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Détail
Liste
3
p. 135-139
De Toulouse. A M. LE COMTE de Fumel. Plainte de l'Amour sur la naissance du jeune Comte.
Début :
Comte, l'Amour à tire-d'aîle, [...]
Mots clefs :
Amour, Chagrin, Plainte, Enfant, Menace
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texteReconnaissance textuelle : De Toulouse. A M. LE COMTE de Fumel. Plainte de l'Amour sur la naissance du jeune Comte.
DeToulouse. .-
A M. LECOMTE
deFumel. I k PUintt de Aironr surl*naissance
,
dnjet*neContre. *
> COmte, l'Amourà tid,
re-d'aile9
Plein de remord gJ de
fouet3
Revoie vers Paphos
oufin chagrin l'appelle
Pour y ne plusrevenir ici.
&air a retenti desa
1
plainte
Les prompts échos troublel
de crainte
Ont enfinrépété cecsi.
Cruel effetde mon ouvrages
Pui/fentf.1 la la
rage Ser.
Servir a fâmais mon
courroux
Contre un illufire hymen,
quefai rendu
trop doux.
A mongrand regret j'enruOlSna/
Itl re
Vn enfantplus beau que
le jour,
Que tout sempreffe a recoftnoltre
Et qu'on „ trouve déja
plus charmant que
l'Amour.
Quel outrage on mefaitr
nonje ne fraurois
feindre,
Cette erreur m'inquiète
elle fiait 9
malarmer,
Et jevais mefaireplus
craindre3
Qj£il ne ftaurasi faire aimer.
FVMELjje ris de
fin audace5
Ce petit Dieu fait au.
jourd'hui
Leschofisde mauvaifi
grâce.
t
Voyant une telle tnenace
Les Amours ne l'ont
poijitJuiviî
Ils jurent de changer de
maître
S'il ne calnme puasfiisse.n-
S'ils faifiient ce que je
vous diss
Vous pouvez, aisément
connoître
Qujls prefereroientvotre
fils.
A M. LECOMTE
deFumel. I k PUintt de Aironr surl*naissance
,
dnjet*neContre. *
> COmte, l'Amourà tid,
re-d'aile9
Plein de remord gJ de
fouet3
Revoie vers Paphos
oufin chagrin l'appelle
Pour y ne plusrevenir ici.
&air a retenti desa
1
plainte
Les prompts échos troublel
de crainte
Ont enfinrépété cecsi.
Cruel effetde mon ouvrages
Pui/fentf.1 la la
rage Ser.
Servir a fâmais mon
courroux
Contre un illufire hymen,
quefai rendu
trop doux.
A mongrand regret j'enruOlSna/
Itl re
Vn enfantplus beau que
le jour,
Que tout sempreffe a recoftnoltre
Et qu'on „ trouve déja
plus charmant que
l'Amour.
Quel outrage on mefaitr
nonje ne fraurois
feindre,
Cette erreur m'inquiète
elle fiait 9
malarmer,
Et jevais mefaireplus
craindre3
Qj£il ne ftaurasi faire aimer.
FVMELjje ris de
fin audace5
Ce petit Dieu fait au.
jourd'hui
Leschofisde mauvaifi
grâce.
t
Voyant une telle tnenace
Les Amours ne l'ont
poijitJuiviî
Ils jurent de changer de
maître
S'il ne calnme puasfiisse.n-
S'ils faifiient ce que je
vous diss
Vous pouvez, aisément
connoître
Qujls prefereroientvotre
fils.
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Résumé : De Toulouse. A M. LE COMTE de Fumel. Plainte de l'Amour sur la naissance du jeune Comte.
L'auteur adresse une lettre poétique à M. Lecomte de Fumel, exprimant des remords et une rage envers une union matrimoniale jugée trop douce. Il évoque la naissance d'un enfant décrit comme 'plus beau que le jour' et 'plus charmant que l'Amour', ce qui le préoccupe et l'inquiète. L'auteur craint que cet enfant ne devienne un rival en amour et que les Amours (les dieux de l'amour) ne changent de maître pour préférer le fils de M. Lecomte. La lettre se conclut par une menace implicite et une réflexion sur l'audace de cet enfant.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 2916-2917
EXTRAIT d'une Lettre du R. P. Emmanuel de Viviers, Capucin, écrite de Toulouse le 30. Novembre 1730.
Début :
J'ay lû dans le Journal de Verdun de ce mois, que le P. Papon, Capucin, a [...]
Mots clefs :
Phénomène, Aurore boréale
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texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une Lettre du R. P. Emmanuel de Viviers, Capucin, écrite de Toulouse le 30. Novembre 1730.
EXTRAIT d'une Lettre du R.P.Emmanuel
de Viviers , Capucin , écrite de
Toulouse le 30. Novembre 1730.
J'A
'Ay lû dans le Journal de Verdun de
ce mois , que le P. Papon , Capucin , a
obfervé l'Aurore Boréale qui parut le 7
d'Octobre dernier à Gannat , en Bourbonnois.
J'envoyai mon obfervation à
M. Caffini , deux jours après l'aparition'
de ce Phénoméne , dont voici le détail.
Le 7 Octobre , environ fur les fept
heures & demie du foir , j'apperçus une
petite lumiere fort vive , à l'endroit où
le Soleil s'étoit couché. Cette lumiere
s'augmenta peu à peu & devint fort éclatante.
Elle étoit dirigée au Nord- Oüeft ,
changeoit fouvent de figure, s'élevoit fur
Phorifon par intervalles , & s'abbaiffoit
en même-temps, jettánt de petites flammes
vives & legeres , qui étoient quelquefois
ondoyantes ; de forte, qu'environ
vers les neuf heures " , elle occupa une efpace
de l'horifon , d'environ cinquante
dégrez.
Če Phénomené demeura dans cette fi-.
tuation jufqu'à onze heures & demie ,
qu'il s'éleva inſenſiblement à la hauteur
de plus de 40 dégrez,& fe divifa en trois
bandes , prefque paralleles entr'elles,dont
It. Vol.
les.
DECEMBRE. 1730. 2917
les extrémitez étoient canellées . Ces bandes
jettoient un grand nombre de flammes
, qui s'étendoient par tout le ciel , &
éclairoient toute la campagne. A douze
heures & environ 30 minutes , une de
ces bandes changea de figure , & devint
comme un tapis de quatre toifes de largeur
, formant une queue femblable à
celle d'une Cométe , laquelle étoit variée
de differentes couleurs . Ce Phénomene
dura jufqu'à quatre heures & demie. Les
obfervations que plufieurs Membres de
notre nouvelle Académie ont faites en
leur particulier fe. trouvent conformes à
ce que j'ai l'honneur de vous mander.Ce
jour-là il fit un vent marin tres- violent,
accompagné d'éclairs , & de tonnerres ,
qui furentfuivis de quelque peu de pluie.
de Viviers , Capucin , écrite de
Toulouse le 30. Novembre 1730.
J'A
'Ay lû dans le Journal de Verdun de
ce mois , que le P. Papon , Capucin , a
obfervé l'Aurore Boréale qui parut le 7
d'Octobre dernier à Gannat , en Bourbonnois.
J'envoyai mon obfervation à
M. Caffini , deux jours après l'aparition'
de ce Phénoméne , dont voici le détail.
Le 7 Octobre , environ fur les fept
heures & demie du foir , j'apperçus une
petite lumiere fort vive , à l'endroit où
le Soleil s'étoit couché. Cette lumiere
s'augmenta peu à peu & devint fort éclatante.
Elle étoit dirigée au Nord- Oüeft ,
changeoit fouvent de figure, s'élevoit fur
Phorifon par intervalles , & s'abbaiffoit
en même-temps, jettánt de petites flammes
vives & legeres , qui étoient quelquefois
ondoyantes ; de forte, qu'environ
vers les neuf heures " , elle occupa une efpace
de l'horifon , d'environ cinquante
dégrez.
Če Phénomené demeura dans cette fi-.
tuation jufqu'à onze heures & demie ,
qu'il s'éleva inſenſiblement à la hauteur
de plus de 40 dégrez,& fe divifa en trois
bandes , prefque paralleles entr'elles,dont
It. Vol.
les.
DECEMBRE. 1730. 2917
les extrémitez étoient canellées . Ces bandes
jettoient un grand nombre de flammes
, qui s'étendoient par tout le ciel , &
éclairoient toute la campagne. A douze
heures & environ 30 minutes , une de
ces bandes changea de figure , & devint
comme un tapis de quatre toifes de largeur
, formant une queue femblable à
celle d'une Cométe , laquelle étoit variée
de differentes couleurs . Ce Phénomene
dura jufqu'à quatre heures & demie. Les
obfervations que plufieurs Membres de
notre nouvelle Académie ont faites en
leur particulier fe. trouvent conformes à
ce que j'ai l'honneur de vous mander.Ce
jour-là il fit un vent marin tres- violent,
accompagné d'éclairs , & de tonnerres ,
qui furentfuivis de quelque peu de pluie.
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Résumé : EXTRAIT d'une Lettre du R. P. Emmanuel de Viviers, Capucin, écrite de Toulouse le 30. Novembre 1730.
Le 7 octobre 1730, le Père Emmanuel de Viviers, Capucin, observa une aurore boréale à Toulouse. Vers 19h30, il remarqua une petite lumière vive à l'ouest, qui s'intensifia et se dirigea vers le nord-ouest. Cette lumière changea de forme, s'élevant et s'abaissant par intervalles, et émettant des flammes ondoyantes. Vers 21h, elle couvrit environ cinquante degrés de l'horizon. Le phénomène persista jusqu'à 23h30, s'élevant à plus de quarante degrés et se divisant en trois bandes parallèles aux extrémités cannelées, illuminant la campagne. À 00h30, une bande se transforma en un tapis large de quatre toises, ressemblant à la queue d'une comète avec des couleurs variées. L'aurore boréale dura jusqu'à 4h30 du matin. Les observations furent confirmées par plusieurs membres de la nouvelle Académie de Toulouse. Ce jour-là, un vent marin violent, accompagné d'éclairs et de tonnerre, fut suivi de pluies.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 1922-1927
APOLOGIE des Enfans de Sapience, pour répondre à la Lettre inserée dans le Mercure de France du mois de Mars 1729. page 465. au sujet du Mercuredes Philosophes Hermetiques, et de la Transmutation des Métaux.
Début :
Les Philosophes, tant anciens que modernes, qui ont voulu travailler au [...]
Mots clefs :
Philosophes hermétiques, Transmutations des métaux., Eau minérale, Eau métallique, Mercure
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texteReconnaissance textuelle : APOLOGIE des Enfans de Sapience, pour répondre à la Lettre inserée dans le Mercure de France du mois de Mars 1729. page 465. au sujet du Mercuredes Philosophes Hermetiques, et de la Transmutation des Métaux.
APOLOGIE des Enfans de Sapience,
pour répondre à la Lettre inserée dans
le Mercure de France du mois de Mars
1729. page 465. au sujet du Mercure
des Philosophes Hermetiques , et de la
Transmutation des Métaux.
L
Es Philosophes , tant anciens que modernes
, qui ont voulu travailler au
grand Oeuvre , ne créent rien de nouveau
; mais ils prennent ce que Dame Nature
a produit ; et l'ayant entre leurs
mains , ils commencent à le dépouiller ,
afin de le purifier et purger de son peché
originel c'est pourquoi les Disciples
d'Hermes , doivent suivre la Méthode de
leur Maître , qui ordonne de commencer
par séparer Fimpur du pur de leur Ma
gnezie.Or cette Magnezie est une substarr
ce ou matiere indéterminée et susceptible
àprendre toutes sortes de formes , et que la
même Nature a pour cet effet laissée im
parfaite , n'ayant travaillé sur elle que
fort peus c'est ce qui fait qu'elle est demeurée
Eau , mais Eau Minerale et Mé
tallique , de laquelle tous les Mineraux et
Métaux prennent leur origine et sont
ઢ
faits.
