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1
p. 2170-2179
Sethos, Histoire ou Vie, &c. [titre d'après la table]
Début :
SETHOS, Histoire ou Vie tirée des Monumens anecdotes de l'ancienne Egypte [...]
Mots clefs :
Ancienne Égypte, Prince, Reine, Académies, Éducation, Peinture, Carthage, Observatoire des prêtres thébains, Phéniciens, Esclaves
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texteReconnaissance textuelle : Sethos, Histoire ou Vie, &c. [titre d'après la table]
SETHOS , Histoire ou Vie tirée des Monumens
anecdotes de l'ancienne Egypte
traduite d'un Manuscrit Grec . A Paris ,
chez les Freres Guerin , Quay des Augustins
, et rue S. Jacques , 1731. trois Volumes
in 12. de plus de 400 , pages chacun
sans la Préface , l'Epitre et les Additions,
Cartes d'Egypte , d'Affrique , &c.
Le nom de M. l'Abbé Terrasson
qui n'est pas à la tête du livre , se trouve
dans le Privilege . Nous ne prétendons
pas donner au Public dans le mois de
Septembre , la premiere nouvelle d'un
Ouvrage , qui a été fort répandu dès les
premiers jours de Juillet : mais les trois
volumes in 12.dont il est composé , ne nous
ont pas permis plutôt d'en faire quelque
rapport au Public . C'est un ouvrage de
fiction à peu près dans le goût de Telema
que,ou des Voyages de Cyrus. Mais au lieu
que ces deux-cy se bornent en quelque
sorte à l'idée d'une éducation ; ce sujet
particulier ne remplit que le premier volume
de Sethos . Ce jeune Prince est fils
d'Osoroth , Roi de Memphis , Prince âgé
et indolent. Sethos dès le premier livre
perd
SEPTEMBRE . 1731. 2171
L
perd Nephté sa mere , Reine admirable
par sa vertu et par sa sagesse . Le Grand
Prêtre en la presentant au Senat , qui ju
geoit les morts en Egypte , fait d'elle un
Eloge Funebre , dont tous les lecteurs
ont été également frappez. Nephté en
mourant , avoit laissé pour Gouverneur
à son fils unique , âgé de huit ans , un excellent
homme , nommé Amedés , qui
conduit toute l'éducation de Sethos . Outre
le soin qu'il en prend par lui - même ,
il le fait profiter de l'éducation publique
des Egyptiens. A cette occasion , l'Auteur
fait dans le second livre une description
historique des Académies de Memphis. Il
donne là un leger crayon de toutes les
sciences qui ont rendu cette Nation si
fameuse , et il joint à ce narré d'excellens
avis pour tous ceux qui sont chargez de
l'instruction de la jeunesse , ou qui veulent
s'instruire eux - mêmes. Il insinuë , suivant
le principe déja exposé dans la Préface
, que les Sciences sont une des plus
grandes sources des vertus humaines et
civiles , non -seulement par l'occupation
qui est un obstacle au déreglement des
moeurs , mais encore par les préceptes et
par les exemples que la lecture nous
fournit. La Reine Daluca , qui épouse
Osoroth après la mort de Nephté , et qui
Fij vouloit
2172 MERCURE DE FRANCE
› vouloit perdre Sethos pour faire place
à l'aîné des deux Enfans qu'elle eût de
lui , songea d'abord à corrompre la Cour,
dans le dessein de faire passer son projet.
Elle ne trouva point de plus sûr moyen
pour introduire cette corruption , que de
décréditer ces Académies , et de jetter
les jeunes Seigneurs dans l'oisiveté et dans
le goût des amusemens frivoles. Elle Y
réussit dont les femmes de sa cour par
l'Auteur fait une peinture qui s'est attiré
une appro bation generale.
с
genereux ,
,
et mê-
Après huit ans de cette éducation pu
blique et particuliere , Amedés concevant
que son disciple avoit besoin d'un
mérite plus qu'ordinaire pour surmonter
les entreprises de ses ennemis domestiques
, conçoit le dessein
me perilleux , de lui procurer l'initiation.
C'étoit alors l'école des vertus les plus
héroïques, Les épreuves du corps qu'il
falloit subir , demandoient un courage
extrême , et les épreuves de l'ame exigeoient
une docilité qui faisoient de l'aspirant
un homme nouveau L'autheur fait
de ces pratiques un tableau qu'on n'a
vû encore nulle part , et où la fiction ne
sert que d'ornement à un fond vrai
mais qui n'a été sçû jusqu'à present que
de ceux qui ont une grande connoissance
9
de
SEPTEMBRE. 1737. 2173
de l'Antiquité.Ces exercices exposez dans
le troisième livre finissent à l'égard de
Sethos , par trois questions qu'on lui
propose sur l'héroïsme : les réponses qu'il
y donne font , pour ainsi dire , la base de
tout le reste de sa vie. Il satisfait à ces
questions dans le quatriéme livre à l'occasion
de l'histoire de deux freres , fils du
Prince de Carthage , qui avoit promis sa
succession à celui des deux qui feroit
dans le cours de trois années l'action la
plus héroïque . Sethos ayant décidé que
la premiere vertu du Heros , est un amour
zelé du genre humain , se consacre luimême
au service des hommes en general:
et en conséquence de cette résolution , it
employe le long exil où le jette la persécution
de Daluca , à faire chez des peuples
inconnus les voyages utiles pour eux,
qui font le sujet du second volume.
Le cinquiéme livre le premier des
trois qui composent ce volume , contient
le détail d'une guerre que le Roi de Thebes
fait au Roy de Memphis. L'artificieuse
Daluca veut se servir de cette
guerre pour faire perir Sethos . Elle arrache
, pour ainsi dire , le consentement
du Roy pour la nomination d'un General
indigne , nommé Thoris , auquel elle
communique ses intentions. Le Roy se
Fiij. COR
2174 MERCURE DE FRANCE
}
contente de soustraire son fils à l'obéïssance
d'un tel chef , et de ne lui donner
aucun autre Commandant qu'Amedés.
Le jeune Prince part pour Captos que le
Roy de Thebes menaçoit d'un Siége.
Mais avant qu'il fût formé , Sethos profite
du Privilege commun à tous les initiez
, pour visiter secretement sous la
conduite des Prêtres , les curiositez principales
du Royaume de Thebes. On trou
ve ici en abregé les singularitez dù Nil .
Sethos termine cette petite course par la
visite de l'Observatoire des Prêtres Thebains.
Il prend là des connoissances utiles
et nécessaires à une grande navigation ,
où il conduira bien- tôt les Phéniciens , et
qu'il montrera le premier aux hommes.
Revenu à Captos , les essais de son intelligence
et de son courage en fait de guerre
, sont des actions merveilleuses ; et
quoi qu'il ne combattit encore que comme
volontaire , il s'attire l'admiration
des assiegez et même des assiegeans . Enfin
pourtant le traître Thoris pressé d'ailleurs
les lettres de la Reine , et sçapar
chant qu'Amedés ne permettoit point au
jeune Prince de sortir de la place , imagine
un moyen de faire entrer à la faveur
d'une attaque de nuit , les ennemis dans
la Ville , qu'il défendoit lui- même au - de-
,
hors
SEPTEMBRE. 1731. 2179
porte
:
,
›
hors. Les ennemis néanmoins n'entrerent
pas mais Sethos et Amedés lui-même
combattant avec les Assiegez dans une
alors ouverte se trouverent sortis
eux-mêmes dans le fort de l'action , et
séparez l'un de l'autre. Sethos fut griévement
blessé , fut pris par des Soldats
Ethiopiens , et porté dans une Ville voisine
, où les Pheniciens avoient un établissement
considérable. Les Ethiopiens
qui ne le connoissoient pas ; vendirent ce
Prince aux Pheniciens qui ne le reconnurent
pas non plus . Ce jeune Prince
commençoit à se rétablir , lorsque la publication
d'une Lettre du Roy son Pere ,
par laquelle il offroit la moitié de son
Royaume au Roy de Thebes pour racheter
son fils , si on le trouvoit , arriva jusques
dans la chambre où il étoit couché.
Sethos qu'on croyoit déja par tout avoir
été tué se confirma à la vûë de cette rancon
énorme , dans la reserve qu'il avoit
gardée jusqu'alors sur sa condition : et il
pria lui-même les Pheniciens de le conduire
jusqu'à la flote qu'ils avoient sur la
mer rouge , et qui alloit mettre à la voile
pour un voyage de long cours.
