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1
p. 145-146
PEINTURE.
Début :
Il y a des surprises dans les productions des arts comme dans les ouvrages de [...]
Mots clefs :
Estampes, Tableaux
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texteReconnaissance textuelle : PEINTURE.
PEINTURE.
y a des furpriſes dans les productions
des arts comme dans les ouvrages de
littérature ; il eſt également important de
garantir le public des unes & des autres ,
tant pour la perfection de fes connoiffances
que pour l'honneur des arts & la réputation
légitime de chaque artiſte . On
ne peut donc fe difpenfer d'informer tous
les amateurs de la peinture , qu'une fuitë
d'eſtampes nouvellement mife au jour par
le fieur Duflos , comme étant d'après les
tableaux du fieur Boucher , Peintre du Roi ,
n'a été gravée que fur des deffeins informes
, furtivement tirés par les éleves de
ce Peintre , les moins capables & les moins
avancés , livrés enfuite , à fon infçu , au
Graveur , lequel à fon tour a terminé &
mis en vente ces eftampes fans la participation
de l'auteur des tableaux , qui ne peut
G
146 MERCURE DE FRANCE:
ni les reconnoître , ni encore moins les
avouer dans des copies auffi infideles.
y a des furpriſes dans les productions
des arts comme dans les ouvrages de
littérature ; il eſt également important de
garantir le public des unes & des autres ,
tant pour la perfection de fes connoiffances
que pour l'honneur des arts & la réputation
légitime de chaque artiſte . On
ne peut donc fe difpenfer d'informer tous
les amateurs de la peinture , qu'une fuitë
d'eſtampes nouvellement mife au jour par
le fieur Duflos , comme étant d'après les
tableaux du fieur Boucher , Peintre du Roi ,
n'a été gravée que fur des deffeins informes
, furtivement tirés par les éleves de
ce Peintre , les moins capables & les moins
avancés , livrés enfuite , à fon infçu , au
Graveur , lequel à fon tour a terminé &
mis en vente ces eftampes fans la participation
de l'auteur des tableaux , qui ne peut
G
146 MERCURE DE FRANCE:
ni les reconnoître , ni encore moins les
avouer dans des copies auffi infideles.
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Résumé : PEINTURE.
Une controverse entoure des estampes publiées par Duflos, prétendument basées sur les œuvres de Boucher. Ces estampes ont été gravées à partir de dessins réalisés par les élèves les moins compétents de Boucher, sans son accord. Boucher ne reconnaît pas ces copies, jugées infidèles. Le texte insiste sur l'importance d'informer le public pour préserver l'honneur des arts et la réputation des artistes.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 131-141
Lettre écrite à M. M.... Professeur en Chirurgie, par M. Boucher, Capitaine d'Infanterie.
Début :
C'est un époux, Monsieur, qui va vous entretenir ; c'est un militaire qui va [...]
Mots clefs :
Chirurgie, Malade, Opération, Douleurs, Guérison, Capitaine d'infanterie, Professeur en chirurgie, Chirurgien
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texteReconnaissance textuelle : Lettre écrite à M. M.... Professeur en Chirurgie, par M. Boucher, Capitaine d'Infanterie.
Lettre écrite à M. M ....
Chirurgie , par M. Boucher , Capitaine
d'Infanterie.
C
'Eft un époux , Monfieur , qui va vous
entretenir ; c'eſt un militaire qui va
vous écrire ; c'eſt affez vous en dire pour
mériter votre indulgence . Ce préambule
vous feroit inutile fi j'étois initié dans l'art
de la Chirurgie. Ecrivant à un maître tel
que vous , je n'aurois befoin que de m'énoncer
, vous m'entendriez clairement
mais il s'agit de vous parler une langue qui
m'eft étrangere , & de vous donner à deviner
le plus aiſement que je pourrai. Ce
fera donc , Monfieur , l'amour conjugal
qui fera mon interprête ; c'eſt lui qui m'engage
aujourd'hui à vous rendre compte
d'une maladie que j'ai d'autant mieux étu-
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
diée qu'elle m'a tant effrayé pour les jours
de ma chere femme.
›
Vous ne rae remettez peut - être plus ,
Monfieur , & par conféquent il eft néceffaire
de vous dire qui je fuis. Mon nom
n'eft pas fuffifant pour vous remettre fur
la voie il faut vous dire qu'au mois de
Décembre dernier je vous invitai chez
moi , rue Poiffonniere , avec M. M ....
