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1
p. 2810-2821
MEMOIRES pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres, dans la République des Lettres, avec un Catalogue raisonné de leurs Ouvrages. Tome XV. de 409 pages sans les Tables. A Paris, chez Briasson, Libraire, ruë S. Jacques, à la Science. 1731.
Début :
On trouve à la tête de ce tome la Fable alphabetique des Sçavans qui [...]
Mots clefs :
Hommes illustres, Savants, Vol, Lettres, Maladie, Disgrâces
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texteReconnaissance textuelle : MEMOIRES pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres, dans la République des Lettres, avec un Catalogue raisonné de leurs Ouvrages. Tome XV. de 409 pages sans les Tables. A Paris, chez Briasson, Libraire, ruë S. Jacques, à la Science. 1731.
MEMOIRES pour servir à l'Histoire
des Hommes Illustres , dans la République
des Lettres, avec un Catalogue raisonné de
leurs Ouvrages. Tome XV.de 409 pages
sans les Tables . A Paris , chez Briasson,
Libraire , rue S. Jacques , à la Science.
1731.
N trouve à la tête de ce tome la
Fable alphabetique des Sçavans qui
y sont contenus. Le P. Niceron n'en a
point mis qui expose leurs noms ,
selon
l'ordre qu'ils tiennent dans ce volume.
Il y a dans ce Tome , comme dans les
autres , un nombre de Sçavans , du pre
mier ordre , entre lesquels il est difficile
de choisir. Nous nous sommes déterminez
en faveur d'Olympia Fulvia Morata,
dont l'article nous a paru très -singulier ,
parce qu'elle a été une Dame sçavante , et
par les différentes révolutions qui ont accompagné
sa vie.Le voicy tel qu'il est rapporté
dans les Mémoires.
Olympia Fulvia Morata , nâquit à Ferrare
, l'an 1526, Fulvio Peregrino Morato
son pere ,
natif de Mantouë , avoit professé
les belles Lettres en plusieurs Villes
I. Vol.
(d'Italic
-
DECEMBRE . 1731. 2811
d'Italie , et son mérite et sa capacité Pavoient
fait choisir pour Précepteur des
Princes de Ferrare, Hyppoliteet François ,
fils d'Alphonse.
On trouve une de ses Lettres sur la pro
nonciation de la Langue Latine , à la tête
de celles de Fluvia Morata sa fille , à qui
elle est addressée.
Les grandes dispositions qu'il remarqua
dans sa fille pour les Sciences , l'engagerent
à les cultiver ; il l'instruisit avec beaucoup
de soin , et elle fit en peu de temps
de si grands progrès , qu'elle devint l'admiration
de tout le monde.
La Princesse de Ferrare , Anne , fille
d'Hercule II. étudioit alors les Lettres
sous la conduite de Jean Sinapius , et l'on
jugea à propos de mettre auprès d'elle Ful
via Morata , afin que l'émulation que sa
compagnie lui inspireroit , la fit avancer
davantage dans les sciences qu'on lui enseignoit.
Le séjour de la Cour fût avanta
geux à notre sçavante,pour la même raison
, et on l'y vit , avec étonnement , réciter
des Discours Latins , parler Grec
expliquer les Paradoxes de Ciceron , et répondre
à toutes les questions qu'on lui
faisoit.
Mais l'affection que lui témoigna la Duchesse
de Ferrare , Renée de France , mere
1.Vol.
de
2012 MERCURE DE FRANCE
de la Princesse Anne , lui fut funeste ; car
elle lui communiqua le goût qu'elle avoit
pour les nouvelles opinions , au sujet de
Ia Religion , qu'elle favorisoit secretement
, et que Fulvia Morata embrassa
dans la suite.
Après avoir demeuré quelques années.
auprès de la jeune Princesse qui l'aimoit
beaucoup , elle retourna dans la maison
paternelle , pour assister son pere dans la
maladie dont il mourut. Elle ne retourna
plus après à la Cour , parce que sa mere
étant fort valetudinaire , elle se trouvoit
obligée , en qualité d'aînée de la famille ,
d'avoir soin de l'éducation de ses trois
soeurs et de son frere .
