient
au Fort Edouard .
Que pour les garantir contre les Sauvages ,
elles feroient eſcortées par un détachement de
troupes Françoifes , & par les principaux Officiers
& interprêtes attachés aux Sauvages .
Qu'elles ne pourroient fervir de 18 mois , ni
contre le Roi , ni contre fes Alliés ;
Et que , dans l'efpace de trois mois , tous les
prifonniers François , Canadiens & Sauvages , faits
par terre dans l'Amérique feptentrionale , depuis
le commencement de la guerre par les Anglois ,
feroient conduits aux forts François de la frontiere.
Cette capitulation fut fignée à midi , & auffitôt
la garnifon fortit du fort pour joindre les troupes
du retranchement ; & M. de Bourlamaque prit
poffeffion du fort avec les troupes de la tranchée.
M. le Marquis de Montcalm envoya en même
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
temps au camp retranché , une garde que le Colo:
nel Monro lui avoit demandée , & il ordonna aux
Officiers & Interprêtes attachés aux Sauvages , dy
demeurer jufqu'au départ des Anglois , qui fe
trouvoient au nombre de 2264 hommes effectifs.
Malgré toutes ces précautions , & malgré les affu
rances que les Chefs Sauvages avoient données ,
lorfqu'il fut queftion de la capitulation , les Sauvages
firent du défordre dans le camp des Anglois.
M. le Marquis de Montcalm y accourut avec un
détachement de fes troupes. Les Sauvages avoient
déja fait un affez grand nombre de prifonniers ,&
en avoient même amené quelques-uns. Il fit rea
dre ceux qui reftoient , & M. le Marquis de Vaudreuil
a fait renvoyer les autres .
M. le Marquis de Montcalm a fait rafer le fort,
& détruire tout ce qui en dépendoit , conformé
ment aux inftructions qui lui avoient été données
par M. le Marquis de Vaudreuil. Il s'eft trouvé ,
tant dans le fort que dans le camp retranché , 23
pieces de canon , dont plufieurs de 32 livres , quatre
mortiers , un obufier , dix- fept pierriers , en
viron trente- fix milliers de poudre , beaucoup de
boulets , bombes , grenades , balles , avec tou
tes fortes de munitions & uftenfúles d'artillerie . On
y a trouvé auffi une provifion affez confidérable de
vivres , malgré le pillage que les Sauvages en ont
fait.
Les François n'ont eu que treize hommes de
tués & quarante de bleffés dans ce fiege. M. le
Febvre , Lieutenant des Grenadiers du régiment
Royal Rouflillon , eft du nombre des derniers par
un éclat de bombe : fa bleffure eft à la main. liby
point eu d'autres officiers tués ni bleſſés. Les enne .
mis y ont perdu cent huit hommes , & en ont eu
deux cens cinquante de blefiés,
Επ
le
C
tre
Aqde
B
NOVEMBRE. 1757. 197
"
Durant tout le fiége , l'armée a été prefque toute
entiere jour & nuit de fervice , foit à la tranchée ,
foit au camp , foit dans les bois , pour faire les
fafcines , gabions & fauciffons néceflaires . On a
fait avec la pioche , la hache & la fcie fix cens toifes
de tranchée aflez large pour y charroyer de
front deux pieces de canon les abattis , dont
tout le terrein étoit embarraffé, empêchant de les
faire paffer fur les revers. C'eſt à la fageffe des
difpofitions que M. le Marquis de Montcalm a
faites , & à l'activité avec laquelle il en a fuivi
l'exécution , que le fuccès de cette expédition eft
principalement dû. Il a été parfaitement fecondé
dans toutes les opérations par M. le Chevalier de
Levis , par M. Rigaud- de Vaudreuil , & par M,
de Bourlamaque. Les détails particuliers de l'artillerie
& du génie ont été très -bien remplis par M.
le Chevalier le Mercier , qui commandoit l'artillerie
, & par MM . Defaidouin & Lotbiniere ,
Ingénieur . Les Officiers & Soldats des troupes de
terre & de la colonie , ainfi que les milices & les
Officiers qui les commandoient , ont donné les
plus grandes marques de valeur & de bonne volonté
; & jamais les Sauvages n'avoient fait paroître
tant de fermeté & de conftance : ils avoient demandé
à monter à l'affaut avec les grenadiers , &
ils en attendoient le moment avec impatience.
Ce nouveau fuccès , qui a répandu une joie
générale dans la colonie de Canada , a animé
de plus en plus le zele avec lequel les habitans
s'efforcent de répondre aux mefures dont le Roi a
la bonté de s'occuper pour la défenfe de cette colonie
, & de feconder les foins que M. le Marquis
de Vaudreuil ne ceffe point de fe donner pour tout
ce qui peut y avoir rapport.
·
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
vent
trol
de
L
des
Le Roi ayant été informé que les paroiffesel
de Piriac & de Mefquer au Diocefe de Nantes
avoient été prefque entiérement ravagées le
27 juin dernier , par un orage mêlé de grêle
d'une groffeur extraordinaire , a fait toucher
aux Recteurs de ces deux paroiffes , la fomme de
fix mille livres pour être par eux employées en
achat de grains , & diftribuées fous l'inſpection
de M. le Comte de la Bourdonnaye- du Bois- Hullin
, Procureur- Général , Syndic des Etats de Bre- pe
tagne , tant pour enfemencer les terres , que pour
la nourriture des habitans dont les recoltes ont
été défolées par ce fléau . Cette nouvelle caracterife
notre Monarque plus glorieux encore par
fon humanité que par les victoires.
Co
I
M. Paffemant Ingénieur du Roi au Louvre ,
étoit déja connu pour Auteur de la fameufe
pendule couronnée d'une fphere mouvante , pla
cée en 1753 dans le cabinet du Roi à Verfailles
; fphere dont les révolutions font fi juftes , ue
qu'au jugement de l'Académie où l'on voit l'ertrait
page 183 de l'année 1749 de fes mémoires
, il n'y a pas en trois mil ans un feul degré
de différence avee les tables aftronomiques.
11 vient encore de finir pour le Roi deur
piéces uniques qu'on peut regarder comme chefd'oeuvres
, c'eft premiérement un grand miroir
de 45 pouces
de diametre qu'il a eu l'honneur
de préfenter au Roi le 13 août dernier , avec M.
de Bernieres , dans le pavillon conftruit par ordre
de Sa Majesté à la meute , pour le télescope ,
les ouvrages & les obfervations du pere Noël.
La glace de ce miroir a été courbée , par les
foins de M. de Buffon , dans un fourneau qu'i
avoit fait conftruire au Jardin Royal. M , Palle
mant l'a fait travailler au Louvre fous les yeur ,
M
174
Le
les
NOVEMBRE . 1757 . 199
& elle a été étamée d'une façon nouvelle , inventée
par M. de Bernieres , un des quatre Controlleurs
des ponts & chauflées.
Le Roi parut très - content des grands effets
de ce miroir. Si on y préfente des tableaux
même de fix pieds de grandeur , repréfentans
des vues de Paris , de Venife , des ports de
mer , des bâtimens , on croit voir de véritables
objets de grandeur naturelle : ainfi avec un fimple
deflein , on voit un bâtiment dans toute
la grandeur où il fera , & on juge de fon apparence
future. Un Peintre qui travaille à une
petite miniature , quelque petite qu'elle foit ,
peut la voir de grandeur naturelle , & peut par
conféquent fentir & corriger les moindres dé
fauts.
A
La chimie n'en tirera pas de moindres avantages.
On peut juger des grands effets de ce miroir
fur les métaux par la promptitude avec laquelle
il agit , l'argent a été fondu en trois fecondes.