Chirurgien major de l'Hôtel - Dieu , pour
vous confulter für la maladie dont ma
femme étoit attaquée depuis treize ans.
Cette maladie , Monfieur , étoit la plus
terrible fiftule qu'on ait jamais eue Ma femme
eft créole , de l'ifle de Bourbon , & elle
attribue cette maladie à une chûte qu'elle
fit quelques années avant que je l'époufaffe
, d'une terraffe de vingt pieds de haut
pour le moins. Cette chûte ne lui caufa
que quelques douleurs & meurtriffures
qui fe diffiperen: en peu de tems , par les
fecours qu'on lui donna. Elle n'eût aucun.
fymptome de fiftule , mais un an après notre
mariage elle mit au monde un fils
foit effet de la groffefle ou de la couche ,
elle commença à fentir des douleurs à l'anus
, qui cefferent néanmoins lorfqu'elle
fut rélevée & rétablie de cette premiere
couche. Elle fut environ trois ans fans devenir
enceinte , pendant lequel tems elle
"
JUILLET . 1755. 133
ne fentit aucune douleur ; mais l'étant
devenue , fur le neuvieme meis de fa groffelle
il fe forma en neuf jours un dépot
ficonfidérable qu'elle fouffrit nuit & jour
Toutes les douleurs qu'un panari violent
peut occafionner . Les Chirurgiens de l'afle
peu au fait de leur métier , encore moins
de ces fortes de maladies , ne regarderent
ce dépôt que comme un abcès . Lorfque la
matiere fut bien formée la tumeur perça
d'elle- même , & vuida une quantité prodigieufe
de pûs . Cette évacuation foulagea
fubitement & totalement la malade
qui accoucha le lendemain d'une fille qui fe
porte très bien aujourd'hui. Nos Docteurs
laifferent fermer le fac de lui- même , &
fans doute le loup fut enfermé dans la bergerie
, puifqu'à une troifieme grofleffe.
l'abcès reparut. Pour lors d'autres Chirur
giens de vaiffeaux qui fe trouverent là ,
martyriferent la malade a grands coups de
biftouris , & s'efforcerent de cueillir un
fruit qui n'étoit pas mûr , & qu'ils ne connoilfoient
fans doute pas ; cependant elle
accoucha d'un garçon bien à terme , mais ,
mort par une peur qu'un incendie avoit
caufée à la mere chez elle . L'abcès diſparut
donc encore , & tant que ma femme ne
devenoit pas groffe elle ne fe fentoit de
rien. A la quatrieme groffeffe l'abcès re134
MERCURE DE FRANCE .
que cet
commença , à la cinquieme de même ; &
enfin à la fixieme qui eft arrivée l'année
derniere , il fe forma fur le dernier mois.
Mon épouſe fouffrit beaucoup , le Chirurgien
du logis qui avoit foin d'elle depuis
fon arrivée en Europe , me confia
abcès étoit fiftuleux , pour lors je lui
гар-
portai tout ce que je viens d'avoir l'honneur
de vous dire , & il la panfa en conféquence.
Elle étoit trop avancée dans fa
groffeffe pour entreprendre la guérifon
d'une pareille maladie ; mais loin de la
traiter comme on avoit fait aux Indes , au
contraire il eut grand foin de conferver
cet abcès ouvert , & de donner iffue à la
matiere qu'il fourniffoit journellement
illa panfoit deux fois par jour , & au terme
de neufmois elle accoucha d'une fille pleine
de fanté , & cela fans accident. Le
Chirurgien de la maifon continua à la
panſer exactement pendant deux mois depuis
fa couche , après lequel tems il me
confeilla lui-même de vous appeller au fecours
, me déclarant que la maladie étoit
une fiftule .