Dans le sixième livre , Sethos déguisé
sous le nom de Cherés , se distingue d'apar
ses connoissances auprès d'Ors-
Fiiij tarte
bord
2176 MERCURE DE FRANCE
tarte , Commandant de cette Flotte, où il
venoit d'entrer Esclave .. Il se signala encore
davantage dans un combat naval , que
les Pheniciens donnerent contre la Flotte
des Rois de la Taprobane. Ces Rois s'opposoient
aux Pheniciens qui venoient deffendre
leur Colonie établie dans cette Isledepuis
quelque - temps ; et on les soupçonnoit
de l'avoir exterminée . Astrate
après une victoire sur Mer , qui étoit dûë
en sa plus grande partie aux conseils et
au courage de Cherés , débarqua la nuit
pour achever la déstruction des insulaires
: mais se trouvant au point du jour à
la vûë de leur camp , les Rois lui députent
un Heraut pour lui demander une
conférence dans la plaine. Que là on lui
exposeroit le sujet de la Guerre qu'ils faisoient
à Pheletés, chef de la Colonie Phenicienne
; s'ils acceptoient pour Arbitredu
differend qu'ils avoient avec la Phenicie
, l'Egyptien même qu'Aytarte avoit
amené , et dont quelques Prisonniers
qu'ils avoient faits dans le combat de la
veille , leur avoient parlé avec de grands
éloges. Astrate ayant accordé au Heraut
cette demande ; on apprit dans la conférence
, que Pheletés avoit fait égorger en
une nuit le Gouverneur et la Garnison de
Galiba , ville maritime de la Taprobane
Qu
SEPTEMBRE . 1731 2177
où l'on avoit reçû les Pheniciens : ce qui
obligeoit les Rois d'assieger cette Ville
pour la reprendre. Cherés interrogé sur
cette question , prend hautement le parti
des insulaires
Pheniciens mêmes , le combat et la victoire
de la Ville . Pheletés qui assistoit à
cette conférence , commençoit à se deffendre
d'une maniere injurieuse pour
Cherés , lorsqu'Astrate montra une lettre
patente du Roy de Phenicie. Il étoit dit:
dans cette lettre , que le Roy ne sçachant
que confusément la cause de cette guerre ,.
envoyoit Astrate pour défendre la Colo--
nie si les Rois de l'Isle lui vouloient ôter
l'établissement qu'on lui avoit accordé :
autrefois. Il lui donnoit en même temps
la place de Pheletés , qui n'étoit agréable :
ny aux Pheniciens ny aux Insulaires , et
joignoit à l'égard de ce dernier , un ordre
de lui faire son Procez , s'il avoit fait aux
Rois ses amis et ses alliez , quelque offen--
se capitale. Pheletés entendant ces paroles
, sort brusquement de la tente , et se
jette dans la Mer : après quoi la Ville de
Galiba fut rendue à ses légitimes posses--
seurs et la Paix. rétablie entre les deux
Peuples.
et désavoie au nom des
Mais avant que la conférence se romapît
, Cherés proposa aux deux Nations
Fy Pen
2178 MERCURE DE FRANCE
l'entreprise de faire le tour de l'Affrique
par son extrêmité méridionale. Ilinsinua
qu'il avoit sur ce sujet des connoissances
particulieres dont il ne pouvoit pas dire
la source. C'étoient les Notions Geographiques
que les Prêtres de Thebes lui
avoient données. Il demanda à chacun
des deux Peuples six grands Vaisseaux , et
quelques autres plus petits , qui leur por
teroient de ses nouvelles pendant sa course
, et qui rapporteroient les provisions
dont il auroit besoin. Le credit que
Cherés s'étoit acquis , et l'esperance d'un
commerce avantageux fit consentir l'Assemblée
à ce dessein. Cherés commence
icy à devenir Chef et Commandant et
l'on verra dans toute la suite , que la réputation
de sa vertu , de son intelligence
et de son courage le rendra le Maître dans
tous les lieux où il arrivera.
›
:
Le sixième livre contient encore la route
qu'il fait le premier par la pleine Mer à
Menuthias , aujourd'huy Madagascar . I}
soûmet sans effusion de sang les Sauvages
de cette Isle , qui n'avoient aucune
forme de gouvernement , par une conquête
qui les rend plus heureux qu'ils ne
Fétoient avant son arrivée : et il leur
donne pour maîtres sous des conditions:
équitables , les Rois de la Taprobane,
Cheréa
SEPTEMBRE 1731. 2179
Cherés est plus severe à l'égard des Antropophages
, qui possedoient sur les cô
tes orientales de l'Affrique , les mines de
Sophir , ou Ophir , sans connoître leurs
richesses. Mais leur coûtumé étoit de
manger les hommes que les tempêtes ou
les naufrages jettoient sur leurs côtes. Ils
parurent d'abord se soûmetrre à un vain
queur bien-faisant. Mais s'étant revoltez
ensuite , et ayant fait massacrer avant un
combat qu'ils livrerent à Cherés , tous les
prisonniers qu'ils destinoient à leurs nourritures
; le vainqueur fit mettre en croix
le long du rivage tous les chefs , et condamna
tous les habitans à ouvrir les mines,
dont il donna la possession aux Pheni--
ciens..Il n'oublia pas néanmoins de faire
à l'égard de ces Esclaves , des loix qui
changerent leur punition en un travail
reglé et suportable:
Ce fût là enfin que Cherés se disposa
à découvrir le passage de la mer orientale
à la mer occidentale de l'Affriques pas
sage que l'on avoit souhaitté jusqu'alors.
sans aucun espoir. L'Auteur entre par- là
dans le septiéme livre que nous renvoyons;
avec les trois suivans au mois prochain
anecdotes de l'ancienne Egypte
traduite d'un Manuscrit Grec . A Paris ,
chez les Freres Guerin , Quay des Augustins
, et rue S. Jacques , 1731. trois Volumes
in 12. de plus de 400 , pages chacun
sans la Préface , l'Epitre et les Additions,
Cartes d'Egypte , d'Affrique , &c.
Le nom de M. l'Abbé Terrasson
qui n'est pas à la tête du livre , se trouve
dans le Privilege . Nous ne prétendons
pas donner au Public dans le mois de
Septembre , la premiere nouvelle d'un
Ouvrage , qui a été fort répandu dès les
premiers jours de Juillet : mais les trois
volumes in 12.dont il est composé , ne nous
ont pas permis plutôt d'en faire quelque
rapport au Public . C'est un ouvrage de
fiction à peu près dans le goût de Telema
que,ou des Voyages de Cyrus. Mais au lieu
que ces deux-cy se bornent en quelque
sorte à l'idée d'une éducation ; ce sujet
particulier ne remplit que le premier volume
de Sethos . Ce jeune Prince est fils
d'Osoroth , Roi de Memphis , Prince âgé
et indolent. Sethos dès le premier livre
perd
SEPTEMBRE . 1731. 2171
L
perd Nephté sa mere , Reine admirable
par sa vertu et par sa sagesse . Le Grand
Prêtre en la presentant au Senat , qui ju
geoit les morts en Egypte , fait d'elle un
Eloge Funebre , dont tous les lecteurs
ont été également frappez. Nephté en
mourant , avoit laissé pour Gouverneur
à son fils unique , âgé de huit ans , un excellent
homme , nommé Amedés , qui
conduit toute l'éducation de Sethos . Outre
le soin qu'il en prend par lui - même ,
il le fait profiter de l'éducation publique
des Egyptiens. A cette occasion , l'Auteur
fait dans le second livre une description
historique des Académies de Memphis. Il
donne là un leger crayon de toutes les
sciences qui ont rendu cette Nation si
fameuse , et il joint à ce narré d'excellens
avis pour tous ceux qui sont chargez de
l'instruction de la jeunesse , ou qui veulent
s'instruire eux - mêmes. Il insinuë , suivant
le principe déja exposé dans la Préface
, que les Sciences sont une des plus
grandes sources des vertus humaines et
civiles , non -seulement par l'occupation
qui est un obstacle au déreglement des
moeurs , mais encore par les préceptes et
par les exemples que la lecture nous
fournit. La Reine Daluca , qui épouse
Osoroth après la mort de Nephté , et qui
Fij vouloit
2172 MERCURE DE FRANCE
› vouloit perdre Sethos pour faire place
à l'aîné des deux Enfans qu'elle eût de
lui , songea d'abord à corrompre la Cour,
dans le dessein de faire passer son projet.
Elle ne trouva point de plus sûr moyen
pour introduire cette corruption , que de
décréditer ces Académies , et de jetter
les jeunes Seigneurs dans l'oisiveté et dans
le goût des amusemens frivoles. Elle Y
réussit dont les femmes de sa cour par
l'Auteur fait une peinture qui s'est attiré
une appro bation generale.
с
genereux ,
,
et mê-
Après huit ans de cette éducation pu
blique et particuliere , Amedés concevant
que son disciple avoit besoin d'un
mérite plus qu'ordinaire pour surmonter
les entreprises de ses ennemis domestiques
, conçoit le dessein
me perilleux , de lui procurer l'initiation.
C'étoit alors l'école des vertus les plus
héroïques, Les épreuves du corps qu'il
falloit subir , demandoient un courage
extrême , et les épreuves de l'ame exigeoient
une docilité qui faisoient de l'aspirant
un homme nouveau L'autheur fait
de ces pratiques un tableau qu'on n'a
vû encore nulle part , et où la fiction ne
sert que d'ornement à un fond vrai
mais qui n'a été sçû jusqu'à present que
de ceux qui ont une grande connoissance
9
de
SEPTEMBRE. 1737. 2173
de l'Antiquité.Ces exercices exposez dans
le troisième livre finissent à l'égard de
Sethos , par trois questions qu'on lui
propose sur l'héroïsme : les réponses qu'il
y donne font , pour ainsi dire , la base de
tout le reste de sa vie. Il satisfait à ces
questions dans le quatriéme livre à l'occasion
de l'histoire de deux freres , fils du
Prince de Carthage , qui avoit promis sa
succession à celui des deux qui feroit
dans le cours de trois années l'action la
plus héroïque . Sethos ayant décidé que
la premiere vertu du Heros , est un amour
zelé du genre humain , se consacre luimême
au service des hommes en general:
et en conséquence de cette résolution , it
employe le long exil où le jette la persécution
de Daluca , à faire chez des peuples
inconnus les voyages utiles pour eux,
qui font le sujet du second volume.
