DE GENES, le 29 Octobre 1763.
Il eſt arrivé ici de Bonifacio , le 25 de ce mois
un Bâtiment qui a apporté les nouvelles fuivantes .
Paoli entretenoit une intelligence fecrette avec le
nommé Maffaria , habitant d'Ajaccio , qui , de
concert avec fon fils , deux Eccléfiaftiques & deux
Sardes , avoit formé le complot d'introduire dans
186 MERCURE DE FRANCE.
la Ville le Chef des Rebelles. Maſſaria & ſes conpagnons
trouverent en effet moyen d'entrer le
dans le Château : ils tuérent d'abord deux fentinelles
; mais une troifiéme fentinelle ayant entendu
quelque bruit , tira un coup de fufil qui donna
l'allarme à la Garniſon. Le Commandant fit met
tre auffi-tôt les troupes fous les armes ; le fils de
Maffaria fut tué , & il fut lui - même dangereufement
bleffé , & arrêté avec fes camarades. On le
menaça de le faire mourir , s'il ne déclare it le motif
d'une entrepriſe fi hardie : ces menaces lui arrachèrent
l'aveu de tous les détails du complot.
Sur cette dépofition , le Commandant fit mettre en
ordre fon artillerie , & fur le champ envoya chercher
à Bonifacio des munitions de guerre & les
troupes dont il avoit befoin. Paoli , de fon côté ,
avoit fait marcher au- delà des Monts un corps
confidérable de Rebelles , foutenu de quelques
troupes réglées , & s'étoit approché d'Ajaccio , où
il fe flattoit d'être introduit par Maffaria . Mais le
renfort que le Commandant y avoit fait venir , &
auquel le joignirent un grand nombre d'habitans ,
& plufieurs Grecs qui font leur réfidence en cette
Ville , força les Rebelles de fe retirer , & d'abandonner
les deux Couvens de Franciſcains où ils s'étoient
fortifiés. Les Rebelles euffent peut-être réuffi
dans leur entrepriſe , fi le feu eût pris au canon
que Maffaria devoit tirer pour les avertir : c'étoit
le fignal dont il étoit convenu avec eux . Le Patron
d'un Pinque Génois , arrivé avant- hier de Calvi , a
aufli rapporté que le 16 le Commandant de cette
Place lui avoit ordonné de prendre ſur ſon bord fix
à fept Rebelles qui s'étoient rendus chez ce Commandant
, pour lui déclarer qu'ils avoient quitté le
fervice de Paoli , & vouloient entrer dans celui de
la République. Le Patron y confentit , mais lés
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voyant bien armés , il leur déclara qu'il ne les recevroit
point avec leurs armes. Les Corfes propoferent
de laiffer les armes à feu ; mais , le Patron
infiftant à ne les point recevoir qu'ils ne fuffent
entièrement défarmés , ils ne voulurent point y
confentir , & fe retirèrent. On conjecture que
leur deffein étoit de faire main-baffe fur tout l'équipage
de fe rendre maître du Bâtiment , & de
s'en fervir pour l'entrepriſe d'Ajaccio.