Voici , Monfieur , où la grande hiftoire
commence. Vous eûtes la bonté de vous
rendre chez moi avec M. M..... mon
Chirurgien y étoit , & on vous rendit
compte de tout ce que je viens de vous
JUILLET. 1755- 135
répéter. La malade étoit bien prévenue
qu'elle avoit une fiftule , mais elle n'étoit
point portée pour l'opération , parce que
quelques perfonnes lui avoient confeillé
les cauftiques. Vous fondâtes vous-même
le mal , & fuivant votre avis , ainfi que
celui de M. M. . . . vous jugeâtes que
c'étoit une fiftule borgne ; même , me
dites- vous alors , fans clapier & fans que
l'inteftin fût offenfé , car vous fuppofiez
encore une grande diſtance entre le vice &
l'inteftin. Eh bien , Monfieur , l'événement
a fait voir le contraire , & je m'en fuis
convaincu par ce que j'ai vû. Mais fuivez
moi , s'il vous plaît : vous jugeates donc
la fiftule borgne ordinaire , en un mot
point confidérable ; je vous demandai ce
qu'il y avoit à faire , vous me fites l'honneur
de me dire qu'il falloit faire l'opération
, que cela feroit peu de chofe , & que
ma femme n'avoit aucun rifque à courir ;
je vous dis que la malade ne s'y réfoudroit
jamais , & qu'elle préféreroit de fe faire
guérir par les cauftiques. M. Braffant
me dites - vous fur le champ , peut la
guérir ; mais je fuis furpris qu'on préfere
des fouffrances de cinq à fix mois à
une minute & demie. Cependant , continuates-
vous , je vous confeille de commencer
par lui guérir l'efprit. Elle préfere ce
>
136 MERCURE DE FRANCE.
remede , il faut le lui donner. Il détruir
par le feu ce que le nôtre détruit par le fer.
Ho! nous y voilà , Monfieur. Riez tant
qu'il vous ppllaaiirraa de mon extravagance ;
mais je ne veux point difputer avec vous .
Je prétens vous prouver que les événemens
dont je vous ai parlé , font feuls
capables de faire connoître les maladies.
De plus , je prétends vous démontrer que
la méthode des cauftiques eft préférable à
l'opération , fur- tout à de pareilles fiftulles .
Je vous vois déja me railler & me tourner
en ridicule : n'importe , je me hazarde , &
m'encourage ; c'eft que ma femme eft guérie.
Je commence.
La fiſtulle , Monfieur , me paroît à préfent
un terrier de lapin , lequel dans l'inté
rieur forme la figure de ziczac. Si je pouffe
un bâton par fon ouverture , il arrive que
je trouve bientôt une réſiſtance , mais ce
n'eſt pas le fond du terrier ; & quand j'em- -
porterois toute la furface , jufqu'à la profondeur
qui en a procuré la réfiſtance au
bâton , je n'aurois pas encore découvert le
fond de mon gîte. Or la fonde me paroît de
même dans une fiftulle à un pouce , deux
pouces , & plus , fi vous voulez ; elle peut
fentir un arrêt qui paroît être le fond , mais
Louvent ce n'eft que l'endroit où le finus
prend un détour, & qui s'étend encore à une
י
}
JUILLET. 1735 137
certaine profondeur , où il en prend encore
une autre. Comment la fonde peut- elle
nous dire tout cela ? Non , il est donc im- -
poffible de juger d'une fiftulle par la fonde
, & pour voir ce qu'il y a dans un vaſe ,
il faut le découvrir. Je fçais qu'avec l'inftrument
on emporte plus que moins , &
qu'enfuite les cifeaux fuppléent au beſoin ,
mais le fang accable & peut fort bien empêcher
de voir un malin finus qui pourſuit
fa route bien au- delà de ce qu'on s'imaginoit
; néanmoins l'opération guérit radicalement
la fiftulle , je le fçais , j'en conviens
; mais jamais elle n'eût guéri celle
de ma femme , puifque l'inftrument n'auroit
pû aller à la profondeur , & qu'encore
une fois on ne la croyoit pas confiderable .
Je fuis moralement sûr qu'elle eût été manquée
, elle n'auroit pas été la premiere ;
mais en outre quel rifque n'eut- elle point
couru ? les fouffrances des panfemens , les
douleurs de la garderobe , les rifques du
dévoiement , d'une fiévre , d'une hémoragie
, en un mot , un nombre de jours dans
un lit à fouffrir & à vivre fans manger.