Le cinquiéme livre le premier des
trois qui composent ce volume , contient
le détail d'une guerre que le Roi de Thebes
fait au Roy de Memphis. L'artificieuse
Daluca veut se servir de cette
guerre pour faire perir Sethos . Elle arrache
, pour ainsi dire , le consentement
du Roy pour la nomination d'un General
indigne , nommé Thoris , auquel elle
communique ses intentions. Le Roy se
Fiij. COR
2174 MERCURE DE FRANCE
}
contente de soustraire son fils à l'obéïssance
d'un tel chef , et de ne lui donner
aucun autre Commandant qu'Amedés.
Le jeune Prince part pour Captos que le
Roy de Thebes menaçoit d'un Siége.
Mais avant qu'il fût formé , Sethos profite
du Privilege commun à tous les initiez
, pour visiter secretement sous la
conduite des Prêtres , les curiositez principales
du Royaume de Thebes. On trou
ve ici en abregé les singularitez dù Nil .
Sethos termine cette petite course par la
visite de l'Observatoire des Prêtres Thebains.
Il prend là des connoissances utiles
et nécessaires à une grande navigation ,
où il conduira bien- tôt les Phéniciens , et
qu'il montrera le premier aux hommes.
Revenu à Captos , les essais de son intelligence
et de son courage en fait de guerre
, sont des actions merveilleuses ; et
quoi qu'il ne combattit encore que comme
volontaire , il s'attire l'admiration
des assiegez et même des assiegeans . Enfin
pourtant le traître Thoris pressé d'ailleurs
les lettres de la Reine , et sçapar
chant qu'Amedés ne permettoit point au
jeune Prince de sortir de la place , imagine
un moyen de faire entrer à la faveur
d'une attaque de nuit , les ennemis dans
la Ville , qu'il défendoit lui- même au - de-
,
hors
SEPTEMBRE. 1731. 2179
porte
:
,
›
hors. Les ennemis néanmoins n'entrerent
pas mais Sethos et Amedés lui-même
combattant avec les Assiegez dans une
alors ouverte se trouverent sortis
eux-mêmes dans le fort de l'action , et
séparez l'un de l'autre. Sethos fut griévement
blessé , fut pris par des Soldats
Ethiopiens , et porté dans une Ville voisine
, où les Pheniciens avoient un établissement
considérable. Les Ethiopiens
qui ne le connoissoient pas ; vendirent ce
Prince aux Pheniciens qui ne le reconnurent
pas non plus . Ce jeune Prince
commençoit à se rétablir , lorsque la publication
d'une Lettre du Roy son Pere ,
par laquelle il offroit la moitié de son
Royaume au Roy de Thebes pour racheter
son fils , si on le trouvoit , arriva jusques
dans la chambre où il étoit couché.
Sethos qu'on croyoit déja par tout avoir
été tué se confirma à la vûë de cette rancon
énorme , dans la reserve qu'il avoit
gardée jusqu'alors sur sa condition : et il
pria lui-même les Pheniciens de le conduire
jusqu'à la flote qu'ils avoient sur la
mer rouge , et qui alloit mettre à la voile
pour un voyage de long cours.
Dans le sixième livre , Sethos déguisé
sous le nom de Cherés , se distingue d'apar
ses connoissances auprès d'Ors-
Fiiij tarte
bord
2176 MERCURE DE FRANCE
tarte , Commandant de cette Flotte, où il
venoit d'entrer Esclave .. Il se signala encore
davantage dans un combat naval , que
les Pheniciens donnerent contre la Flotte
des Rois de la Taprobane. Ces Rois s'opposoient
aux Pheniciens qui venoient deffendre
leur Colonie établie dans cette Isledepuis
quelque - temps ; et on les soupçonnoit
de l'avoir exterminée . Astrate
après une victoire sur Mer , qui étoit dûë
en sa plus grande partie aux conseils et
au courage de Cherés , débarqua la nuit
pour achever la déstruction des insulaires
: mais se trouvant au point du jour à
la vûë de leur camp , les Rois lui députent
un Heraut pour lui demander une
conférence dans la plaine. Que là on lui
exposeroit le sujet de la Guerre qu'ils faisoient
à Pheletés, chef de la Colonie Phenicienne
; s'ils acceptoient pour Arbitredu
differend qu'ils avoient avec la Phenicie
, l'Egyptien même qu'Aytarte avoit
amené , et dont quelques Prisonniers
qu'ils avoient faits dans le combat de la
veille , leur avoient parlé avec de grands
éloges. Astrate ayant accordé au Heraut
cette demande ; on apprit dans la conférence
, que Pheletés avoit fait égorger en
une nuit le Gouverneur et la Garnison de
Galiba , ville maritime de la Taprobane
Qu
SEPTEMBRE . 1731 2177
où l'on avoit reçû les Pheniciens : ce qui
obligeoit les Rois d'assieger cette Ville
pour la reprendre. Cherés interrogé sur
cette question , prend hautement le parti
des insulaires
Pheniciens mêmes , le combat et la victoire
de la Ville . Pheletés qui assistoit à
cette conférence , commençoit à se deffendre
d'une maniere injurieuse pour
Cherés , lorsqu'Astrate montra une lettre
patente du Roy de Phenicie. Il étoit dit:
dans cette lettre , que le Roy ne sçachant
que confusément la cause de cette guerre ,.
envoyoit Astrate pour défendre la Colo--
nie si les Rois de l'Isle lui vouloient ôter
l'établissement qu'on lui avoit accordé :
autrefois. Il lui donnoit en même temps
la place de Pheletés , qui n'étoit agréable :
ny aux Pheniciens ny aux Insulaires , et
joignoit à l'égard de ce dernier , un ordre
de lui faire son Procez , s'il avoit fait aux
Rois ses amis et ses alliez , quelque offen--
se capitale. Pheletés entendant ces paroles
, sort brusquement de la tente , et se
jette dans la Mer : après quoi la Ville de
Galiba fut rendue à ses légitimes posses--
seurs et la Paix. rétablie entre les deux
Peuples.
et désavoie au nom des
Mais avant que la conférence se romapît
, Cherés proposa aux deux Nations
Fy Pen
2178 MERCURE DE FRANCE
l'entreprise de faire le tour de l'Affrique
par son extrêmité méridionale. Ilinsinua
qu'il avoit sur ce sujet des connoissances
particulieres dont il ne pouvoit pas dire
la source. C'étoient les Notions Geographiques
que les Prêtres de Thebes lui
avoient données. Il demanda à chacun
des deux Peuples six grands Vaisseaux , et
quelques autres plus petits , qui leur por
teroient de ses nouvelles pendant sa course
, et qui rapporteroient les provisions
dont il auroit besoin. Le credit que
Cherés s'étoit acquis , et l'esperance d'un
commerce avantageux fit consentir l'Assemblée
à ce dessein. Cherés commence
icy à devenir Chef et Commandant et
l'on verra dans toute la suite , que la réputation
de sa vertu , de son intelligence
et de son courage le rendra le Maître dans
tous les lieux où il arrivera.
›
:
Le sixième livre contient encore la route
qu'il fait le premier par la pleine Mer à
Menuthias , aujourd'huy Madagascar . I}
soûmet sans effusion de sang les Sauvages
de cette Isle , qui n'avoient aucune
forme de gouvernement , par une conquête
qui les rend plus heureux qu'ils ne
Fétoient avant son arrivée : et il leur
donne pour maîtres sous des conditions:
équitables , les Rois de la Taprobane,
Cheréa
SEPTEMBRE 1731. 2179
Cherés est plus severe à l'égard des Antropophages
, qui possedoient sur les cô
tes orientales de l'Affrique , les mines de
Sophir , ou Ophir , sans connoître leurs
richesses. Mais leur coûtumé étoit de
manger les hommes que les tempêtes ou
les naufrages jettoient sur leurs côtes. Ils
parurent d'abord se soûmetrre à un vain
queur bien-faisant. Mais s'étant revoltez
ensuite , et ayant fait massacrer avant un
combat qu'ils livrerent à Cherés , tous les
prisonniers qu'ils destinoient à leurs nourritures
; le vainqueur fit mettre en croix
le long du rivage tous les chefs , et condamna
tous les habitans à ouvrir les mines,
dont il donna la possession aux Pheni--
ciens..Il n'oublia pas néanmoins de faire
à l'égard de ces Esclaves , des loix qui
changerent leur punition en un travail
reglé et suportable:
Ce fût là enfin que Cherés se disposa
à découvrir le passage de la mer orientale
à la mer occidentale de l'Affriques pas
sage que l'on avoit souhaitté jusqu'alors.
sans aucun espoir. L'Auteur entre par- là
dans le septiéme livre que nous renvoyons;
avec les trois suivans au mois prochain
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Résumé : Sethos, Histoire ou Vie, &c. [titre d'après la table]
L'ouvrage 'Sethos, Histoire ou Vie tirée des Monumens anecdotiques de l'ancienne Egypte' a été traduit d'un manuscrit grec et publié à Paris en 1731 par les Frères Guerin. Il se compose de trois volumes in-12, chacun contenant plus de 400 pages, sans compter la préface, l'épître et les additions. Le nom de l'abbé Terrasson apparaît dans le privilège, mais pas à la tête du livre. L'histoire relate la vie de Sethos, fils d'Osoroth, roi de Memphis, et de la reine Nephté. Après la mort de Nephté, Sethos est élevé par Amedés, un gouverneur sage et vertueux. Le second volume décrit les académies de Memphis et les sciences qui ont rendu l'Égypte célèbre, soulignant l'importance des sciences pour les vertus humaines et civiles. La reine Daluca, nouvelle épouse d'Osoroth, cherche à éliminer Sethos pour favoriser ses propres enfants. Elle tente de discréditer les académies et de corrompre la cour. Amedés, pour protéger Sethos, décide de lui faire subir l'initiation, un processus exigeant des épreuves physiques et morales. Après son initiation, Sethos se consacre au service de l'humanité et entreprend des voyages utiles. Le cinquième volume relate une guerre entre le roi de Thèbes et le roi de Memphis, où Daluca tente de faire périr Sethos en nommant un général indigne. Sethos, malgré les trahisons, se distingue par son courage et son intelligence. Capturé et vendu comme esclave, Sethos se retrouve sur un navire phénicien sous le nom de Cherés. Il se distingue lors d'un combat naval et aide à résoudre un conflit entre les Phéniciens et les rois de la Taprobane. Il propose ensuite une expédition pour faire le tour de l'Afrique par son extrémité méridionale, utilisant les connaissances géographiques acquises auprès des prêtres de Thèbes. Le sixième volume décrit les aventures de Cherés en Afrique, où il soumet les habitants de Madagascar et des côtes orientales de l'Afrique, mettant fin à leurs pratiques anthropophages et établissant des lois équitables. Il découvre finalement le passage entre la mer orientale et la mer occidentale de l'Afrique.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 149-168
Suite de la Lettre de M. L. R. Desh. P. R. Sur la Chronologie de M. Newton.
