LETTRE A L'AUTEUR DU
MERCURE.
REMEDE CONTRE L'HYDROPISIE .
E Je crois devoir , Monfieur , vous faire
part , par principe de Religion , & par
fenfibilité aux différentes maladies qui
attaquent le corps humain , d'un reméde
que j'ai contre l'hydropifie , efpéce
de maladie à laquelle nos Payfans
de cette Province font extrêmement
fujets. L'expérience heureufe que je
fais de ce reméde m'engage à vous
prier de l'inférer dans votre Mercure ;
rien n'eft plus fimple que ce reméde :
le voici.
On fait faire trois fagots de trois différens
bois , fçavoir de houx , de fureau
& de frefne , tous les trois de poids
égal ; on les brule enſemble , après quoi
on en paffe la cendre par un tamis
bien fin ; on , la met enfuite dans un
134 MERCURE DE FRANCE.
pot ou autre vafe bien couvert. Il faut
obferver qu'il faut couper ces différens
bois dans les deux temps de la féve ,
comme au mois de Mai ou au mois
d'Août , & les bruler auffitôt qu'ils font
coupés. Comme on a beaucoup de peine
à allumer ces bois verts je me fers
d'un réchaud rempli de braife que je
mets fous ces bois pour les allumer. Dès
que le feu eft bien pris , on retire le
réchaud avec la braize qui y étoit , afin
qu'il n'entre rien d'étranger dans la cen
dre . Il faut obferver que pour bien faire
confommer cette cendre , on a foin ,
après que tous les bois font brulés , de
la raffembler dans un tas ; on la couvre
enfuite , & on la laiffè dans la cheminée
l'efpace de trente- fix heures au
moins , enfuite on la paffe par le tamis
le plus fin. On donne au malade le poids
d'un liard de cette cendre dans une demie
chopine de vin blanc , que l'on répand
dans un vafe de terre ou autre ,
pourvu qu'il ne foit point de bois, parce
que cette cendre s'y attacheroit ; on la
mêle de même avec un inftrument qui
ne foit point de bois , après quoi on
donne le tout à boire au malade que
l'on a foin de bien couvrir , afin de le
faire fuer ; & trois ou quatre heures
AVRIL. 1763. 135
après on lui donne un potage. Il fautrecommander
au malade de n'ufer ni
de lait , ni de galette , ou autre nourriture
groffière, pendant cinq ou fix mois.
Ce reméde peut fe répéter jufqu'à trois
fois , pourvu que l'on laiffe huit jours
d'intervalle entre chaque prife. Voilà ,
Monfieur , le reméde dont j'ai cru devoir
vous inftruire ; il feroit inutile pour
une hydropifie de poitrine formée, mais
pour toute autre efpéce d'hydropific il
eft excellent , & je l'éprouve tous les
jours avec le plus grand fuccès.
J'ai l'honneur d'être , & c.
DULAS , Gentilhomme de Rennes en Bretagne..