Or par la méthode de M. Braffant avec fon
cauftique , il eft impoflible qu'il manque
une fiftulle , lorsqu'il la traitera lui -même,
& fon malade ne court aucun des rifques
que je viens de dire ; il eft vrai qu'on
138 MERCURE DE FRANCE.
fouffre le martyre. On dit qu'il en a guéri
& qu'il en a manqué : je foutiens qu'il n'en
a manqué aucun , à moins que ce foit des
gens aufquels les douleurs ont fait abandonner
le remede ; mais quand on voudra
les fouffrir , on eft sûr de la guérifon . Il
n'y a peut- être jamais eu perfonne que má
femme qui ait fouffert une quantité fi prodi
gieufe de cauftiques, puifqu'elle en a eu 33 ;
mais fi elle avoit abandonné au trentieme ,
sûrement elle n'eût point été guérie. J'appellai
donc M. Braffant le lendemain de votre
vifite. Je ne lui parlai point de la conful
tation qui avoit été faite la veille , je lui
dis fimplement que ma femme étoit atta
quée d'une fiftulle depuis 13 ans. Je lui fis
le détail de cette maladie tel que j'avois
eu l'honneur de vous le faire , & j'ajoûtai
que la malade ayant oui parler de fa méthode
la préféroit à l'opération . Il vit fon
mal & le confidera long- tems ; il tâta les
environs , & jugea que la fiftulle étoit con
fidérable , affurant que l'inteftin étoit of
fenfé ; mais qu'il étoit sûr de la guérifon
radicale , fi la malade vouloit avoir de la
confiance & du courage , parce que font
remede étoit violent : ma femme s'y livra
toute entiere , fur-tout efpérant de pouvoir
guérir fans opération . Elle lui demanda le
régime qu'elle avoit à fuivre ; mais quelle
JUILLET. 1755. 139
fut la joye & fa furpriſe lorfque M. Bralfant
lui dit qu'elle n'avoit qu'à vivre à ſon
ordinaire & conferver fon apétit.
Avouez , Monfieur , que voilà un régime
bien doux & bien différent de celui que
l'oppération exige. La malade avoit été
préparée , & deux mois s'étoient écoulés
depuis fa couche , ce qui fit que M. Braffant
la commença le lendemain 10 Décembre
1754. Il lui appliqua le premier cauftique
à 9 heures du matin , qui fit l'effet
qu'il en attendoit. La malade fouffrit la
douleur que ce remede lui caufa avec un
courage héroïque ; elle fouffroit , mais elle
difoit elle-même que c'étoit fupportable.
M. Braſſant vint la voir le foir , & il fut
furpris de trouver une femme fi courageufe.
Le lendemain matin il vint la panfer ,
les cauftiques avoient brûlé une quantité
de chairs qui commençoient à former un
efcard , ils avoient occafionné un gonfle→
ment confidérable dans toutes les parties
fpongieufes & vicieufes. Le troifieme jour
cet efcard tomba & occafionna une ouverture
affez confidérable , procura la facilité
à M. Braffant de voir différens finus renfermés
dans cette partie ; il les attaqua les
uns après les autres par fes cauftiques , &
plus il en détruifoit , plus l'ouverture s'agrandiffoit
& la profondeur paroiffoit.
140 MERCURE DE FRANCE.
Après que la malade cut fupporté dix a
douze cauftiques , pour lors M. Braffant vit
clairement toute l'étendue du mal ; il s'apperçut
que l'inteftin étoit percé , qu'un
finus fe pourfuivoit droit au gros boyau
il tint toujours ce finus découvert , & s'attachant
à détruire toutes les parties qui
l'environnoient & qui étoient offenfées ; it
y parvint par la fuite , & c'eft ce qui prolongea
la guérifon pour lors , il ne lui
refta plus que le finus principal , ou le fond
du fac qu'il attaqua avec tant de fuccès
que le 30 Avril il vit tout le vice détruit ,
& parvint à une guérifon radicale & certaine
. Voilà , Monfieur , tout le détail que
mon affiduité aux panfemens me permet
de vous faire ; mais vous ne pouvez vous
imaginer l'étendue de ce mal , & je crois
fermement que l'opération ne l'eût point
guéri , d'autant mieux qu'on ne jugeoit
point cette fiftulle fi confidérable. Remarquez
que par la méthode de M. Braffant ,
il n'y a point de fiévre à craindre , point
de dévoiement à appréhender , point de
régime à garder & point de douleurs en
allant à la garderobbe , en un mot point
de danger à courir pour le malade rout
cela , Monfieur , ne me feroit point balancer
à préferer cette méthode à l'opération
d'autant mieux encore qu'il eft impoffible
JUILLET. 1755- 141
qu'on laiffe la moindre chofe par cette fade
traiter une fiftulle.
çon
Il me reste encore à vous parler d'un
article auquel peu de Chirurgiens ajoûtent
foi , c'eft fur l'efpéce de cauftique dont
M. Braffant fe fert . Je crois réellement que
ce cauftique eft à lui feul & à fon fils , &
je ferois porté à croire qu'un autre que lui
qui voudroit traiter la fiftulle par ces cauftiques
y échoueroit , n'ayant ni la pratique
, ni le cauftique de M. Braffant : ne
feroit- ce pas cela qui auroit donné lieu de
croire au public que fi M. Braffant en a
guéri , il en a auffi manqué ? Cela fe
roit bien , Monfieur , & j'en ferois conyaincu
, fi quelqu'un me difoit avoir été
manqué par M. Braffant , pere ou fils.
pour-
Je fuis fâché , Monfieur , de vous avoir
diftrait & peut-être ennuyé par mon verbiage
; mais paffez- le moi en faveur de la
joye que me caufe la guérifon de ma femme
, & de la part que vous avez bien voulu
prendre à fa maladie .