M. Paffemant eut encore l'honneur de préfenter
au Roi un télescope aftéroftatique de fon invention
, dont il avoit lu un projet à l'Académie en
1746 , & qui avoit mérité fon approbation. Ce
télescope eft garni d'un midiometre : il fuit le
mouvement du ciel . Si on le met fur la lune , il
femble qu'elle foit fans mouvement ; fi on veut
voir enfuite une autre planete , il y a un ajuftement
qui le regle dans le moment pour cet aftre.
Il eft conduit par une mécanique toute nouvelle ,
fans aucun tremblement , ni agitation . Comme
les aftres paroiffent fixes , on peut obferver avec
une grande facilité : on peut placer les fils du midiometre
fur fes objets avec toute l'exactitude
poffible. Il eft propre à prendre la parallaxe de
I iv
200 MERCURE DE FRANCE.
Mars en fecondes de degrés au lieu de fecondes
de temps ainfi au lieu de deux fecondes , on
aura trente fecondes de degrés ; on obfervera facilement
la route des cometes : il fera d'une
grande utilité pour les paffages de Mercure fut
le difque du foleil, en l'année 1761 ; obſervation
qui n'a été faite qu'une feule fois , & par un
feul Obfervateur en l'année 1639.
Le Pere Noël repéta devant Sa Majefté les erpériences
d'une machine pneumatique nouvelle ,
& de plufieurs autres inftrumens qu'il avoit eu
P'honneur de lui préfenter au mois de mars dernier.
Le Roi parut fatisfait de tous ces ouvrages ,
qu'il examina pendant une heure .
Mefdames de France vinrent enfuite , & paffe
rent près de trois heures pendant lefquelles les
mêmes chofes furent répétées en leur préfence *
à leur fatisfaction .
Le corfaire le Romieu , de Saint - Malo , com
mandé par le Capitaine Morel , a conduit en ce
port le navire Anglois la Pensilvanie de 250 ton
neaux , qui alloit de Philadelphie à Londres, avec
une cargaifon de bois de Campêche , de pellete
zies , de café & d'autres marchandiſes.
Un navire Anglois de 300 tonneaux , chargé de
tabac , a été pris par le corfaire Entreprenant ,
qui l'a fait conduire å Morlaix.
Le Capitaine la Lande , commandant un corfaire
de Bordeaux , appellé le Prevêt de Paris , s'eft
rendu maître du corfaire le Hazard de Grenezey,
ayant 6 canons , 8 pierriers & 37 hommes d'équi
page , & il a repris le navire l'Aimable Jolie de
Bordeaux , & un autre bâtiment du même port ,
dont les Anglois s'étoient emparés.
Les navires Anglois le Prince d'Orange , chargé
de bois de Campeche , & le Saint - Eustache , de
NOVEMBRE . 1757. 201
Saint-Eustache , dont la cargaifon confifte en fucre
& en café , ont été pris par les corfaires la
Marquise de Salba & le d'Etigny de Bayonne , ou
ils font arrivés .
Les corfaires la Favorite & la Providence , de
Saint-Jean -de-Luz , fe font rendus maîtres , Pun
du navire Anglois la Sufanne , de Malblebard ,
chargé de 2200 quintaux de morue , l'autre d'un
Senaw , qui a pour cargaifon 334 barriques de
fardines.
Le Capitaine Papin , commandant le corfaire
la Marquise de Beringhen , de Boulogne , s'eft
emparé à la côte d'Angleterre du navire Anglois
l'Endeavour , de 100 tonneaux , deftiné pour la
Barbade , où il portoit un chargement compofé
de cire blanche , de farine , de boeuf falé & de
fromage.
Le même corfaire a pris un bateau de 25 à 39
tonneaux , chargé de caffonnade , de poudre à
canon , de chanvre & de fuif.
Le corfaire Anglois l'Epervier , armé de 10 canons
, 12 pierriers , & so hommes d'équipage , a
été pris par le Capitaine Berlamont , commandant
le corfaire l'Afie , de Dunkerque , & il a été conduit
au Havre.
On mande de Nantes , qu'il y eft arrivé un
fenaw Anglois appellé le Caton , de Vhul , armé
de 6 canons & de 4 pierriers , & chargé pour la
Jamaïque de munitions de guerre & de bouche ,
d'armes & de marchandifes feches . Ce bâtiment
a été pris par le Capitaine Poitevin , commandant
le navire la France.
I
E 9 Octobre , fur les cinq heures de l'aprèsmidi
, Madame la Dauphine commença à fentir
Hv
178 MERCURE DE FRANCE.
des douleurs. Vers les fept heures du foir , cette
Princeffe accoucha d'un Prince , que le Roi a nom.
mé Comte d'Artois. M. l'Abbé de Bouillé , Comtede
Lyon , & premier Aumônier de Sa Majeſté ,
fit , à fept heures un quart , la cérémonie de l'ondoyement
, en préfence du Curé de la Paroiffe da
Château . Monfieur Rouillé , Miniftre d'Etat , Sur
Intendant général des Poftes , & grand Tréforier
de l'Ordre du S. Elprit , ayant apporté le Cordon
de cet Ordre , eut l'honneur de le paffer au col
du Prince . Monfeigneur le Comte d'Artois fut enfuite
remis à la Comteffe de Marfan , Gouvernante.
des Enfans de France ; & elle le porta à l'appartement
qui lui étoit deſtiné . Ce Prince y fut conduit
par le Maréchal Duc de Luxembourg , Capitaine
des Gardes du Corps.
Le Roi & la Reine , accompagnés de la Famille
Royale , ainfi que des Princes & Princeffes du
Sang , des grands Officiers de la Couronne , des.
Miniftres , des Seigneurs & Dames de la Cour
& précédés des deux Huiffiers de la Chambre quis
portoient leurs maffes , fe rendirent le lendemain
à la Chapelle. Leurs Majeftés y entendirent la
Meffe , pendant laquelle M. Colin de Blamont ,
Chevalier de l'Ordre de S. Michel , & Sur- Intendant
de la Mufique de la Chambre , fit exécuter le
Te Deum en mufique , de fa compofition . Cette
Hymne fut entonnée par M. l'Abbé Gergois, Chapelain
ordinaire de la Chapelle- Mufique.
Après la Meffe , le Roi & la Reine , Monfeigneur
le Dauphin , Monfeigneur le Duc de Bourgogne ,
Monfeigneur le Duc de Berry , Monfeigneur le
Comte de Provence , Madame Infante Duchellede
Parme , Madame ,. & Mefdames Victoire , Sophie
& Louife , reçurent dans leurs appartemens
les révérences des Dames de la Cour , à l'occafion
NOVEMBRE. 1757 179
des couches de Madame la Dauphine , & de la
naiffance du Prince.
On tira le foir un bouquet d'artifice devant les
fenêtres du Roi.
Sa Majefté a fait partir Monfieur Pernot- du
Buat , un de fes Gentilshommes ordinaires
pour aller à Luneville donner part de la naiffance
de Monfeigneur le Comte d'Artois au Roi de Pologne
, Duc de Lorraine & de Bar.
Madame la Dauphine & le jeune Prince fe por--
tent auffi bien qu'on puiffe le défirer.
9"
Sur le premier avis que Madame la Dauphine:
avoit reffenti quelques douleurs , le Corps - de-Ville
s'étoit affemblé. A huit heures & demie du foir
le fieur d'Amfreville , Chefde Brigade des Gardes.
du Corps , vint lui apprendre , de la part du Roi,.
la naiffance d'un Prince. Auffi -tôt les Prevôt des
Marchands & Echevins firent annoncer à toute la
Ville , par une falve générale de l'artillerie , & par
la cloche de l'Hôtel- de-Ville , qui a fonné jufqu'au
lendemain minuit , la nouvelle faveur qu'il
a plu à Dieu d'accorder au Roi & à la Nation. On
tira le même foir dans la place de l'Hôtel - de-Ville :
un grand nombre de fufées volantes,
Le ro , les officiers des cérémonies étant ab--
fens , le fieur Ourfin de Soligny , Maître d'hôtel
du Roi , remit au Corps - de- Ville une lettre de Sa
Majefté. Il fut fait deux falves générales de l'artil
lerie , l'une dès le matin , l'autre vers les fix heu--
res du foir , après laquelle les Prevôt des Marchands
& Echevins allumerent,avec les cérémonies
accoutumées , le bucher qui avoit été dreffé dans
la place devant l'Hôtel- de- Villé . Ce feu fut accom.-
pagné d'une grande quantité d'artifice : On fit couler
dans la place plufieurs fontaines de vin , & l'on
diftribua du pain &. des. viandes au peuple . Des.