Une autre raison s'y joignit encore , celle,
dit- elle dans une de ses Lettres à Cælius
Secundus Curion , avec qui elle étoit liée
depuis long- temps d'une étroite amitié ,
qui auroit dû nous proteger , prévenuë par
les discours calomnieux de quelques personnes
mal intentionnées , nous a abandonnées et
maltraitées. Il eſt à présumer qu'elle veut
entendre , par là , la Duchesse de Ferrare
qui changea alors de dispositions à son
égard.
Quoiqu'il en soit , un jeune Allemand ,
nommé André Grunthler , qui étudioit
alors en Medecine à Ferrare , où il se fit
I.Vol. rece
DECEMBRE 1731. 2813
recevoir Docteur en cette Faculté , ayant
eu occasion de la voir et de la connoître ,
fut si touché de son mérite, qu'il l'épousa.
Il paroît incontestablement par ses Lettres
, que ce Mariage se fit avant leur dé
part pour l'Allemagne , c'est - à - dire , à
Ferrare ; mais M. de Thou veut qu'il ne
se soit fait qu'en Allemagne ; et ce qu'il
dit là- dessus semble s'accorder avec ce
que Grunthler assure dans une Lettre à
Curion , sur la mort de Fulvia -Morata sa
femme, qu'ils n'avoient pas vécu ensemble
cinq années. Si cela est , ils ont dû se
marier en 1550. c'est - à - dire , deux ans
après leur arrivée en Allemagne ; mais
cela ne paroît gueres probable ; il est
plutôt à croire que Grunthler n'a voulu
parler que du temps qu'ils ont été effectivement
ensemble , ses fréquens voyages
l'ayant obligé d'être souvent séparé d'elle.
Peut- être aussi y a-t-il faute d'impression
dans sa Lettre.
Fulvia- Morata laissa à Ferrare , sa mere,
nommée Lucrece , qu'elle aima toûjours
tendrement , et qu'elle n'oublia pas dans
toutes ses disgraces . Car on voit par une
de ses Lettres , que quoiqu'elle eût perdu
elle-même tout son bien dans les Guerres
d'Allemagne , elle prenoit parc à l'état .
E d'indigence où elle avoit appris qu'elle
I. Vol. F étoit
1814 MERCURE DE FRANCE
"
étoit réduite , en lui envoyant une somme
d'argent pour l'aider à subsister. Elle laissa
aussi en Italie ses trois soeurs , dont l'une
fut mariée quelque-temps après à un jeune
homme fort riche , qui l'épousa pour
son mérite , et les deux autres entrerent
au service de quelques Dames de considération
.
Pour ce qui est de son frere Emile , qui
n'avoit alors que huit ans , elle l'emmena
en Allemagne , et l'instruisit elle- même
dans les Langues Grecque et Latine.
Fulvia-Morata et son mari arriverent
en Allemagne , le 12 Juin 1548. et firent
quelque séjour à Ausbourg, chez une personne
de considération , nommée George
Herman, que Grunthler guérit d'une maladie
fâcheuse . Ils se rendirent ensuite à
Schweinfurt , Ville Impériale de Franconie
, dont ce Medecin étoit natif.
Il n'y avoit pas long- temps qu'ils y
étoient , lorsque les Troupes des Evêques
de Bamberg et de Wirtzbourg , de l'Elecfeur
de Saxe , du Duc de Brunswic et de
la Ville de Nuremberg vinrent l'assiéger,
parce que le Marquis de Brandebourg
contre qui ils étoient en Guerre , s'y étoit
retiré avec son armée. Ce Siége dura quatorze
mois , pendant lesquels on eût à
souffrir la famine et la peste. Près de la
Vol. moitié
DECEMBRE . 1731 . 2815.
moitié des habitans moururent de cette
maladie , et Gunthler en fut attaqué si
dangereusement , qu'on désespera de sa.
vie , cependant il en revint .
La résolution que prit le Marquis de
Brandebourg de faire sortir ses Troupes
secrettement de la Ville pendant la nuit,
fit croire qu'elle alloit voir la fin de ses
disgraces ; mais on fut trompé dans cette
pensée. Car à peine en fut il dehors, que
l'armée des deux Evêques et de Nuremberg
la prit d'assaut , la saccagea et y mit
le feu.
