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1
p. [1]-9
LE ROMAN COMIQUE, CHAPITRE SECOND. POEME. Quel homme étoit le Sieur de la Rapiniere.
Début :
Ayant donc pris quelque repos, [...]
Mots clefs :
Sieur de la Rapinière, Humour, Comédie, Troupe de théâtre , Ville du Mans, Mésaventures , Improvisation, Costumes , Représentation, Tumulte
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texteReconnaissance textuelle : LE ROMAN COMIQUE, CHAPITRE SECOND. POEME. Quel homme étoit le Sieur de la Rapiniere.
LE ROMAN COMIQUE,
CHAPITRE SECOND.
.
POEM E.
Quel homme étoit le Sieur de la Rapiniere:
ADIO Yant donc pris quelque repos ,
A Je vais vous dire en peu
de mots
Que le sieur de la Rapiniere ,
Etoit le Rieur ordinaire
De la bonne Ville du Mans ;
L'on trouve partout de ces gens ,
C'ef
2 MERCURE DE FRANCE.
1
C'est une race trés- fertile ,
Il n'est point de petite Ville ,
Qui n'ait son Rieur importun
Et Paris n'en a pas pour un ;
Souvent le nombre en est extrême`,
Dans chaque quartier , & moi-même ,
Si j'avois voulu , l'on sçait bien ,
Que je le serois dans le mien ,
Mais depuis trop long-tems je gronde ,
Contre les vanitez du monde ,
Et c'eft un fort vilain métier
2
D'être le Rieur d'un quartier.
Revenons à la Rapiniere ,
Qui pour mieux entrer en matiere ,
Reprit la conversation ,
Que les coups et l'émotion ,
Avoient d'abord interrompuë ,
Dans le beau milieu de la ruë
Et s'adressant au sieur Destin ,?
'
" Qui décrotoit son Brodequin ,
Lui conta mainte baliverne ,
Et demanda si la Caverne ,´
Monsieur de la Rancune et lui ,
Dont il vouloit être l'appui ,
Pouvoient composer une Troupe ,
Et s'ils avoient le vent en poupe ;
Notre Troupe , répondit- il ,
En fronçant un peu le sourcil ,
Vaut
JANVIER. 1731.
Vaut bien , sans outrer la louange
Et celle du Prince d'Orange,
Et celle du Duc d'Epernon .
Nous ne manquons pas
de renom
*
Nous déclamons tous avec grace ;
Mais , hélas ! par une disgrace
Qui nous est arrivée à Tours
Je m'en ressouviendrai toujours ,
Car la récolte étoit fertile ,
Dans cette grande et belle,Ville ,
Ou notre étourdi de Portier ,
A mis à mort un Fuzelier ,
De l'Intendant de la Province ,
Sçachant l'Ordonnance du Prince
Chacun s'est enfui tout ému
2
Le pied droit chaussé , l'autre nu ,
Dans un assez triste équipage ,
Comme vous voyez , j'en enrage ;
Les Fuzeliers de l'Intendant ,
A la Fleche en on fait autant ,,
Dit le sieur de la Rapiniere ,
Ventrebleu , dit la Tripotiere ,,
Ces gens me causent des transports .
Que le diable soit dans leurs corps ,
Qu'après mainte et mainte nazarde
Le feu S. Antoine les arde.
Ils méritent ce châtiment ;
Quel terrible dérangement }
97
Au
1
4
MERCURE DE FRANCE.
Aujourd'hui par leur perfidie,
Nous n'aurons point la Comedie ;
Ah ! tout cela ne seroit rien ,
Répond le vieux Comédien ,
Ma peine seroit moins fatale ,
Si j'avois la clef d'une Male,
Où sont la plupart des habits ;
Je serais vraiment bien d'avis ,
De ne pas rester inutile ,
Pour plaire à Messieurs de la Ville ,
Trois ou quatre jours sans faço n ,
Avant de gagner Alençon ,
Où notre Troupe doit se rendre.
Comme on ne devoit pas s'attendre
A cette réponse , aussi - tôt ,
Le sieur Lieutenant de Prévôt ,
Offrit
gayement à la Caverne ,
Robbe qui n'étoit pas moderne ,
Puisque sa femme et ses enfans ,
S'en servoient depuis quatorze ans ;
De son côté la Tripotiere ,
Qui cherchoit à se satisfaire ,
Dit que chez elle on avoit mis ,
gage deux ou trois habits ,
Fort propres pour la Mascarade ,
Que Destin et son Camarade ,
Pouvoient aisément s'en saisir,
Que cela lui feroit plaisir ;
En
Mais
JANVIER.