H.vj.
180 MERCURE DE FRANCE.
orcheftres remplis de muficiens , mêlerent le foa
de leurs inftrumens aux acclamations dictées paa
Palégretle publique. La façade de l'Hôtel- de-
Ville fut illuminée par plufieurs filets de terrines ,
ainfi que l'hotel du Prevôt des Marchands , & les
mailons des Echevins & Officiers du Bureau de la
Ville.
Le Roi a accordé à M. le Marquis de la Tour-
Dupin de Paulin le régiment de Guyenne , vacant
par la mort de M. le Conte de Montmorenci-
Laval , tué à la bataille de Haftembecke .
a
Le Roi ayant admis dans fon Confeil des Dépêches
les fieurs Gilber de Voyfins & Berryer , Confeillers
d'Etat , le 16 octobre ils eurent l'honneur
de faire leurs remerciemens à Sa Majeſté.
Sa Majesté a donné le gouvernement général de
l'Orléanois , vacant par la mort de M. le Duc d'Antin
, au Comte de Rochecouart , fon Miniftre
Plénipotentiaire à la Cour de Parme.
Le 19 , M. le Duc de Duras prêta ferment entre
les mains du Roi pour la charge de premier Gentilhomme
de la Chambre , vacante par la mort du
Duc de Gefvres.
Le même jour, M. le Marquis de Gontaut prêta
ferment entre les mains de Sa Majeſté , pour la
Lieutenance générale du Languedoc , vacante par
la mort de M. le Maréchal Duc de Mirepoix.
Le Roi a difpofé en faveur du Prince de Beauveau
, de la charge de Capitaine des Gardes du
Corps , qu'avoit auffi le feu Maréchal Duc de Mirepoix
Sa Majesté a accordé au Vicomte de Noë,
Chambellan du Duc d'Orléans , & Capitaine de
vaiffeau , un brevet de Colonel à la ſuite du régiment
d'Orléans cavalerie.
M. de Lamoignon de Bafville a obteau da
A
a.
I
fo
P
ve
G
M
G:
NOVEMBRE . 1757. 181
Roi l'agrément de la charge de Préſident du Par
lement , dont le fieur Molé , premier Préfident ,
étoit revêtu.
Le Roi a nommé M. le Comte des Salles, Capitaine
de Cavalerie dans le régiment d'Harcourt ,
à la place deColoneldans lesGrenadiers de France,
vacante par la nomination de M. le Marquis de la
Tour - Dupin de Paulin au régiment de Guyenne.
Les troupes de la Maiſon du Roi , qui avoient
été détachées pour la défenſe de nos côtes , ne
font point arrivées à leur deftination , par la
prompte retraite des Anglois , & ont eu ordre de
revenir. Les Gardes Françoifes & les Gardes Suiffes
qui étoient reftées à Tours , à Saumur & à
Blois , doivent fe rendre ici fucceffivement dans
Fla fin d'octobre , & au commencement de novembre.
Les détachemens des Gardes du Corps ,
Gendarmes de la Garde , Chevaux- Légers , &
Moufquetaires de la premiere Compagnie , font
tous partis le 19 octobre , d'Orléans , d'Eftampes ,
d'Arpajon & de Chartres , où ils étoient reftés. La
feconde Compagnie des Moufquetaires , & les
Grenadiers à cheval , qui avoient reçu des contreordres
à temps , n'ont point quitté leurs quartiers.
Madame la Dauphine étant accouchée d'un
Prince le 9 d'octobre , M. le Marquis de Paulmy ,
Miniftre & Sécretaire d'Etat , expédia fur le champ.
un courier aux Députés des Etats de la Province
d'Artois
, pour leur faire fçavoir que le Roi avoit
nommé le nouveau Prince , Comte de cette Pro-,
vince. Auffitôt que cette nouvelle fut portée à
Arras , Capitale de l'Artois , toutes les cloches de
la Ville fonnerent , les habitans fermerent d'euxmêmes
leurs boutiques , & coururent en foule à
P'Eglife , pour y rendre à Dieu des actions.de.gra
182 MERCURE DE FRANCE.
ees de l'heureuſe délivrance de Madame la Dau
phine , & lui demander la conſervation d'un
Prince qui leur eft d'autant plus cher , que la
Province , depuis cinq hecles , a été privée de
Phonneur de voir fon nom porté par un Prince
de la Maiſon Royale. Ces actes de piété furent
fuivis des démonftrations de la joie la plus vive.
La nouvelle fut bientôt répandue jufqu'aux extrê
mités de l'Artois ; & tous les peuples , à l'envi de
la Capitale , s'emprefferent de faire éclater lear
reconnoiffance & leur alegreffe . Les Etats de la
province s'affemblerent extraordinairement , &
éfolurent de nommer une députation folemnelle,
formée de trois perfonnes de chaque ordre , pour
aller , conjointement avec les députés ordinaires
qui réfident cette année à la fuite de la Cour , remercier
le Roi de lafaveur fignalée que Sa Majesté
vient d'accorder à l'Artois , & pour la féliciter ,
ainfi que la Famille royale , fur cet heureux évé
nement. Cette députation s'étant rendue à Verfailles
le Dimanche 16 d'octobre , elle fut admife
à l'audience du Roi , de la Reine , de Monseigneur
le Dauphin , de Monfeigneur le Duc de Bourgogne
, de Monfeigneur le Duc de Berry , de Mon
feigneur le Comte de Provence , de Monfeigneur
le Comte d'Artois , de Madame Infante Ducheffe
de Parme , de Madame , & de Meſdames Victoire ,
Sophie & Louife. Les Députés furent préfentés
par M. le Marquis de Paulmy , Miniftre & Secresaire
d'Etat , ayant le département de la Province,
& conduits par M. Defgranges , Maître des Céré
monies. La députation étoit compofée de MM. les
Evêques d'Arras , de Saint - Omer , l'Abbé de
Saint-Waak & l'Abbé de Cry , Chanoine de is
Cathédrale d'Arras , pour le Clergé ; de MM. le
Marquis de Creny , le Comte d'Houchin , k
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4
#1
NOVEMBRE . 1757. 183:
Baron de Wifmes , & le Baron d'Haynin , pour la
Nobleffe ; de MM. de Canchy , Echevin de la ville
de Saint - Omer ; Cornuel & Goffes , Echevins de
la ville d'Arras , & de Gouves , Procureur du Roi
de la même ville , pour le Tiers - Etat. Elle étoit
accompagnée de M. le Premier Préfident & du .
Confeil Provincial d'Artois . M. l'Evêque de Saint-
Omer porta la parole , & exprima d'une maniere:
touchante les fentimens de joie , d'amour , de
refpect & de reconnoiffance, communs à tous les
habitans de l'Artois. Cette Province fut réunie à
la Couronne en 1199 , par Philippe Augufte. Il
Périgea en Comté , & la donna à fon fils aîné , depuis
Louis VIII . Ce Comté paffa enfuite à Robert,.
fecond fils de Louis , qui porta le nom de Comte:
d'Artois , & fut tué à la bataille de la Maffoure,
Philippe le Bel en 1297 érigea l'Artois en Comté
Pairie.
La Princeffe de Condé eft accouchée heureufe--
ment les d'Octobre d'une Princeffe.