Début :
M. Newton (1) confond aussi Sésac avec Osiris, mais il est aisé de montrer en [...]
Mots clefs :
Chronologie, Newton, Égypte, Hercule, Phéniciens, Égyptiens, Grèce, Peuples, Sésostris, Jupiter
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texteReconnaissance textuelle : Suite de la Lettre de M. L. R. Desh. P. R. Sur la Chronologie de M. Newton.
CHRONOLOGIE.
Suite de la Lettre de M. L. R. Desh . P. R.
fur la Chronologie de M. Newton.
M. Newton (1) confond auffi Séſac avec
Ofiris , mais il eft aifé de montrer en
deux mots qu'il fe trompe. Selon lui , Séfac
monta fur le trône d'Egypte pendant le
regne de Salomon : or il eft certain , &
tous les habiles gens en conviennent , que
le boeuf, fymbole d'Ofiris , étoit adoré dès
les tems de Moïfe. Le Géographe Eftienne
dit
que la ville de Thebes , cette fameuſe
Diofpolis appellée No-Hammon dans l'Ecriture
Sainte , avoir été bâtie par Ofiris
& Ifis. Krigua Crígid& vyù l'ord . Diodore
dit la même choſe. Or fi les peuples
de la Thébaïde font les plus anciens habitans
de l'Egypte , comme ( 2 ) les Hiftoriens
en conviennent , fi Thebes fut d'a-
( 1 ) Newton , p. 83. (2) Diodore , L. 1 .
G iij
150 MERCURE DE FRANCE.
bord le fiege des Rois d'Egypte , où en
fera M. Newton avec fon Séfac ?
Les Hiftoriens ( 1 ) nous diſent encore
qu'Ofiris enfeigna l'Agriculture aux Egyptiens
, que fon époufe leur donna l'ufage
du froment & de l'orge qui croiffoient auparavant
comme des plantes inconnues &
négligées . En un mot , ils conviennent
qu'Oficis fut le Légiflateur des Egyptiens.
Ya- t'il làquelque chofe qui puiffe regarder
Séfac ? Eft- ce que l'Egypte n'étoit pas dès
les temps de Jofeph , le grenier de tous les
peuples circonvoifins ? Cet Empire n'étoitil
pas gouverné par d'excellentes loix ? L'Ecriture
elle- même loue le
gouvernement
& la fageffe des Egyptiens dans ces temps
reculés , &c . Ces objections & plufieurs
autres que je pourrois accumuler ici , fe
préfentent naturellement à l'efprit ; pourquoi
M. Newton n'en a-t'il point fait ufage,
les croyoit- il peu dignes de fon attention
?
<< (2 ) Sous le regne d'Ammon , pere
» d'Ofiris ou Séfac, & ayeul d'Orus & de
» Bubafte , les Thébains
commencerent à
s'appliquer à la navigation & à l'Aftro-
» nomie , & par le lever & le coucher Hé-
"
(1 ) Diodore , L. 1. Plutarque dans fon Traité
d'Oliris & d'Ifis. ( 2) Newton , p. 83 .
DECEMBRE . 1755. 151
ל כ
» liaque des Etoiles , ils déterminerent la
longueur de l'année folaire ; ils ajouterent
» à la vieille année du Calendrier , cinq
» jours qu'ils confacrerent à fes cinq enfans
, & c. » .
و د
Cette détermination de l'année folaire ,
doit être attribuée à Ofiris , Prince éclairé
& très-inftruit. J'en ai de bonnes preuves ,
& fi mes réflexions donnent lieu à une réponſe
, j'aurai occafion de développer ce
poin: d'hiftoire que je ne mets point ici
pour ne pas trop m'étendre.
66
(1 ) Car il n'eft pas vraisemblable que
l'équation du mouvement du foleil ait
» été connue des l'enfance de l'Aftrono-
» mie ». Mais l'Aftronomie avoit pris fon
origine dans les plaines de Sennaar , avant
la difperfion des peuples , & il eft conftant
que cette équation a été connue & fixée
par le fondateur de la Monarchie Egyptienne.
Elle a été connue auffi des Chinois
fous leur Empereur Yao dont le regne paſſe
l'an 2000 avant Jefus-Chrift .
of
(2 ) Jules Céfar la corrigea , en y ajou
» tant un jour tous les quatre ans , & en
» fit l'année Romaine »
Cette correction étoit faite dès le tems
d'Oficis , & c'eft ce qu'il eft très- aifé de
(1 ) Newton , p. 84. (2 ) Ibid.
Giv
152 MERCURE DE FRANCE.
prouver par la compofition de la grande
période de 36525 ans qui fut dès- lors en
ufage.
( 1 ) Quand Amenophis eut fixé à l'équinoxe
du printems le commencement
» de la nouvelle année Egyptienne de 365
» jours , il mérita le monument dont on a
» parlé ci- deffus » . ( 2 ) Ce monument étoit
un cercle d'or de 365 coudées de circonférence
, divifé en 395 parties égales , pour
repréſenter tous les jours de l'année ; on
avoit auffi décrit fur chaque partie , le
lever & le coucher héliaque des étoiles .
Si l'on prouve que cet Amenophis n'eſt
pas différent du Prince Manoph ou Menès
fondateur de la Monarchie Egyptienne ,
& que Menès & Ofiris font deux noms
différens du même Prince , il fe trouvera
que M. Newton parle ici contre fon propre
fentiment. (3 ) Le Chevalier Marsham
fait voir qu'il y a eu plufieurs Amenophis ;
il dit de plus & avec raifon , que ce nom
d'Amenophis , comme celui de Memnon
ne different point du nom de Menès. Phamenophis
itaque , five Amenophis , Thebanis
is eft , qui Gracis Memnon , nomen ex Menis
, primi Regis , nómine componi videtur.
Memnoph Gracis , Euphonia gratiâ. Men-
(1 ) Newton , p. 69. ( 2 ) Diodore , L. I 、
(3 ) Marsham , P. 401 .
DECEMBRE. 1755. 153
non five Memnon. Je crois donc que cet
Amenophis dont la ftatue étoit à Thebes
dans les Syringes , & auquel on dédia le
riche monument dont on vient de parler
n'eft point différent de Menès auquel étoit
due la fixation de l'année Egyptienne . Il
eft aifé même de le faire voir
par les propres
paroles de M. Newton qui dit
104 , qu'Amenophis bâtit la ville qu'il
appella de fon nom , Amenoph ou Memphis.
Or ( 1 ) Memphis fut bâtie par Menès
fondateur de la Monarchie Egyptienne .
Amenophis & Menès font donc un feul &
même Prince.
page
« (2) Plufieurs nations célebrerent fous
» des noms différens , les louanges de Sé-
» foftris , à caufe de fes grandes conquêtes.
Les Chaldéens l'appelloient Belus , qui
» en leur langue veut dire Seigneur : les
» Arabes le nommoient Bacchus qui en
leur langue fignifie grand : les Phrygiens
& les Thraces lui donnoient le
» nom de Mafors , Mavors , Mars , qui
» veut dire vaillant , & c » .
23
Le culte de Belus exiftoit chez les Chaldéens
plufieurs fiecles avant Séfac & Séfoftris.
Je n'ignore pas auffi qu'il y a eu
plufieurs Belus , mais ils font tous anté-
( 1 ) Hérodote , L. z. ( 2) Newton , p. 101 ,
GY
154 MERCURE DE FRANCE.
rieurs aux deux Princes Egyptiens. Sans
fçavoit fi le nom de Bacchus fignifie grand
dans la langue des Arabes , je ne doute pas
que Bacchus ne foit le même qu'Oficis ,
mais non point que Bel & Séfac. Quant
au Mavors , Ares , Marts , je crois qu'il
eft le Nemrod de l'Ecriture Sainte , connu
des Grecs fous le nom de Ninus , & adoré
des Chaldéens fous le titre générique de
Baal. Ces quatre noms Ares ou Arets ,
Marts , Ninus & Nemrod , paroiffent fort
différens , il font formés cependant de la
même racine. Arats , fignifie violentiâ ufus
fuit , fortem aut violentum fe exhibuit. D'Arats
vint Arets , Tyran , Conquérant , &
avec le même du participe Marets ou Mavorts.
On remarquera que chez les Latins,
Mars fait au génitif Martis , ce qui prouve
qu'on a du prononcer dans l'origine
Marts au lieu de Mars , qui eft plus doux à
la prononciation , & que pour cette raifon
on a préferé. Dans mes réflexions fur
page 73 de M. Newton , j'ai déja remar
la
qué que le changement des lettres S , TS ,
T, étoit fort communs. Ainfi on prononçoit
indifféremment Agns , Mavorts , &
Mars ou Marts.
