LETTRE d'un Médecin à un Médecin ;
sur un nouveau Fébrifuge , écrite de
Paris le 20. Juin 1734.
Sla
I vous avez trouvé ingénieuse , Monsieur ,
la Dissertation de l'organe de l'ouie , faite
par un Allemand , je vous dirai qu'elle a aussi été
estimée par les plus grands Anatomistes de Paris ;
mais si cela vous a surpris , comme il me paroît
par votre Lettre , vous le serez bien plus en apprenant
la découverte d'une Plante qui fait au-
II. Vol.
jousJUIN.
1731 1403
joud'hui l'étonnement de tout Paris et des Physiciens
les plus experimentez.
Sur la fin de l'année 1733. j'entendis publier
les merveilles de la racine d'une Plante, qui, réduite
en poudre, sans aucune addition , étoit eszimée
le plus puissant Fébrifuge qui ait jamais
parû , la petite quantité qui en étoit nécessaire
pour la guérison de toute espece de fievres ( pourvu
qu'elles ne fussent compliquées d'aucune autre
maladie , par elle-même incurable ) me surprit si
fort , que malgré la déférence et le respect que
j'ai pour tout ce qui est autorisé par M. de Chicoineau
, Conseiller d'Etat et Premier Medecin
du Roy , qui en a donné un Certificat authentique
le 9. Novembre 1733. après en avoir fait
un grand nombre d'épreuves qui lui ont certifié
sa vertu , et en conséquence duquel S. M. a accordé
un Brevet le 17. Novembre 1733. qui en
permet la vente pour l'utilité publique , et en
a ordonné l'usage dans tous les Hôpitaux
de ses Armées ; je voulus par moi - même me certifier
de ces miraculeux effets , et à cet effet je la
donnai à un jeune homme âgé de 18. ans , attaqué
d'une fievre tierce très-cruelle , et pour la
guérison de laquelle je m'étois bien proposé une
forte doze de Kinkina ( sans l'abri du retour
) mais mon étonnement fut bien grand ,
voyant que la deuxième prise de cette Poudre
avoit totalement emporté la fievre ; après cet
effer , aussi prompt que surprenant , j'en usai
avec hardiesse dans toutes les fievres , soit continues
, quotidiennes , tierces , doubles - tierces
quartes , doubles -quartes , &c. qui se sont pré
sentées , et nulle n'a résisté à la troisième prise ;
j'en ai encore retiré de très prompts secours
( et de surprenantes guérisons ) dans toutes les
II. Vil. Gij dissen1404
MERCURE DE FRANCE
dissenterics , tenesmes , cours de ventre inveteré ,
diarhées , soit bilieuses , venteuses, porracées, &c.
cffets qui vous paroîtront impossibles , et je ne
doute nullement que vous ne vouliez pas vousmême
vous éclaircir de ce.qui paroît si obscur ;
c'est pourquoi j'ay crû ne devoir plus differer ,
étant pleinement assuré de ses generiques vertus ,
de vous en faire participant , étant persuadé
qu'elle vous sera très- utile dans votre Pays , où
les fievres sont aussi rebelles que communes , et
pour la guérison desquelles le Kinkina vous
donne journellement la Comédie par leur retour,
effet qu'il ne faut pas attendre de la Poudre Fébrifuge
de la Jutais , qui se vend chez le sieur le
Blanc , Marchand Chapelier , vis - à- vis le Grand-
Conseil , rue S. Honoré . Et pour comble d'avantage
, le prix de cette Poudre est de 10. sols la
Prise , taxée ainsi par S. M. afin que tout le
Monde profite de sa bonté.