Les mauvais fuccès que les Anglois ont éprouvés
dans les entreprifes qu'ils ont tentées , foit dans le
fein de la paix , foit depuis la déclaration de la
guerre , pour envahir le Canada , ne les ont point
rebutés . Perfonne n'ignore les préparatifs im
menfes qu'ils avoient faits pour l'attaquer cette
année tout à la fois par mer & du côté des
terres. Les forces navales , que le Roi a deſtinées
pour la défenſe de cette colonie , ont fait échouer
leur projet du côté de la mer; & les difpofitions:
qui ont été faites dans le pays , les ont mis éga
lement hors d'état de faire aucune tentative fur les
frontieres.
Dès la fin de la campagne de l'année derniere ,,
M. le Marquis de Vaudreuil, Gouverneur & Lieute
pant-Général de la Nouvelle France , s'occupa de
184 MERCURE DE FRANCE.
tous les arrangemens qu'il pouvoit y avoir à pren
dre pour le mettre en état de les repouffer de toutes
parts.
Il prit des mefures pour avoir des partis de Canadiens
& de Sauvages continuellement en cam.
pagne durant l'hyver. Les incurfions que ces détachemens
ont faites fur les ennemis leur ont ré
beaucoup de monde , & donné l'alarme à leurs
colonies, où ils ont fait beaucoup de ravages.
M. le Marquis de Vaudreuil s'eft appliqué authà
ménager les bonnes difpofitions des Nations Sauvages
, qui en général font foulevées contre l'iajuftice
des prétentions & la violence des procédés
des Anglois. Celles qui font anciennement alliées
de la France n'ont point ceffé de donner de nouvelles
preuves de leur fidélité , & ont été continuellement
en parti contre les ennemis. D'autres
Nations nombreuſes font entrées dans cette alliance
, & ont pris part à la guerre. Les Iroquois
eux-mêmes , ces Nations que les Anglois repréſen
tent à l'Europe comme leurs fujettes , animés des
mêmes motifs que les autres Sauvages , ont pris le
même parti , malgré les efforts de toute espece
que les Gouverneurs Anglois ont faits pour obtenir
d'eux qu'ils s'en tinffent à la neutralité qu'ils
avoient obfervée dans les guerres précédentes
d'entre la France & l'Angleterre.
C'eſt relativement aux avantages que M. le Marquis
de Vaudreuil s'eft vu en état de tirer des difpofitions
de toutes ces Nations , qu'il a réglé fes
opérations.
Il avoit jugé que les ennemis tourneroient leurs
principaux efforts du côté du Lac Saint- Sacrearent
& du Lac Champlain ; & il a donné une
attention particuliere à munir les Forts qui défendent
cette frontiere. Les ennemis ayant été infor
NOVEMBRE. 1757 . 185
més qu'on devoit faire pafler du Fort Saint-Fre
déric au Fort de Carillon quelques provifions fous
l'escorte d'un petit détachement , en envoyere t
un de quatre-vingts hommes d'élite , qui enleva les
premieres traînes de ce convoi & fept Soldats ;
mais le Commandant du Fort Saint- Frédéric fit
marcher un nouveau détachement qui coupa celui
des ennemis dans fon chemin , le défit entiérerement
, à l'exception de trois hommes qui fe
fauverent , & reprit les traînes dont les ennemis
s'étoient emparés , & trois Soldats qui reftoient
de ceux qui avoient été enlevés . Cette action fe
pafla au mois de Janvier. MM . de Bafferode & de
la Grandville , Capitaines aux Régimens de Languedoc
& de la Reine , y eurent la principale
part.
M. le Marquis de Vaudreuil apprit dans le même
temps que les ennemis avoient raflemblé au
Fort Georges fitué fur le Lac Saint -Sacrement ,
des approvifionnemens confidérables de toures
les efpeces , & qu'ils avoient fait conftruire fous
le canon de ce Fort un très -grand nombre de barques
, de bateaux & d'autres bâtimens , non-feulement
pour le tranfport de ces approvifionnemens
, mais encore pour s'affurer la navigation de
ce Lac. Il jugea que tous ces préparatifs étoient
deftinés pour des entreprifes que les ennemis fe
propofoient d'exécuter au printems. Pour leur en
ôter les moyens , il fit , matcher au mois de Mars
un détachement de quinze cens hommes de troupes
réglées , Canadiens & Sauvages , fous les ordres
de M. Rigaud- de Vaudreuil , Gouverneur
des Trois - Rivieres , qui réuffit fi bien dans fon
expédition , qu'il parvint à brûler tous les bâtimens
de mer , tous les magafins qui étoient rem➡
plis de toutes fortes de munitions & d'uftenfiles
186 MERCURE DE FRANCE.
pour une armée de quinze mille hommes , & généralement
tout ce que les ennemis avoient raſ◄
femblé fous le Fort , lequel refta ifolé.
M. le Marquis de Vaudreuil ne fe contenta
pas des obftacles qu'il oppofoit par- là à l'exécution
des projets des ennemis du côté du Lac Saint-Sacrement
, il fortifia de nouveau les garnifons des
poftes qui font fur cette frontiere ; & au moyen
du renfort de troupes & des autres fecours que le
Roi a fait paffer en Canada , ce Gouverneur s'eft
trouvé en état d'agir offenfivement contre les ennemis.
Du côté de la Belle Riviere , il a fait détruire
plufieurs petits Forts qu'ils y avoient établis .
Pour profiter efficacement des avantages de
Pexpédition de M. Rigaud , & de ceux de la fituation
où le trouvoit la colonie du côté de la mer ,
il a formé le projet de s'emparer du Fort Georges.
L'établiffement de ce Fort , qui n'avoit été fait
que depuis peu de temps, étoit une de ces invaſions
que les Anglois font dans l'ufage de faire en tems
de paix fur les poffeflions de leurs voisins ; & il
leur donnoit les plus grandes facilités pour atta
quer le Canada par fon centre.
M. le Marquis de Vaudreuil a chargé de cette
importante expédition M. le Marquis de Montcalm
, Maréchal de Camp. Le corps de troupes
qu'il y a deftiné , étoit compofé de fix bataillons
de troupes de terre , d'un détachement des
troupes réglées de la colonie , de plufieurs détachemens
de milices , & de plufieurs partis de
Sauvages. Toutes ces troupes ont été raſſemblées
le 20 Juillet à Carrillon , où M. de Bourlamaque
, Colonel d'Infanterie , avoit déja fait les dif
pofitions préliminaires pour la marche de l'armée.
M. le Marquis de Montcalm s'y étoit rende
Σ
&
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་
NOVEMBRE. 1757. 187
quelque temps auparavant. En attendant que l'armée
pût le mettre en marche , il avoit détaché
M. de Rigaud- de Vaudreuil , pour s'emparer de
la tête du portage du Lac Saint- Sacrement , avec
un corps de troupes de la colonie , de Canadiens
& de Sauvages.
M. Kigaud- de Vaudreuil s'étant établi dans ce
pofte , il envoya trois détachemens à la découverte.
Le premier , qui n'étoit que de dix hommes ,
fut attaqué fur le Lac Saint- Saciement par plufieurs
canots , dans lefquels il y avoit cent vinge
à cent trente Anglois . Quoique M. de Saint-
Ours , Lieutenant des troupes de la Colonie ,
qui le commandoit , fût bleffé à la premiere décharge
, il fe défendit avec tant de fermeté , qu'il
obligea les ennemis à fe retirer.