J'ai l'honneur d'être , &c..
BOUCHER.
Paris , ce 2 Mai 1755 .
Chirurgie , par M. Boucher , Capitaine
d'Infanterie.
C
'Eft un époux , Monfieur , qui va vous
entretenir ; c'eſt un militaire qui va
vous écrire ; c'eſt affez vous en dire pour
mériter votre indulgence . Ce préambule
vous feroit inutile fi j'étois initié dans l'art
de la Chirurgie. Ecrivant à un maître tel
que vous , je n'aurois befoin que de m'énoncer
, vous m'entendriez clairement
mais il s'agit de vous parler une langue qui
m'eft étrangere , & de vous donner à deviner
le plus aiſement que je pourrai. Ce
fera donc , Monfieur , l'amour conjugal
qui fera mon interprête ; c'eſt lui qui m'engage
aujourd'hui à vous rendre compte
d'une maladie que j'ai d'autant mieux étu-
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
diée qu'elle m'a tant effrayé pour les jours
de ma chere femme.
›
Vous ne rae remettez peut - être plus ,
Monfieur , & par conféquent il eft néceffaire
de vous dire qui je fuis. Mon nom
n'eft pas fuffifant pour vous remettre fur
la voie il faut vous dire qu'au mois de
Décembre dernier je vous invitai chez
moi , rue Poiffonniere , avec M. M ....
Chirurgien major de l'Hôtel - Dieu , pour
vous confulter für la maladie dont ma
femme étoit attaquée depuis treize ans.
Cette maladie , Monfieur , étoit la plus
terrible fiftule qu'on ait jamais eue Ma femme
eft créole , de l'ifle de Bourbon , & elle
attribue cette maladie à une chûte qu'elle
fit quelques années avant que je l'époufaffe
, d'une terraffe de vingt pieds de haut
pour le moins. Cette chûte ne lui caufa
que quelques douleurs & meurtriffures
qui fe diffiperen: en peu de tems , par les
fecours qu'on lui donna. Elle n'eût aucun.
fymptome de fiftule , mais un an après notre
mariage elle mit au monde un fils
foit effet de la groffefle ou de la couche ,
elle commença à fentir des douleurs à l'anus
, qui cefferent néanmoins lorfqu'elle
fut rélevée & rétablie de cette premiere
couche. Elle fut environ trois ans fans devenir
enceinte , pendant lequel tems elle
"
JUILLET . 1755. 133
ne fentit aucune douleur ; mais l'étant
devenue , fur le neuvieme meis de fa groffelle
il fe forma en neuf jours un dépot
ficonfidérable qu'elle fouffrit nuit & jour
Toutes les douleurs qu'un panari violent
peut occafionner . Les Chirurgiens de l'afle
peu au fait de leur métier , encore moins
de ces fortes de maladies , ne regarderent
ce dépôt que comme un abcès . Lorfque la
matiere fut bien formée la tumeur perça
d'elle- même , & vuida une quantité prodigieufe
de pûs . Cette évacuation foulagea
fubitement & totalement la malade
qui accoucha le lendemain d'une fille qui fe
porte très bien aujourd'hui. Nos Docteurs
laifferent fermer le fac de lui- même , &
fans doute le loup fut enfermé dans la bergerie
, puifqu'à une troifieme grofleffe.
l'abcès reparut. Pour lors d'autres Chirur
giens de vaiffeaux qui fe trouverent là ,
martyriferent la malade a grands coups de
biftouris , & s'efforcerent de cueillir un
fruit qui n'étoit pas mûr , & qu'ils ne connoilfoient
fans doute pas ; cependant elle
accoucha d'un garçon bien à terme , mais ,
mort par une peur qu'un incendie avoit
caufée à la mere chez elle . L'abcès diſparut
donc encore , & tant que ma femme ne
devenoit pas groffe elle ne fe fentoit de
rien. A la quatrieme groffeffe l'abcès re134
MERCURE DE FRANCE .
que cet
commença , à la cinquieme de même ; &
enfin à la fixieme qui eft arrivée l'année
derniere , il fe forma fur le dernier mois.