Au premier tumulte , Morata et son
mari se retirerent dans une Eglise pour se
mettre à couvert de l'insolence et de la
fureur des Soldats ; mais ils sortirent de
cet azile sur l'avis que leur donna un
Soldat inconnu , qu'on alloit réduire la
Ville en cendre. Avis d'autant plus important
, que s'ils fussent demeurez dans
ce lieu , ils y eussent été étouffez par la
fumée , de même que les autres qui s'y
étoient réfugiez.
› Comme ils sortoient de la Ville , ils furent
dépouillez entierement par les Soldats
, qui ne laisserent à Morata que sa
chemise ; son mari fut même arrêté deux
fois , mais il s'échappa heureusement à
chacune
Fij Le 1. Vol.
2816 MERCURE DE FRANCE
Le mari et la femme s'étant réunis
furent d'abord incertains du parti qu'ils
prendroient ; mais enfin ils se déterminerent
à se retirer à Hamelbourg. Comme
cette Ville étoit éloignée de trois mille
d'Allemagne de Schweinfurt
, Morata
eut bien de la peine à s'y rendre , étant
nuds pieds , toute déeḥevelée et n'ayant
qu'un mechant habit tout déchiré , qu'on
lui avoit prêté dans sa route. Les habitans
firent d'abord difficulté de les y laisser
entrer , parce qu'il leur avoit été défendu
de recevoir ceux qui sortiroient de
Schweinfurt , et tout ce qui purent obfut
la permission d'y demeurer
و
quatre jours , après lesquels ils furent
obligez d'en sortir , quoique Morata fût
actuellement malade de la fièvre que lui
avoient causé les fatigues de son voyage.
Echappez de tous ces dangers , ils en
coururent un nouveau , en passant par
une Ville dépendante d'un Evêque , que
Morata qui nous instruit de ce détail , ne
nomme point , mais qui ne peut être
autre que celui de Wirtzbourg. Celui qui
y commandoit pour ce Prélat , fit arrêter
Grunthler , à qui il déclara qu'il avoit
ordre de lui , de fiire mourir tous les habitans
de Schvveinfutt qui tomberoient
entre ses mains ; mais cet ordre n'eût
1. Vol.
poing
DECEMBRE. 1731. 2817
point d'execution , parce qu'il vint dès
Lettres de l'Evêque , qui lui procurerent
la liberté.
Le Comte de Reineck et celui d'Erbach
, chez qui ils passerent ensuite , les
reçurent avec beaucoup d'humanité.
Comme ils professoient la nouvelle Religion
aussi bien qu'eux , ils n'oublierent
rien pour leur faite oublier les disgraces
passées , et leur fournirent abondamment
des habits et tout ce qui leur étoit né
cessaire .
Ils commençoient alors à respirer, lorsque
l'Electeur Palatin appella Grunthler à
Heidelberg , pour professer la Medecine.
Ils allerent donc demeurer dans cette Ville
, où le nouveau Professeur entra en
exercice la même année , c'es-à- dire en
1554.
Les maux que Morata avoit eu à souffrir
, avoient alteré son temperament , et
elle ne fut pas long- temps sans ressentir
des effets de cette altération . Sa santé fut
toujours depuis tres- chancellante , et après
avoir langui quelques mois , elle mourut
le 26 Octobre 1555. n'ayant pas encore
29 ans complets.
1
Son mari et son frere la suivirent de'
bien près , et ils furent ensevelis tous trois
en un même tombeau , dans l'Eglise de
saint Pierre.
1. Vol.
Fiij Voicy
2818 MERCURE DE FRANCE
Voici son Epitaphe :
DEO IMM . S.
Et virtuti ac memoria Olympia Fulvia
Morata , Fulvii Morati Mantuani , viri
Doctiss. filia , Andrea Grunthleri Medici
conjugis lectissima , foemina cujus ingenium
ac singularis utriusque lingua cognitio , in
moribus autem probitas , summumque pietatis
studium , suprà communem modum semper
existimata sunt. Quod de ejus vita hominum
judicium , beata mors sanctissimè ac pacatistimé
ab ea obita , divino quoque confir
mavit testimonio . Obiit mutato solo à salute
DEV. suprà mille. Sua atatis XXIX. hic cum
Marito et Emilio fratre sepulta Heidelberga.
Guillelmus Rascalonus M. D. B. B. MM . Pr.
le
L'Epitaphe de son mari , faite par
même Auteur , merite d'être rapportée ,
d'autant plus qu'elle contient quelques
particularitez de sa mort.