Le fecond , qui étoit affez confidérable , fut
commandé par M. Marin , autre Lieutenant , quis
fe fit précéder par huit Sauvages qui faifoient fon
avant-garde , lefquels fe trouverent vis - àvis quarante
Anglois. Dès le premier abord , ils firent :
leur décharge fur les ennemis , tuerent leur Com
mandant , & mirent le refte en fuite. M. Marin ,,
ayant rejoint fon avant-garde , réduifit fon détachement
à cent cinquante hommes d'élite . Il fe
porta près du Fort Edouard , éloigné de quelques.
lieues du Fort Georges , fans être découvert. Il défit
d'abord une patrouille de dix hommes , enfuite
une garde ordinaire de cinquante hommes ,
& plufieurs travailleurs. Il fe préfenta à la vue da
camp des ennemis , qui fortirent au nombre de
trois mille hommes faifant feu fur lui . Il le foutine
pendant deux heures. Ce ne fut même qu'avec
peine qu'il obligea les Sauvages qui étoient avec
ui , à fe retirer, Il tua dans certe action plus de
"
H
188 MERCURE DE FRANCE. Re
*
cent cinquante hommes , à quarante defquels les
Sauvages leverent la chevelure. Il n'en perdit pas
un feul & il n'y eut de bleffés que deux Sauvages.
Le troifieme détachement , commandé par M.
Corbiere , autre Officier de la Colonie , fe tint
embufqué pendant une journée. Au commencement
de la nuit , il apperçut fur le Lac vingt Berges
& deux Efquifs , dans lefquels il y avoit plus
de trois cens cinquante Anglois , commandés par
le Colonel Parker , cinq Capitaines , & fix autres
Officiers. Les Sauvages qui étoient avec lui firent
leur cri & leur décharge en même temps. Les
ennemis firent une foible réſiſtance. Deux feules
Berges fe fauverent , les autres furent prifes ou
coulées à fond. M. Corbier revint avec ceat
foixante-un prifonniers . Il y eut plus de cent cinquante
Anglois tués ou noyés ; & dans le détachement
François , il n'y eut qu'un Sauvage blee
affez légèrement .
M. le Marquis de Montcalm s'occupoit cependant
des difpofitions de fa marche . Il diftribua les
miliciens en plufieurs bataillons , dont il donnale
commandement à des Officiers des troupes de la
Colonie ; & des compagnies détachées de ces treapes
, il compofa un bataillon pour rouler avec
ceux des troupes de terre . H donna auffi à M. de
Villiers , Capitaine de celles de la Colonie , &
connu par plufieurs expéditions qu'il a exécutées
dans cette guerre , un corps de trois cens volontaires
Canadiens ; de maniere que l'armée le
trouva compofée de trois brigades de troupes ré-
'glées , qui étoient la brigade de la Reine , formée
des bataillons de la Reine & Languedoc , &
de celui des troupes de la Colonie ; la Brigade de
Sarre , des bataillons de la Sarre & de Guyen
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NOVEMBRE . 1757. 189
celle de Royal- Rouffillon , des bataillons de
Royal- Rouffillon & Bearn ; de fix brigades de
milices , des trois cens volontaires de Villiers , &
d'un détachement d'artillerie & de génie , compofé
de fept Officiers , & d'environ cent vingt
canonniers , bombardiers ou ouvriers . Tous ces
corps ne faifoient cependant enſemble que cinq
mille cinq cens combattans , non compris les
Sauvages qui étoient au nombre d'environ dixhuit
cens , parce que M. le Marquis de Montcalm
fut obligé de prendre dans les troupes quelques
détachemens , tant pour la garnifon du Fort de
Carillon , que pour quelques autres poftes .
Il étoit queftion de tranfporter par terre & à
bras d'hommes , depuis Carillon jufqu'au Lac
Saint-Sacrement , non feulement l'artillerie & les
munitions de guerre & de bouche de toute espece,
mais encore plus de quatre cens bateaux & canots ;
& cette opération fut fuivie avec tant de foin ,
qu'elle fut achevée la nuit du 31 Juillet au premier
Août.
Dès le 30 Juillet M. le Marquis de Montcalm
avoit fait partir M. le Chevalier de Levis , Brigadier
, à la tête d'un corps de deux mille cinq cens
hommes compofé de fix compagnies de Grenadiers
, huit piquets des volontaires de Villiers ,
d'environ mille Canadiens , & cinq cens Sauvages
, pour marcher au travers des bois , affurer
la navigation de l'armée , reconnoître & couvrir
fes débarquemens. Malgré les difficultés & les
fatigues de cette marche , cet Officier prit pofte
dès le lendemain au foir à la Baie de Ganaouské ,
qui n'eft qu'à quatre lieues du Fort Georges.
Le premier Août l'armée s'embarqua , & arriva
le 2 à trois heures du matin dans cette même
Baic. M. le Chevalier de Levis en repartit avec
190 MERCURE DE FRANCE.
fon détachement à dix heures , fe porta à une anfe
éloignée du Fort Anglois d'environ une lieue , &
fut reconnoître le Fort , la pofition des ennemis ,
& le débarquement propre à l'artillerie L'armée
arriva fur les onze heures du foir à cette même
anfe , & tout le monde reſta au bivouac .
Des prifonniers , qui furent faits pendant la
nuit des Canadiens & des Sauvages , rappor
par
terent que le nombre des ennemis pouvoit monter
à trois mille hommes , dont cinq cens étoient actuellement
dans le Fort , & le refte dans un camp
retranché qui étoit placé fur une hauteur à deux
cens toiles du Fort & à portée d'en rafraîchir continuellement
la garnifon. Ils ajouterent qu'au fignal
d'un coup de canon , toutes les troupes devoient
prendre les armes.
Sur ce rapport , qui s'accordoit avec les connoiffances
que M. le Chevalier de Levis avoit pri
fes fur la polition des ennemis , M. le Marquis de
Montcalm donna fur le champ l'ordre de marche
de l'armée , dont la difpofition fut faite pour recevoir
les ennemis , en cas qu'ils vinfſent à fa rencontre
, & pour , dans le cas où ils ne viendroient
pas , inveftir la place , & même attaquer le camp
retranché , s'il étoit jugé fufceptible d'une attaque
de vive force .
Le 3 à la pointe du jour , l'armée ſe mit en
marche.
M. le Chevalier de Levis faifoit l'avant-garde
avec fon corps , une partie des milices & tous les
Sauvages. Les bataillons & le refte des milices
marchoient enfuite en colonne , M. Rigaud-de
Vaudreuil à la droite , M. de Bourlamaque à la
gauche , & M. le Marquis de Montcalm dans le
centre. M. de Privat , Lieutenant- Colonel , avoit
été placé avec cinq cens hommes de troupes &
NOVEMBRE. 1757. 198
ane brigade de milices à la garde des bateaux &
de l'artillerie.
A midi , l'inveſtiſſement fut entierement formé
M. le Marquis de Montcalm , qui s'étoit porté à
l'avant -garde , ayant reconnu qu'il ne pouvoit at
taquer les retranchemens des ennemis , fans trop
compromettte fes forces , envoya ordre à M. de
Bourlamaque d'affeoir le camp de l'armée , la
gauche au Lac , la droite à des ravines preſque
inacceffibles , & d'y conduire fur le champ les
brigades de la Sarre & de Royal- Rouffillon . Pour
lui , avec la brigade de la Reine & une brigade de
milices , il paffa la nuit au bivouac , à portée de
foutenir le camp que M. le Chevalier de Levis occupoit
avec l'avant-garde fur le chemin du Forg
Gorges au Fort Edouard.
Comme ce pofte de l'avant -garde étoit trop
éloigné du ſiege , des bateaux & des vivres , elle
fe rapprocha le 4 au matin. M. le Marquis de
Montcalm ramena les deux brigades qu'il avoit
avec lui , prendre leur place dans le camp. L'ar
mée deſtinée à faire le fiege fe trouva alors poſtée ,
& compofée de fept bataillons de troupes , & de
deux brigades de milices. M. le Chevalier de Le
vis & M. Rigaud- de Vaudreuil , avec le refte des
milices , les volontaires de Villiers , & tous les
Sauvages , furent chargés de couvrir la droite du
camp , d'obferver les mouvemens des ennemis du
côté du chemin du Fort Edouard , & de leur don
ner à croire , par des mouvemens continuels , que
cette communication étoit encore occupée.
