On ne peut douterque Sa Majeſtén'ait exposé fa Perſon- ne àbien des perils , puis qu'il nes'eft rien fait où l'on n'ait
marqué les alarmes de la France pour cet Auguſte Monar- que.Voyez-le encor,Madame,
das cette Lettre de M.de Ramboüillet àM le Prince deMarfillac Grand-Maître de laGar-
70 LE MERCVRE derobe. Monfieur de Breteüil
l'a leuë au Roy , àqui elle n'a pas déplû , & je croirois vous dérober un plaifir, fi je negli- geois à vousl'envoyer.
A MONSIEUR LE PRINCE
DE MARSILLAC.
EPISTRE.
Vlieu de jeûner le Careſme,
D'estre avec un visage
blême ,
Afaire vos Devotions,
Etvacqueràvos Stations ,
Tout ce temps vous avez fait rage Parmy lefang &le carnage ,
Vousn'avez malgréles hazards,
Songéqu'àforcer des Ramparts;
Kous avezpris trois grades Villes,
DesFlamans lesplusfeurs aziles
GALANT. 71 Mesmevous avezfait périr Ceuxquivenoient lesfecourir,
Puny leur audace infolente ,
DansuneBatailleſanglante ,
Ceque lesplusgrands Conquerans Apeine euffentfait enquatre ans.
Louis, l'amede ces merveilles
Quin' eurentjamais depareilles,
Trouve maintenant à propos
Queles corps prennent du repos ,
Ilabienvoulu leurpermettre
QuelqueSéjour pourſe remettre.
Luy cependantfait mille tours ,
L'ame veille, elle agit toûjours,
Etrepaſſefur toute chose,
Pendant que le corpsserepose.
Maisondit quedanspeu de teps Vous allezvor remettreaux chaps;
Où Diable allez-vousdonc encore?
Eft-ce auNort,est-cevers l'Aurore?
Voulez-vous vous mettrefurl'eau,
Et paſſerla Merfans Vaiſſeau?
LesDauphinsdelaMerBaltique,
7.2 LE MERCVRE
LesBaleines du Pole Arctique ,
(Mafoy vo n'aurezqu'àvouloir)
Viendront vos ordres recevoir,
Etfurle Zalandois rivage,
Vous mettront Canon &Bagage.
Cen'est passigrand chose enfin,
Vous avezbienpasséle Rhin,
Cette barriere fiterrible ,
Dontlepaſſage estsipénible,
QueRomemaiſtreſſe de tout ,
Apeine en vint jadis à bout.
Ayant Loirs àvoſtre teſte ,
Vousn'aurezrienqui vous arrefte,
Ace Héros tout réußit ,
Tout luyfuccede, tout luy rit.
C'estparlàque ceux dot les veuës
Nefontpasassezétenduës ,
Exaltent autantfon bonheur ,
QueSaprudence&Savaleur ,
Maiscequ'ils diſent , bagatelles.
Lors que les Miniſtres fidelles,
Bontavecfoin on afaitchoix,
Sont
GALANT. 73
Sort au deſſus de leurs Emplois ,
Qu'avec justice on diſpenſe ,
Et lapeine &la récompense :
Qu'onSçait toutes chofesprévoir.
Atous les accidenspourvoir,
Et que jamais on ne viole LeDonfacrédeſa parole,
Avec ces talens merveilleux ,
Il est bien aiséd'estre heureux.
Cependatpourtrop entreprëdre,
Vous pourriez plus perdre que prendre :
Il est vray qu'ilfaut quechacun Contribué au bonheur commun.
On doit facrifierſavie A la gloire defa Patrie.
Ainsi, Seigneur,malgré les coups Quele Rhin vit tomberſur Vous,
Tous lesjours une ardeur nouvelle Vousfait expoſer de plus belle .
Mais il est bon de regarder ,
Qu'il nefautpas tout hazarder,
G
74 LE MERCVRE
,
Et que les Teftes couronnées
Doivent au moins estre épargnées.
Comment fouffrez-vous que le Roy (Ien'y penſepointſans effroy)
Soit à toute heure aux mouſquetades ,
Toûjours en bute aux canonades?
Vous,Seigneur, qui matin &foir
Avezle bonheur de le voir ,
Voussçavez, &devez luy dire (Quoy que desDieux sõsåg il tire,
Diilfoitleplus graddesHéros,)
Qiil estpourtatde chair &d'os,
Etqu'il a besoin d'une armure Lamieux trempée laplus dure.
Si PHILIPPE n'eneût pointmis,
Iln'eûtpasſurſes ennemis Dans cette Bataillefameuse Remporté laVictoire heureuse .
Etnousverrions dans la douleur,
Madame qui rit de bon cœur.
L'armure pourtant la meilleure,
N'empêchepas qu'on n'y demeure.
GALANT. 75
LeCanon eft encorplusfort ,
Turenne en afenty l'effort ,
Et Loürsſçait mieuxque persone,
Que tout cede où le bouletdonne.
Ainſi vous deveztout ofer Pour l'empefcher de s'expofer.
Quidoit toûjours eftre leMaistre,
En ce poinct ne doit jamais l'estre.
Leplusfeur estde revenir,
Rienn'adroit devous reten'r
Lors que des Beautez defolées,
D'ennuis loin de vous accablées,
Nelesfiniront que le jour Qu'elles vous verront de retour.