AOUST. 1731 1928
faits. Par la Magnezie , il faut entendre
l'argent vif commun et venal , que l'Artiste
doit élire pour son premier principe,
et le prendre , autant qu'il se pourra , voisin
des matieres d'or et d'argent : or cet
argent vif venant des Minieres ou extrait
du vermillon naturel ou artificiel ,
est toujours lepreux ou hydropique ,
quoique son origine ou sa racine soit de
celeste vertu ætherée et active , créée dès
le commencement du monde , qui vole
encore continuellement sur nos têtes , laquelle
vient s'humilier et se terrifier en
ce bas monde Elementaire , pour y pro
duire ou restaurer les trois Regnes , sçavoir
, le Vegetal , l'Animal et le Mineral.
Ce dernier regne produit l'argent vif,
pour commencer l'oeuvre des Philosophes
et par cette humiliation la Magnezie minerale
s'en trouve farcie ; mais enveloppée
dans un souffre combustible et dans
une aquosité élementaire très -mauvaise ,
et même de beaucoup d'autres superfluitez
qui s'y sont incorporées par accident
et qui y prédominent voilà pourquoi
l'argent vif est lepreux ; néanmoins cela
n'empêche pas que le contenu pur ne soit
dans le contenant plein de vie et d'esprit,
c'est-à-dire , que cet argent vif mineral
contient son essence spermatique , vege-
*
sative
1924 MERCURE DE FRANCE
tative et multiplicative , et se fait or , par
le moyen du feu central qui le dépure
de degré en degré jusques à ce qu'il soit
venu à son dernier periode qui est d'être
or parfait , et il demeure là sans pouvoir
passer plus outre. Or comme l'argent vif
dans les entrailles de la terre devient or,
( ce qui est incontestable ) parce que la
Nature minerale ne tend qu'à sa perfection
. De la Herme et ses Disciples , ont
conjecturé qu'ils en pourroient faire demême
en peu de tems de leur Magnezie
ou argent vif purifié et purgé centrallement
; mais tandis qu'il seroit lepreux il
demeure sterile c'est pourquoi un bon
Artiste se doit premierement appliquer
à anéantir le continent et à conserver
le contenu pur et net , et ayant réussi , il
se peut vanter d'avoir le premier Mer
cure actif des Philosophes , lequel est l'aɛtif
du grand oeuvre , parce qu'il est la veritable
semence spermatique feminine tant
recherchée . C'est ce Mercure qui a porsé
et ému les Philosophes à tant écrire , et
qui ne le connoît pas ou ne l'a pas en son
pouvoir , se rompt inutilement la tête à
en chercher d'autre ; car ce Mercure n'est
plus vulgaire et prend le nom de celui des
Philosophes , ou Esprit du Mercure , je
veux dire Esprit universel , qui a le pou-
-
voir
A OUST. 1731 1915
voir de se mouvoir , germer et produire
de lui - même l'or philosophique sur terre
par l'Art , lorsque l'Artiste l'a mis dans son
Vaisseau de verre scelé hermetiquement et
qu'il lui donne un bon régime de feu administré
par dehors et de degré en degré , jus
ques à tant qu'il est or vif Philosophique,
que les Philosophes appellent leur Soleil ou
leur or. Mais comme cet Ouvrage est de
longue pratique , les mêmes Philosophes ,
pour abreger , ajoûtent à leur Mercure
pur un ferment solaire pour le fixer et
P'arrêter , et même pour le déterminer
en Médecine du corps humain et des Métaux
imparfaits , afin de les transmuer ,
ou changer leur Mercure en or parfait ;
voilà donc la transmutation des Métaux.
Sur ce qui vient d'être dit , il faut remarquer
que lorsque le ferment Solaire est
adjoûté et dissout dans le Mercure Philosophique,
les Philosophes appellent cel
union (ou mariage ) union spermatique
de mâle et de femelle , autrement reincrudation
de cuit en crud , et leur resbis,
ou deux fois rhose , parce que le ferment
redevient argent vif, crud ou en sa premiere
matiere cruë , telle qu'est le premier
Mercure ; alors l'argent vifPhilosophique
est animé du sperme ou de l'ame de l'or ,
que Trevisan appelle Mercure double et
Zachaire Mercure animé.
1926 MERCURE DE FRANCE
Je reprends mon fil que je ne sçaurois
quitter , et dis que lorsque le Mercure
Philosophique est dégagé de son contenant
, il est un or crud et astral très- pur,
chaud et humide , resplendissant comme
unMiroir et hommogene à l'or et à l'argent
et autres Métaux , puisqu'ils sont faits de
lui , et que même il les blanchit , ramolit
et les reincrude en leur premiere matiere ,
vû qu'ils ne sont , quant à leur illiade
qu'argent vif congelé par nature dans le
Globe de la Terre , et parconsequent ils
sont argent vif, cuits et parfaits en leur
espece et l'esprit du est crud et impar
fait , par rapport qu'il n'est pas meur et
qu'il a été extrait du vulgaire son contenant.
De- là vient Geber dit en sa
Somme de perfection T. 3. p. 319. que
l'argent vif pris tel qu'il est au sortir de
la miniere, n'a pas la vertu de perfectionher
les corps imparfaits , mais que ce qui
peut donner cette perfection , c'est une
chose qui est faite et tirée de lui par artifice
lorsqu'on l'a purifié de ses impuretez
et amené par notre Art au point de
ténuité et de subtilité. De- là je conclus
qu'il faut le purger , sans que pour cela
qu'il
que
perde la forme de Mercure coulant ,
voilà pourquoi il est nommé Esprit du
Mercure, Vaisseau de nature , Diane toute
neuve , § des corps , eau seche , cau
seche
AτοOυUςS T. 1731 1927
seche , à cause qu'elle ne moüille pas les
maux , et enfin eau catholique des Philosophes
, eau catholique , parce que le
vulgaire a été lavé et purgé du peché originel
; tout comme un Infidele devient
Catholique par l'Eau du Baptême , sans
perdre la forme d'homme , de même le
Mercure vulgaire devient l'eau catholique
des Philosophes , quand il est purgé centralement.
Je finis et dis que l'esprit de
la Magnezie bien conditionné , doit dissoudre
radicalement l'or et l'argent ( comme
l'eau tiede dissout la glace sans effervessance
ou fermentation ) tellement que
les ayant dissouts , ils ne se puissent plus
désunir d'avec lui , comme une eau mêlée
avec une autre eau ; trouver cela , c'est
tout le mystere dont les Philosophes parlent
tant et si énigmatiquement. En voilà
assez et plus qu'il n'en faut pour répondre
aux demandes de la Lettre de Montpellier.
A Toulouse , ce 8 Juillet 1731.
pour répondre à la Lettre inserée dans
le Mercure de France du mois de Mars
1729. page 465. au sujet du Mercure
des Philosophes Hermetiques , et de la
Transmutation des Métaux.
L
Es Philosophes , tant anciens que modernes
, qui ont voulu travailler au
grand Oeuvre , ne créent rien de nouveau
; mais ils prennent ce que Dame Nature
a produit ; et l'ayant entre leurs
mains , ils commencent à le dépouiller ,
afin de le purifier et purger de son peché
originel c'est pourquoi les Disciples
d'Hermes , doivent suivre la Méthode de
leur Maître , qui ordonne de commencer
par séparer Fimpur du pur de leur Ma
gnezie.Or cette Magnezie est une substarr
ce ou matiere indéterminée et susceptible
àprendre toutes sortes de formes , et que la
même Nature a pour cet effet laissée im
parfaite , n'ayant travaillé sur elle que
fort peus c'est ce qui fait qu'elle est demeurée
Eau , mais Eau Minerale et Mé
tallique , de laquelle tous les Mineraux et
Métaux prennent leur origine et sont
ઢ
faits.
AOUST. 1731 1928
faits. Par la Magnezie , il faut entendre
l'argent vif commun et venal , que l'Artiste
doit élire pour son premier principe,
et le prendre , autant qu'il se pourra , voisin
des matieres d'or et d'argent : or cet
argent vif venant des Minieres ou extrait
du vermillon naturel ou artificiel ,
est toujours lepreux ou hydropique ,
quoique son origine ou sa racine soit de
celeste vertu ætherée et active , créée dès
le commencement du monde , qui vole
encore continuellement sur nos têtes , laquelle
vient s'humilier et se terrifier en
ce bas monde Elementaire , pour y pro
duire ou restaurer les trois Regnes , sçavoir
, le Vegetal , l'Animal et le Mineral.
Ce dernier regne produit l'argent vif,
pour commencer l'oeuvre des Philosophes
et par cette humiliation la Magnezie minerale
s'en trouve farcie ; mais enveloppée
dans un souffre combustible et dans
une aquosité élementaire très -mauvaise ,
et même de beaucoup d'autres superfluitez
qui s'y sont incorporées par accident
et qui y prédominent voilà pourquoi
l'argent vif est lepreux ; néanmoins cela
n'empêche pas que le contenu pur ne soit
dans le contenant plein de vie et d'esprit,
c'est-à-dire , que cet argent vif mineral
contient son essence spermatique , vege-
*
sative
1924 MERCURE DE FRANCE
tative et multiplicative , et se fait or , par
le moyen du feu central qui le dépure
de degré en degré jusques à ce qu'il soit
venu à son dernier periode qui est d'être
or parfait , et il demeure là sans pouvoir
passer plus outre. Or comme l'argent vif
dans les entrailles de la terre devient or,
( ce qui est incontestable ) parce que la
Nature minerale ne tend qu'à sa perfection
. De la Herme et ses Disciples , ont
conjecturé qu'ils en pourroient faire demême
en peu de tems de leur Magnezie
ou argent vif purifié et purgé centrallement
; mais tandis qu'il seroit lepreux il
demeure sterile c'est pourquoi un bon
Artiste se doit premierement appliquer
à anéantir le continent et à conserver
le contenu pur et net , et ayant réussi , il
se peut vanter d'avoir le premier Mer
cure actif des Philosophes , lequel est l'aɛtif
du grand oeuvre , parce qu'il est la veritable
semence spermatique feminine tant
recherchée . C'est ce Mercure qui a porsé
et ému les Philosophes à tant écrire , et
qui ne le connoît pas ou ne l'a pas en son
pouvoir , se rompt inutilement la tête à
en chercher d'autre ; car ce Mercure n'est
plus vulgaire et prend le nom de celui des
Philosophes , ou Esprit du Mercure , je
veux dire Esprit universel , qui a le pou-
-
voir
A OUST. 1731 1915
voir de se mouvoir , germer et produire
de lui - même l'or philosophique sur terre
par l'Art , lorsque l'Artiste l'a mis dans son
Vaisseau de verre scelé hermetiquement et
qu'il lui donne un bon régime de feu administré
par dehors et de degré en degré , jus
ques à tant qu'il est or vif Philosophique,
que les Philosophes appellent leur Soleil ou
leur or. Mais comme cet Ouvrage est de
longue pratique , les mêmes Philosophes ,
pour abreger , ajoûtent à leur Mercure
pur un ferment solaire pour le fixer et
P'arrêter , et même pour le déterminer
en Médecine du corps humain et des Métaux
imparfaits , afin de les transmuer ,
ou changer leur Mercure en or parfait ;
voilà donc la transmutation des Métaux.
Sur ce qui vient d'être dit , il faut remarquer
que lorsque le ferment Solaire est
adjoûté et dissout dans le Mercure Philosophique,
les Philosophes appellent cel
union (ou mariage ) union spermatique
de mâle et de femelle , autrement reincrudation
de cuit en crud , et leur resbis,
ou deux fois rhose , parce que le ferment
redevient argent vif, crud ou en sa premiere
matiere cruë , telle qu'est le premier
Mercure ; alors l'argent vifPhilosophique
est animé du sperme ou de l'ame de l'or ,
que Trevisan appelle Mercure double et
Zachaire Mercure animé.
1926 MERCURE DE FRANCE
Je reprends mon fil que je ne sçaurois
quitter , et dis que lorsque le Mercure
Philosophique est dégagé de son contenant
, il est un or crud et astral très- pur,
chaud et humide , resplendissant comme
unMiroir et hommogene à l'or et à l'argent
et autres Métaux , puisqu'ils sont faits de
lui , et que même il les blanchit , ramolit
et les reincrude en leur premiere matiere ,
vû qu'ils ne sont , quant à leur illiade
qu'argent vif congelé par nature dans le
Globe de la Terre , et parconsequent ils
sont argent vif, cuits et parfaits en leur
espece et l'esprit du est crud et impar
fait , par rapport qu'il n'est pas meur et
qu'il a été extrait du vulgaire son contenant.