Dans l'après- midi du même jour 4 , on mar
qua le dépot de la tranchée. On fit le chemin de
ce dépôt au camp , les fafcines , gabions & fauciffons
néceffaires pour le travail de cette premiere
nuit ; & l'on mit en état une anfe , à laquelle le
192 MERCURE DE FRANCE.
dépôt aboutifloit , pour y pouvoir débarquer dans
la nuit l'artillerie à mesure qu'on en auroit befoin.
La nuit du 4 aus , on ouvrit la tranchée à 350
toiles du Fort d'attaque , embraffant le front du
Nord-Oueſt : cette tranchée étoit une espece de
premiere parallele. On commença auffi deux batteries
avec leur communication à la parallele.
Dans la journée dus , les travailleurs de jour
perfectionnerent les ouvrages de la nuit. Mais on
fut obligé de retirer un peu plus en arriere la gauche
du camp de l'armée , laquelle fe trouvoit trop
expofée au feu de la Place.
Le même jour , les Sauvages intercepterent
une lettre du Général Webb , écrite du Fort
Edquard en date du 4 à minuit . Il mandoit au
Commandant du Fort Georges , qu'auffitôt après
J'arrivée des milices des provinces auxquelles il
avoit envoyéordre devenir le joindre fur le champ,
il s'avanceroir pour combattre l'armée Françoife ;
que cependant , fi ces milices arrivoient trop tard
le Commandant fît enforte d'obtenir les meilleures
conditions qu'il pourroit. Cette lettre détermina
M. le Marquis de Montcalm à accélérer encore
la construction des batteries ; & le nombre
des travailleurs fut augmenté.
La nuit dus au6 , on acheva la batterie de la
gauche qui fut en état de tirer à la pointe du jour ;
elle étoit de huit pieces de canon & d'un mortier,
& elle battoit le front d'attaque & la rade des barques.
On acheva auſſi la communication de la batterie
de la droite avec la parallele , & l'on avança
confidérablement cette batterie.
La nuit du 6 au7 , on conduifit un boyau de
Iso toifes en avant fur la capitale du Baftion de
P'Ouest , & l'on acheva la batterie de la droite.
Elle étoit de huit pieces de canon , d'un mortier
&
te
fe
NOVEMBRE . 1757. 193
& de deux obufiers : elle battoit en écharpant le
front d'attaque , & à ricochet le camp retranché.
Elle fut démafquée à fept heures du matin ; &
après une double falve des deux batteries , M. le
Marquis de Montcalm jugea à propos de faire porter
au Commandant de la Place la lettre du Général
Webb , par M. de Bougainville un de fes Aides
de camp.
La nuit du 7 au 8 , les travailleurs cheminant
fur la Place , en continuant le boyau commencé
la veille , lequel fut conduit à 100 toifes du foffé,
ouvrirent auffi à l'extrêmité de ce boyau , un cro
chet pour y établir une troifieme batterie , & y
loger de la moufqueterie . Vers minuit , les enne
mis firent fortir trois cens hommes du camp retranché
. M. de Villiers tomba fur eux avec un
petit nombre de Canadiens & de Sauvages , leur
tua foixante hommes , fit deux prifonniers , &
força le refte à rentrer dans le camp.
Le travail de la nuit avoit conduit à un marais
P'environ so toifes de paffage , qu'un côteau qui
e bordoit mettoit à couvert des batteries de la
Place , à l'exception de 10 toifes de longueur ,
bendant lefquelles on étoit expoſé au feu de ces
batteries. Quoiqu'en plein jour , M. le Marquis
le Montcalm fit faire ce paffage comme celui
l'un foffé de place rempli d'eau , les fappeurs s'y
orterent avec tant de vivacité , que , malgré le
eu du canon & de la moufqueterie des ennemis ,
I fut achevé dans la matinée même , & qu'avant
a nuit une chauffée capable de fupporter l'artilleie
fe trouva pratiquée dans le marais. La moufueterie
des Canadiens & des Sauvages , qui tisient
aux embrafures du Fort , diminua beauoup
durant cette journée le feu des ennemis .
A quatre heures du foir , les Sauvages- Décou
I
194 MERCURE DE FRANCE.
vreurs rapporterent qu'un gros corps d'armée
marchoit au fecours de la place par le chemin du
Fort Edouard . M. le Chevalier de Levis s'y por
fur le champ avec la plus grande partie des Canadiens
& tous les Sauvages. M. le Marquis de
Montcalm ne tarda pas à le joindre avec la brigade
de la Reine & une brigade de milices . Il s'avançoit
en bataille prêt à recevoir l'ennemi ; les
bataillons en colone fur le grand chemin , les
Canadiens & les Sauvages fur les aîles dans les
bois , lorfqu'il apprit que la nouvelle étoit faufle.
Il fit rentrer les troupes dans leur camp . Ce mor
vement ne caufa aucun dérangement aux travar
du fiege ; & la promptitude avec laquelle il f
exécuté , fit un très -bon effet dans l'efprit des
Sauvages.
La nuit du 8 au 9 , on déboucha du marais pur
un boyau fervant de communication à la feconde
parallele qui fut ouverte fur la crête du côteau, &
fort avancée dans la nuit. C'eft de cette parallele
qu'on devoit partir pour établir les batteries de
breche , & en la prolongeant , envelopper le Fort
& couper la communication avec le retranche
ment , laquelle jufqu'alors avoit été libre. L
affiégés n'en donnerent pas le temps à huit he
res du matin ils arborerent pavillon blanc .
201
tro
le
fet
M. le Marquis de Montcalm dit au Colonel Co
Yong , envoyé par le Commandant pour trait
de la capitulation , qu'il ne pouvoit en fignera
cune fans en avoir auparavant communiqué les
ticles aux Sauvages. Deux motifs l'engageoiesti
ce ménagement pour eux : il croyoit le devoir
confiance & à la foumiffion avec lesquelles ils s
toient prêtés depuis le commencement de l'exp
dition à l'exécution des ordres qu'il leur avoit do
nés , & de toutes les propofitions qu'il leur apo
la
M
NOVEMBRE. 1757. 195
faites ; & il vouloit les mettre par -là dans l'obli
gation de ne rien faire de contraire à la capitulation
qui feroit arrêtée. Il convoqua donc fur le
champ un Confeil Général de tous les Sauvages.
Il expofa aux Chefs les conditions auxquelles les
Anglois offroient de fe rendre , & celles qu'il
étoit réfolu de leur accorder. Les Chefs s'en rapporterent
à tout ce qu'il feroit , & lui promirent
de s'y conformer , & d'empêcher que leurs jeunes
gens n'y contrevinffent directement ni indirectement.
M. le Marquis de Montcalm envoya immédia
tement après ce confeil , M. de Bougainville ,
pour rédiger la capitulation avec le Colonel Monro
, Commandant de la Place & du camp retran,
ché. Les principaux articles furent :
Que les troupes , tant de la garniſon que du
retranchement , fortiroient avec leurs bagages &
les honneurs de la guerre , & qu'elles fe retiroient
au Fort Edouard .
Que pour les garantir contre les Sauvages ,
elles feroient eſcortées par un détachement de
troupes Françoifes , & par les principaux Officiers
& interprêtes attachés aux Sauvages .
Qu'elles ne pourroient fervir de 18 mois , ni
contre le Roi , ni contre fes Alliés ;
Et que , dans l'efpace de trois mois , tous les
prifonniers François , Canadiens & Sauvages , faits
par terre dans l'Amérique feptentrionale , depuis
le commencement de la guerre par les Anglois ,
feroient conduits aux forts François de la frontiere.