Dans Nemrod , nom que je crois un peu
corrompu , il doit y avoir l'n . Cette infertion
de l'n eft commune ; on en a vu un
DECEMBRE. 1755 155
exemple dans Noph , Moph , & Manoph
qui expriment la ville de Memphis . Avec
cette n inférée , on aura donc Ninmrod ,
ce qui doit être interprêté Nin , le Conquérant
ou le Tyran. On peut confulter la Dif
fertation d'un fçavant ( 1 ) Académicien ,
dans laquelle on établit un parallele auffi
ingénieux que folide entre les deux Conquérans
Ninus & Nemrod. Quelqu'un a
déja remarqué que le nom de Baal ou Bel ,
a formé le bellum des Latins , parce que
Mars eft le premier qui fe foit fervi des armes
, & qu'il eft réputé le dieu des guer
riers.
a ( 2) Les Egyptiens l'appelloient Héro
ou Hercule.
Je ne connois point ce nom de Héro ; je
ne crois point non plus que quelque Ancien
ait dit que les Egyptiens donnerent à
Ofiris le nom d'Hercule . Je pense que cet
Hercule n'eft point différent de Canaan
frere de Mifor ou Mefraim , frere par con
féquent d'Ofitis. On peut voir à cette occafion
une Differtation imprimée dans la
Bibliotheque choifie de M. le Clerc , dans
laquelle on établit ce fentiment.
( 3 ) En le déïfiant , ils lui donnerent les
(1) M. Gibert de l'Académie des Infcriptions
& Belles- Lettres . ( 2 ) Newton , p. 102. ( 3) Ibid,
P. 102.00 10:
G vj
156 MERCURE DE FRANCE.
»noms de ce fleuve ( du Nil ) , Sihor ,
» Nilus & Ægyptus " .
Sicher fignifie noir , & ce nom n'eſt
qu'une traduction ou épithete de celui de
Ham. Les Egyptiens avoient donné ce nom
de Ham , à leur royaume , à leur fleuve &
à Thebes leur ville capitale . Le nom d'Ægyptus
eft bien plus récent , il exprime en
grec un espece de Vautour extrêmement
noir il n'eft donc que la traduction du
nom de Ham .
"3
a ( 1 ) Les Grecs ayant entendu les
» Egyptiens s'exprimer ainfi dans leurs
» cantiques lugubres : O Sihor , Bou Sihor,
prirent delà occafion de l'appeller Ofiris
» & Bufiris ».
Le nom d'Ofiris ne dérive pas de Sihor ;
une lettre afpirée telle que le Cheth ne
s'éclipfe pas ainfi ; Ofiris & Siris viennent
d'une autre fource . Quant aux noms de
Bufiris , Tapofiris , on peut confulter faint
Clément d'Alexandrie.
(2) Ofiris fut donc tué la cinquieme
» année d'Afa par fon frere Japet , que les
» Egyptiens appelloient Typhon , Python
» & Neptune ce fut alors que les Lybiens
fous la conduite de Japet & de fon
fils Atlas , envahirent l'Egypte , & exci-
(1) Newton , p. 102. ( 2 ) Ibid. p . 103 .
1
DECEMBRE . 1755. 157
» terent la fameufe guerre des Dieux &
» des Géants ".
Comme M. Newton lui- même fait Japet
frere d'Ofiris , on peut juger delà ſi j'ai
eu tort de dire qu'Hammon étoit Ham ,
qu'Oficis étoit le fondateur de la Monarchie
Egyptienne ou Mefraïm . Mais Japet
qu'on ne peut méconnoître ici pour le
Patriarche Japhet étoit oncle d'Ofiris &
non point fon frere : les Grecs ont jetté
M. Newton dans cette méprife parce qu'ils
font Japet frere de Chronos ; mais il y a
eu deux Chronos comme on peut le voir
par le fragment de Sanchoniathon ancien
auteur Phénicien . Le premier Chronos eft
Noë , le fecond eſt Ham ; le Poëte Nonnus
dit auffi que le nom d'Hammon chez les
Arabes étoit Chronos. Il eft donc vrai que
Japet étoit frere du fecond Chronos &
fils du premier , par conféquent oncle
d'Ofiris.
Je penfe auffi comme M. Newton que
ce même Japet eft Neptune , mais non
point Python ou Typhon. Eft- il donc fi
difficile de reconnoître ce Python dans
Phuth , frere de Mefraïm . Ham avoit eu
l'Afrique en partage , il la diftribua à ſes
enfans. Chus eut l'Ethiopie , & depuis on
a toujours appellé les Ethiopiens des Chufites
; Mefr , Mifor , ou comme l'appelle
158 MERCURE DE FRANCE.
l'Écriture Sainte , Mefraïm , eur l'Egypte
qui porte encore aujourd'hui fon nom ;
Canaan eut le païs de ce nom , & enfin
Phuth cut les païs qui font à l'occident
de l'Egypte.
(1) Sur ces entrefaites , Amenophis
» quitta la Baffe-Egypte , & vint à Mem-
" phis fuivi par les reftes de l'armée Ethio-
»pienne de fon pere ; étant arrivé dans
» ce païs , il fit paffer le Nil dans un autre
» canal , fous un Pont neuf qu'il bâtit en-
» tre deux montagnes ; en même- tems if
»bâtit & fortifia cette ville contre Ofarfiphus
, & l'appella de fon nom Amenoph
» ou Memphis ».
Cet Amenophis comme nous l'avons
déja infinué eſt le même que Menès fondateur
de la Monarchie Egyptienne . Le nom
bien orthographié eft Manof on Menouf
comme les Arabes prononcent. Les Grecs
ont étrangement corrompu ce nom . Ils
l'ont écrit tantôt Menevis , Mnevis , Memphis
, tantôt Menophis Minevis , Meneus ,
Menes , Menon , & c . car on le trouve écrit
de toutes ces manieres. Ce nom fignifie
ville , habitation . Ainfi on appelloit MenoufMefr
ou la ville de Mefraim , celle
que les Grecs appellerent toujours Memphis
, mais que les Orientaux nomment
(1) Newton , p. 103.
DECEMBRE . 1755. 159
encore aujourd'hui Manof , Monf & Mefr.
Hérodote & Jofephe attribuent fa fondation
à Menès . En un mot , Menès n'a été
appellé ainfi que du nom de la ville qu'il
avoit fait bâtir ; car fon véritable nom
étoit Mefr , ou Mifor, comme il eft appellé
dans le fragment de Sanchoniathon .
M. Newton place cette expédition d'Amenophis
fept ans après celle des Argonautes
, c'eſt - à - dire , l'an 930. Eft- il vraifemblable
que la ville de Memphis ait été
bâtie fi tard ?
« (1 ) Il eft für que cet Hercule de Tyr
»ne fçauroit être plus ancien que la guerre
» de Troye , parce que les Tyriens ne
» commencerent à voyager fur la Médi
terranée , qu'après cette guerre..... ( 2)
Jofephe fait mention d'un autre Hercule
» plus ancien , en l'honneur duquel Hiram
fit bâtir un Temple à Tyr : peut- être y
» avoit-il auffi avant lui un Hercule de
» Tyr qui avoit établi le commerce des
Tyriens fur la Mer Rouge , du tems de
David & de Salomon »..
Sans doute il y avoit un ancien Hercule,
& bien antérieur à Salomon & à David.
Il y en avoit un comtemporain d'Oficis.
Il étoit fils du Nil , felon Ciceron , c'eſt-
( 1 ) Newton , p. 118. (2 ) Ibid. p. 119.
160 MERCURE DE FRANCE.
à - dire , fils de Ham , frere par conféquent
d'Ofiris ou Mefr .
Je dis qu'Hercule étant qualifié fils du
Ni , on doit entendre par là qu'il étoit fils
de Cham ; on en peut voir la raifon dans
la réflexion que j'ai faite précédemment
fur la page 102 de M. Newton . Le nom
d'Hercule ne fe trouve point parmi les enfans
de Ham , auffi n'étoit-ce là qu'une
épithete qui , felon la remarque ingénieufe
de M. le Clerc , paroît ne fignifier rien
autre chofe que Marchand , Négociant
Harokel . Mais écoutons l'Auteur de l'Etymologicon
Megad : Tìv H'ganaŭv qasì , x 1à
των λουπλέων διαλεκτον , ΧΩΝΑ λέγεθαι .
Hercule eft appellé Cona dans le Dialecle
1 Egyptien. Méconnoîtra t'on ici Canaan ou
Cna frere d'Ofiris ? Eufebe à la fuite du
fragment de Sanchoniathon , qualifie Ofiris
, frere de XNA , le premier , dit- il ,
qui ait été appellé Phénicien par les étrangers.
Hercule eft donc Canaan fils de Ham:
auffi les Grecs font -ils Hercule fils de Jupiter
, & en Egypte on ne connoiffoit
point d'autre Jupiter qu'Hammon ou Ham.
Quant à l'épithète d'Harokel , Marchand ,
elle n'a rien de ridicule. Canaan fe diftingua
par fon grand commerce , au point
que dans l'Ecriture même Cnani fignifie
un Marchand. Dans Etienne de Byzance
DECEMBRE. 1755. 161
XNA exprime la Phénicie , & xv un
Phénicien , ainfi on ne doit point ranget
cette étymologie au nombre des conjectures.