De- là vient Geber dit en sa
Somme de perfection T. 3. p. 319. que
l'argent vif pris tel qu'il est au sortir de
la miniere, n'a pas la vertu de perfectionher
les corps imparfaits , mais que ce qui
peut donner cette perfection , c'est une
chose qui est faite et tirée de lui par artifice
lorsqu'on l'a purifié de ses impuretez
et amené par notre Art au point de
ténuité et de subtilité. De- là je conclus
qu'il faut le purger , sans que pour cela
qu'il
que
perde la forme de Mercure coulant ,
voilà pourquoi il est nommé Esprit du
Mercure, Vaisseau de nature , Diane toute
neuve , § des corps , eau seche , cau
seche
AτοOυUςS T. 1731 1927
seche , à cause qu'elle ne moüille pas les
maux , et enfin eau catholique des Philosophes
, eau catholique , parce que le
vulgaire a été lavé et purgé du peché originel
; tout comme un Infidele devient
Catholique par l'Eau du Baptême , sans
perdre la forme d'homme , de même le
Mercure vulgaire devient l'eau catholique
des Philosophes , quand il est purgé centralement.
Je finis et dis que l'esprit de
la Magnezie bien conditionné , doit dissoudre
radicalement l'or et l'argent ( comme
l'eau tiede dissout la glace sans effervessance
ou fermentation ) tellement que
les ayant dissouts , ils ne se puissent plus
désunir d'avec lui , comme une eau mêlée
avec une autre eau ; trouver cela , c'est
tout le mystere dont les Philosophes parlent
tant et si énigmatiquement. En voilà
assez et plus qu'il n'en faut pour répondre
aux demandes de la Lettre de Montpellier.
A Toulouse , ce 8 Juillet 1731.
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Résumé : APOLOGIE des Enfans de Sapience, pour répondre à la Lettre inserée dans le Mercure de France du mois de Mars 1729. page 465. au sujet du Mercuredes Philosophes Hermetiques, et de la Transmutation des Métaux.
Le texte 'Apologie des Enfans de Sapience' répond à une lettre publiée dans le Mercure de France en mars 1729, qui traite du Mercure des Philosophes Hermétiques et de la transmutation des métaux. Les philosophes, qu'ils soient anciens ou modernes, s'efforcent de réaliser le grand œuvre en purifiant la matière produite par la nature. Cette matière, appelée Magnezie, est une substance indéterminée capable de prendre diverses formes. Elle est décrite comme une eau minérale et métallique, à l'origine de tous les minéraux et métaux. La Magnezie est identifiée à l'argent vif, que l'artiste doit purifier pour obtenir le premier principe de son œuvre. Cet argent vif, bien qu'il soit d'origine céleste, est impur et doit être dépuré pour révéler son essence spermatique, végétative et multiplicative. Par un processus de purification par le feu central, l'argent vif se transforme en or parfait. Les philosophes conjecturent qu'ils peuvent accélérer ce processus en purifiant l'argent vif. Le Mercure actif des philosophes, ou Esprit du Mercure, est la semence spermatique féminine recherchée. Il est capable de produire l'or philosophique lorsqu'il est placé dans un vase de verre scellé et soumis à un régime de feu approprié. Pour accélérer davantage le processus, les philosophes ajoutent un ferment solaire au Mercure purifié, créant ainsi une union spermatique ou réincrudation. Cette union permet la transmutation des métaux imparfaits en or parfait. Le texte conclut en expliquant que l'esprit de la Magnezie bien conditionné doit dissoudre radicalement l'or et l'argent, les rendant indissociables, et révélant ainsi le mystère des philosophes.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 2557-2560
LETTRE de M. de P... à Mad. de L... écrite de Toulouse, le 10 Septembre 1733.
Début :
MADAME, J'ai reçû depuis trois jours seulement la Lettre [...]
Mots clefs :
Plaisir, Genre humain, Lettres, Éloignement, Amitié, Amour
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. de P... à Mad. de L... écrite de Toulouse, le 10 Septembre 1733.
LETTRE de M. de P... à Mad. de
L... écrite de Toulouse , le 10 Septembre
1733
MADAME,
J'ai reçû depuis trois jours seulement
la Lettre que vous m'avez fait l'honneur
de m'écrire , il y en a plus de quinze ; je
serois en droit de me plaindre de ceux
qui l'ont retenue et qui ont différé par là
le plaisir qu'elle devoit me faire; je poutrois
déclamer contre eux et contre le
sort ; peut- être réussirois - je à parer ces
lieux communs et ces tours usez de quelque
air de nouveauté ; mais en prenantle
ton ordinaire des Amans , j'aurois à
craindre d'être confondu avec ceux dont
j'aurois emprunté le langage Il me paroît
que votre séjour à la Campagne ne vous.
a pas mise dans des dispositions favorables
pour prêter l'oreille à des propos qui'
pourroient avoir un air galant ; les réflé
xions que vous y faites redoublent votre
dégoût pour les frivoles occupations du
genre humain ; elles excitent votre indignation
contre lui , et vous font sentir-
I. Vol.
cam
2558 MERCURE DE FRANCE
combien est méprisable tout ce qui fait
ses délices ; vous aimez votre solitude
comme un azile qui vous dérobe la vûë
de toutes ces miseres , et par un excès de
précaution vous y prolongez votre séjour
avec plaisir , comme dans un lieu de sureté
contre la contagion de l'exemple . Vos
chagrins philosophiques sont tres légiti
mes; peu de gens pourroient voir sans
confusion , tout ce que la raison et la vertu
comprennent dans la liste des niaise
ries et dans celle des vices ; je n'ai garde
d'entreprendre cette énumération ; les
premiers articles révolteroient la plus
brillante moitié du genre humain, et peu
s'en faudroit qu'avant que de finir je ne
m'attirasse la haine publique ; je croi
d'ailleurs que tout considéré , il vaut
mieux laisser l'Univers en paix , que
d'aller grossir le nombre de ceux qui ont
travaillé vainement à le réformer ; j'espere
que employerai plus utilement mes
Discours en vous priant de faire attention
que vous ne pouvez , sans injustice ,
me river en même- temps de votre conversation
et de vos Lettres ; j'attendois
avec impatience celle dont vous venez
de m'honorer , elle m'a fait un plaisir
infini , j'ai presque oublié votre absence
en la lisant , ou plutôt j'ai formé des re-
I. Vol.
grets
}
DECEMBRE: 1733. 2559
grets sur ce qu'on ne peut jouir de la satisfaction
d'en recevoir qu'au prix de votre
éloignement . Pour me venger de la
rareté de vos Lettres , je suis tenté d'en
faire l'éloge , je pourrois publier hardiment
qu'elles feroient honneur aux meil
leurs Esprits ; on admire en les lisant , la
nouveauté et la finesse des pensées , l'élé,
gance du stile , la politesse du langage ;
vos invectives sont semées de traits qui
ont échapé aux beaux Génies des deux
siécles rivaux ; rien n'est plus ingénieux
ni plus vif que vos dépits , mais ce qui
charme le plus , ce sont les sentimens
nobles et gencreux qui animent tout ce
qui part de vous ; je poursuivrois avec
plaisir , mais connoissant votre éloignement
pour les louanges , je crains de pousser
trop loin ma vangeance , et d'abuser.
de la hardiesse que me donne votre absence
.
Je bornerois là ma réponse , si vous ne
me disicz , Madame , que vous souhaitez
de moi un volume ; vous m'assurez qu'à
la dixiéme lecture , ma Lettie pourra
encore vous délasser des Entretiens triviaux
de votre voisinage champêtre ; animé
de cet espoir séduisant , je vais tâcher
de vous satisfaire ; j'aime mieux m'exposer
au danger de vous ennuyer.comme
1.Vol. VOS
2560 MERCURE DE FRANCE
vos voisins , que de laisser échapper une.
occasion de vous donner des marques de
mon parfait dévouement .
Pour mériter votre attention , du moins
par le choix du sujet , je veux vous parler
de l'Amitié et de sa prééminence sur
l'Amour ; mes réfléxions justifieront la
préférence que vous avez toujours donnée
à vos Amis , sur tous vos Adorateurs.
Le reste paroîtra dans le prochain Mercure...
L... écrite de Toulouse , le 10 Septembre
1733
MADAME,
J'ai reçû depuis trois jours seulement
la Lettre que vous m'avez fait l'honneur
de m'écrire , il y en a plus de quinze ; je
serois en droit de me plaindre de ceux
qui l'ont retenue et qui ont différé par là
le plaisir qu'elle devoit me faire; je poutrois
déclamer contre eux et contre le
sort ; peut- être réussirois - je à parer ces
lieux communs et ces tours usez de quelque
air de nouveauté ; mais en prenantle
ton ordinaire des Amans , j'aurois à
craindre d'être confondu avec ceux dont
j'aurois emprunté le langage Il me paroît
que votre séjour à la Campagne ne vous.
a pas mise dans des dispositions favorables
pour prêter l'oreille à des propos qui'
pourroient avoir un air galant ; les réflé
xions que vous y faites redoublent votre
dégoût pour les frivoles occupations du
genre humain ; elles excitent votre indignation
contre lui , et vous font sentir-
I. Vol.
cam
2558 MERCURE DE FRANCE
combien est méprisable tout ce qui fait
ses délices ; vous aimez votre solitude
comme un azile qui vous dérobe la vûë
de toutes ces miseres , et par un excès de
précaution vous y prolongez votre séjour
avec plaisir , comme dans un lieu de sureté
contre la contagion de l'exemple . Vos
chagrins philosophiques sont tres légiti
mes; peu de gens pourroient voir sans
confusion , tout ce que la raison et la vertu
comprennent dans la liste des niaise
ries et dans celle des vices ; je n'ai garde
d'entreprendre cette énumération ; les
premiers articles révolteroient la plus
brillante moitié du genre humain, et peu
s'en faudroit qu'avant que de finir je ne
m'attirasse la haine publique ; je croi
d'ailleurs que tout considéré , il vaut
mieux laisser l'Univers en paix , que
d'aller grossir le nombre de ceux qui ont
travaillé vainement à le réformer ; j'espere
que employerai plus utilement mes
Discours en vous priant de faire attention
que vous ne pouvez , sans injustice ,
me river en même- temps de votre conversation
et de vos Lettres ; j'attendois
avec impatience celle dont vous venez
de m'honorer , elle m'a fait un plaisir
infini , j'ai presque oublié votre absence
en la lisant , ou plutôt j'ai formé des re-
I. Vol.
grets
}
DECEMBRE: 1733. 2559
grets sur ce qu'on ne peut jouir de la satisfaction
d'en recevoir qu'au prix de votre
éloignement . Pour me venger de la
rareté de vos Lettres , je suis tenté d'en
faire l'éloge , je pourrois publier hardiment
qu'elles feroient honneur aux meil
leurs Esprits ; on admire en les lisant , la
nouveauté et la finesse des pensées , l'élé,
gance du stile , la politesse du langage ;
vos invectives sont semées de traits qui
ont échapé aux beaux Génies des deux
siécles rivaux ; rien n'est plus ingénieux
ni plus vif que vos dépits , mais ce qui
charme le plus , ce sont les sentimens
nobles et gencreux qui animent tout ce
qui part de vous ; je poursuivrois avec
plaisir , mais connoissant votre éloignement
pour les louanges , je crains de pousser
trop loin ma vangeance , et d'abuser.
de la hardiesse que me donne votre absence
.
Je bornerois là ma réponse , si vous ne
me disicz , Madame , que vous souhaitez
de moi un volume ; vous m'assurez qu'à
la dixiéme lecture , ma Lettie pourra
encore vous délasser des Entretiens triviaux
de votre voisinage champêtre ; animé
de cet espoir séduisant , je vais tâcher
de vous satisfaire ; j'aime mieux m'exposer
au danger de vous ennuyer.comme
1.Vol. VOS
2560 MERCURE DE FRANCE
vos voisins , que de laisser échapper une.
occasion de vous donner des marques de
mon parfait dévouement .
Pour mériter votre attention , du moins
par le choix du sujet , je veux vous parler
de l'Amitié et de sa prééminence sur
l'Amour ; mes réfléxions justifieront la
préférence que vous avez toujours donnée
à vos Amis , sur tous vos Adorateurs.