D. O. M. Trino et Uni S.
'Andrea Zunthlero Swinfordiano , magne
peritia viro Medico et Philosopho qui simul
atque schola , in qua vix dum ab exilio
, profiteri artem coeperat , pestis metu hic
I. Vol. dissi
ป
ย
"
DECEMBRE . 1731. 2819
dissiparetur , solvi à corpore exoptavit ,proque
voto solutus est , non tadio solo amissa
incomparabilis exempli socia ac conjugis
Minerva sua ( erat enim in omni fortuna
homo modestissimus ) sed ut ex densâ hâc
cælestium ignoratione in lucem traductus , ab
errationibus Deum non ampliùs off.nderet ,
hic in spem resurrectionis quiescenti sodalis
sodali, Medicus Medico , Guillelmus Rascalonus
posuit.
Olympia Fulvia Morata avoit composé
plusieurs Ouvrages , dont la plûpart pés
rirent dans l'Incendie de la Ville de
Schvveinfert. Le peu qui s'est conservé , a
été ramassé par Cælius Secundus Curion ,
qui les publia sous ce titre.
Olympia Fulvia Morate , Foemina doctissima
ac planè divina , Opera omnia que
hactenus inveniri potuerunt ; quibus Coelii
secundi Curionis Epistola ac Orationes accesserunt.
Basilea 1558. in 8. C'est la premiere
édition, qui a été suivie de plusieurs
autres , faites aussi à Bâle dans la même
forme , en 1562 , 1570 , 1580 , & c.
Les Ouvrages de Morata consistent dans
les pieces suivantes .
1. Trois Discours prononcez en presence
de la Princesse Anne de Ferrare
1. Vol.
Fiiij . d'unc
2820 MERCURE DE FRANCE
d'une assemblée choisie , à qui elle expliquoit
les Paradoxes de Ciceron ..
2. L'Eloge de Q. Mutius Scevola, en Grec.
et en Latin.
3.
4.
•
S.
Les deux premieres Nouvelles de Bocace
, traduites en Latin.
Deux Dialogues.
Deux Livres de Lettres. On y apprend
plusieurs particularitez de sa vie . C'est
une négligence impardonnable à Curion
de ne les avoir pas rangées selon
l'ordre des temps , et d'avoir obmis les
dattes à la plupart.
6. Deux Livres de Poësies Grecques.
Voyez ses Lettres . Melchior Adam vi
ta Philosophorum Germanorum .
Les Eloges de M. de Thou , et les additions
de Teissier.
Voicy les noms des Scavans , contenus
dans la Table Alphabetique , du même
quinziéme Tome.
Jean Boscager, Tycho-Brahé, Guillaume
Caoursin , Hyacinthe Cestoni , Pierre
Corneille , Louis de Courcillon de Dangeau
, Pierre Delfini , Louis de Dieu
Charles Drelincourt , Guillaume Dugdale
, Jacques Esprit , Alberic Gentilis ,
Scipion Gentilis, François Genet, Ulric de
1. Vol. Hutten,
DECEMBRE. 1731. 2821
Hutten , Pierre la Sena , François de Launay
, Thomas Lydiat , Henry de Monantheüil
, Olympia Fulvia Morata , Christophle
Persona , Gobelin Persona , Jacques
Picolomini , Jacques Pilarino , Jean Pitseus
, Antoine Sanderus , Nicolas Sanderus
, Michel Scot , George de Scudery ,
Madeleine de Scudery , Philippe Sidney
Sebastien le Nain de Tillemont, Evangeliste
Torriceli , Thomas Willis , Henry
V varton .
des Hommes Illustres , dans la République
des Lettres, avec un Catalogue raisonné de
leurs Ouvrages. Tome XV.de 409 pages
sans les Tables . A Paris , chez Briasson,
Libraire , rue S. Jacques , à la Science.
1731.
N trouve à la tête de ce tome la
Fable alphabetique des Sçavans qui
y sont contenus. Le P. Niceron n'en a
point mis qui expose leurs noms ,
selon
l'ordre qu'ils tiennent dans ce volume.