1731.
Mais quelqu'un de la Compagnie',
Ajoûta que la Comedie ,
Seroit tout d'un coup
aux abois ,
N'étant pour cet effet que
trois ;
Oh oh ! s'écria la Rancune ,
L'avanture est assez commune
Sur les leçons de mon Ayeul ,
Je joue une Piece moi seul ,
Je puis faire sans grande peine ,'
En même-temps le Roi , la Reine ,
Aussi-bien que l'Ambassadeur ;
Je sçai tous les Rôies par coeur
Par exemple dans une Scene ,
Qui doit commencer par la Reine ,
Je garde un moment le tacet ,
Après quoi je parle en faucet ;
Pour l'Ambassadeur je nazonne ,
En me tournant vers ma Couroe ,
Que je mets sur un Tabouret ;
Cependant admirez ce trait :
Pour le Roi , sans aucun cortege ,
Je prens ma Couronne et mon Siege ,
Et grossissant un peu ma voix ,
Je
MERCURE DE FRANCE.
Je parle avec beaucoup de poids ,
Mais qu'ainsi ne soit pour vous plaire ,
Nous voulons bien vous satisfaire
Par un plat de notre métier ;
Messieurs contentez le Chartier ,
Avant qu'il aille à l'Ecurie ,
Et payez notre Hôtellerie J
*
Fournissez à chacun l'habit ,
Et nous joueront avant la nuit ;
Sur ma parole on m'en doit croire ,
Ou bien ma foi nous allons boire ,
Chacun quatre coups seulement ,
Puis reposer tranquilement ;
Car nous n'avons point de l'année
Fait une si grande journée.
Un tel parti si bien conçu ,
Unanimement fut reçû ,
Et le diable de Rapiniere ,
Malicieux à l'ordinaire ,
Dit que sans chercher au taudis ,
Il falloit prendre les habits ,
De deux jeunes gens de la Ville ,
Que la chose étoit fort facile ,
Parce
JANVIER. 1731 .
>
Farce que ces deux jeunes gens ,
Dans le Tripot joüeroient long-temps;
Que la Caverne pourroit faire ,
Avec son habit ordinaire ,
Tel personnage qu'on voudroit ,
Que partout elle passeroit ,
Soit dans une Piece tragique ,
Soit dans une Piece comique ;
Aussi-tôt dit , aussi-tôt fait
Les Comédiens en effet ,
Vuiderent bien vîte une pinte ,
La mesure parut succinte ,
Et s'emparant desdits habits ,
Ils furent bien- tôt travestis ;
L'Assemblée étant fort grossie ,
Par la meilleure Bourgeoisie ,
Prit place dans un Galetas ,
Dont le plancher étoit très-bas ;
On leva d'abord un drap sale ,
D'une maniere originale ,
Et l'on vit sur un matelas ,
Le Destin qui paroissoit las ,
Le Corbillon de quelque Nonne ,
Lui servoit alors de Couronne ,
Il n'avoit pas de quoi choisir ,
Donc il faloit bien s'en servir ;
Se frotant les yeux et l'oreille ,
Comme un homme qui se réveille ,
's MERCURE DE FRANCE.
Il fit un peu le rencheri ,
Et sur un ton de Mondori ,
Parce qu'il étoit à la mode ,
Récita le Rôle d'Herode ,
Qui commence par ces cinq mots ,
Ombre qui troubles mon repos.
Il déclama d'un grand courage ;
Et l'emplâtre de son visage ,
N'empêcha pas qu'on ne vît bien ,
Qu'il étoit bon Comedien ;
La Caverne fit à merveille ,
L'on n'avoit point vû sa pareille ,
Et tout le monde l'approuva ,
Dans les Rôles qu'elle joua ,
De Mariane et de Salome ;
La Rancune n'étoit pas homme ,
A ne point plaire au Spectateur ,
Aussi parut-il bon Acteur ,
En montrant beaucoup de noblesse ,
Dans plusieurs Rôles de la Piece ,
On alloit tirer le Rideau
Ce n'étoit pas la le moins beau ,
Quand le diable , qui rien n'oublie ,
Fit finir cette Tragedie ,
Non-pas par la cruelle mort ,
De Mariane qu'on plaint fort
Ni par les desespoirs d'Hérode ;
Mais si le sieur Scaron ne brode ,
Y
Ce
JANVIER.