Le reste paroîtra dans le prochain Mercure...
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Résumé : LETTRE de M. de P... à Mad. de L... écrite de Toulouse, le 10 Septembre 1733.
Dans une lettre datée du 10 septembre 1733 à Toulouse, M. de P... exprime sa joie de recevoir une lettre de Madame de L..., malgré un retard de quinze jours. Il évite de se plaindre des circonstances ayant causé ce retard. L'auteur note que le séjour de Madame à la campagne l'a rendue réfractaire aux propos galants et aux occupations frivoles, appréciant sa solitude comme un refuge contre les misères humaines. Il reconnaît la légitimité de ses réflexions philosophiques et de son dégoût pour les niaiseries et les vices du genre humain. M. de P... exprime son impatience de recevoir ses lettres et admire la qualité de son écriture, soulignant la nouveauté et la finesse des pensées, l'élégance du style, et la politesse du langage. Il évite cependant de trop la louanger, connaissant son éloignement pour les compliments. Madame lui a demandé un volume, et il s'engage à le lui fournir, préférant risquer de l'ennuyer plutôt que de manquer une occasion de lui montrer son dévouement. Il choisit de traiter le sujet de l'amitié et de sa prééminence sur l'amour, justifiant ainsi la préférence de Madame pour ses amis. La suite de ses réflexions apparaîtra dans le prochain Mercure.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 2759-2776
LETTRE de M. de Ponsan, Trésorier de France, à Toulouse, à Madame *** sur l'Amitié préférable à l'Amour ; lûë dans l'Académie des Jeux Floraux.
Début :
Il est tres-vrai, comme vous le dites, MADAME, qu'un véritable Ami est [...]
Mots clefs :
Amour, Amitié, Amants, Sentiments, Coeur, Charmes, Beauté, Mérite, Esprit, Honneur, Qualités, Personnes, Monde, Vertu
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. de Ponsan, Trésorier de France, à Toulouse, à Madame *** sur l'Amitié préférable à l'Amour ; lûë dans l'Académie des Jeux Floraux.
LETTRE de M. de Ponsan , Trésorier
de France , à Toulouse , à Madame
* * * sur l' Amitié préférable à l'Amours
Inë dans l'Académie des Jeux Floraux.
I'
L est tres - vrai , comme vous le dites ,
MADAME , qu'un véritable Ami est
d'une grande ressource pour soulager nos
peines et nos maux , c'est le trésor le plus
précieux et le plus rare , sur tout pour les
personnes de votre Sexe ; celles qui ont
assez de mérite pour dédaigner l'amour.
craignent , avec raison , en se livrant à
l'amitié , les jugemens du public , ce Tribunal
redoutable , qui ne voit rien qu'il
ne croye être de sa compétence , et qui
décide de tout sans examen ; la plupart
II. Vol. A iiij
des
2760 MERCURE DE FRANCE
gens sont toujours disposez à former des
soupçons injurieux , sur les sentimens
qu'on a pour les Dames ; j'ai éprouvé
cette injustice ; peu s'en est fallu qu'elle
ne m'ait été funeste auprès de vous ; tout
le monde en ces occasions , fait le tort à
l'amitié de la prendre pour l'amour ;
les Dames favorisent une erreur qui les
flatte du côté de leurs charmes et de leur
beauté,pourroient - elles éviter cet Ecueil?
Une vanité mal entendue les engage à
sapplaudir , de grossir le nombre des vils
Esclaves de l'Amour , aux dépens des illustres
sujets de l'Amitié ; plusieurs qui
ne peuvent avoir que des Amans, se font
honneur de confondre avec elles ces
personnes distinguées , qui ont sçu s'attacher
un ami fidele ; une infinité d'Experiences
n'ont pû les convaincre que l'amour
qu'elles inspirent ne suppose en
elles aucun mérite , et ne peut pas même
leur répondre qu'elles ayent de la beauté;
les vûës de leurs Adorateurs , et les motifs
qui les animent , devroient faire regarder
leurs empressemens avec mépris ,
et rendre l'amitié plus chere et plus respectable
; ses plaisirs sont purs , tranquiles
et innocens ; elle n'en goute ni n'en
recherche jamais d'autres ; la générosité
en est la source féconde ; Venus a les
11. Vol. GraDECEMBRE.
1733. 2761
Graces pour compagnes , et l'Amitié les
vertus ; mais ce qui marque bien la supériorité
de celle- cy , et qui fait le plus
éclater son triomphe , c'est que l'Amour
emprunte quelquefois son langage et se
cache sous ses dehors ; il a recours à ce
tour rafiné quand il a épuisé toutes ses
ruses et toutes ses supercheries. Ce déguisement
est l'hipocrisie de l'amour , il
aime mieux alors se trahir lui- même plutôt
que d'échoüer ; ' sa défiance décéle sa
foiblesse et sa honte ; il en fait par là un
aveu forcé N'est - ce pas un hommage
qu'il rend à l'Amitié ? Rappellez - vous ,
Madame , la belle ( 1 ) Sentence de M.de
la Rochefoucaut , que vous avez si souvent
admirée ; vous remarquerez , avec
plaisir , que ce qu'il dit du vice et de la
vertu , convient parfaitement à mon sujet
; cette conformité est aussi honteuse
pour l'amour , qu'elle est glorieuse pour
l'amitié ; elle justifie d'une maniere victorieuse
l'équité de mes invectives et de
mes éloges.
Pour s'assurer d'un accueil favorable
auprès des personnes les plus vertueuses
, l'Amitié n'a qu'à se présenter ; ce
qu'elle a de plus à craindre , c'est d'être
(1) L'Hypocrisie est un hommage que le vice:
rend à la vertu,
II.Vol. A v prise
2762 MERCURE DE FRANCE
prise pour l'Amour, et de devenir la victime
de cette erreur ; cette seule méprise
lui attire toutes les brusqueries qu'el
le essuye ; glorieuses humiliations ! Il lui
suffit d'étre reconnuë, et que tous les honneurs
soient pour elle. Tâchez , Madame,
de la distinguer à des traits certains , pour
vous épargner le chagrin où vous seriez
de lui avoir fait quelque affront; vous remarquerez
dans ses heureux favoris un
merveilleux assemblage des principales
qualitez du coeur et de l'esprit. Un Poëte
distingué a dit hardiment qu'un sot
ne sçauroit être un honnête homme ;
qualité inséparable d'un bon Ami .
Les liaisons d'une tendre amitié sont
entretenues par un commerce doux et
tranquille ; ses attentions , ses bons offices.
s'étendent aux choses importantes et sériuses
, sans oublier ni négliger les bagatelles
, ni les absences , ni les changemens
de fortune ne diminuent en rien
son ardeur ; les pertes de la beauté et de
la jeunesse serrent ses noeuds ; les vrais
amis soulagent leur douleur à la vûë
de ces infortunes per les occasions qu'elles
leur fournissent de signaler leur affection
, et de faire éclater leur tendresse.
Bien opposé à cet aimable caractère , le
temeraire Amour est toujours orageux
H.Vd. C'est
DECEMBRE. 1733. 2763
c'est le Dieu des Catastrophes , son origine
est des plus honteuses ; il doit sa
naissance à l'amour propre , source féconde
de la corruption du coeur , et des
travers de l'esprit ; digne fils d'un tel
Pere , il ne dégenere. pas ; il est aussi pervers
que son principe ; la fourberie , la
supercherie , et l'imposture sont les ressorts
cachez de toutes ses entreprises; tous
ses projets sont des crimes ; l'amitié illustre
et immortalise ses sujets , l'amour
déshonore et dégrade ses Esclaves , il est
P'ennemi irréconciliable de la bonne foy ;
leurs démêlez violens et journaliers les
ont forcez de jurer entre eux un divorce
éternel ; l'amour pur est une chimere ,
' où s'il en fut jamais , ce Phénix n'a pû
jouir du privilege de sa cendre ; on l'a
comparé justement à l'apparition des Esprits
dont tout le monde parle , quoique
personne n'en ait vu ; l'amour enfin est
le partage de la jeunesse , c'est la passion
favorite de cet âge , qui s'est arrogé
le droit d'être relevé de ses fautes, et qui
a la hardiesse de qualifier du nom d'amusemens
excusables , ses attentats les
plus criminels ; peu de gens , sans rien
cacher , ni déguiser , seroient en état ,
après leur jeunesse , de fournir une Enquête
honorable de vie et moeurs. Jose
11. Vol
A vi le
2764 MERCURE DE FRANCE
le dire , après vous , Madame , combien
d'hommes , si tous les mysteres d'iniquité
étoient expo ez au grand jour , seroient
obligez d'implorer lá clemence du
Prince pour ne pas subir la tigurur des
Loix ! Et n'oubliez pas , en faveur de votre
sexe , le sens general du nom d'homme
; la multitude des coupables leur
procure l'impunité , plusieurs abusant de
ce privilege honteux , perpétuent leur
minorité , et se rendent par là d'autant
plus criminels qu'il ne leur reste plus ni
frivoles prétextes , ni indignes excuses ;
je ne dois pas craindre de faire tort à l'amour
en le chargeant de tous les crimes
de la jeunesse , il en est presque toujours
l'auteur ou le complice..
?
La divine Amitié , ce présent du ciel ,
est de tous les âges , et de tous les Etats ;
elle en fit la gloire de tout temps ; ses far
yeurs inépuisables ne sont jamais accompagnées
de dégoûts ;, avec elle on n'a pas
à craindre de parvenir à la derniere ; les
présentes en annoncent toujours de nouvelles
, dont elles sont les infaillibles ga
rans, rien n'est capable d'en fixer le nom
bre, ni d'en borner le cours ; les vrais amis
trouvent à tous momens de nouveaux
charmes dans leur douce société ; mille
sujets interressans soutiennent et animent
II. Vola
leurs
DECEMBRE. 1733. 2765
leurs entretiens ; la délicieuse confiance
fournit toujours sans s'épuiser ; cette ressource
est plus sûre et plus grande que
celle de l'esprit. En tout genre ce qui
mérite le mépris est plus commun que ce
qui est digne d'estime ; ce caractere , matque
infaillible de leur véritable valeur
manque bien moins aux Amis qu'aux
Amans ; rien n'est plus ordinaire que l'amour
, même violent ; rien ne l'est moins
que l'amitié , même médiocre ; on peut
dire à l'honneur de celle cy qu'elle est
tout au moins aussi rare que la vertu ; ce
n'est pas- là le seul rapport qui la rend digne
de cette glorieuse comparaison.
·
Tout retentit des Eloges magnifiques
qu'on donne de toutes parts à l'Amitié ;
permettez- moy , de grace , Madame , de
les appeller des Eloges funébres , puisque
peu s'en faut qu'on ne parle d'une chose
qui n'existe plus ; on ne sçauroit , il
est vrai , faire un plus juste et plus noble
usage de la loüange ; mais l'amour propre,
qui trouve par tout des droits à exercer ,
ne s'oublie pas dans cette occasion ; le Panégiriste
, en publiant des sentimens d'estime
et de vénération pour elle , pense
souvent à s'illustrer lui - même ; on croit
se rendre recommandable par le cas
qu'on fait de cette vertu ; stériles éloges !
II. Vol. puis
2766 MERCURE DE FRANCE
puisqu'on ne voit que tres- peu de gens
qui connoissent les devoirs de l'amitié, et
bien moins qui les observent !
3
Tout le monde se glorifie de posseder
les qualitez propres à former un bon
ami , si nous en croyons les hommes sur
leur parole , il ne manque à chacun
d'eux , pour devenir des modeles de l'amitié
la plus parfaite , que de trouver
quelqu'un qui veuille les seconder dans
leurs prétendues dispositions ; ils souffrent
de ne pouvoir pas mettre en oeuvre
leurs sentimiens ; ceux dont le coeur est le
moins compatissant et le plus dur, livrez
à l'idolatrie la plus honteuse , qui est celle
de soi- même , dont l'interêt et l'amour
propre dirigent toutes les démarches 3
sont ordinairement ceux mêmes qui forment
sur cette matiere les regrets les plus
fréquens ; ils ont même le front de se
déchaîner contre les ingrats que leur
aveuglement est étrange ! où sont les
malheureux que leurs bons offices ont
prévenus et soulagez ? Sur qui se sont
répandus leurs bienfaits ? Qu'ils attendent
du moins , pour être en droit de
déclamer contre l'ingratitude et la dureté
, qu'il y ait quelqu'un dans l'Univers
qui puisse être ingrat à leur égard et qui
ait éprouvé leur sensibilité.