Hercule a été encore appellé Mélicerte
, mais ce nom ne fignifie que Roi de
la ville .
»(1 ) Après que les Phéniciens & les Grecs
» eurent reçu des Egyptiens l'art de naviger
, & la maniere de faire de longs
» vaiffeaux à voiles & à un rang de rames ,
» les Sidoniens porterent leur commerce
» dans la Gréce , & le continuerent pen-
» dant 50 ans.
Ce que dit ici M. Newton manque
d'exactitude. Les Phéniciens font les plus
anciens commerçans , & les premiers navigateurs
non -feulement ils ont les premiers
trouvé l'art de la navigation (2 ) , mais
encore ils ont appris aux autres peuples à
donner des batailles fur mer , à ufer du
droit de la royauté , & à foumettre les
peuples voifins. Le nom feul d'Hercule
qui a fait tant de bruit parmi les Grecs ,
prouve bien que les Phéniciens ont fçu
profiter d'abord de la fituation avantageufe
de leur païs pour le commerce maritime.
Marsham , page 109 , cite un paſſage
de Jofephe , qui fait voir que les Egyptiens
(1 ) Newton, p. 121. ( 2 ) Sanchoniathon . Stra
bon , L. 16. Pline , L. s . c. 12, Jofeph . Antiq.
162 MERCURE DE FRANCE.
n'ont été connus des Grecs que par le canal
des Phéniciens .
( 1 ) Du tems d'Erechthée , Roi d'A-
» thenes , & de Celeus , Roi d'Eleufis ,
» Cerès vint dans l'Attique , éleva Tripto-
» leme , fils de Celeus , & lui apprit à femer
» des grains ; elle coucha avec Jafon , &c.
Comment M. Newton n'a-t'il point vu
que cette Cerès étoit Egyptienne , & femme
d'Oɓiris , conféquemment qu'il ne s'agit
ici que de l'introduction de fon culte
dans la Grece ? (2) Erechthée étoit Egyp
tien; pendant une famine qui défoloit la
Grece , il y tranfporta des blés : il fut établi
Roi par les Athéniens en reconnoiffance
de ce bienfait. Erechthtée leur enfeigna les
facrifices de Cerès , & établit à Eleufis les
myfteres de cette Décffe , & des Prêtres
pour en obferver les pratiques fur le mo
dele de ceux d'Egypte.
Cette époque de l'introduction des myf
teres de Ĉerès dans la Grece eft fixée par
les Interprêtes des marbres d'Arondel à
Fan 1426 avant J.C. environ 280 ans avant
la guerre de Troye. M. Newton la fixe à
Pan rozo , la différence eft de 396 : est- ce
là ce qu'il appelle ne pas porrer l'exactitude
jufqu'à une année près ?
(1) Newton, p. 141. ( 2 ) Diodore.
DECEMBRE. 1755. 163
ود
» (1) Au retour de Séfoftris en Egypte ,
» fon frere Danaus attenta non-feulement
» à fa vie , comme on a déja dit , mais
» commanda encore à fes cinquante filles
qui épouferent les fils de Séfoftris , de
» tuer leurs maris , après quoi il fe fauva
d'Egypte fur un long vaiffeau , & c .
"
و ر
Dans la chronique abrégée à l'époque
956 , M. Newton dit » Séfac eft tué par
» fon frere Japet .
Si l'on fuppofe , avec M. Newton , que
Séfoftris foit le même que Séfac & qu'O
firis , il faudra dire auffi que ce Prince a
été tué par un de fes freres. Après avoir
prouvé plus haut la fauffeté de cette prétendue
identité , fi le fait fe trouvoit être
le même , ce ne pourroit être qu'un effet
du pur hazard ; mais comme il eft entiérement
faux , & que Diodore nous dit ,
» que Séfoftris ayant perdu la vue après un
>>regne de 33 ans , fe donna volontairement
» la mort » (2 ) , il eft vifible que M. Newton
ne marque cet affaffinat que pour foutenir
le parallele qu'il a établi entre Séfoftris
, Oficis & Séfac. Pourquoi tromper
fes Lecteurs , altérer les faits , & jetter de
l'obfcurité où il n'y en a point?
"
En lifant ces paffages dans M. Newton ,
( 1) Newton , p. 144. ( 2 ) Diodore , L. 1.
164 MERCURE DE FRANCE.
il me femble entendre quelqu'un qui dit ,
Louis XIV qui eft le même que Philippe
Augufte & que Clovis , eft tué par fon
frere Pharamond ; les Anachronismes de
M. Newton ne font guere moins violens.
(1 ) Hérodote dit que les Phéniciens
qui fuivirent Cadmus , introduisirent
» plufieurs fciences dans la Grece ; car il y
» avoit parmi ces Phéniciens des gens ap-
» pellés Curetes , qui étoient plus verfés
» dans les Arts & dans les fciences de la
Phénicie que d'autres les uns s'établi
» rent dans la Phrygie , où ils furent appellés
Corybantes , les autres dans la
» Crete , où on leur donna le nom d'Idoi
» Dactyli , &c.
Ces gens , appellés Curetes , Corybantes,
&c. étoient des Prêtres Phéniciens , comme
les noms qu'ils portent nous l'apprennent .
Curete , fignifie châtré , parce que ces Prêtres
, comme l'on fçait , étoient prefque
tous eunuques. Corybante fignifie Sacrificateur,
Prêtre , de Corban , facrifice , obla
tion les Chretiens Orientaux fe fervent
encore aujourd'hui de ce terme pour exprimer
le facrifice de la Meffe.
:
» (2 ) Les deux premiers Rois de Crete
qui regnerent après l'arrivée des Cure-
(1 ) Newton, p. 154. (1 ) Ibid. p . 158 .
DECEMBRE. 1755. 169
» tes , furent Afterius & Minos. Europe
» fut femme d'Afterius & mere de Minos :
» les Curetes du mont Ida furent fes compatriotes
, & vinrent avec elle ; .... par
» conféquent il faut qu'Afterius , Europe ,
» & Minos foyent le Saturne , la Rhea , &
» le Jupiter des Crétois .
Je doute que ce raifonnement foit bien
conféquent , puifque les Curetes & les Corybantes
qui fuivirent Cadmus en Grece ,
étoient des Prêtres Phéniciens : il eft , ce
me femble , plus naturel de penfer qu'a
vec la connoiffance des Arts & des fciences
, ils porterent encore celle des Divinités
qui étoient adorées dans la Phénicie ,
& dont ils étoient les Miniftres .
» ( 1 ) Car les Phéniciens dans leur pre-
» premier voyage en Grece donnoient le
» nom de Jaopater , Jupiter à tous les
» Rois.
Je doute très-fort que le nom de Jupiter
ait été connu des Phéniciens ; il n'étoit
feulement pas en ufage en Grece . Je ne
connois que les Latins qui l'aient employé
pour exprimer des Princes , fondateurs de
quelques Empires , des Héros qui par leurs
belles actions avoient mérité la déïfication
; mais jamais il n'a été un nom géné
rique de tous les Rois.
(1 ) Newton , p. 158.
166 MERCURE DE FRANCE.
Ce nom de Jupiter ne vient pas de Jaopater
, il vient du Cevs des Grecs , & le gus
des Grecs vient lui -même du Dzew des
Orientaux, qui fignifie Poffeffeur , Maître ,
Seigneur.
Les Grecs donnoient affez indiftinctement
le nom de Zeus à tous leurs Dieux ,
comme les Phéniciens donnoient aux leurs
celui de Baal , Bel .
( 1 ) Macrobe dit qu'après la mort de
» Saturne , Janus lui dreffa un autel com-
» me à un Dieu , établit des cérémonies fa-
» crées , & inftitua les Saturnales , & qu'on
» lui facrifioit des hommes , jufqu'à ce
qu'Hercule emmenant en Italie les bef-
» tiaux de Geryon , y abolît cette coutu-
» me ; on peut voir par ces facrifices hu-
» mains que Janus étoit un defcendant de
» Lycaon ; ce caractere a quelque rapport
» à notrus.
Ce que M. Newton dit ici n'eſt pas juſte :
ces facrifices inhumains qu'on faifoit en
l'honneur de Molok ou Saturne , ou Chronos
, ( car c'eft le même Dieu fous différens
noms ) avoient pris leur origine dans la
Phénicie , & n'avoient aucun rapport aux
Rois d'Italie ou de Grece . Les Phéniciens ,
Hercule lui-même , fondateur du Royau-
(1 ) Newton , p. 164.
!
:
DECEMBRE 1755. 167
me de Phénicie , porterent ces facrifices
partout où leur religion put prendre racine
, de même que Didon les porta en Afrique
, lorfqu'elle y alla fonder Carthage.
Âu refte la religion Phénicienne pouvoit
être connue en Afrique avant l'arrivée de
Didon , puifqu'Hercule avoit pouffé fes
découvertes par mer jufqu'au détroit de
Gades , où il fit élever ces fameufes colonnes
connues fous fon nom. M. Newton
convient lui-même , page 171 , que l'idolâtrie
commença dans la Chaldée & l'Egypte
, d'où elle s'étendit dans la Phénicie
& les pays voifins longtems avant qu'elle
eût été introduite en Europe.
( 1 ) Cependant du tems de Moyfe ,
» tous les charriots de l'Egypte , avec lef-
» quels Pharaon pourfuivit Ifraël , ne
» montoient qu'à 600.
"
Cela eft vrai : mais en doit-on conclure
que l'Egypte n'en poffédoit pas un nombre
beaucoup plus confiderable ? Pharaon dans
la pourfuite des Ifraelites , à laquelle il ne
pas, ne put fe fervir
charriots qui pouvoient être alors à Tanis
& dans les environs ; il n'eut pas le tems
d'en raffembler davantage.
s'attendoit
que
des
Voilà , Monfieur , les obfervations que
(1 ) Newton , p . 178 .