1731 .
Ce fut par mille coups complets ,
Du poing , des pieds , sans les soufflets
Par des juremens effroyables ,
Que n'auroient pas fait tous les diables
Dans une telle occasion ,
Et par une information ,
Que fit le sieur la Rapiniere ,
Fort expert en cette matiere ,
Et plus sçavant que .... mais ,
hola !
Notre Chapitre finit là.
Par M. le Tellier d'Orvilliers , Lieutenant
General d'Epée à Vernon.
La suite pour les Mercures suivans.
CHAPITRE SECOND.
.
POEM E.
Quel homme étoit le Sieur de la Rapiniere:
ADIO Yant donc pris quelque repos ,
A Je vais vous dire en peu
de mots
Que le sieur de la Rapiniere ,
Etoit le Rieur ordinaire
De la bonne Ville du Mans ;
L'on trouve partout de ces gens ,
C'ef
2 MERCURE DE FRANCE.
1
C'est une race trés- fertile ,
Il n'est point de petite Ville ,
Qui n'ait son Rieur importun
Et Paris n'en a pas pour un ;
Souvent le nombre en est extrême`,
Dans chaque quartier , & moi-même ,
Si j'avois voulu , l'on sçait bien ,
Que je le serois dans le mien ,
Mais depuis trop long-tems je gronde ,
Contre les vanitez du monde ,
Et c'eft un fort vilain métier
2
D'être le Rieur d'un quartier.
Revenons à la Rapiniere ,
Qui pour mieux entrer en matiere ,
Reprit la conversation ,
Que les coups et l'émotion ,
Avoient d'abord interrompuë ,
Dans le beau milieu de la ruë
Et s'adressant au sieur Destin ,?
'
" Qui décrotoit son Brodequin ,
Lui conta mainte baliverne ,
Et demanda si la Caverne ,´
Monsieur de la Rancune et lui ,
Dont il vouloit être l'appui ,
Pouvoient composer une Troupe ,
Et s'ils avoient le vent en poupe ;
Notre Troupe , répondit- il ,
En fronçant un peu le sourcil ,
Vaut
JANVIER. 1731.
Vaut bien , sans outrer la louange
Et celle du Prince d'Orange,
Et celle du Duc d'Epernon .
Nous ne manquons pas
de renom
*
Nous déclamons tous avec grace ;
Mais , hélas ! par une disgrace
Qui nous est arrivée à Tours
Je m'en ressouviendrai toujours ,
Car la récolte étoit fertile ,
Dans cette grande et belle,Ville ,
Ou notre étourdi de Portier ,
A mis à mort un Fuzelier ,
De l'Intendant de la Province ,
Sçachant l'Ordonnance du Prince
Chacun s'est enfui tout ému
2
Le pied droit chaussé , l'autre nu ,
Dans un assez triste équipage ,
Comme vous voyez , j'en enrage ;
Les Fuzeliers de l'Intendant ,
A la Fleche en on fait autant ,,
Dit le sieur de la Rapiniere ,
Ventrebleu , dit la Tripotiere ,,
Ces gens me causent des transports .
Que le diable soit dans leurs corps ,
Qu'après mainte et mainte nazarde
Le feu S. Antoine les arde.
Ils méritent ce châtiment ;
Quel terrible dérangement }
97
Au
1
4
MERCURE DE FRANCE.
Aujourd'hui par leur perfidie,
Nous n'aurons point la Comedie ;
Ah ! tout cela ne seroit rien ,
Répond le vieux Comédien ,
Ma peine seroit moins fatale ,
Si j'avois la clef d'une Male,
Où sont la plupart des habits ;
Je serais vraiment bien d'avis ,
De ne pas rester inutile ,
Pour plaire à Messieurs de la Ville ,
Trois ou quatre jours sans faço n ,
Avant de gagner Alençon ,
Où notre Troupe doit se rendre.
Comme on ne devoit pas s'attendre
A cette réponse , aussi - tôt ,
Le sieur Lieutenant de Prévôt ,
Offrit
gayement à la Caverne ,
Robbe qui n'étoit pas moderne ,
Puisque sa femme et ses enfans ,
S'en servoient depuis quatorze ans ;
De son côté la Tripotiere ,
Qui cherchoit à se satisfaire ,
Dit que chez elle on avoit mis ,
gage deux ou trois habits ,
Fort propres pour la Mascarade ,
Que Destin et son Camarade ,
Pouvoient aisément s'en saisir,
Que cela lui feroit plaisir ;
En
Mais
JANVIER.