11. Vol
Ов
DECEMBRE. 1733. 2767
On trouve des gens qui voudroient
faire entendre que ce qui les arrête , et les
empêche de suivre leur panchant , c'est
la craipte d'être trompez , ou le danger
de faire des avances , auxquelles on ne
réponde pas ; ne soyons pas les dupes de
ces réfléxions trop prévoyantes ; quand
on est si prudent et si circonspect sur
cette matiere à s'assurer des premiers pas,
on n'est guere disposé à fiire les seconds ;
qui ne sçait point être généreux , ne sera
jamais reconnoissant; ces vertus adorables.
marchent toujours ensemble ; c'est les
détruire que de les séparer.
Vous me fournissez Madame , la
preuve de cette verité ; toutes les qualitez
d'une solide Amie se trouvent
réunies en vous ; à peine en eû je fair
l'heureuse découverte que ce merveil
leux assemblage me remplit d'admiration
, et détourna mes yeux de ce qui
attire d'abord sur vous ceux de tout le
monde , il me parut que ce seroit avilir
votre beauté d'en fire usage pour inspirer
des passions ; c'étoit une chose trop
aisée lui faire honneur , je voyois
pour
en vous avec complaisance tout ce qui
pouvoit servir de lustre à l'amitié , et lui
faire remporter sur l'amour la victoire la
plus éclatante ce ne fut pas sans des
II. Vol
efforts.
2768 MERCURE DE FRANCE
efforts puissants et redoublez que je
m'obstinai à approfondir ces idées ; les
réfléxions que je fis là- dessus furent le
plus sublime effort de ma Philosophie ;
sans leur secours j'aurois éprouvé le sort
commun , et vous m'auriez infailliblement
vû langur , comme mille autres, au
nombre de vos Amans , si vous ne m'aviez
paru mériter quelque chose de mieux
que de l'amour ; dès que je connus votre
coeur et toutes les qualitez qui le rendent
propre à faire gouter les douceurs et les
charmes de l'amitié , j'aurois rougi du
seul projet d'en faire un autre usage ; je
me suis mille fois glorifié de mon choix,
je lui do's l'heureuse préférence dont
vous m'avez honoré , et je vois bien que
c'étoit par là seulement que je pouvois
en obtenir de vous.
Mes soins assidus firent prendre le
change à vos Amans ; ils m'ont honoré
de leur jalousie , les plus clair- voyans, reconnoissant
la méprise , crurent être en
droit de faire peu de cas de mes sentimens
et de m'en faire un crime ; ils ignoroient
qu'on pouvoit vous rendre un
hommage plus digne de vous que les
leurs ; je ne me suis point allarmé , et ne
leur ai cédé en rien ; l'attachement que
j'avois pour vous étoit en état de soute-
II. Vol. Dis
DECEMBRE. 1733. 2769
nir toute comparaison ; mon amitié a
souvent fait rougir leur amour ; le vain
titre d'Amans dont ils faisoient tant de
gloire ,, a perdu tout son éclat à l'aspect
d'un véritable
ami ; ce parallele
en a détruit
tout le faux brillant.
Le succès n'ayant pas répondu à leur
attente , ils ont malicieusement affecté
de me traiter en Rival ; leur feinte jalousie
a tenté de vous faire entrer en défiance
sur mes sentimens. Ils ont essayé d'allarmer
votre délicatesse sur les jugemens
du public. C'est sur les choses qui
peuvent avoir quelque rapport à la galanterie
, que la licence des soupçons et
des propos est la plus effrénée ; le mensonge
et la médisance , la calomnie et l'imposture
s'exercent à l'envi sur cette matiere
, c'est là leur sujet favori ; ce champ
est le plus vaste qu'elles ayent pour triom
pher de l'innocence , parce qu'il est souvant
difficile de se justifier avec évidence
; les indices équivoques , les soupçons
injustes tiennent lieu de preuves completes
; le petit nombre de ceux qui tâ,
chent de sauver les apparences , tire peu
de fruit de leur contrainte, on aime mieux
tout croire étourdiment que de souffrir
que quelqu'un jouisse du fruit de ses
attentions.
II. Vol. Mal
2770 MERCURE DE FRANCE
Malgré cette funeste disposition , le
public , chez qui l'avis le plus favorable
n'a jimais prévalu , a été forcé , après
avoir quelque temps varié dans ses ju
gemens , de rendre témoignage à la vérité
; il s'est fait la violence de déclarer
que l'amitié seule formoit les noeuds qui
nous unfssoient ; cette décision fur pour
moi une victoire éclatante ; rarement on
en obtient de pareille devant un Juge
qui met ordinairement les apparences et
les préventions à la place des lumieres.
Vos Amans déconcertez se sont répandus
en murmures , ils ont donné à votre
coeur des qualifications injurieuses ; ils
l'ont traité d'insensible et de dur ; pour
ménager leur orgueil ils ont voulu vous
faire un crime du peu de cas que vous
ávez fait de leur amour ; injuste accusation
! Ils n'ont jamais été fondez à vous
reprocher votre prétendue insensibilité ,
vous vous êtes à cet égard pleinement
justifiée en faisant voir que vous réserviez
vos sentimens pour un plus digne
et plus noble usage que celui qu'ils leur
destinoient ; mal à propos ils ont appellé
dureté ce qui étoit en vous l'effet de la
glorieuse préférence que vous avez toujours
donnée à l'amitié Pour mériter et
pour obtenir toutes ses faveurs , vous lui
II. Vol. avez
DECEMBR E. 1733. 2771
avez offert les prémices de votre coeur ;
pour vous conserver digne d'elle , vous
n'avez jamais voulu la compromettre
avec l'amour ; vous avez la gloire , Madame
, d'avoir commencé par où bien
d'autres personnes de votre sexe ne peu
vent pas même finir ; leurs charmes et
avec eux leurs Amans les abandonnentils!
elles ne peuvent abandonner l'amour :
les dégoûts qu'elles ont alors à essuyer
les informent fréquemment que le temps
de plaire est passé ; s'il leur restoit quelque
mérite après avoir perdu leur beau.
elles pourroient se dédommager de
leurs pertes par le secours de l'amitié ; elles
n'auroient rien à regreter, si du débris de
leurs adorateurs elles avoient pû se ménager
un bon et fidele Arai , leur bonheur
seroit grand de connoître le prix
d'un échange si avantageux.
Ce parti ne sera jamais celui du grand
nombre ; les éclats souvent scandaleux ,
sont les dénouemens ordinaires des.commerces
galans : par le funeste panchant
des choses d'ic bas , tout tend à la corruption
, bien- plutôt qu'à la perfection ;
On voit souvent que l'amitié dégénére en
amour , mais il est bien rare que l'amour
ait la gloire de se convertir en amitié ;
cette route détournée et peu frayée a ton-
II. Vol.
jours
2772 MERCURE DE FRANCE
jours supposé d'excellentes qualitez dans
les personnes qui l'ont suivie avec succès;
revenus de la passion qui les aveugloit ,
les Amans conservent difficilement l'estime
mutuelle , sans laquelle l'amitié ne
sçauroit subsister; ceux qui ont cet avantage
ont sans doute un mérite éminent ;
on peut dire d'eux qu'ils étoient faits
pour l'amitié , quoiqu'ils ayent commencé
par l'amour ; ils méritent qu'on les
excuse d'avoir marché quelque temps
dans un sentier dont le terme a été aussi
heureux ; on doit croire , en leur faveur
qu'il y a eu de la surprise ; l'amour qui
ne connoît pas de meilleur titre que Pu
surpation pour étendre son empire , n'a
pas manqué de s'approprier des sujets de
Pamitié , qui s'étoient égarez , et a sçû
même quelquefois abuser de leur erreur ;
il n'a jamais été délicat sur les moyens de
parvenir à ses fins ; mais dès que ces
Amans privilégiez ont reconnu la méprise
, ils sont rentrez dans leur chemin ;
l'amitié leur a offert une retraite honorable
, elle a été pour eux un port tranquille
et assuré où ils ont goûté mille
délices et prévenu ou réparé de dangereux
naufrages.
Etes vous satisfaite , Madame ? trou
vez - vous que j'aye assez dégradé l'amour
II. Vol. et
DECEMBRE . 1733. 2773
pas
et exalté l'amitié ? Convenez que je n'ai
été inutilement à votre école ; si j'ai
quelques idées saines sur cette matiere
c'est à vous à qui je les dois , vos judisieuses
et profondes reflexions m'ont soutenu
dans mes sentimens ; vous m'avez
appris par vos discours la Theorie de la
Philosophie , et j'en ai appris la pratique
par les efforts que j'ai faits pour me borner
en vous voyant à la simple admiration
on est doublement Philosophe
quand on le devient auprès de vous ; vos
yeux sont de pressantes objections contre
les principes d'une science , qui fait consister
sa plus grande gloire à gourmander
les passions ; votre présence donne beau
coup d'éclat au mépris qu'on a pour l'amour
; vous sçavez qu'il a été mille fois
le funeste écueil des Philosophes les plus
aguerris , et que leur confiance n'a guere
été impunément temeraire ; mais , j'ose
le dire , je suis assuré de vous faire par là
ma cour; les charmes de vos discours ont
vaincu ceux de votre personne ; toutes
ces difficultez ont cedé à la solidité de
yos raisonnemens ; votre éloquence a
triomphe de votre beauté , nouveau genre
de victoire et le seul auquel vous êtes
sensible ! N'esperez pas que cet exemple
soit suivi ; vous êtes la premiere , et vous
11. Vol. screz
2774 MERCURE DE FRANCE
serez peut- être la derniere de votre sexe ,
qui , comblée des libéralitez de la nature,
emploira toute la finesse et la force d'un
génie heureux à faire comprendre aux
hommes que la beauté ne merite pas
leurs hommages ; ceux qui s'obstinent ,
malgré vous , à la regarder avec trop
d'admiration , vous paroissent manquer
de jugement, il a fallu pour mériter votre
estime , prendre la seule route que vous
offriez ; j'ai fuï ce que vous de extiez ,
j'ai haï l'amour , parce que vous haissiez
les Amans ; le souverain mépris que
vous marquez pour eux , m'a rendu ce
titre odieux ; mais vous m'avez appris
que je devois faire par raison , ce que je
ne faisois que pour me conformer à vos
idées .
Pardonnez , Madame , la liberté que je
me donne de parler de vos charmes , ils
font trop d'honneur à vos sentimens pour
pouvoir s'en dispenser ; vous devez même
me passer une espece de galanterie ,
qui se borne à peindre les obstacles que
j'ai eu à surmonter , pour me conserver
à vos yeux , digne de quelque preference
; vous m'avez permis de me parer du
glorieux titre de votre conquête , mais je
n'ai obtenu cette faveur qu'au nom de
l'amitié que vous sçavez être de tous les
11. Vol.
temps,
DECEM DAD. * 755° 4775
temps , au rang des vertus. Ceux qui
ont interessé l'amour auprès de vous se
sont bien- tôt apperçus du peu de crédit
qu'il avoit sur votre esprit; vous ne leur
avez pas laissé ignorer qu'étant compris
dans la liste des passions , vous n'hésitiez
pas de le mettre au rang des vices.
Je m'apperçois un peu tard,Madame
que je vais vous engager à une lecture
bien longue ; mais n'oubliez pas mon
excuse ; souvenez - vous que vous m'avez
demandé un volume , plaignez- vous si
vous voulez d'être trop obéïe ; pour moi
je ferai toujours gloire de me conformer
à vos volontez ; il m'importe d'ailleurs
que vous ne soyez pas obligée , pour vous
amuser plus long temps , de lire ma Lettre
plus d'une fois , comme vous m'en
aviez menacé , vous pourrez du moins
tirer un avantage de son excessive longueur,
elle vous servira à vous vanger de
Pennui que vous causent vos voisins ; il
ne faut pour cela que les obliger de la
lire.