168 MERCURE DE FRANCE.
j'avois à faire fur la Chronologie des Grecs,
par M. Newton. Je n'ai relevé que les
Anachronifmes qui m'ont paru les plus
hardis : j'aurois pu en relever un plus grand
nombre , puifque tout eft Anachronisme
dans un ſyſtème fondé fur de pareils principes.
Je fuis réellement fâché qu'un auffi
grand homme fe foit trop prévenu en faveur
de l'obfervation d'Eudoxe pour la fixation
de l'époque des Argonautes. Avec une
lecture vafte , il étoit en état de faire d'importantes
découvertes en fait de Chronologie
: j'en juge par ce fyftême , que je crois
faux , mais qui par là même a demandé un
effort de génie d'autant plus grand . La
vérité ne coute pas tant de peines à dévoiler.
Suite de la Lettre de M. L. R. Desh . P. R.
fur la Chronologie de M. Newton.
M. Newton (1) confond auffi Séſac avec
Ofiris , mais il eft aifé de montrer en
deux mots qu'il fe trompe. Selon lui , Séfac
monta fur le trône d'Egypte pendant le
regne de Salomon : or il eft certain , &
tous les habiles gens en conviennent , que
le boeuf, fymbole d'Ofiris , étoit adoré dès
les tems de Moïfe. Le Géographe Eftienne
dit
que la ville de Thebes , cette fameuſe
Diofpolis appellée No-Hammon dans l'Ecriture
Sainte , avoir été bâtie par Ofiris
& Ifis. Krigua Crígid& vyù l'ord . Diodore
dit la même choſe. Or fi les peuples
de la Thébaïde font les plus anciens habitans
de l'Egypte , comme ( 2 ) les Hiftoriens
en conviennent , fi Thebes fut d'a-
( 1 ) Newton , p. 83. (2) Diodore , L. 1 .
G iij
150 MERCURE DE FRANCE.
bord le fiege des Rois d'Egypte , où en
fera M. Newton avec fon Séfac ?
Les Hiftoriens ( 1 ) nous diſent encore
qu'Ofiris enfeigna l'Agriculture aux Egyptiens
, que fon époufe leur donna l'ufage
du froment & de l'orge qui croiffoient auparavant
comme des plantes inconnues &
négligées . En un mot , ils conviennent
qu'Oficis fut le Légiflateur des Egyptiens.
Ya- t'il làquelque chofe qui puiffe regarder
Séfac ? Eft- ce que l'Egypte n'étoit pas dès
les temps de Jofeph , le grenier de tous les
peuples circonvoifins ? Cet Empire n'étoitil
pas gouverné par d'excellentes loix ? L'Ecriture
elle- même loue le
gouvernement
& la fageffe des Egyptiens dans ces temps
reculés , &c . Ces objections & plufieurs
autres que je pourrois accumuler ici , fe
préfentent naturellement à l'efprit ; pourquoi
M. Newton n'en a-t'il point fait ufage,
les croyoit- il peu dignes de fon attention
?
<< (2 ) Sous le regne d'Ammon , pere
» d'Ofiris ou Séfac, & ayeul d'Orus & de
» Bubafte , les Thébains
commencerent à
s'appliquer à la navigation & à l'Aftro-
» nomie , & par le lever & le coucher Hé-
"
(1 ) Diodore , L. 1. Plutarque dans fon Traité
d'Oliris & d'Ifis. ( 2) Newton , p. 83 .
DECEMBRE . 1755. 151
ל כ
» liaque des Etoiles , ils déterminerent la
longueur de l'année folaire ; ils ajouterent
» à la vieille année du Calendrier , cinq
» jours qu'ils confacrerent à fes cinq enfans
, & c. » .
و د
Cette détermination de l'année folaire ,
doit être attribuée à Ofiris , Prince éclairé
& très-inftruit. J'en ai de bonnes preuves ,
& fi mes réflexions donnent lieu à une réponſe
, j'aurai occafion de développer ce
poin: d'hiftoire que je ne mets point ici
pour ne pas trop m'étendre.
66
(1 ) Car il n'eft pas vraisemblable que
l'équation du mouvement du foleil ait
» été connue des l'enfance de l'Aftrono-
» mie ». Mais l'Aftronomie avoit pris fon
origine dans les plaines de Sennaar , avant
la difperfion des peuples , & il eft conftant
que cette équation a été connue & fixée
par le fondateur de la Monarchie Egyptienne.
Elle a été connue auffi des Chinois
fous leur Empereur Yao dont le regne paſſe
l'an 2000 avant Jefus-Chrift .
of
(2 ) Jules Céfar la corrigea , en y ajou
» tant un jour tous les quatre ans , & en
» fit l'année Romaine »
Cette correction étoit faite dès le tems
d'Oficis , & c'eft ce qu'il eft très- aifé de
(1 ) Newton , p. 84. (2 ) Ibid.
Giv
152 MERCURE DE FRANCE.
prouver par la compofition de la grande
période de 36525 ans qui fut dès- lors en
ufage.
( 1 ) Quand Amenophis eut fixé à l'équinoxe
du printems le commencement
» de la nouvelle année Egyptienne de 365
» jours , il mérita le monument dont on a
» parlé ci- deffus » . ( 2 ) Ce monument étoit
un cercle d'or de 365 coudées de circonférence
, divifé en 395 parties égales , pour
repréſenter tous les jours de l'année ; on
avoit auffi décrit fur chaque partie , le
lever & le coucher héliaque des étoiles .
Si l'on prouve que cet Amenophis n'eſt
pas différent du Prince Manoph ou Menès
fondateur de la Monarchie Egyptienne ,
& que Menès & Ofiris font deux noms
différens du même Prince , il fe trouvera
que M. Newton parle ici contre fon propre
fentiment. (3 ) Le Chevalier Marsham
fait voir qu'il y a eu plufieurs Amenophis ;
il dit de plus & avec raifon , que ce nom
d'Amenophis , comme celui de Memnon
ne different point du nom de Menès. Phamenophis
itaque , five Amenophis , Thebanis
is eft , qui Gracis Memnon , nomen ex Menis
, primi Regis , nómine componi videtur.
Memnoph Gracis , Euphonia gratiâ. Men-
(1 ) Newton , p. 69. ( 2 ) Diodore , L. I 、
(3 ) Marsham , P. 401 .
DECEMBRE. 1755. 153
non five Memnon. Je crois donc que cet
Amenophis dont la ftatue étoit à Thebes
dans les Syringes , & auquel on dédia le
riche monument dont on vient de parler
n'eft point différent de Menès auquel étoit
due la fixation de l'année Egyptienne . Il
eft aifé même de le faire voir
par les propres
paroles de M. Newton qui dit
104 , qu'Amenophis bâtit la ville qu'il
appella de fon nom , Amenoph ou Memphis.
Or ( 1 ) Memphis fut bâtie par Menès
fondateur de la Monarchie Egyptienne .
Amenophis & Menès font donc un feul &
même Prince.
page
« (2) Plufieurs nations célebrerent fous
» des noms différens , les louanges de Sé-
» foftris , à caufe de fes grandes conquêtes.
Les Chaldéens l'appelloient Belus , qui
» en leur langue veut dire Seigneur : les
» Arabes le nommoient Bacchus qui en
leur langue fignifie grand : les Phrygiens
& les Thraces lui donnoient le
» nom de Mafors , Mavors , Mars , qui
» veut dire vaillant , & c » .
23
Le culte de Belus exiftoit chez les Chaldéens
plufieurs fiecles avant Séfac & Séfoftris.
Je n'ignore pas auffi qu'il y a eu
plufieurs Belus , mais ils font tous anté-
( 1 ) Hérodote , L. z. ( 2) Newton , p. 101 ,
GY
154 MERCURE DE FRANCE.
rieurs aux deux Princes Egyptiens. Sans
fçavoit fi le nom de Bacchus fignifie grand
dans la langue des Arabes , je ne doute pas
que Bacchus ne foit le même qu'Oficis ,
mais non point que Bel & Séfac. Quant
au Mavors , Ares , Marts , je crois qu'il
eft le Nemrod de l'Ecriture Sainte , connu
des Grecs fous le nom de Ninus , & adoré
des Chaldéens fous le titre générique de
Baal. Ces quatre noms Ares ou Arets ,
Marts , Ninus & Nemrod , paroiffent fort
différens , il font formés cependant de la
même racine. Arats , fignifie violentiâ ufus
fuit , fortem aut violentum fe exhibuit. D'Arats
vint Arets , Tyran , Conquérant , &
avec le même du participe Marets ou Mavorts.
On remarquera que chez les Latins,
Mars fait au génitif Martis , ce qui prouve
qu'on a du prononcer dans l'origine
Marts au lieu de Mars , qui eft plus doux à
la prononciation , & que pour cette raifon
on a préferé. Dans mes réflexions fur
page 73 de M. Newton , j'ai déja remar
la
qué que le changement des lettres S , TS ,
T, étoit fort communs. Ainfi on prononçoit
indifféremment Agns , Mavorts , &
Mars ou Marts.