1731.
Mais quelqu'un de la Compagnie',
Ajoûta que la Comedie ,
Seroit tout d'un coup
aux abois ,
N'étant pour cet effet que
trois ;
Oh oh ! s'écria la Rancune ,
L'avanture est assez commune
Sur les leçons de mon Ayeul ,
Je joue une Piece moi seul ,
Je puis faire sans grande peine ,'
En même-temps le Roi , la Reine ,
Aussi-bien que l'Ambassadeur ;
Je sçai tous les Rôies par coeur
Par exemple dans une Scene ,
Qui doit commencer par la Reine ,
Je garde un moment le tacet ,
Après quoi je parle en faucet ;
Pour l'Ambassadeur je nazonne ,
En me tournant vers ma Couroe ,
Que je mets sur un Tabouret ;
Cependant admirez ce trait :
Pour le Roi , sans aucun cortege ,
Je prens ma Couronne et mon Siege ,
Et grossissant un peu ma voix ,
Je
MERCURE DE FRANCE.
Je parle avec beaucoup de poids ,
Mais qu'ainsi ne soit pour vous plaire ,
Nous voulons bien vous satisfaire
Par un plat de notre métier ;
Messieurs contentez le Chartier ,
Avant qu'il aille à l'Ecurie ,
Et payez notre Hôtellerie J
*
Fournissez à chacun l'habit ,
Et nous joueront avant la nuit ;
Sur ma parole on m'en doit croire ,
Ou bien ma foi nous allons boire ,
Chacun quatre coups seulement ,
Puis reposer tranquilement ;
Car nous n'avons point de l'année
Fait une si grande journée.
Un tel parti si bien conçu ,
Unanimement fut reçû ,
Et le diable de Rapiniere ,
Malicieux à l'ordinaire ,
Dit que sans chercher au taudis ,
Il falloit prendre les habits ,
De deux jeunes gens de la Ville ,
Que la chose étoit fort facile ,
Parce
JANVIER. 1731 .
>
Farce que ces deux jeunes gens ,
Dans le Tripot joüeroient long-temps;
Que la Caverne pourroit faire ,
Avec son habit ordinaire ,
Tel personnage qu'on voudroit ,
Que partout elle passeroit ,
Soit dans une Piece tragique ,
Soit dans une Piece comique ;
Aussi-tôt dit , aussi-tôt fait
Les Comédiens en effet ,
Vuiderent bien vîte une pinte ,
La mesure parut succinte ,
Et s'emparant desdits habits ,
Ils furent bien- tôt travestis ;
L'Assemblée étant fort grossie ,
Par la meilleure Bourgeoisie ,
Prit place dans un Galetas ,
Dont le plancher étoit très-bas ;
On leva d'abord un drap sale ,
D'une maniere originale ,
Et l'on vit sur un matelas ,
Le Destin qui paroissoit las ,
Le Corbillon de quelque Nonne ,
Lui servoit alors de Couronne ,
Il n'avoit pas de quoi choisir ,
Donc il faloit bien s'en servir ;
Se frotant les yeux et l'oreille ,
Comme un homme qui se réveille ,
's MERCURE DE FRANCE.
Il fit un peu le rencheri ,
Et sur un ton de Mondori ,
Parce qu'il étoit à la mode ,
Récita le Rôle d'Herode ,
Qui commence par ces cinq mots ,
Ombre qui troubles mon repos.
Il déclama d'un grand courage ;
Et l'emplâtre de son visage ,
N'empêcha pas qu'on ne vît bien ,
Qu'il étoit bon Comedien ;
La Caverne fit à merveille ,
L'on n'avoit point vû sa pareille ,
Et tout le monde l'approuva ,
Dans les Rôles qu'elle joua ,
De Mariane et de Salome ;
La Rancune n'étoit pas homme ,
A ne point plaire au Spectateur ,
Aussi parut-il bon Acteur ,
En montrant beaucoup de noblesse ,
Dans plusieurs Rôles de la Piece ,
On alloit tirer le Rideau
Ce n'étoit pas la le moins beau ,
Quand le diable , qui rien n'oublie ,
Fit finir cette Tragedie ,
Non-pas par la cruelle mort ,
De Mariane qu'on plaint fort
Ni par les desespoirs d'Hérode ;
Mais si le sieur Scaron ne brode ,
Y
Ce
JANVIER.