इ VICT S
Sans doute , Madame , qu'à l'avenir
vous serez plus réservée à me demander
de longues Lettres vous voyez qu'il ne
faut pas se jouer à moy , je suis determi
né à executer aveuglément tout ce que
vous souhaiterez à mes périls et fortu-
11. Vol. ne
2776 MERCURE DE FRANCE
ne ; je n'ignore pas qu'en vous écrivant
aussi longuement je sacrifie les interêts
de mon esprit à ceux de mon coeur ; faites
moi la grace de croire que ce sacrifice
ne me coûte pas bien cher ; je me sens
disposé à vous en faire de beaucoup plus
considérables ; soyez persuadée que je
Vous aurai une obligation infinie toutes
les fois que vous voudrez bien me fournir
les occasions de vous donner de nouvelles
preuves du respectueux et sincere
attachement avec lequel j'ai l'honneur
d'être , &c.
de France , à Toulouse , à Madame
* * * sur l' Amitié préférable à l'Amours
Inë dans l'Académie des Jeux Floraux.
I'
L est tres - vrai , comme vous le dites ,
MADAME , qu'un véritable Ami est
d'une grande ressource pour soulager nos
peines et nos maux , c'est le trésor le plus
précieux et le plus rare , sur tout pour les
personnes de votre Sexe ; celles qui ont
assez de mérite pour dédaigner l'amour.
craignent , avec raison , en se livrant à
l'amitié , les jugemens du public , ce Tribunal
redoutable , qui ne voit rien qu'il
ne croye être de sa compétence , et qui
décide de tout sans examen ; la plupart
II. Vol. A iiij
des
2760 MERCURE DE FRANCE
gens sont toujours disposez à former des
soupçons injurieux , sur les sentimens
qu'on a pour les Dames ; j'ai éprouvé
cette injustice ; peu s'en est fallu qu'elle
ne m'ait été funeste auprès de vous ; tout
le monde en ces occasions , fait le tort à
l'amitié de la prendre pour l'amour ;
les Dames favorisent une erreur qui les
flatte du côté de leurs charmes et de leur
beauté,pourroient - elles éviter cet Ecueil?
Une vanité mal entendue les engage à
sapplaudir , de grossir le nombre des vils
Esclaves de l'Amour , aux dépens des illustres
sujets de l'Amitié ; plusieurs qui
ne peuvent avoir que des Amans, se font
honneur de confondre avec elles ces
personnes distinguées , qui ont sçu s'attacher
un ami fidele ; une infinité d'Experiences
n'ont pû les convaincre que l'amour
qu'elles inspirent ne suppose en
elles aucun mérite , et ne peut pas même
leur répondre qu'elles ayent de la beauté;
les vûës de leurs Adorateurs , et les motifs
qui les animent , devroient faire regarder
leurs empressemens avec mépris ,
et rendre l'amitié plus chere et plus respectable
; ses plaisirs sont purs , tranquiles
et innocens ; elle n'en goute ni n'en
recherche jamais d'autres ; la générosité
en est la source féconde ; Venus a les
11. Vol. GraDECEMBRE.
1733. 2761
Graces pour compagnes , et l'Amitié les
vertus ; mais ce qui marque bien la supériorité
de celle- cy , et qui fait le plus
éclater son triomphe , c'est que l'Amour
emprunte quelquefois son langage et se
cache sous ses dehors ; il a recours à ce
tour rafiné quand il a épuisé toutes ses
ruses et toutes ses supercheries. Ce déguisement
est l'hipocrisie de l'amour , il
aime mieux alors se trahir lui- même plutôt
que d'échoüer ; ' sa défiance décéle sa
foiblesse et sa honte ; il en fait par là un
aveu forcé N'est - ce pas un hommage
qu'il rend à l'Amitié ? Rappellez - vous ,
Madame , la belle ( 1 ) Sentence de M.de
la Rochefoucaut , que vous avez si souvent
admirée ; vous remarquerez , avec
plaisir , que ce qu'il dit du vice et de la
vertu , convient parfaitement à mon sujet
; cette conformité est aussi honteuse
pour l'amour , qu'elle est glorieuse pour
l'amitié ; elle justifie d'une maniere victorieuse
l'équité de mes invectives et de
mes éloges.
Pour s'assurer d'un accueil favorable
auprès des personnes les plus vertueuses
, l'Amitié n'a qu'à se présenter ; ce
qu'elle a de plus à craindre , c'est d'être
(1) L'Hypocrisie est un hommage que le vice:
rend à la vertu,
II.Vol. A v prise
2762 MERCURE DE FRANCE
prise pour l'Amour, et de devenir la victime
de cette erreur ; cette seule méprise
lui attire toutes les brusqueries qu'el
le essuye ; glorieuses humiliations ! Il lui
suffit d'étre reconnuë, et que tous les honneurs
soient pour elle. Tâchez , Madame,
de la distinguer à des traits certains , pour
vous épargner le chagrin où vous seriez
de lui avoir fait quelque affront; vous remarquerez
dans ses heureux favoris un
merveilleux assemblage des principales
qualitez du coeur et de l'esprit. Un Poëte
distingué a dit hardiment qu'un sot
ne sçauroit être un honnête homme ;
qualité inséparable d'un bon Ami .
Les liaisons d'une tendre amitié sont
entretenues par un commerce doux et
tranquille ; ses attentions , ses bons offices.
s'étendent aux choses importantes et sériuses
, sans oublier ni négliger les bagatelles
, ni les absences , ni les changemens
de fortune ne diminuent en rien
son ardeur ; les pertes de la beauté et de
la jeunesse serrent ses noeuds ; les vrais
amis soulagent leur douleur à la vûë
de ces infortunes per les occasions qu'elles
leur fournissent de signaler leur affection
, et de faire éclater leur tendresse.
Bien opposé à cet aimable caractère , le
temeraire Amour est toujours orageux
H.Vd. C'est
DECEMBRE. 1733. 2763
c'est le Dieu des Catastrophes , son origine
est des plus honteuses ; il doit sa
naissance à l'amour propre , source féconde
de la corruption du coeur , et des
travers de l'esprit ; digne fils d'un tel
Pere , il ne dégenere. pas ; il est aussi pervers
que son principe ; la fourberie , la
supercherie , et l'imposture sont les ressorts
cachez de toutes ses entreprises; tous
ses projets sont des crimes ; l'amitié illustre
et immortalise ses sujets , l'amour
déshonore et dégrade ses Esclaves , il est
P'ennemi irréconciliable de la bonne foy ;
leurs démêlez violens et journaliers les
ont forcez de jurer entre eux un divorce
éternel ; l'amour pur est une chimere ,
' où s'il en fut jamais , ce Phénix n'a pû
jouir du privilege de sa cendre ; on l'a
comparé justement à l'apparition des Esprits
dont tout le monde parle , quoique
personne n'en ait vu ; l'amour enfin est
le partage de la jeunesse , c'est la passion
favorite de cet âge , qui s'est arrogé
le droit d'être relevé de ses fautes, et qui
a la hardiesse de qualifier du nom d'amusemens
excusables , ses attentats les
plus criminels ; peu de gens , sans rien
cacher , ni déguiser , seroient en état ,
après leur jeunesse , de fournir une Enquête
honorable de vie et moeurs. Jose
11. Vol
A vi le
2764 MERCURE DE FRANCE
le dire , après vous , Madame , combien
d'hommes , si tous les mysteres d'iniquité
étoient expo ez au grand jour , seroient
obligez d'implorer lá clemence du
Prince pour ne pas subir la tigurur des
Loix ! Et n'oubliez pas , en faveur de votre
sexe , le sens general du nom d'homme
; la multitude des coupables leur
procure l'impunité , plusieurs abusant de
ce privilege honteux , perpétuent leur
minorité , et se rendent par là d'autant
plus criminels qu'il ne leur reste plus ni
frivoles prétextes , ni indignes excuses ;
je ne dois pas craindre de faire tort à l'amour
en le chargeant de tous les crimes
de la jeunesse , il en est presque toujours
l'auteur ou le complice..
?
La divine Amitié , ce présent du ciel ,
est de tous les âges , et de tous les Etats ;
elle en fit la gloire de tout temps ; ses far
yeurs inépuisables ne sont jamais accompagnées
de dégoûts ;, avec elle on n'a pas
à craindre de parvenir à la derniere ; les
présentes en annoncent toujours de nouvelles
, dont elles sont les infaillibles ga
rans, rien n'est capable d'en fixer le nom
bre, ni d'en borner le cours ; les vrais amis
trouvent à tous momens de nouveaux
charmes dans leur douce société ; mille
sujets interressans soutiennent et animent
II. Vola
leurs
DECEMBRE. 1733. 2765
leurs entretiens ; la délicieuse confiance
fournit toujours sans s'épuiser ; cette ressource
est plus sûre et plus grande que
celle de l'esprit. En tout genre ce qui
mérite le mépris est plus commun que ce
qui est digne d'estime ; ce caractere , matque
infaillible de leur véritable valeur
manque bien moins aux Amis qu'aux
Amans ; rien n'est plus ordinaire que l'amour
, même violent ; rien ne l'est moins
que l'amitié , même médiocre ; on peut
dire à l'honneur de celle cy qu'elle est
tout au moins aussi rare que la vertu ; ce
n'est pas- là le seul rapport qui la rend digne
de cette glorieuse comparaison.
·
Tout retentit des Eloges magnifiques
qu'on donne de toutes parts à l'Amitié ;
permettez- moy , de grace , Madame , de
les appeller des Eloges funébres , puisque
peu s'en faut qu'on ne parle d'une chose
qui n'existe plus ; on ne sçauroit , il
est vrai , faire un plus juste et plus noble
usage de la loüange ; mais l'amour propre,
qui trouve par tout des droits à exercer ,
ne s'oublie pas dans cette occasion ; le Panégiriste
, en publiant des sentimens d'estime
et de vénération pour elle , pense
souvent à s'illustrer lui - même ; on croit
se rendre recommandable par le cas
qu'on fait de cette vertu ; stériles éloges !
II. Vol. puis
2766 MERCURE DE FRANCE
puisqu'on ne voit que tres- peu de gens
qui connoissent les devoirs de l'amitié, et
bien moins qui les observent !
3
Tout le monde se glorifie de posseder
les qualitez propres à former un bon
ami , si nous en croyons les hommes sur
leur parole , il ne manque à chacun
d'eux , pour devenir des modeles de l'amitié
la plus parfaite , que de trouver
quelqu'un qui veuille les seconder dans
leurs prétendues dispositions ; ils souffrent
de ne pouvoir pas mettre en oeuvre
leurs sentimiens ; ceux dont le coeur est le
moins compatissant et le plus dur, livrez
à l'idolatrie la plus honteuse , qui est celle
de soi- même , dont l'interêt et l'amour
propre dirigent toutes les démarches 3
sont ordinairement ceux mêmes qui forment
sur cette matiere les regrets les plus
fréquens ; ils ont même le front de se
déchaîner contre les ingrats que leur
aveuglement est étrange ! où sont les
malheureux que leurs bons offices ont
prévenus et soulagez ? Sur qui se sont
répandus leurs bienfaits ? Qu'ils attendent
du moins , pour être en droit de
déclamer contre l'ingratitude et la dureté
, qu'il y ait quelqu'un dans l'Univers
qui puisse être ingrat à leur égard et qui
ait éprouvé leur sensibilité.
11. Vol
Ов
DECEMBRE. 1733. 2767
On trouve des gens qui voudroient
faire entendre que ce qui les arrête , et les
empêche de suivre leur panchant , c'est
la craipte d'être trompez , ou le danger
de faire des avances , auxquelles on ne
réponde pas ; ne soyons pas les dupes de
ces réfléxions trop prévoyantes ; quand
on est si prudent et si circonspect sur
cette matiere à s'assurer des premiers pas,
on n'est guere disposé à fiire les seconds ;
qui ne sçait point être généreux , ne sera
jamais reconnoissant; ces vertus adorables.
marchent toujours ensemble ; c'est les
détruire que de les séparer.
