LETTRE A M. KEYSER.
J'AI P'honneur de vous adreffer , Monfieur , un
état de cinq malades attaqués de la maladie vénérienne
, que j'ai traités avec vos dragées & fuivant.
votre méthode de les adminiftrer : vous verrez
que le fuccès ne pouvoit en être plus complet , ni
les atteftations plus authentiques. Il n'y a cependant
rien d'exagéré , ni qui ne foit conforme à la
plus exacte vérité. Je ne vous diffimulerai pas .
212 MERCURE DE FRANCE.
Monfieur , que j'avois befoin de ces preuves pour
croire : accoutumé depuis un très- long- temps à
employer le mercure, par les frictions , je ne
croyois pas que toute autre maniere de le donner
pût produire de fi bon effets que celle- là ; mais
je fuis défabufé , & il eft juste que j'en fafle l'aveu.
Une circonfiance qui me plaît encore,& à laquelle
on doit faire attention , c'eft que la cure de cette
maladie par vos dragées eft beaucoup plus courte
que par les frictions , & qu'elle eft pour le moins
auf fure. J'ai l'honneur d'être , & c. Leriche,
Chirurgien Major de l'hôpital Militaire de Strafe
bourg.
A Strasbourg , le 28 Mai 1758.
Le chirurgien Leriche écrit à M. Keyser pour présenter les résultats positifs obtenus en traitant cinq malades atteints de la maladie vénérienne avec les dragées de M. Keyser. Leriche souligne que les résultats sont authentiques et complets, sans exagération. Initialement sceptique, ayant l'habitude d'utiliser le mercure par frictions, il reconnaît désormais l'efficacité des dragées. Il note que la cure par dragées est plus rapide et au moins aussi sûre que celle par frictions. Leriche exprime son honneur de partager cette expérience, datée du 28 mai 1758, depuis l'hôpital militaire de Strasbourg.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
ENIGM E.
Us ma ftructure eft fingulière !
Plus je fuis maigre & vieux, & plus j'ai des appas :
Quiconque ne me connoît pas
Trouvera ce début bien extraordinaire .
Souvent par mes expreflions
Je fçais repréfenter toutes les paffions .
Sans même qu'on s'en ſcandaliſe ,
Je fers également le Théâtre & l'Eglife ,
Car de mon naturel je fuis tendre , badin ,
Doux , trifte , furieux , dévot & libertin .
A ces traits , cher Lecteur , fuis-je méconnoiffable
?
Non pas affurément ; quand j'en aurois moins dit ,
Il ne faudroit ni ſe donner au Diable
Ni s'alambiquer trop l'efprit ,
Pour deviner ma nature & mon être.
Ainfi , puifque tu peux aifément me connoître ,
Je me borne à te dire enfin ,
Que traité comme Etre volage ,
Pour de moi faire un bon uſage ,
Souvent on me conduit le bâton à la main .
Par M. FABRE , Licentié enl
à Strasbourg.
LOGO GRYPH E.
Il n'eft rien dans les cieux , fur la terre & dans
l'onde ,
Qui ne porte le fruit de ma tige féconde ;
Je ſuis univerfel dans ma production and
C'est moi qui donne à tout & la forme & le nom ;*
C'est moi qui de l'efprit parcourant les idées ,
Raffemble fous les yeux fes fecrètes penſées :
Par les refforts divers qui font en mon pouvoir ,
Je facilite à l'homme un moyen de ſavoir :
C'eſt par moi qu'il apprend , je le répéte encore ,
Ce que fans mon fecours très-fouvent il ignore.
Combien de fois , Lecteur , avant de t'éclairer ,
Ne t'ai-je pas donné maint fujet de pleurer !
Mais changeons de propos : un fi long préambule
Doit fans doute déja paroître ridicule ;
J'en conviens : voyons donc s'il fera plus aifé
De favoir qui je fuis par mon décompofé .
FEVRIER . 1763. 6r
Le nombre de mes pieds , s'il faut que je m'explique,
Ami, c'eft deux fois quatre en bonne arithmé→
tique ,
Où tu pourras trouver une interjection ;
Une idole ; un dévot par- affectation 3
Deux Evêchés de France ; une ville en Turquie ;
Un autre dans la Suiffe ; un Mont dans l'Arménie
;
La matière qui fert à former l'aliment
Qui de tous les mortels fait le foulagement ;
Ce qu'un foldat en marche aime beaucoup à
faire ;
Un innocent Hébreu mis à mort par fon frère :
Plus , un jeu d'exercice ; un terme de blafon ;
Ce qui gâte le teint ; un meuble de maiſon ;
In uftenfile de ménage ,
Grand ou pétit , toujours fort en ufage ;
La bruïante affemblée , où l'on voit bien des gens
Se tourmenter fans ceffe en dépit du bon ſens ;
Et qui...... chut !.....Sur le refte ayons la bouche
clofe
Eh bien , Lecteur , dis- moi , trouves cu quelque
chofe
Qui puiffe t'indiquer ? .... Quoi ! tu ne me vois pas?