1731 .
Ce fut par mille coups complets ,
Du poing , des pieds , sans les soufflets
Par des juremens effroyables ,
Que n'auroient pas fait tous les diables
Dans une telle occasion ,
Et par une information ,
Que fit le sieur la Rapiniere ,
Fort expert en cette matiere ,
Et plus sçavant que .... mais ,
hola !
Notre Chapitre finit là.
Par M. le Tellier d'Orvilliers , Lieutenant
General d'Epée à Vernon.
La suite pour les Mercures suivans.
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Résumé : LE ROMAN COMIQUE, CHAPITRE SECOND. POEME. Quel homme étoit le Sieur de la Rapiniere.
Le texte extrait du 'Roman Comique' intitulé 'Quel homme étoit le Sieur de la Rapinière' présente le Sieur de la Rapinière comme le 'Rieur ordinaire' de la ville du Mans, une figure connue dans de nombreuses villes. Il fait partie d'une troupe de comédiens qui se retrouvent en difficulté après qu'un portier ait tué un Fuzelier à Tours, forçant les comédiens à fuir. La troupe, composée de la Rapinière, Destin, la Caverne, la Tripotiere et la Rancune, se trouve confrontée à un problème : ils manquent d'habits pour jouer. Ils décident alors d'emprunter les vêtements de deux jeunes gens de la ville pour se déguiser et monter une pièce devant une assemblée de bourgeois. La représentation commence, mais elle est interrompue par une bagarre déclenchée par le diable, mettant fin à la tragédie. Le chapitre se termine sans conclusion définitive, laissant la suite des événements à découvrir dans les prochains numéros du Mercure de France.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. [203]-209
ENVOY d'un pâté de Canards d'Amiens à M. M. D. M. sous le nom de Damon, par un de ses Parens, Prieur en Picardie.
Début :
Canards rodoient dans nos fossés, [...]
Mots clefs :
Canards, Pâté, Maladie, Musique, Picardie, Tranquillité, Cuisinier, Humour, Convalescent
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texteReconnaissance textuelle : ENVOY d'un pâté de Canards d'Amiens à M. M. D. M. sous le nom de Damon, par un de ses Parens, Prieur en Picardie.
ENVOY d'un pâté de Canards d'Amiens
à M. M. D. M. sous le nom de
Damon , par un de ses Parens , Prieur
en Picardie.
C
Anards rodoient dans nos fossés ,
Troupe importune et barboteuse ;
De leur voix aigre et raboteuse ;
Nos mâtins la nuit agacés ,
En maison tranquile et peureuse ,
Mettoient l'allarme ; et le Béfroi
Sonnant tocsin dans les tenebres,
A ij N'ins204
MERCURE DE FRANCE
N'inspira jamais plus d'éfroi ,
Par ses sons bruyans et funebres.
De la gent au gozier glouton ,
A grand kan kan,, dans notre mare
Il fallut supprimer le ton.
Fut dit , fut fait ; on se prépare ;
Notre gros Cuisinier plus rond
Que son billot , en criant gare ,
Haussant le bras , ridant le front ,
A pauvre peuple tintamare
Coupa le col : oh ! le barbare ,
S'écriera Belle , qu'à M ... our
Troupe kankane et caressée ,
Va visiter cent fois le jour
Pour avoir d'elle la becquée.
Mais dût-elle en triste chanson ;
En bémol , ou bien en bécare ,
Se plaindre de l'acte félon
A sa plainte on dira tarare.
De nos Canards bien trépassés ,
Et que Degan en grosse croute
A bien et duëment enchassés
De
peur
›
de malencontre en route ,
Damon voilà le guet - à- pand ,
Qui n'est cas prévôtal , je pense :
Oncque Canard ni Hallebran
Ne fit pendre son homme en France.
Fameux faiseur de pâtés.
Dans 4
FEVRIER.
1731. 205
Dans nos fossés leur Archipel ,
Pápas Sultans , mamans Sultanes ,
Chaque hyver , au premier d'égel ,
Recommençoient leurs caravanes ,
Pour aller honorer Degan ;
Et c'étoit lors nouveau kan kan
Qu'à chaque instant pendant l'Office
On leur entendoit frédonner :
Pour gens dévots c'est un supplice
D'entendre sans cesse entonner
Musique à désoler un Suisse ,
Qui n'aime point à raisonner.