Cette capitulation fut fignée à midi , & auffitôt
la garnifon fortit du fort pour joindre les troupes
du retranchement ; & M. de Bourlamaque prit
poffeffion du fort avec les troupes de la tranchée.
M. le Marquis de Montcalm envoya en même
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
temps au camp retranché , une garde que le Colo:
nel Monro lui avoit demandée , & il ordonna aux
Officiers & Interprêtes attachés aux Sauvages , dy
demeurer jufqu'au départ des Anglois , qui fe
trouvoient au nombre de 2264 hommes effectifs.
Malgré toutes ces précautions , & malgré les affu
rances que les Chefs Sauvages avoient données ,
lorfqu'il fut queftion de la capitulation , les Sauvages
firent du défordre dans le camp des Anglois.
M. le Marquis de Montcalm y accourut avec un
détachement de fes troupes. Les Sauvages avoient
déja fait un affez grand nombre de prifonniers ,&
en avoient même amené quelques-uns. Il fit rea
dre ceux qui reftoient , & M. le Marquis de Vaudreuil
a fait renvoyer les autres .
M. le Marquis de Montcalm a fait rafer le fort,
& détruire tout ce qui en dépendoit , conformé
ment aux inftructions qui lui avoient été données
par M. le Marquis de Vaudreuil. Il s'eft trouvé ,
tant dans le fort que dans le camp retranché , 23
pieces de canon , dont plufieurs de 32 livres , quatre
mortiers , un obufier , dix- fept pierriers , en
viron trente- fix milliers de poudre , beaucoup de
boulets , bombes , grenades , balles , avec tou
tes fortes de munitions & uftenfúles d'artillerie . On
y a trouvé auffi une provifion affez confidérable de
vivres , malgré le pillage que les Sauvages en ont
fait.
Les François n'ont eu que treize hommes de
tués & quarante de bleffés dans ce fiege. M. le
Febvre , Lieutenant des Grenadiers du régiment
Royal Rouflillon , eft du nombre des derniers par
un éclat de bombe : fa bleffure eft à la main. liby
point eu d'autres officiers tués ni bleſſés. Les enne .
mis y ont perdu cent huit hommes , & en ont eu
deux cens cinquante de blefiés,
Επ
le
C
tre
Aqde
B
NOVEMBRE. 1757. 197
"
Durant tout le fiége , l'armée a été prefque toute
entiere jour & nuit de fervice , foit à la tranchée ,
foit au camp , foit dans les bois , pour faire les
fafcines , gabions & fauciffons néceflaires . On a
fait avec la pioche , la hache & la fcie fix cens toifes
de tranchée aflez large pour y charroyer de
front deux pieces de canon les abattis , dont
tout le terrein étoit embarraffé, empêchant de les
faire paffer fur les revers. C'eſt à la fageffe des
difpofitions que M. le Marquis de Montcalm a
faites , & à l'activité avec laquelle il en a fuivi
l'exécution , que le fuccès de cette expédition eft
principalement dû. Il a été parfaitement fecondé
dans toutes les opérations par M. le Chevalier de
Levis , par M. Rigaud- de Vaudreuil , & par M,
de Bourlamaque. Les détails particuliers de l'artillerie
& du génie ont été très -bien remplis par M.
le Chevalier le Mercier , qui commandoit l'artillerie
, & par MM . Defaidouin & Lotbiniere ,
Ingénieur . Les Officiers & Soldats des troupes de
terre & de la colonie , ainfi que les milices & les
Officiers qui les commandoient , ont donné les
plus grandes marques de valeur & de bonne volonté
; & jamais les Sauvages n'avoient fait paroître
tant de fermeté & de conftance : ils avoient demandé
à monter à l'affaut avec les grenadiers , &
ils en attendoient le moment avec impatience.
Ce nouveau fuccès , qui a répandu une joie
générale dans la colonie de Canada , a animé
de plus en plus le zele avec lequel les habitans
s'efforcent de répondre aux mefures dont le Roi a
la bonté de s'occuper pour la défenfe de cette colonie
, & de feconder les foins que M. le Marquis
de Vaudreuil ne ceffe point de fe donner pour tout
ce qui peut y avoir rapport.
·
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
vent
trol
de
L
des
Le Roi ayant été informé que les paroiffesel
de Piriac & de Mefquer au Diocefe de Nantes
avoient été prefque entiérement ravagées le
27 juin dernier , par un orage mêlé de grêle
d'une groffeur extraordinaire , a fait toucher
aux Recteurs de ces deux paroiffes , la fomme de
fix mille livres pour être par eux employées en
achat de grains , & diftribuées fous l'inſpection
de M. le Comte de la Bourdonnaye- du Bois- Hullin
, Procureur- Général , Syndic des Etats de Bre- pe
tagne , tant pour enfemencer les terres , que pour
la nourriture des habitans dont les recoltes ont
été défolées par ce fléau . Cette nouvelle caracterife
notre Monarque plus glorieux encore par
fon humanité que par les victoires.
Co
I
M. Paffemant Ingénieur du Roi au Louvre ,
étoit déja connu pour Auteur de la fameufe
pendule couronnée d'une fphere mouvante , pla
cée en 1753 dans le cabinet du Roi à Verfailles
; fphere dont les révolutions font fi juftes , ue
qu'au jugement de l'Académie où l'on voit l'ertrait
page 183 de l'année 1749 de fes mémoires
, il n'y a pas en trois mil ans un feul degré
de différence avee les tables aftronomiques.
11 vient encore de finir pour le Roi deur
piéces uniques qu'on peut regarder comme chefd'oeuvres
, c'eft premiérement un grand miroir
de 45 pouces
de diametre qu'il a eu l'honneur
de préfenter au Roi le 13 août dernier , avec M.
de Bernieres , dans le pavillon conftruit par ordre
de Sa Majesté à la meute , pour le télescope ,
les ouvrages & les obfervations du pere Noël.
La glace de ce miroir a été courbée , par les
foins de M. de Buffon , dans un fourneau qu'i
avoit fait conftruire au Jardin Royal. M , Palle
mant l'a fait travailler au Louvre fous les yeur ,
M
174
Le
les
NOVEMBRE . 1757 . 199
& elle a été étamée d'une façon nouvelle , inventée
par M. de Bernieres , un des quatre Controlleurs
des ponts & chauflées.
Le Roi parut très - content des grands effets
de ce miroir. Si on y préfente des tableaux
même de fix pieds de grandeur , repréfentans
des vues de Paris , de Venife , des ports de
mer , des bâtimens , on croit voir de véritables
objets de grandeur naturelle : ainfi avec un fimple
deflein , on voit un bâtiment dans toute
la grandeur où il fera , & on juge de fon apparence
future. Un Peintre qui travaille à une
petite miniature , quelque petite qu'elle foit ,
peut la voir de grandeur naturelle , & peut par
conféquent fentir & corriger les moindres dé
fauts.
A
La chimie n'en tirera pas de moindres avantages.
On peut juger des grands effets de ce miroir
fur les métaux par la promptitude avec laquelle
il agit , l'argent a été fondu en trois fecondes.
M. Paffemant eut encore l'honneur de préfenter
au Roi un télescope aftéroftatique de fon invention
, dont il avoit lu un projet à l'Académie en
1746 , & qui avoit mérité fon approbation. Ce
télescope eft garni d'un midiometre : il fuit le
mouvement du ciel . Si on le met fur la lune , il
femble qu'elle foit fans mouvement ; fi on veut
voir enfuite une autre planete , il y a un ajuftement
qui le regle dans le moment pour cet aftre.