Mon épouſe fouffrit beaucoup , le Chirurgien
du logis qui avoit foin d'elle depuis
fon arrivée en Europe , me confia
abcès étoit fiftuleux , pour lors je lui
гар-
portai tout ce que je viens d'avoir l'honneur
de vous dire , & il la panfa en conféquence.
Elle étoit trop avancée dans fa
groffeffe pour entreprendre la guérifon
d'une pareille maladie ; mais loin de la
traiter comme on avoit fait aux Indes , au
contraire il eut grand foin de conferver
cet abcès ouvert , & de donner iffue à la
matiere qu'il fourniffoit journellement
illa panfoit deux fois par jour , & au terme
de neufmois elle accoucha d'une fille pleine
de fanté , & cela fans accident. Le
Chirurgien de la maifon continua à la
panſer exactement pendant deux mois depuis
fa couche , après lequel tems il me
confeilla lui-même de vous appeller au fecours
, me déclarant que la maladie étoit
une fiftule .
Voici , Monfieur , où la grande hiftoire
commence. Vous eûtes la bonté de vous
rendre chez moi avec M. M..... mon
Chirurgien y étoit , & on vous rendit
compte de tout ce que je viens de vous
JUILLET. 1755- 135
répéter. La malade étoit bien prévenue
qu'elle avoit une fiftule , mais elle n'étoit
point portée pour l'opération , parce que
quelques perfonnes lui avoient confeillé
les cauftiques. Vous fondâtes vous-même
le mal , & fuivant votre avis , ainfi que
celui de M. M. . . . vous jugeâtes que
c'étoit une fiftule borgne ; même , me
dites- vous alors , fans clapier & fans que
l'inteftin fût offenfé , car vous fuppofiez
encore une grande diſtance entre le vice &
l'inteftin. Eh bien , Monfieur , l'événement
a fait voir le contraire , & je m'en fuis
convaincu par ce que j'ai vû. Mais fuivez
moi , s'il vous plaît : vous jugeates donc
la fiftule borgne ordinaire , en un mot
point confidérable ; je vous demandai ce
qu'il y avoit à faire , vous me fites l'honneur
de me dire qu'il falloit faire l'opération
, que cela feroit peu de chofe , & que
ma femme n'avoit aucun rifque à courir ;
je vous dis que la malade ne s'y réfoudroit
jamais , & qu'elle préféreroit de fe faire
guérir par les cauftiques. M. Braffant
me dites - vous fur le champ , peut la
guérir ; mais je fuis furpris qu'on préfere
des fouffrances de cinq à fix mois à
une minute & demie. Cependant , continuates-
vous , je vous confeille de commencer
par lui guérir l'efprit. Elle préfere ce
>
136 MERCURE DE FRANCE.
remede , il faut le lui donner. Il détruir
par le feu ce que le nôtre détruit par le fer.
Ho! nous y voilà , Monfieur. Riez tant
qu'il vous ppllaaiirraa de mon extravagance ;
mais je ne veux point difputer avec vous .
Je prétens vous prouver que les événemens
dont je vous ai parlé , font feuls
capables de faire connoître les maladies.
De plus , je prétends vous démontrer que
la méthode des cauftiques eft préférable à
l'opération , fur- tout à de pareilles fiftulles .
Je vous vois déja me railler & me tourner
en ridicule : n'importe , je me hazarde , &
m'encourage ; c'eft que ma femme eft guérie.
Je commence.
La fiſtulle , Monfieur , me paroît à préfent
un terrier de lapin , lequel dans l'inté
rieur forme la figure de ziczac. Si je pouffe
un bâton par fon ouverture , il arrive que
je trouve bientôt une réſiſtance , mais ce
n'eſt pas le fond du terrier ; & quand j'em- -
porterois toute la furface , jufqu'à la profondeur
qui en a procuré la réfiſtance au
bâton , je n'aurois pas encore découvert le
fond de mon gîte. Or la fonde me paroît de
même dans une fiftulle à un pouce , deux
pouces , & plus , fi vous voulez ; elle peut
fentir un arrêt qui paroît être le fond , mais
Louvent ce n'eft que l'endroit où le finus
prend un détour, & qui s'étend encore à une
י
}
JUILLET. 1735 137
certaine profondeur , où il en prend encore
une autre. Comment la fonde peut- elle
nous dire tout cela ? Non , il est donc im- -
poffible de juger d'une fiftulle par la fonde
, & pour voir ce qu'il y a dans un vaſe ,
il faut le découvrir. Je fçais qu'avec l'inftrument
on emporte plus que moins , &
qu'enfuite les cifeaux fuppléent au beſoin ,
mais le fang accable & peut fort bien empêcher
de voir un malin finus qui pourſuit
fa route bien au- delà de ce qu'on s'imaginoit
; néanmoins l'opération guérit radicalement
la fiftulle , je le fçais , j'en conviens
; mais jamais elle n'eût guéri celle
de ma femme , puifque l'inftrument n'auroit
pû aller à la profondeur , & qu'encore
une fois on ne la croyoit pas confiderable .