Pour le cas , non pour autre chose ,
Peuple kan kan , grace à Degan ,
Et grace à la Métamorphose ,
Devient pâté du nouvel an.
Je te le dépêche , beau Sire ,
Et l'aurois dépêché plutôt
Si mal qui des maux n'est le pire ,
Quand il ne mene qu'au seul trot
Pauvre Chrétién , souffre martire
Ne m'eut mené le grand galop.
Lecorps fondu comme la cire ,
Et plus foible qu'un Escargot ,
Je ne sçavois parler , écrire
A nul au monde un petit mot.
Lachesis , que rien n'amadouë
Hâtoit déja son noir fuseau
"
La vieille laide , à grosse mouë ,
>
A iij Ap
206 MERCURE DE FRANCE
•
Apprêtoit le fatal ciseau ,
Quand un matin , Maître Esculape
Un affreux breuvage à la main
Me dit , avale ; je le happe ;
2
Et drogues dès le lendemain ,
D'aller dans mon corps à la sappe
Chercher l'ennemi souterrain ,
Mieux n'auroit fait
pour
Prince ou Pape.
Enfin , cher Damon , me voici ,
A titre encor de bail à vie ,
Habitant de ce monde ci ;
Mais , helas ! que j'aurois envie
D'assister à tout le convoi
De ma deffunte volatille
Dont je te fais d'ici l'envoi !
Que j'aime à me voir en famille ,
Et sur tout quand je suis chez toi ;
Ou Cousin , Oncle , Mere et Fille
Paroissent gens de bon alloi ;
Tante aussi fraîche qu'une Rose ,
Fait les honneurs de la maison ;
La sagesse en son coeur repose ;
C'est le flambeau de sa raison.
Un Abbé , fruit de l'Himenée ,
Et maître de sa destinée ,
Qui joint à l'aimable enjoûment.
La politesse et l'agrément.
D'un frere orné des mêmes charmes ,
Ami
FEVRIER. 1731. 207
Ami d'Apollon et de Mars ,
Qui du même air qu'il court aux armes
Vole à l'étude des beaux arts.
Quand reverrai - je donc l'image ?
Que dans nos doux embrassemens ,
Réchauffant un cher cousinage ,
Nous en rendrons les noeuds constans !
Damon , favori de Minerve ,
y
Qui sçait mettre à prix les bons Vers ,
Si peut-être en suivant ma verve
J'ai pris ma route de travers ;
Si raisonnant Canards et Cannes ,
J'ai raisonné comme un Oison ;
Si sur la riine tu chicanes ,
Et plus encor sur la raison ,
Pardonne à ma Muse badine
L'écart d'un coeur reconnoissant.
Rimeur à pâle et seche mine ,
A peine encor convalescent ,
Ne peut un jour de Medecine
Rimer des Vers qu'en s'efforçant.
Docte Censeur , qui ne fais grace
Qu'à la raison , qu'aux bons Ecrits ,
Epluche ici , gronde , ressasse "
Déchire , brûle , ou bien fais pis.
Oui , malgré l'orgueil Poetique ,
Je sens qu'un Censeur tel que toi
Vaut une prise d'émetique
A iiij A
208 MERCURE DE FRANCE
A Rimeur qui trouve chez soi
Bien moins de rime que de bile ,
Et dont l'enthousiasme vain ,
S'il ne peut faire un homme habile
Fait toujours un sot Ecrivain.
Avec l'honneur du parentage ,
Que n'ai-je ton heureux talent ,
Et ton élegant badinage
Si délicat , si décevant
Que dans le feu Moine sauvage
Plus bouru que tout son Couvent
T'a fait jetter , et dont je gage
Que la cendre est allée au vent ?
Peste du Moine prédicant ,
2
;
Qui pour te rendre un peu trop sage
Te fait mourir dès ton vivant !
Non non , Damon , sur le Parnasse
Tes Vers gravés en lettres d'or ,
Auprès de Catulle et d'Horace
Des neuf Soeurs s'y font lire encor.
Mais des miens ici je t'ennuyè ,
Et Muse me dit , Hallebran ,
Tais- toi , faut-il qu'un docte essuye
En même jour tant de kan kan ;
Peut- être aussi la compagnie
De gens choisis et délicats ,
* Vers qui n'étoient qu'un pur jeu d'esprit
et qui ont été brûlés.