Vous me fournissez Madame , la
preuve de cette verité ; toutes les qualitez
d'une solide Amie se trouvent
réunies en vous ; à peine en eû je fair
l'heureuse découverte que ce merveil
leux assemblage me remplit d'admiration
, et détourna mes yeux de ce qui
attire d'abord sur vous ceux de tout le
monde , il me parut que ce seroit avilir
votre beauté d'en fire usage pour inspirer
des passions ; c'étoit une chose trop
aisée lui faire honneur , je voyois
pour
en vous avec complaisance tout ce qui
pouvoit servir de lustre à l'amitié , et lui
faire remporter sur l'amour la victoire la
plus éclatante ce ne fut pas sans des
II. Vol
efforts.
2768 MERCURE DE FRANCE
efforts puissants et redoublez que je
m'obstinai à approfondir ces idées ; les
réfléxions que je fis là- dessus furent le
plus sublime effort de ma Philosophie ;
sans leur secours j'aurois éprouvé le sort
commun , et vous m'auriez infailliblement
vû langur , comme mille autres, au
nombre de vos Amans , si vous ne m'aviez
paru mériter quelque chose de mieux
que de l'amour ; dès que je connus votre
coeur et toutes les qualitez qui le rendent
propre à faire gouter les douceurs et les
charmes de l'amitié , j'aurois rougi du
seul projet d'en faire un autre usage ; je
me suis mille fois glorifié de mon choix,
je lui do's l'heureuse préférence dont
vous m'avez honoré , et je vois bien que
c'étoit par là seulement que je pouvois
en obtenir de vous.
Mes soins assidus firent prendre le
change à vos Amans ; ils m'ont honoré
de leur jalousie , les plus clair- voyans, reconnoissant
la méprise , crurent être en
droit de faire peu de cas de mes sentimens
et de m'en faire un crime ; ils ignoroient
qu'on pouvoit vous rendre un
hommage plus digne de vous que les
leurs ; je ne me suis point allarmé , et ne
leur ai cédé en rien ; l'attachement que
j'avois pour vous étoit en état de soute-
II. Vol. Dis
DECEMBRE. 1733. 2769
nir toute comparaison ; mon amitié a
souvent fait rougir leur amour ; le vain
titre d'Amans dont ils faisoient tant de
gloire ,, a perdu tout son éclat à l'aspect
d'un véritable
ami ; ce parallele
en a détruit
tout le faux brillant.
Le succès n'ayant pas répondu à leur
attente , ils ont malicieusement affecté
de me traiter en Rival ; leur feinte jalousie
a tenté de vous faire entrer en défiance
sur mes sentimens. Ils ont essayé d'allarmer
votre délicatesse sur les jugemens
du public. C'est sur les choses qui
peuvent avoir quelque rapport à la galanterie
, que la licence des soupçons et
des propos est la plus effrénée ; le mensonge
et la médisance , la calomnie et l'imposture
s'exercent à l'envi sur cette matiere
, c'est là leur sujet favori ; ce champ
est le plus vaste qu'elles ayent pour triom
pher de l'innocence , parce qu'il est souvant
difficile de se justifier avec évidence
; les indices équivoques , les soupçons
injustes tiennent lieu de preuves completes
; le petit nombre de ceux qui tâ,
chent de sauver les apparences , tire peu
de fruit de leur contrainte, on aime mieux
tout croire étourdiment que de souffrir
que quelqu'un jouisse du fruit de ses
attentions.
II. Vol. Mal
2770 MERCURE DE FRANCE
Malgré cette funeste disposition , le
public , chez qui l'avis le plus favorable
n'a jimais prévalu , a été forcé , après
avoir quelque temps varié dans ses ju
gemens , de rendre témoignage à la vérité
; il s'est fait la violence de déclarer
que l'amitié seule formoit les noeuds qui
nous unfssoient ; cette décision fur pour
moi une victoire éclatante ; rarement on
en obtient de pareille devant un Juge
qui met ordinairement les apparences et
les préventions à la place des lumieres.
Vos Amans déconcertez se sont répandus
en murmures , ils ont donné à votre
coeur des qualifications injurieuses ; ils
l'ont traité d'insensible et de dur ; pour
ménager leur orgueil ils ont voulu vous
faire un crime du peu de cas que vous
ávez fait de leur amour ; injuste accusation
! Ils n'ont jamais été fondez à vous
reprocher votre prétendue insensibilité ,
vous vous êtes à cet égard pleinement
justifiée en faisant voir que vous réserviez
vos sentimens pour un plus digne
et plus noble usage que celui qu'ils leur
destinoient ; mal à propos ils ont appellé
dureté ce qui étoit en vous l'effet de la
glorieuse préférence que vous avez toujours
donnée à l'amitié Pour mériter et
pour obtenir toutes ses faveurs , vous lui
II. Vol. avez
DECEMBR E. 1733. 2771
avez offert les prémices de votre coeur ;
pour vous conserver digne d'elle , vous
n'avez jamais voulu la compromettre
avec l'amour ; vous avez la gloire , Madame
, d'avoir commencé par où bien
d'autres personnes de votre sexe ne peu
vent pas même finir ; leurs charmes et
avec eux leurs Amans les abandonnentils!
elles ne peuvent abandonner l'amour :
les dégoûts qu'elles ont alors à essuyer
les informent fréquemment que le temps
de plaire est passé ; s'il leur restoit quelque
mérite après avoir perdu leur beau.
elles pourroient se dédommager de
leurs pertes par le secours de l'amitié ; elles
n'auroient rien à regreter, si du débris de
leurs adorateurs elles avoient pû se ménager
un bon et fidele Arai , leur bonheur
seroit grand de connoître le prix
d'un échange si avantageux.
Ce parti ne sera jamais celui du grand
nombre ; les éclats souvent scandaleux ,
sont les dénouemens ordinaires des.commerces
galans : par le funeste panchant
des choses d'ic bas , tout tend à la corruption
, bien- plutôt qu'à la perfection ;
On voit souvent que l'amitié dégénére en
amour , mais il est bien rare que l'amour
ait la gloire de se convertir en amitié ;
cette route détournée et peu frayée a ton-
II. Vol.
jours
2772 MERCURE DE FRANCE
jours supposé d'excellentes qualitez dans
les personnes qui l'ont suivie avec succès;
revenus de la passion qui les aveugloit ,
les Amans conservent difficilement l'estime
mutuelle , sans laquelle l'amitié ne
sçauroit subsister; ceux qui ont cet avantage
ont sans doute un mérite éminent ;
on peut dire d'eux qu'ils étoient faits
pour l'amitié , quoiqu'ils ayent commencé
par l'amour ; ils méritent qu'on les
excuse d'avoir marché quelque temps
dans un sentier dont le terme a été aussi
heureux ; on doit croire , en leur faveur
qu'il y a eu de la surprise ; l'amour qui
ne connoît pas de meilleur titre que Pu
surpation pour étendre son empire , n'a
pas manqué de s'approprier des sujets de
Pamitié , qui s'étoient égarez , et a sçû
même quelquefois abuser de leur erreur ;
il n'a jamais été délicat sur les moyens de
parvenir à ses fins ; mais dès que ces
Amans privilégiez ont reconnu la méprise
, ils sont rentrez dans leur chemin ;
l'amitié leur a offert une retraite honorable
, elle a été pour eux un port tranquille
et assuré où ils ont goûté mille
délices et prévenu ou réparé de dangereux
naufrages.
Etes vous satisfaite , Madame ? trou
vez - vous que j'aye assez dégradé l'amour
II. Vol. et
DECEMBRE . 1733. 2773
pas
et exalté l'amitié ? Convenez que je n'ai
été inutilement à votre école ; si j'ai
quelques idées saines sur cette matiere
c'est à vous à qui je les dois , vos judisieuses
et profondes reflexions m'ont soutenu
dans mes sentimens ; vous m'avez
appris par vos discours la Theorie de la
Philosophie , et j'en ai appris la pratique
par les efforts que j'ai faits pour me borner
en vous voyant à la simple admiration
on est doublement Philosophe
quand on le devient auprès de vous ; vos
yeux sont de pressantes objections contre
les principes d'une science , qui fait consister
sa plus grande gloire à gourmander
les passions ; votre présence donne beau
coup d'éclat au mépris qu'on a pour l'amour
; vous sçavez qu'il a été mille fois
le funeste écueil des Philosophes les plus
aguerris , et que leur confiance n'a guere
été impunément temeraire ; mais , j'ose
le dire , je suis assuré de vous faire par là
ma cour; les charmes de vos discours ont
vaincu ceux de votre personne ; toutes
ces difficultez ont cedé à la solidité de
yos raisonnemens ; votre éloquence a
triomphe de votre beauté , nouveau genre
de victoire et le seul auquel vous êtes
sensible ! N'esperez pas que cet exemple
soit suivi ; vous êtes la premiere , et vous
11. Vol. screz
2774 MERCURE DE FRANCE
serez peut- être la derniere de votre sexe ,
qui , comblée des libéralitez de la nature,
emploira toute la finesse et la force d'un
génie heureux à faire comprendre aux
hommes que la beauté ne merite pas
leurs hommages ; ceux qui s'obstinent ,
malgré vous , à la regarder avec trop
d'admiration , vous paroissent manquer
de jugement, il a fallu pour mériter votre
estime , prendre la seule route que vous
offriez ; j'ai fuï ce que vous de extiez ,
j'ai haï l'amour , parce que vous haissiez
les Amans ; le souverain mépris que
vous marquez pour eux , m'a rendu ce
titre odieux ; mais vous m'avez appris
que je devois faire par raison , ce que je
ne faisois que pour me conformer à vos
idées .
Pardonnez , Madame , la liberté que je
me donne de parler de vos charmes , ils
font trop d'honneur à vos sentimens pour
pouvoir s'en dispenser ; vous devez même
me passer une espece de galanterie ,
qui se borne à peindre les obstacles que
j'ai eu à surmonter , pour me conserver
à vos yeux , digne de quelque preference
; vous m'avez permis de me parer du
glorieux titre de votre conquête , mais je
n'ai obtenu cette faveur qu'au nom de
l'amitié que vous sçavez être de tous les
11. Vol.
temps,
DECEM DAD. * 755° 4775
temps , au rang des vertus. Ceux qui
ont interessé l'amour auprès de vous se
sont bien- tôt apperçus du peu de crédit
qu'il avoit sur votre esprit; vous ne leur
avez pas laissé ignorer qu'étant compris
dans la liste des passions , vous n'hésitiez
pas de le mettre au rang des vices.
Je m'apperçois un peu tard,Madame
que je vais vous engager à une lecture
bien longue ; mais n'oubliez pas mon
excuse ; souvenez - vous que vous m'avez
demandé un volume , plaignez- vous si
vous voulez d'être trop obéïe ; pour moi
je ferai toujours gloire de me conformer
à vos volontez ; il m'importe d'ailleurs
que vous ne soyez pas obligée , pour vous
amuser plus long temps , de lire ma Lettre
plus d'une fois , comme vous m'en
aviez menacé , vous pourrez du moins
tirer un avantage de son excessive longueur,
elle vous servira à vous vanger de
Pennui que vous causent vos voisins ; il
ne faut pour cela que les obliger de la
lire.
इ VICT S
Sans doute , Madame , qu'à l'avenir
vous serez plus réservée à me demander
de longues Lettres vous voyez qu'il ne
faut pas se jouer à moy , je suis determi
né à executer aveuglément tout ce que
vous souhaiterez à mes périls et fortu-
11. Vol. ne
2776 MERCURE DE FRANCE
ne ; je n'ignore pas qu'en vous écrivant
aussi longuement je sacrifie les interêts
de mon esprit à ceux de mon coeur ; faites
moi la grace de croire que ce sacrifice
ne me coûte pas bien cher ; je me sens
disposé à vous en faire de beaucoup plus
considérables ; soyez persuadée que je
Vous aurai une obligation infinie toutes
les fois que vous voudrez bien me fournir
les occasions de vous donner de nouvelles
preuves du respectueux et sincere
attachement avec lequel j'ai l'honneur
d'être , &c.
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Résumé : LETTRE de M. de Ponsan, Trésorier de France, à Toulouse, à Madame *** sur l'Amitié préférable à l'Amour ; lûë dans l'Académie des Jeux Floraux.