Je fuis moralement sûr qu'elle eût été manquée
, elle n'auroit pas été la premiere ;
mais en outre quel rifque n'eut- elle point
couru ? les fouffrances des panfemens , les
douleurs de la garderobe , les rifques du
dévoiement , d'une fiévre , d'une hémoragie
, en un mot , un nombre de jours dans
un lit à fouffrir & à vivre fans manger.
Or par la méthode de M. Braffant avec fon
cauftique , il eft impoflible qu'il manque
une fiftulle , lorsqu'il la traitera lui -même,
& fon malade ne court aucun des rifques
que je viens de dire ; il eft vrai qu'on
138 MERCURE DE FRANCE.
fouffre le martyre. On dit qu'il en a guéri
& qu'il en a manqué : je foutiens qu'il n'en
a manqué aucun , à moins que ce foit des
gens aufquels les douleurs ont fait abandonner
le remede ; mais quand on voudra
les fouffrir , on eft sûr de la guérifon . Il
n'y a peut- être jamais eu perfonne que má
femme qui ait fouffert une quantité fi prodi
gieufe de cauftiques, puifqu'elle en a eu 33 ;
mais fi elle avoit abandonné au trentieme ,
sûrement elle n'eût point été guérie. J'appellai
donc M. Braffant le lendemain de votre
vifite. Je ne lui parlai point de la conful
tation qui avoit été faite la veille , je lui
dis fimplement que ma femme étoit atta
quée d'une fiftulle depuis 13 ans. Je lui fis
le détail de cette maladie tel que j'avois
eu l'honneur de vous le faire , & j'ajoûtai
que la malade ayant oui parler de fa méthode
la préféroit à l'opération . Il vit fon
mal & le confidera long- tems ; il tâta les
environs , & jugea que la fiftulle étoit con
fidérable , affurant que l'inteftin étoit of
fenfé ; mais qu'il étoit sûr de la guérifon
radicale , fi la malade vouloit avoir de la
confiance & du courage , parce que font
remede étoit violent : ma femme s'y livra
toute entiere , fur-tout efpérant de pouvoir
guérir fans opération . Elle lui demanda le
régime qu'elle avoit à fuivre ; mais quelle
JUILLET. 1755. 139
fut la joye & fa furpriſe lorfque M. Bralfant
lui dit qu'elle n'avoit qu'à vivre à ſon
ordinaire & conferver fon apétit.
Avouez , Monfieur , que voilà un régime
bien doux & bien différent de celui que
l'oppération exige. La malade avoit été
préparée , & deux mois s'étoient écoulés
depuis fa couche , ce qui fit que M. Braffant
la commença le lendemain 10 Décembre
1754. Il lui appliqua le premier cauftique
à 9 heures du matin , qui fit l'effet
qu'il en attendoit. La malade fouffrit la
douleur que ce remede lui caufa avec un
courage héroïque ; elle fouffroit , mais elle
difoit elle-même que c'étoit fupportable.
M. Braſſant vint la voir le foir , & il fut
furpris de trouver une femme fi courageufe.
Le lendemain matin il vint la panfer ,
les cauftiques avoient brûlé une quantité
de chairs qui commençoient à former un
efcard , ils avoient occafionné un gonfle→
ment confidérable dans toutes les parties
fpongieufes & vicieufes. Le troifieme jour
cet efcard tomba & occafionna une ouverture
affez confidérable , procura la facilité
à M. Braffant de voir différens finus renfermés
dans cette partie ; il les attaqua les
uns après les autres par fes cauftiques , &
plus il en détruifoit , plus l'ouverture s'agrandiffoit
& la profondeur paroiffoit.