Qui
FEVRIER. 1731. 209
Qui s'en vient en cerémonie
Visiter Oiseaux à pieds plats ,
'A leur aspect
à bon droit peste
Contre rimailleur importun ,
Qui pour un rien , pour moins qu'un zeste
Laisse son appétit à jeun.
Adieu , cher Damon , je t'embrasse ,
Et Tante et Cousin et Maman ;
D'aimable fille que Dieu fasse
De fille femme au bout de l'an.
F, P. Ce 20. Janvier 1731 .
à M. M. D. M. sous le nom de
Damon , par un de ses Parens , Prieur
en Picardie.
C
Anards rodoient dans nos fossés ,
Troupe importune et barboteuse ;
De leur voix aigre et raboteuse ;
Nos mâtins la nuit agacés ,
En maison tranquile et peureuse ,
Mettoient l'allarme ; et le Béfroi
Sonnant tocsin dans les tenebres,
A ij N'ins204
MERCURE DE FRANCE
N'inspira jamais plus d'éfroi ,
Par ses sons bruyans et funebres.
De la gent au gozier glouton ,
A grand kan kan,, dans notre mare
Il fallut supprimer le ton.
Fut dit , fut fait ; on se prépare ;
Notre gros Cuisinier plus rond
Que son billot , en criant gare ,
Haussant le bras , ridant le front ,
A pauvre peuple tintamare
Coupa le col : oh ! le barbare ,
S'écriera Belle , qu'à M ... our
Troupe kankane et caressée ,
Va visiter cent fois le jour
Pour avoir d'elle la becquée.
Mais dût-elle en triste chanson ;
En bémol , ou bien en bécare ,
Se plaindre de l'acte félon
A sa plainte on dira tarare.
De nos Canards bien trépassés ,
Et que Degan en grosse croute
A bien et duëment enchassés
De
peur
›
de malencontre en route ,
Damon voilà le guet - à- pand ,
Qui n'est cas prévôtal , je pense :
Oncque Canard ni Hallebran
Ne fit pendre son homme en France.
Fameux faiseur de pâtés.
Dans 4
FEVRIER.
1731. 205
Dans nos fossés leur Archipel ,
Pápas Sultans , mamans Sultanes ,
Chaque hyver , au premier d'égel ,
Recommençoient leurs caravanes ,
Pour aller honorer Degan ;
Et c'étoit lors nouveau kan kan
Qu'à chaque instant pendant l'Office
On leur entendoit frédonner :
Pour gens dévots c'est un supplice
D'entendre sans cesse entonner
Musique à désoler un Suisse ,
Qui n'aime point à raisonner.
Pour le cas , non pour autre chose ,
Peuple kan kan , grace à Degan ,
Et grace à la Métamorphose ,
Devient pâté du nouvel an.
Je te le dépêche , beau Sire ,
Et l'aurois dépêché plutôt
Si mal qui des maux n'est le pire ,
Quand il ne mene qu'au seul trot
Pauvre Chrétién , souffre martire
Ne m'eut mené le grand galop.
Lecorps fondu comme la cire ,
Et plus foible qu'un Escargot ,
Je ne sçavois parler , écrire
A nul au monde un petit mot.
Lachesis , que rien n'amadouë
Hâtoit déja son noir fuseau
"
La vieille laide , à grosse mouë ,
>
A iij Ap
206 MERCURE DE FRANCE
•
Apprêtoit le fatal ciseau ,
Quand un matin , Maître Esculape
Un affreux breuvage à la main
Me dit , avale ; je le happe ;
2
Et drogues dès le lendemain ,
D'aller dans mon corps à la sappe
Chercher l'ennemi souterrain ,
Mieux n'auroit fait
pour
Prince ou Pape.
Enfin , cher Damon , me voici ,
A titre encor de bail à vie ,
Habitant de ce monde ci ;
Mais , helas ! que j'aurois envie
D'assister à tout le convoi
De ma deffunte volatille
Dont je te fais d'ici l'envoi !
Que j'aime à me voir en famille ,
Et sur tout quand je suis chez toi ;
Ou Cousin , Oncle , Mere et Fille
Paroissent gens de bon alloi ;
Tante aussi fraîche qu'une Rose ,
Fait les honneurs de la maison ;
La sagesse en son coeur repose ;
C'est le flambeau de sa raison.