Il y a dans ce Tome , comme dans les
autres , un nombre de Sçavans , du pre
mier ordre , entre lesquels il est difficile
de choisir. Nous nous sommes déterminez
en faveur d'Olympia Fulvia Morata,
dont l'article nous a paru très -singulier ,
parce qu'elle a été une Dame sçavante , et
par les différentes révolutions qui ont accompagné
sa vie.Le voicy tel qu'il est rapporté
dans les Mémoires.
Olympia Fulvia Morata , nâquit à Ferrare
, l'an 1526, Fulvio Peregrino Morato
son pere ,
natif de Mantouë , avoit professé
les belles Lettres en plusieurs Villes
I. Vol.
(d'Italic
-
DECEMBRE . 1731. 2811
d'Italie , et son mérite et sa capacité Pavoient
fait choisir pour Précepteur des
Princes de Ferrare, Hyppoliteet François ,
fils d'Alphonse.
On trouve une de ses Lettres sur la pro
nonciation de la Langue Latine , à la tête
de celles de Fluvia Morata sa fille , à qui
elle est addressée.
Les grandes dispositions qu'il remarqua
dans sa fille pour les Sciences , l'engagerent
à les cultiver ; il l'instruisit avec beaucoup
de soin , et elle fit en peu de temps
de si grands progrès , qu'elle devint l'admiration
de tout le monde.
La Princesse de Ferrare , Anne , fille
d'Hercule II. étudioit alors les Lettres
sous la conduite de Jean Sinapius , et l'on
jugea à propos de mettre auprès d'elle Ful
via Morata , afin que l'émulation que sa
compagnie lui inspireroit , la fit avancer
davantage dans les sciences qu'on lui enseignoit.
Le séjour de la Cour fût avanta
geux à notre sçavante,pour la même raison
, et on l'y vit , avec étonnement , réciter
des Discours Latins , parler Grec
expliquer les Paradoxes de Ciceron , et répondre
à toutes les questions qu'on lui
faisoit.
Mais l'affection que lui témoigna la Duchesse
de Ferrare , Renée de France , mere
1.Vol.
de
2012 MERCURE DE FRANCE
de la Princesse Anne , lui fut funeste ; car
elle lui communiqua le goût qu'elle avoit
pour les nouvelles opinions , au sujet de
Ia Religion , qu'elle favorisoit secretement
, et que Fulvia Morata embrassa
dans la suite.
Après avoir demeuré quelques années.
auprès de la jeune Princesse qui l'aimoit
beaucoup , elle retourna dans la maison
paternelle , pour assister son pere dans la
maladie dont il mourut. Elle ne retourna
plus après à la Cour , parce que sa mere
étant fort valetudinaire , elle se trouvoit
obligée , en qualité d'aînée de la famille ,
d'avoir soin de l'éducation de ses trois
soeurs et de son frere .
Une autre raison s'y joignit encore , celle,
dit- elle dans une de ses Lettres à Cælius
Secundus Curion , avec qui elle étoit liée
depuis long- temps d'une étroite amitié ,
qui auroit dû nous proteger , prévenuë par
les discours calomnieux de quelques personnes
mal intentionnées , nous a abandonnées et
maltraitées. Il eſt à présumer qu'elle veut
entendre , par là , la Duchesse de Ferrare
qui changea alors de dispositions à son
égard.
Quoiqu'il en soit , un jeune Allemand ,
nommé André Grunthler , qui étudioit
alors en Medecine à Ferrare , où il se fit
I.Vol. rece
DECEMBRE 1731. 2813
recevoir Docteur en cette Faculté , ayant
eu occasion de la voir et de la connoître ,
fut si touché de son mérite, qu'il l'épousa.
Il paroît incontestablement par ses Lettres
, que ce Mariage se fit avant leur dé
part pour l'Allemagne , c'est - à - dire , à
Ferrare ; mais M. de Thou veut qu'il ne
se soit fait qu'en Allemagne ; et ce qu'il
dit là- dessus semble s'accorder avec ce
que Grunthler assure dans une Lettre à
Curion , sur la mort de Fulvia -Morata sa
femme, qu'ils n'avoient pas vécu ensemble
cinq années. Si cela est , ils ont dû se
marier en 1550. c'est - à - dire , deux ans
après leur arrivée en Allemagne ; mais
cela ne paroît gueres probable ; il est
plutôt à croire que Grunthler n'a voulu
parler que du temps qu'ils ont été effectivement
ensemble , ses fréquens voyages
l'ayant obligé d'être souvent séparé d'elle.