Courage , cherche donc , pour fortir d'embarras
Mais fi tu ne veux point rendre ta peine extrême,
Il faut pour me trouver recourir à moi- même.
62 MERCURE DE FRANCE.
Qu'ai-je dit ! .... Songe bien à ce dernier avis ,
Et dans très- peu de temps tu fauras qui je fuis.
Par M. FABRE , Licentié en Droit à Strasbourg.
AUTR E.
COMME je fuis d'une maigre ſtructure,
Je ne veux point en longs propos
Dépeindre ici ma maligne figure ,
Je vais tout dire en quatre mots.
J'ai cinq pieds , dans lefquels , pour peu qu'on
les varie ,
On trouve du plaiſir la cruelle ennemie ;
Ce que dans le temps chaud l'on moiſſonne ; un
oiſeau ;
Enfin , quoiqu'en entier je ne fois qu'arbriſſeau ,
Si tu viens à m'ôter & la tête & la queue ,
Lecteur , tu trouveras alors ,
Qu'avec le reſte de mon corps ,
Jeforme un arbre auſſi haut que
la nuë.
Par le même.
LOGO GRYPH E.
Je fais un jeune enfant adoré de ma mère ; E
C'eſt d'elle que je tiens tout ce qu'il faut pour
plaire ,
Douceur , grâces , beauté , tendreſſe , ris , attraits
Sont les dons que ſur moi répandent ſes bienfaits.
•
M A I. 1763. 85
Mes charmes innocens rendent mon régne aimable.
Mais malheureuſement il eſt trop peu durable ,
Car mes frères , jaloux de toutes ces faveurs ,
Me forcent tour -à- tour à fouffrir leurs rigueurs
Mais où vais -je ? ... à quoi bon parler de ma famille
?
Et pourquoi m'égarer de vétille en vétille ?
Il s'agit , cher Lecteur , de deviner mon nom ;
Ainfi venons au fait dont il eft queſtion .
Décompofe ; & bientôt tu trouveras peut-être
Qu'il n'eſt pas malaifé de pouvoir me connoître.
Je t'offre en mes huit pieds par différens rapports,
Plus de quarante mots renfermés dans mon corps.
Un enfant de Noé trois notes de mufique ;
Un ornement d'Evêque ; un terme dogmatique³
Une eſpèce de fel ; un endroit fourerrain ;
Un outil de maçon ; ce qu'on voit dans le pain ;
Un arbre ; deux oiſeaux , un fol que la Nature
Deux ou trois fois par an tapiffe de verdure ;
Le bouquet qui renferme un utile aliment ;
Ce qu'un mauvais payeur ne rend pas aifément ;
Un terme de commerce , ou bien de bréviaire ;
Le titre Souverain qu'en Europe on révére ;
Ce qui , bien cultivé , fait honneur au bon lens ,
Mais fouvent dont le trop peut nuire à bien des
gens;
Un péché capital ; une marque de joye ;
86 MERCURE DE FRANCE .
Ee vafte fein des eaux ; une antique monnoye
Dont l'efpéce aujourd'hui chez nous n'a plus de
cours;
Ce qui fans s'arrêter , fuit & régle nos jours ;
Le nom d'un grand Seigneur qu'on reſpecte en
Turquie ;
Cinq Villes , deux en France , une dans l'Italie,
Une autre dans la Flandre , & la derniere enfin
Se trouve en Allemagne affife fur le Rhin.
Plus un terme de chaffe ; un autre de Barême ;
Ce que Boileau cherchoit avec un foin extrême;
Un jeu fort ulité ; trois pronoms poſſeſſifs ;
Une meſure , un nombre & quatre infinitifs.
C'en eft affez , Lecteur , fi ceci te contente ,
Car je crois entre nous que ce jeu te tourmente.
Combine maintenant , & vois fi tu pourras ,
En cherchant qui je fuis , te tirer d'embarras.
Par M. FABRE , Licentié en Droit
à Strasbourg.