Un Abbé , fruit de l'Himenée ,
Et maître de sa destinée ,
Qui joint à l'aimable enjoûment.
La politesse et l'agrément.
D'un frere orné des mêmes charmes ,
Ami
FEVRIER. 1731. 207
Ami d'Apollon et de Mars ,
Qui du même air qu'il court aux armes
Vole à l'étude des beaux arts.
Quand reverrai - je donc l'image ?
Que dans nos doux embrassemens ,
Réchauffant un cher cousinage ,
Nous en rendrons les noeuds constans !
Damon , favori de Minerve ,
y
Qui sçait mettre à prix les bons Vers ,
Si peut-être en suivant ma verve
J'ai pris ma route de travers ;
Si raisonnant Canards et Cannes ,
J'ai raisonné comme un Oison ;
Si sur la riine tu chicanes ,
Et plus encor sur la raison ,
Pardonne à ma Muse badine
L'écart d'un coeur reconnoissant.
Rimeur à pâle et seche mine ,
A peine encor convalescent ,
Ne peut un jour de Medecine
Rimer des Vers qu'en s'efforçant.
Docte Censeur , qui ne fais grace
Qu'à la raison , qu'aux bons Ecrits ,
Epluche ici , gronde , ressasse "
Déchire , brûle , ou bien fais pis.
Oui , malgré l'orgueil Poetique ,
Je sens qu'un Censeur tel que toi
Vaut une prise d'émetique
A iiij A
208 MERCURE DE FRANCE
A Rimeur qui trouve chez soi
Bien moins de rime que de bile ,
Et dont l'enthousiasme vain ,
S'il ne peut faire un homme habile
Fait toujours un sot Ecrivain.
Avec l'honneur du parentage ,
Que n'ai-je ton heureux talent ,
Et ton élegant badinage
Si délicat , si décevant
Que dans le feu Moine sauvage
Plus bouru que tout son Couvent
T'a fait jetter , et dont je gage
Que la cendre est allée au vent ?
Peste du Moine prédicant ,
2
;
Qui pour te rendre un peu trop sage
Te fait mourir dès ton vivant !
Non non , Damon , sur le Parnasse
Tes Vers gravés en lettres d'or ,
Auprès de Catulle et d'Horace
Des neuf Soeurs s'y font lire encor.
Mais des miens ici je t'ennuyè ,
Et Muse me dit , Hallebran ,
Tais- toi , faut-il qu'un docte essuye
En même jour tant de kan kan ;
Peut- être aussi la compagnie
De gens choisis et délicats ,
* Vers qui n'étoient qu'un pur jeu d'esprit
et qui ont été brûlés.
Qui
FEVRIER. 1731. 209
Qui s'en vient en cerémonie
Visiter Oiseaux à pieds plats ,
'A leur aspect
à bon droit peste
Contre rimailleur importun ,
Qui pour un rien , pour moins qu'un zeste
Laisse son appétit à jeun.
Adieu , cher Damon , je t'embrasse ,
Et Tante et Cousin et Maman ;
D'aimable fille que Dieu fasse
De fille femme au bout de l'an.
F, P. Ce 20. Janvier 1731 .
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Résumé : ENVOY d'un pâté de Canards d'Amiens à M. M. D. M. sous le nom de Damon, par un de ses Parens, Prieur en Picardie.
Dans une lettre poétique, un parent de Damon, prieur en Picardie, envoie à ce dernier un pâté de canards d'Amiens. L'auteur décrit initialement les canards comme une nuisance dans les fossés, dont les cris agaçaient les chiens et provoquaient des alarmes nocturnes. Pour remédier à cette situation, il fut décidé de supprimer les canards, ce qui fut exécuté par le cuisinier. Les canards, une fois tués, furent préparés en pâté par Degan. L'auteur évoque ensuite les habitudes des canards qui, chaque hiver, se rendaient en procession pour honorer Degan. Leur chant incessant était comparé à une musique désolante. Grâce à Degan et à la métamorphose des canards en pâté, ce problème fut résolu. L'auteur exprime son regret de ne pas pouvoir assister au convoi des canards défunts et son désir de revoir sa famille, qu'il décrit comme aimable et sage. Il mentionne également un abbé, un frère et un cousin, tous dotés de qualités admirables. La lettre se termine par une réflexion sur la poésie et l'écriture, où l'auteur reconnaît ses limites et exprime son admiration pour le talent de Damon. Il conclut en adressant ses salutations à Damon et à sa famille.
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