Peut- être aussi y a-t-il faute d'impression
dans sa Lettre.
Fulvia- Morata laissa à Ferrare , sa mere,
nommée Lucrece , qu'elle aima toûjours
tendrement , et qu'elle n'oublia pas dans
toutes ses disgraces . Car on voit par une
de ses Lettres , que quoiqu'elle eût perdu
elle-même tout son bien dans les Guerres
d'Allemagne , elle prenoit parc à l'état .
E d'indigence où elle avoit appris qu'elle
I. Vol. F étoit
1814 MERCURE DE FRANCE
"
étoit réduite , en lui envoyant une somme
d'argent pour l'aider à subsister. Elle laissa
aussi en Italie ses trois soeurs , dont l'une
fut mariée quelque-temps après à un jeune
homme fort riche , qui l'épousa pour
son mérite , et les deux autres entrerent
au service de quelques Dames de considération
.
Pour ce qui est de son frere Emile , qui
n'avoit alors que huit ans , elle l'emmena
en Allemagne , et l'instruisit elle- même
dans les Langues Grecque et Latine.
Fulvia-Morata et son mari arriverent
en Allemagne , le 12 Juin 1548. et firent
quelque séjour à Ausbourg, chez une personne
de considération , nommée George
Herman, que Grunthler guérit d'une maladie
fâcheuse . Ils se rendirent ensuite à
Schweinfurt , Ville Impériale de Franconie
, dont ce Medecin étoit natif.
Il n'y avoit pas long- temps qu'ils y
étoient , lorsque les Troupes des Evêques
de Bamberg et de Wirtzbourg , de l'Elecfeur
de Saxe , du Duc de Brunswic et de
la Ville de Nuremberg vinrent l'assiéger,
parce que le Marquis de Brandebourg
contre qui ils étoient en Guerre , s'y étoit
retiré avec son armée. Ce Siége dura quatorze
mois , pendant lesquels on eût à
souffrir la famine et la peste. Près de la
Vol. moitié
DECEMBRE . 1731 . 2815.
moitié des habitans moururent de cette
maladie , et Gunthler en fut attaqué si
dangereusement , qu'on désespera de sa.
vie , cependant il en revint .
La résolution que prit le Marquis de
Brandebourg de faire sortir ses Troupes
secrettement de la Ville pendant la nuit,
fit croire qu'elle alloit voir la fin de ses
disgraces ; mais on fut trompé dans cette
pensée. Car à peine en fut il dehors, que
l'armée des deux Evêques et de Nuremberg
la prit d'assaut , la saccagea et y mit
le feu.
Au premier tumulte , Morata et son
mari se retirerent dans une Eglise pour se
mettre à couvert de l'insolence et de la
fureur des Soldats ; mais ils sortirent de
cet azile sur l'avis que leur donna un
Soldat inconnu , qu'on alloit réduire la
Ville en cendre. Avis d'autant plus important
, que s'ils fussent demeurez dans
ce lieu , ils y eussent été étouffez par la
fumée , de même que les autres qui s'y
étoient réfugiez.
› Comme ils sortoient de la Ville , ils furent
dépouillez entierement par les Soldats
, qui ne laisserent à Morata que sa
chemise ; son mari fut même arrêté deux
fois , mais il s'échappa heureusement à
chacune
Fij Le 1. Vol.
2816 MERCURE DE FRANCE
Le mari et la femme s'étant réunis
furent d'abord incertains du parti qu'ils
prendroient ; mais enfin ils se déterminerent
à se retirer à Hamelbourg. Comme
cette Ville étoit éloignée de trois mille
d'Allemagne de Schweinfurt
, Morata
eut bien de la peine à s'y rendre , étant
nuds pieds , toute déeḥevelée et n'ayant
qu'un mechant habit tout déchiré , qu'on
lui avoit prêté dans sa route. Les habitans
firent d'abord difficulté de les y laisser
entrer , parce qu'il leur avoit été défendu
de recevoir ceux qui sortiroient de
Schweinfurt , et tout ce qui purent obfut
la permission d'y demeurer
و
quatre jours , après lesquels ils furent
obligez d'en sortir , quoique Morata fût
actuellement malade de la fièvre que lui
avoient causé les fatigues de son voyage.