Il eft conduit par une mécanique toute nouvelle ,
fans aucun tremblement , ni agitation . Comme
les aftres paroiffent fixes , on peut obferver avec
une grande facilité : on peut placer les fils du midiometre
fur fes objets avec toute l'exactitude
poffible. Il eft propre à prendre la parallaxe de
I iv
200 MERCURE DE FRANCE.
Mars en fecondes de degrés au lieu de fecondes
de temps ainfi au lieu de deux fecondes , on
aura trente fecondes de degrés ; on obfervera facilement
la route des cometes : il fera d'une
grande utilité pour les paffages de Mercure fut
le difque du foleil, en l'année 1761 ; obſervation
qui n'a été faite qu'une feule fois , & par un
feul Obfervateur en l'année 1639.
Le Pere Noël repéta devant Sa Majefté les erpériences
d'une machine pneumatique nouvelle ,
& de plufieurs autres inftrumens qu'il avoit eu
P'honneur de lui préfenter au mois de mars dernier.
Le Roi parut fatisfait de tous ces ouvrages ,
qu'il examina pendant une heure .
Mefdames de France vinrent enfuite , & paffe
rent près de trois heures pendant lefquelles les
mêmes chofes furent répétées en leur préfence *
à leur fatisfaction .
Le corfaire le Romieu , de Saint - Malo , com
mandé par le Capitaine Morel , a conduit en ce
port le navire Anglois la Pensilvanie de 250 ton
neaux , qui alloit de Philadelphie à Londres, avec
une cargaifon de bois de Campêche , de pellete
zies , de café & d'autres marchandiſes.
Un navire Anglois de 300 tonneaux , chargé de
tabac , a été pris par le corfaire Entreprenant ,
qui l'a fait conduire å Morlaix.
Le Capitaine la Lande , commandant un corfaire
de Bordeaux , appellé le Prevêt de Paris , s'eft
rendu maître du corfaire le Hazard de Grenezey,
ayant 6 canons , 8 pierriers & 37 hommes d'équi
page , & il a repris le navire l'Aimable Jolie de
Bordeaux , & un autre bâtiment du même port ,
dont les Anglois s'étoient emparés.
Les navires Anglois le Prince d'Orange , chargé
de bois de Campeche , & le Saint - Eustache , de
NOVEMBRE . 1757. 201
Saint-Eustache , dont la cargaifon confifte en fucre
& en café , ont été pris par les corfaires la
Marquise de Salba & le d'Etigny de Bayonne , ou
ils font arrivés .
Les corfaires la Favorite & la Providence , de
Saint-Jean -de-Luz , fe font rendus maîtres , Pun
du navire Anglois la Sufanne , de Malblebard ,
chargé de 2200 quintaux de morue , l'autre d'un
Senaw , qui a pour cargaifon 334 barriques de
fardines.
Le Capitaine Papin , commandant le corfaire
la Marquise de Beringhen , de Boulogne , s'eft
emparé à la côte d'Angleterre du navire Anglois
l'Endeavour , de 100 tonneaux , deftiné pour la
Barbade , où il portoit un chargement compofé
de cire blanche , de farine , de boeuf falé & de
fromage.
Le même corfaire a pris un bateau de 25 à 39
tonneaux , chargé de caffonnade , de poudre à
canon , de chanvre & de fuif.
Le corfaire Anglois l'Epervier , armé de 10 canons
, 12 pierriers , & so hommes d'équipage , a
été pris par le Capitaine Berlamont , commandant
le corfaire l'Afie , de Dunkerque , & il a été conduit
au Havre.
On mande de Nantes , qu'il y eft arrivé un
fenaw Anglois appellé le Caton , de Vhul , armé
de 6 canons & de 4 pierriers , & chargé pour la
Jamaïque de munitions de guerre & de bouche ,
d'armes & de marchandifes feches . Ce bâtiment
a été pris par le Capitaine Poitevin , commandant
le navire la France.
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Résumé : Nouvelles de la Cour, de Paris, &c.
Le 9 octobre, la Dauphine donna naissance à un prince, nommé Comte d'Artois par le roi. L'abbé de Bouillé, comte de Lyon et premier aumônier du roi, procéda à l'ondoyement du prince en présence du curé de la paroisse du Château. Monsieur Rouillé, ministre d'État, apporta le cordon de l'Ordre du Saint-Esprit que le prince reçut. Le comte d'Artois fut ensuite confié à la comtesse de Marsan, gouvernante des enfants de France, et conduit à ses appartements par le maréchal duc de Luxembourg. Le lendemain, le roi, la reine et la famille royale assistèrent à une messe à la chapelle, durant laquelle le Te Deum fut chanté. Des festivités, incluant des feux d'artifice et des distributions de vin et de nourriture, furent organisées à Paris et dans la province d'Artois pour célébrer la naissance du prince. Le roi nomma également plusieurs personnes à des postes vacants et envoya des courriers pour annoncer la nouvelle à divers dignitaires. Les troupes de la Maison du Roi furent rappelées de la défense des côtes en raison du retrait des Anglais. La province d'Artois exprima sa joie et sa reconnaissance par des cérémonies religieuses et des démonstrations publiques. La princesse de Condé accoucha également d'une princesse le 10 octobre. En Amérique du Nord, le marquis de Vaudreuil, gouverneur de la Nouvelle-France, prit des mesures pour défendre le Canada contre les attaques anglaises, en s'appuyant sur les alliances avec les nations amérindiennes et en renforçant les fortifications. En mars, Vaudreuil envoya un détachement dirigé par Rigaud de Vaudreuil pour détruire les bâtiments ennemis autour du Lac Saint-Sacrement et du Fort Georges. Il renforça également les garnisons frontalières et détruisit des forts ennemis sur la Belle Rivière. Vaudreuil planifia ensuite la prise du Fort Georges, récemment construit par les Britanniques. Montcalm fut chargé de diriger un corps de troupes composé de bataillons réguliers, de milices et de Sauvages. Avant l'attaque principale, Rigaud de Vaudreuil mena plusieurs raids réussis contre les Britanniques, détruisant des bateaux et capturant des prisonniers. Le 3 août, l'armée française, dirigée par Montcalm, investit le Fort Georges. Malgré les préparatifs britanniques, les Français commencèrent le siège en ouvrant une tranchée et en construisant des batteries. Une lettre interceptée du Général Webb accéléra les travaux de siège. Les batteries furent prêtes à tirer dès le 7 août, marquant le début des hostilités. Entre le 7 et le 9 novembre 1757, les forces françaises, dirigées par le Marquis de Montcalm, assiégèrent une place forte. La nuit du 7 au 8 novembre, les travailleurs français creusèrent un boyau et établirent une batterie. Vers minuit, les ennemis tentèrent une sortie, mais furent repoussés par M. de Villiers, qui tua soixante hommes et fit deux prisonniers. Le travail nocturne permit de créer un passage à travers un marais, malgré le feu ennemi. Les Sauvages et les Canadiens réduisirent le feu ennemi durant la journée. Le 8 novembre, les Sauvages signalèrent l'approche d'une armée ennemie, mais l'alerte se révéla fausse. La nuit suivante, les Français ouvrirent une seconde parallèle et avancèrent leurs positions. Le matin du 9 novembre, les assiégés hissèrent un pavillon blanc, indiquant leur volonté de capituler. Montcalm consulta les chefs des Sauvages avant de signer la capitulation, qui permit aux troupes ennemies de se retirer avec les honneurs de la guerre et d'être escortées par des troupes françaises pour les protéger des Sauvages. Malgré les précautions, des Sauvages firent des prisonniers parmi les ennemis avant d'être arrêtés par Montcalm. Le siège se solda par la prise de 23 pièces de canon, des munitions et des vivres. Les Français perdirent 13 hommes et en blessèrent 40, tandis que les ennemis perdirent 108 hommes et en blessèrent 250. Le texte souligne la discipline et la bravoure des troupes françaises, des milices et des Sauvages, ainsi que l'efficacité des stratégies de Montcalm et de ses officiers. En novembre 1757, plusieurs actions navales notables furent rapportées. Le corsaire Hazard de Grenezey captura deux navires bordelais repris aux Anglais.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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