140 MERCURE DE FRANCE.
Après que la malade cut fupporté dix a
douze cauftiques , pour lors M. Braffant vit
clairement toute l'étendue du mal ; il s'apperçut
que l'inteftin étoit percé , qu'un
finus fe pourfuivoit droit au gros boyau
il tint toujours ce finus découvert , & s'attachant
à détruire toutes les parties qui
l'environnoient & qui étoient offenfées ; it
y parvint par la fuite , & c'eft ce qui prolongea
la guérifon pour lors , il ne lui
refta plus que le finus principal , ou le fond
du fac qu'il attaqua avec tant de fuccès
que le 30 Avril il vit tout le vice détruit ,
& parvint à une guérifon radicale & certaine
. Voilà , Monfieur , tout le détail que
mon affiduité aux panfemens me permet
de vous faire ; mais vous ne pouvez vous
imaginer l'étendue de ce mal , & je crois
fermement que l'opération ne l'eût point
guéri , d'autant mieux qu'on ne jugeoit
point cette fiftulle fi confidérable. Remarquez
que par la méthode de M. Braffant ,
il n'y a point de fiévre à craindre , point
de dévoiement à appréhender , point de
régime à garder & point de douleurs en
allant à la garderobbe , en un mot point
de danger à courir pour le malade rout
cela , Monfieur , ne me feroit point balancer
à préferer cette méthode à l'opération
d'autant mieux encore qu'il eft impoffible
JUILLET. 1755- 141
qu'on laiffe la moindre chofe par cette fade
traiter une fiftulle.
çon
Il me reste encore à vous parler d'un
article auquel peu de Chirurgiens ajoûtent
foi , c'eft fur l'efpéce de cauftique dont
M. Braffant fe fert . Je crois réellement que
ce cauftique eft à lui feul & à fon fils , &
je ferois porté à croire qu'un autre que lui
qui voudroit traiter la fiftulle par ces cauftiques
y échoueroit , n'ayant ni la pratique
, ni le cauftique de M. Braffant : ne
feroit- ce pas cela qui auroit donné lieu de
croire au public que fi M. Braffant en a
guéri , il en a auffi manqué ? Cela fe
roit bien , Monfieur , & j'en ferois conyaincu
, fi quelqu'un me difoit avoir été
manqué par M. Braffant , pere ou fils.
pour-
Je fuis fâché , Monfieur , de vous avoir
diftrait & peut-être ennuyé par mon verbiage
; mais paffez- le moi en faveur de la
joye que me caufe la guérifon de ma femme
, & de la part que vous avez bien voulu
prendre à fa maladie .
J'ai l'honneur d'être , &c..
BOUCHER.
Paris , ce 2 Mai 1755 .
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Résumé : Lettre écrite à M. M.... Professeur en Chirurgie, par M. Boucher, Capitaine d'Infanterie.
La lettre est rédigée par M. Boucher, capitaine d'infanterie, à un chirurgien de renom, M. M..., pour discuter de la maladie de son épouse. Cette dernière, une Créole de l'île de Bourbon, souffre d'une fistule anale depuis treize ans, causée par une chute avant leur mariage. La maladie s'est aggravée après chaque grossesse, entraînant des douleurs et des abcès. Plusieurs chirurgiens ont tenté de traiter la fistule sans succès durable. En décembre précédent, M. Boucher a consulté M. M... et un autre chirurgien pour évaluer la condition de sa femme. La fistule a été diagnostiquée comme borgne, sans clapet et sans atteinte de l'intestin. Cependant, il s'est avéré que l'intestin était bel et bien atteint. M. Boucher préfère les cautères à l'opération chirurgicale, estimant que cette méthode, pratiquée par M. Braffant, est moins risquée et plus efficace pour des fistules complexes. La femme de M. Boucher a subi 33 cautérisations, souffrant beaucoup mais sans les risques associés à l'opération chirurgicale. M. Braffant a réussi à détruire radicalement la fistule, confirmant que l'intestin était percé. M. Boucher conclut que la méthode des cautères est préférable pour traiter des fistules de cette nature, soulignant l'absence de fièvre, de déviation, de régime strict et de douleurs post-opératoires. Il exprime également sa confiance dans l'efficacité et l'unicité des cautères utilisés par M. Braffant. La lettre est datée du 2 mai 1755 et exprime la gratitude de M. Boucher pour la sollicitude manifestée à l'égard de la maladie de son épouse, désormais guérie. Il reconnaît que son interlocuteur pourrait être fatigué ou ennuyé par son discours, mais il le prie de l'excuser en raison de la joie qu'il éprouve face à la guérison de son épouse et de l'intérêt porté à sa santé. La lettre se conclut par une formule de politesse.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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