Echappez de tous ces dangers , ils en
coururent un nouveau , en passant par
une Ville dépendante d'un Evêque , que
Morata qui nous instruit de ce détail , ne
nomme point , mais qui ne peut être
autre que celui de Wirtzbourg. Celui qui
y commandoit pour ce Prélat , fit arrêter
Grunthler , à qui il déclara qu'il avoit
ordre de lui , de fiire mourir tous les habitans
de Schvveinfutt qui tomberoient
entre ses mains ; mais cet ordre n'eût
1. Vol.
poing
DECEMBRE. 1731. 2817
point d'execution , parce qu'il vint dès
Lettres de l'Evêque , qui lui procurerent
la liberté.
Le Comte de Reineck et celui d'Erbach
, chez qui ils passerent ensuite , les
reçurent avec beaucoup d'humanité.
Comme ils professoient la nouvelle Religion
aussi bien qu'eux , ils n'oublierent
rien pour leur faite oublier les disgraces
passées , et leur fournirent abondamment
des habits et tout ce qui leur étoit né
cessaire .
Ils commençoient alors à respirer, lorsque
l'Electeur Palatin appella Grunthler à
Heidelberg , pour professer la Medecine.
Ils allerent donc demeurer dans cette Ville
, où le nouveau Professeur entra en
exercice la même année , c'es-à- dire en
1554.
Les maux que Morata avoit eu à souffrir
, avoient alteré son temperament , et
elle ne fut pas long- temps sans ressentir
des effets de cette altération . Sa santé fut
toujours depuis tres- chancellante , et après
avoir langui quelques mois , elle mourut
le 26 Octobre 1555. n'ayant pas encore
29 ans complets.
1
Son mari et son frere la suivirent de'
bien près , et ils furent ensevelis tous trois
en un même tombeau , dans l'Eglise de
saint Pierre.
1. Vol.
Fiij Voicy
2818 MERCURE DE FRANCE
Voici son Epitaphe :
DEO IMM . S.
Et virtuti ac memoria Olympia Fulvia
Morata , Fulvii Morati Mantuani , viri
Doctiss. filia , Andrea Grunthleri Medici
conjugis lectissima , foemina cujus ingenium
ac singularis utriusque lingua cognitio , in
moribus autem probitas , summumque pietatis
studium , suprà communem modum semper
existimata sunt. Quod de ejus vita hominum
judicium , beata mors sanctissimè ac pacatistimé
ab ea obita , divino quoque confir
mavit testimonio . Obiit mutato solo à salute
DEV. suprà mille. Sua atatis XXIX. hic cum
Marito et Emilio fratre sepulta Heidelberga.
Guillelmus Rascalonus M. D. B. B. MM . Pr.
le
L'Epitaphe de son mari , faite par
même Auteur , merite d'être rapportée ,
d'autant plus qu'elle contient quelques
particularitez de sa mort.
D. O. M. Trino et Uni S.
'Andrea Zunthlero Swinfordiano , magne
peritia viro Medico et Philosopho qui simul
atque schola , in qua vix dum ab exilio
, profiteri artem coeperat , pestis metu hic
I. Vol. dissi
ป
ย
"
DECEMBRE . 1731. 2819
dissiparetur , solvi à corpore exoptavit ,proque
voto solutus est , non tadio solo amissa
incomparabilis exempli socia ac conjugis
Minerva sua ( erat enim in omni fortuna
homo modestissimus ) sed ut ex densâ hâc
cælestium ignoratione in lucem traductus , ab
errationibus Deum non ampliùs off.nderet ,
hic in spem resurrectionis quiescenti sodalis
sodali, Medicus Medico , Guillelmus Rascalonus
posuit.
Olympia Fulvia Morata avoit composé
plusieurs Ouvrages , dont la plûpart pés
rirent dans l'Incendie de la Ville de
Schvveinfert. Le peu qui s'est conservé , a
été ramassé par Cælius Secundus Curion ,
qui les publia sous ce titre.
Olympia Fulvia Morate , Foemina doctissima
ac planè divina , Opera omnia que
hactenus inveniri potuerunt ; quibus Coelii
secundi Curionis Epistola ac Orationes accesserunt.
Basilea 1558. in 8. C'est la premiere
édition, qui a été suivie de plusieurs
autres , faites aussi à Bâle dans la même
forme , en 1562 , 1570 , 1580 , & c.