La lettre de M. de Ponsan, Trésorier de France à Toulouse, adressée à une dame, met en avant la supériorité de l'amitié sur l'amour. L'auteur souligne que l'amitié est une ressource précieuse, particulièrement pour les femmes méritantes qui craignent les jugements publics. Il observe que l'amour et l'amitié sont souvent confondus, ce qui peut nuire à l'amitié. L'amour est motivé par la vanité et la beauté, tandis que l'amitié repose sur la générosité et les vertus. L'auteur note que l'amour peut emprunter le langage de l'amitié par hypocrisie. Il insiste sur la pureté et la tranquillité des plaisirs de l'amitié, contrastant avec les tumultes de l'amour. L'amitié persiste à travers les épreuves et les changements de fortune, renforçant les liens entre les amis. En revanche, l'amour est décrit comme orageux et corrupteur, né de l'amour-propre et source de crimes. L'auteur admire les qualités de la dame, qui incarnent une amitié solide et véritable, et se félicite de son choix de préférer l'amitié à l'amour. Il mentionne également les jaloux qui ont tenté de semer la défiance, mais son amitié est restée inébranlable. La lettre, publiée dans le Mercure de France en décembre 1733, exalte l'amitié comme seule capable de former des liens authentiques. L'auteur relate comment le public, après des jugements variés, a finalement reconnu la supériorité de l'amitié. Elle décrit les réactions de ses anciens amants, qui l'ont accusée d'insensibilité et de dureté, mais se justifie en expliquant qu'elle réservait ses sentiments pour un usage plus noble. L'auteur souligne que l'amitié est souvent compromise par l'amour, mais que l'inverse est rare. Elle loue les personnes capables de transformer leur amour en amitié, les qualifiant de méritantes. Elle exprime sa gratitude envers une dame dont les réflexions philosophiques l'ont influencée. Elle admire cette dame pour son intelligence et sa beauté, mais surtout pour son mépris de l'amour et son attachement à l'amitié. L'auteur conclut en affirmant son dévouement et son respect pour cette dame, prêt à sacrifier ses intérêts pour lui prouver son attachement sincère.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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10
p. 98-99
AUTRE.
Début :
Avant d'aller chercher des routes plus sçavantes, [...]
Mots clefs :
Artillerie
11
p. 128-131
Lettre à l'Auteur du Mercure.
Début :
MONSIEUR, j'ai toujours eu des doutes obstinés, sur la possibilité où nous [...]
Mots clefs :
Cadavres, Maladies, Ouverture des cadavres, Abbé Raynal
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Lettre à l'Auteur du Mercure.
Lettre à l'Auteur du Mercure.
ONSIEUR , j'ai toujours eu des doutes
obftinés , fur la poffibilité où nous
fommes , de reconnoître infailliblement
par l'ouverture des cadavres , les caufes
éloignées & immédiates des maladies du
corps humain. M. l'Abbé Raynal votre prédéceffeur
, affure néanmoins dans le Mercure
de Septembre 1751 , pages 149 & fuivantes
, » que que les avantages qui résultent
» de l'ouverture des cadavres , foumettent
alors à l'examen des fens , la cauſe même
» qui avoit produit la maladie , &c n .
C'eft à l'occafion des obfervations Anatomiques
tirées de l'ouverture d'un grand
nombre de cadavres , propres à découvrir
les caufes des maladies , & leurs remedes ,
par M. Barrere , médecin à Perpignan , & c.
que M. l'Abbé Raynal , nous donne ce
moyen prefque comme certain de nous
inftruire fur cette matiere. J'ai parcouru
avec des yeux avides , & j'ai lu enfuite
avec toute l'application poffible le Livre en
queſtion , Edition de 1753 , mais je n'y ai
point trouvé ce que l'Auteur & M. l'Abbé
Raynal promettent. Si on nous eut promis
de nous montrer par l'ouverture des cadavres
les caufes certaines de la mort , au lieu
JUILLET. 1755- 129
de celles des maladies , on y auroit infiniment
mieux réuffi . En effet , Monfieur ,
qu'apperçoit-on dans la tête d'un homme
mort d'une fievre maligne , d'une phrénéfie
, d'une apoplexie & dans les maladies
caufées par de fortes paffions de l'ame.
Comme dans les fix premieres obfervations
de l'Auteur , on trouvera les vaiffeaux de
la dure-mere & ceux du cerveau , farcis &.
gorgés d'un fang épais & noirâtre , quelque
épanchement de férofités dans l'un ou
l'autre des ventricules , des grumeaux de.
fang caillé dans les finus , qu'on prend pour
des concrétions polipeufes ; il eft aifé de
fentir que ces accidens font plûtôt l'effet de.
la maladie , que fa caufe , & que ces,
mêmes effets font évidemment celle de la
mort. Un empiéme , des dépôts particu
liers dans le poulmon , & les ulcères qu'on
trouve dans l'ouverture des cadavres de
ceux qui font morts d'une de ces maladies.
de poitrine , n'annoncent pas la caufe qui
a produit ces défordres , mais feulement,
leurs effers , en faifant fuccomber le malade
à la force de ces accidens , lorfque la capacité
de la poitrine a été remplie par un
épanchement , qui a fuffoqué le malade ,
ou que fon poulmon a été fondu en partie ,
par d'abondantes fupurations , & c. Voilà
done encore des caufes de mort , & non de
F v
130 MERCURE DE FRANCE.
maladies. Les eaux épanchées dans le ventre
d'un hydropique , font-elles la caufe de
l'hydropifie ; un abcès au foye fe produitil
de lui-même , pour caufer les accidens
qui font périr le malade , non fans doute ;
& quoiqu'on fçache en général que cet
abcès eft la fuite de quelque inflammation
locale ou générale de ce vifcère , on n'eſt
pas plus inftruit , fur ce qui a donné lieu à
cette inflammation , pour être en état de
l'attaquer dans fon principe , & de la prévenir
même afin d'éviter de bonne heure
les fuites funeftes qu'elle peut avoir.
En attendant , Monfieur , le grand ouvrage
que Monfieur Barrere doit publier ,
& dont celui qu'il a donné n'eft que l'efquiffe
, je perfifte toujoujours dans mes
doutes fur l'infuffifance de l'ouverture des
cadavres pour découvrir la caufe des maladies.
Je fouhaite ardemment qu'il réuffiſſe,
mais ce ne fera affurément pas comme il a
déja fait , en prenant les effets d'une maladie
pour fa caufe.
Je vous prie , Monfieur , d'inférer la
préfente dans un de vos Mercures , non
dans la vûe de diminuer en rien le mérite
de l'ouvrage de M. Barrere , mais feulement
pour convaincre de plus en plus le
public , qu'il eft des cauſes infenfibles de
maladies , que toute la fagacité de l'efprit
JUILLET. 1755. 1755 131
humain , ne fçauroit appercevoir , & que
dans bien des cas , l'Aphorifme d'Hippocrate
, fublatâ caufâ tollitur effectus, eft d'une
exécution impoffible.
J'ai l'honneur d'être , &c.
A Toulouſe , ce 25 Avril 1755 .
ONSIEUR , j'ai toujours eu des doutes
obftinés , fur la poffibilité où nous
fommes , de reconnoître infailliblement
par l'ouverture des cadavres , les caufes
éloignées & immédiates des maladies du
corps humain. M. l'Abbé Raynal votre prédéceffeur
, affure néanmoins dans le Mercure
de Septembre 1751 , pages 149 & fuivantes
, » que que les avantages qui résultent
» de l'ouverture des cadavres , foumettent
alors à l'examen des fens , la cauſe même
» qui avoit produit la maladie , &c n .
C'eft à l'occafion des obfervations Anatomiques
tirées de l'ouverture d'un grand
nombre de cadavres , propres à découvrir
les caufes des maladies , & leurs remedes ,
par M. Barrere , médecin à Perpignan , & c.
que M. l'Abbé Raynal , nous donne ce
moyen prefque comme certain de nous
inftruire fur cette matiere. J'ai parcouru
avec des yeux avides , & j'ai lu enfuite
avec toute l'application poffible le Livre en
queſtion , Edition de 1753 , mais je n'y ai
point trouvé ce que l'Auteur & M. l'Abbé
Raynal promettent. Si on nous eut promis
de nous montrer par l'ouverture des cadavres
les caufes certaines de la mort , au lieu
JUILLET. 1755- 129
de celles des maladies , on y auroit infiniment
mieux réuffi . En effet , Monfieur ,
qu'apperçoit-on dans la tête d'un homme
mort d'une fievre maligne , d'une phrénéfie
, d'une apoplexie & dans les maladies
caufées par de fortes paffions de l'ame.
Comme dans les fix premieres obfervations
de l'Auteur , on trouvera les vaiffeaux de
la dure-mere & ceux du cerveau , farcis &.
gorgés d'un fang épais & noirâtre , quelque
épanchement de férofités dans l'un ou
l'autre des ventricules , des grumeaux de.
fang caillé dans les finus , qu'on prend pour
des concrétions polipeufes ; il eft aifé de
fentir que ces accidens font plûtôt l'effet de.
la maladie , que fa caufe , & que ces,
mêmes effets font évidemment celle de la
mort. Un empiéme , des dépôts particu
liers dans le poulmon , & les ulcères qu'on
trouve dans l'ouverture des cadavres de
ceux qui font morts d'une de ces maladies.
de poitrine , n'annoncent pas la caufe qui
a produit ces défordres , mais feulement,
leurs effers , en faifant fuccomber le malade
à la force de ces accidens , lorfque la capacité
de la poitrine a été remplie par un
épanchement , qui a fuffoqué le malade ,
ou que fon poulmon a été fondu en partie ,
par d'abondantes fupurations , & c. Voilà
done encore des caufes de mort , & non de
F v
130 MERCURE DE FRANCE.
maladies. Les eaux épanchées dans le ventre
d'un hydropique , font-elles la caufe de
l'hydropifie ; un abcès au foye fe produitil
de lui-même , pour caufer les accidens
qui font périr le malade , non fans doute ;
& quoiqu'on fçache en général que cet
abcès eft la fuite de quelque inflammation
locale ou générale de ce vifcère , on n'eſt
pas plus inftruit , fur ce qui a donné lieu à
cette inflammation , pour être en état de
l'attaquer dans fon principe , & de la prévenir
même afin d'éviter de bonne heure
les fuites funeftes qu'elle peut avoir.
En attendant , Monfieur , le grand ouvrage
que Monfieur Barrere doit publier ,
& dont celui qu'il a donné n'eft que l'efquiffe
, je perfifte toujoujours dans mes
doutes fur l'infuffifance de l'ouverture des
cadavres pour découvrir la caufe des maladies.
Je fouhaite ardemment qu'il réuffiſſe,
mais ce ne fera affurément pas comme il a
déja fait , en prenant les effets d'une maladie
pour fa caufe.
Je vous prie , Monfieur , d'inférer la
préfente dans un de vos Mercures , non
dans la vûe de diminuer en rien le mérite
de l'ouvrage de M. Barrere , mais feulement
pour convaincre de plus en plus le
public , qu'il eft des cauſes infenfibles de
maladies , que toute la fagacité de l'efprit
JUILLET. 1755. 1755 131
humain , ne fçauroit appercevoir , & que
dans bien des cas , l'Aphorifme d'Hippocrate
, fublatâ caufâ tollitur effectus, eft d'une
exécution impoffible.
J'ai l'honneur d'être , &c.
A Toulouſe , ce 25 Avril 1755 .
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Résumé : Lettre à l'Auteur du Mercure.
L'auteur remet en question la capacité de l'autopsie à déterminer les causes des maladies humaines. Il conteste une affirmation de l'Abbé Raynal, publiée en 1751, selon laquelle l'ouverture des cadavres permet de découvrir les causes des maladies et leurs remèdes. Après avoir examiné le livre du médecin M. Barrere, il n'y a pas trouvé les informations promises. L'auteur soutient que les observations anatomiques révèlent souvent les effets des maladies plutôt que leurs causes. Par exemple, dans les cas de fièvre maligne, de phrénésie ou d'apoplexie, les autopsies montrent des vaisseaux sanguins obstrués ou des épanchements de sérum, qui sont des conséquences de la maladie. De même, les maladies pulmonaires ou les abcès au foie sont des effets plutôt que des causes. L'auteur exprime son scepticisme sur l'efficacité des autopsies pour découvrir les causes des maladies et souhaite que le public soit conscient des limites de cette méthode.
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