Les Ouvrages de Morata consistent dans
les pieces suivantes .
1. Trois Discours prononcez en presence
de la Princesse Anne de Ferrare
1. Vol.
Fiiij . d'unc
2820 MERCURE DE FRANCE
d'une assemblée choisie , à qui elle expliquoit
les Paradoxes de Ciceron ..
2. L'Eloge de Q. Mutius Scevola, en Grec.
et en Latin.
3.
4.
•
S.
Les deux premieres Nouvelles de Bocace
, traduites en Latin.
Deux Dialogues.
Deux Livres de Lettres. On y apprend
plusieurs particularitez de sa vie . C'est
une négligence impardonnable à Curion
de ne les avoir pas rangées selon
l'ordre des temps , et d'avoir obmis les
dattes à la plupart.
6. Deux Livres de Poësies Grecques.
Voyez ses Lettres . Melchior Adam vi
ta Philosophorum Germanorum .
Les Eloges de M. de Thou , et les additions
de Teissier.
Voicy les noms des Scavans , contenus
dans la Table Alphabetique , du même
quinziéme Tome.
Jean Boscager, Tycho-Brahé, Guillaume
Caoursin , Hyacinthe Cestoni , Pierre
Corneille , Louis de Courcillon de Dangeau
, Pierre Delfini , Louis de Dieu
Charles Drelincourt , Guillaume Dugdale
, Jacques Esprit , Alberic Gentilis ,
Scipion Gentilis, François Genet, Ulric de
1. Vol. Hutten,
DECEMBRE. 1731. 2821
Hutten , Pierre la Sena , François de Launay
, Thomas Lydiat , Henry de Monantheüil
, Olympia Fulvia Morata , Christophle
Persona , Gobelin Persona , Jacques
Picolomini , Jacques Pilarino , Jean Pitseus
, Antoine Sanderus , Nicolas Sanderus
, Michel Scot , George de Scudery ,
Madeleine de Scudery , Philippe Sidney
Sebastien le Nain de Tillemont, Evangeliste
Torriceli , Thomas Willis , Henry
V varton .
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Résumé : MEMOIRES pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres, dans la République des Lettres, avec un Catalogue raisonné de leurs Ouvrages. Tome XV. de 409 pages sans les Tables. A Paris, chez Briasson, Libraire, ruë S. Jacques, à la Science. 1731.
Le texte est un extrait des 'Mémoires pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres, dans la République des Lettres', publié en 1731 à Paris. Il présente une fable alphabétique des savants contenus dans le tome XV, qui compte 409 pages. Parmi les savants mentionnés, Olympia Fulvia Morata est particulièrement mise en avant. Olympia Fulvia Morata naquit à Ferrare en 1526. Son père, Fulvio Peregrino Morato, était un érudit qui avait été précepteur des princes de Ferrare. Reconnaissant les dispositions exceptionnelles de sa fille pour les sciences, il l'instruisit avec soin. Elle devint rapidement admirée pour ses compétences en latin, grec et philosophie. Elle fut ensuite placée auprès de la princesse Anne de Ferrare pour stimuler son éducation. Cependant, l'affection de la duchesse de Ferrare, Renée de France, pour Morata lui fut funeste, car elle lui transmit son goût pour les nouvelles opinions religieuses. Après avoir quitté la cour pour s'occuper de sa famille, Morata épousa André Grunthler, un médecin allemand. Ils se réfugièrent en Allemagne en 1548 et vécurent des périodes de grande détresse, notamment lors du siège de Schweinfurt. Malgré les épreuves, Morata continua à écrire et à instruire son frère. Elle mourut en 1555 à l'âge de 29 ans. Ses œuvres, en grande partie perdues lors de l'incendie de Schweinfurt, furent rassemblées et publiées par Cælius Secundus Curion. Elles incluent des discours, des traductions, des dialogues, des lettres et des poèmes. Le texte mentionne également trois autres figures historiques : Torricelli, Thomas Willis et Henry Varton. Torricelli est connu pour ses contributions scientifiques, notamment dans le domaine de la physique et de la mécanique des fluides. Thomas Willis est célèbre pour ses travaux en médecine, en particulier dans le domaine de la neurologie et de l'anatomie du cerveau. Henry Varton est mentionné sans détails supplémentaires sur ses contributions spécifiques.
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