Dans Nemrod , nom que je crois un peu
corrompu , il doit y avoir l'n . Cette infertion
de l'n eft commune ; on en a vu un
DECEMBRE. 1755 155
exemple dans Noph , Moph , & Manoph
qui expriment la ville de Memphis . Avec
cette n inférée , on aura donc Ninmrod ,
ce qui doit être interprêté Nin , le Conquérant
ou le Tyran. On peut confulter la Dif
fertation d'un fçavant ( 1 ) Académicien ,
dans laquelle on établit un parallele auffi
ingénieux que folide entre les deux Conquérans
Ninus & Nemrod. Quelqu'un a
déja remarqué que le nom de Baal ou Bel ,
a formé le bellum des Latins , parce que
Mars eft le premier qui fe foit fervi des armes
, & qu'il eft réputé le dieu des guer
riers.
a ( 2) Les Egyptiens l'appelloient Héro
ou Hercule.
Je ne connois point ce nom de Héro ; je
ne crois point non plus que quelque Ancien
ait dit que les Egyptiens donnerent à
Ofiris le nom d'Hercule . Je pense que cet
Hercule n'eft point différent de Canaan
frere de Mifor ou Mefraim , frere par con
féquent d'Ofitis. On peut voir à cette occafion
une Differtation imprimée dans la
Bibliotheque choifie de M. le Clerc , dans
laquelle on établit ce fentiment.
( 3 ) En le déïfiant , ils lui donnerent les
(1) M. Gibert de l'Académie des Infcriptions
& Belles- Lettres . ( 2 ) Newton , p. 102. ( 3) Ibid,
P. 102.00 10:
G vj
156 MERCURE DE FRANCE.
»noms de ce fleuve ( du Nil ) , Sihor ,
» Nilus & Ægyptus " .
Sicher fignifie noir , & ce nom n'eſt
qu'une traduction ou épithete de celui de
Ham. Les Egyptiens avoient donné ce nom
de Ham , à leur royaume , à leur fleuve &
à Thebes leur ville capitale . Le nom d'Ægyptus
eft bien plus récent , il exprime en
grec un espece de Vautour extrêmement
noir il n'eft donc que la traduction du
nom de Ham .
"3
a ( 1 ) Les Grecs ayant entendu les
» Egyptiens s'exprimer ainfi dans leurs
» cantiques lugubres : O Sihor , Bou Sihor,
prirent delà occafion de l'appeller Ofiris
» & Bufiris ».
Le nom d'Ofiris ne dérive pas de Sihor ;
une lettre afpirée telle que le Cheth ne
s'éclipfe pas ainfi ; Ofiris & Siris viennent
d'une autre fource . Quant aux noms de
Bufiris , Tapofiris , on peut confulter faint
Clément d'Alexandrie.
(2) Ofiris fut donc tué la cinquieme
» année d'Afa par fon frere Japet , que les
» Egyptiens appelloient Typhon , Python
» & Neptune ce fut alors que les Lybiens
fous la conduite de Japet & de fon
fils Atlas , envahirent l'Egypte , & exci-
(1) Newton , p. 102. ( 2 ) Ibid. p . 103 .
1
DECEMBRE . 1755. 157
» terent la fameufe guerre des Dieux &
» des Géants ".
Comme M. Newton lui- même fait Japet
frere d'Ofiris , on peut juger delà ſi j'ai
eu tort de dire qu'Hammon étoit Ham ,
qu'Oficis étoit le fondateur de la Monarchie
Egyptienne ou Mefraïm . Mais Japet
qu'on ne peut méconnoître ici pour le
Patriarche Japhet étoit oncle d'Ofiris &
non point fon frere : les Grecs ont jetté
M. Newton dans cette méprife parce qu'ils
font Japet frere de Chronos ; mais il y a
eu deux Chronos comme on peut le voir
par le fragment de Sanchoniathon ancien
auteur Phénicien . Le premier Chronos eft
Noë , le fecond eſt Ham ; le Poëte Nonnus
dit auffi que le nom d'Hammon chez les
Arabes étoit Chronos. Il eft donc vrai que
Japet étoit frere du fecond Chronos &
fils du premier , par conféquent oncle
d'Ofiris.
Je penfe auffi comme M. Newton que
ce même Japet eft Neptune , mais non
point Python ou Typhon. Eft- il donc fi
difficile de reconnoître ce Python dans
Phuth , frere de Mefraïm . Ham avoit eu
l'Afrique en partage , il la diftribua à ſes
enfans. Chus eut l'Ethiopie , & depuis on
a toujours appellé les Ethiopiens des Chufites
; Mefr , Mifor , ou comme l'appelle
158 MERCURE DE FRANCE.
l'Écriture Sainte , Mefraïm , eur l'Egypte
qui porte encore aujourd'hui fon nom ;
Canaan eut le païs de ce nom , & enfin
Phuth cut les païs qui font à l'occident
de l'Egypte.
(1) Sur ces entrefaites , Amenophis
» quitta la Baffe-Egypte , & vint à Mem-
" phis fuivi par les reftes de l'armée Ethio-
»pienne de fon pere ; étant arrivé dans
» ce païs , il fit paffer le Nil dans un autre
» canal , fous un Pont neuf qu'il bâtit en-
» tre deux montagnes ; en même- tems if
»bâtit & fortifia cette ville contre Ofarfiphus
, & l'appella de fon nom Amenoph
» ou Memphis ».
Cet Amenophis comme nous l'avons
déja infinué eſt le même que Menès fondateur
de la Monarchie Egyptienne . Le nom
bien orthographié eft Manof on Menouf
comme les Arabes prononcent. Les Grecs
ont étrangement corrompu ce nom . Ils
l'ont écrit tantôt Menevis , Mnevis , Memphis
, tantôt Menophis Minevis , Meneus ,
Menes , Menon , & c . car on le trouve écrit
de toutes ces manieres. Ce nom fignifie
ville , habitation . Ainfi on appelloit MenoufMefr
ou la ville de Mefraim , celle
que les Grecs appellerent toujours Memphis
, mais que les Orientaux nomment
(1) Newton , p. 103.
DECEMBRE . 1755. 159
encore aujourd'hui Manof , Monf & Mefr.
Hérodote & Jofephe attribuent fa fondation
à Menès . En un mot , Menès n'a été
appellé ainfi que du nom de la ville qu'il
avoit fait bâtir ; car fon véritable nom
étoit Mefr , ou Mifor, comme il eft appellé
dans le fragment de Sanchoniathon .
M. Newton place cette expédition d'Amenophis
fept ans après celle des Argonautes
, c'eſt - à - dire , l'an 930. Eft- il vraifemblable
que la ville de Memphis ait été
bâtie fi tard ?
« (1 ) Il eft für que cet Hercule de Tyr
»ne fçauroit être plus ancien que la guerre
» de Troye , parce que les Tyriens ne
» commencerent à voyager fur la Médi
terranée , qu'après cette guerre..... ( 2)
Jofephe fait mention d'un autre Hercule
» plus ancien , en l'honneur duquel Hiram
fit bâtir un Temple à Tyr : peut- être y
» avoit-il auffi avant lui un Hercule de
» Tyr qui avoit établi le commerce des
Tyriens fur la Mer Rouge , du tems de
David & de Salomon »..
Sans doute il y avoit un ancien Hercule,
& bien antérieur à Salomon & à David.
Il y en avoit un comtemporain d'Oficis.
Il étoit fils du Nil , felon Ciceron , c'eſt-
( 1 ) Newton , p. 118. (2 ) Ibid. p. 119.
160 MERCURE DE FRANCE.
à - dire , fils de Ham , frere par conféquent
d'Ofiris ou Mefr .
Je dis qu'Hercule étant qualifié fils du
Ni , on doit entendre par là qu'il étoit fils
de Cham ; on en peut voir la raifon dans
la réflexion que j'ai faite précédemment
fur la page 102 de M. Newton . Le nom
d'Hercule ne fe trouve point parmi les enfans
de Ham , auffi n'étoit-ce là qu'une
épithete qui , felon la remarque ingénieufe
de M. le Clerc , paroît ne fignifier rien
autre chofe que Marchand , Négociant
Harokel . Mais écoutons l'Auteur de l'Etymologicon
Megad : Tìv H'ganaŭv qasì , x 1à
των λουπλέων διαλεκτον , ΧΩΝΑ λέγεθαι .
Hercule eft appellé Cona dans le Dialecle
1 Egyptien. Méconnoîtra t'on ici Canaan ou
Cna frere d'Ofiris ? Eufebe à la fuite du
fragment de Sanchoniathon , qualifie Ofiris
, frere de XNA , le premier , dit- il ,
qui ait été appellé Phénicien par les étrangers.
Hercule eft donc Canaan fils de Ham:
auffi les Grecs font -ils Hercule fils de Jupiter
, & en Egypte on ne connoiffoit
point d'autre Jupiter qu'Hammon ou Ham.
Quant à l'épithète d'Harokel , Marchand ,
elle n'a rien de ridicule. Canaan fe diftingua
par fon grand commerce , au point
que dans l'Ecriture même Cnani fignifie
un Marchand. Dans Etienne de Byzance
DECEMBRE. 1755. 161
XNA exprime la Phénicie , & xv un
Phénicien , ainfi on ne doit point ranget
cette étymologie au nombre des conjectures.
Hercule a été encore appellé Mélicerte
, mais ce nom ne fignifie que Roi de
la ville .
»(1 ) Après que les Phéniciens & les Grecs
» eurent reçu des Egyptiens l'art de naviger
, & la maniere de faire de longs
» vaiffeaux à voiles & à un rang de rames ,
» les Sidoniens porterent leur commerce
» dans la Gréce , & le continuerent pen-
» dant 50 ans.
Ce que dit ici M. Newton manque
d'exactitude. Les Phéniciens font les plus
anciens commerçans , & les premiers navigateurs
non -feulement ils ont les premiers
trouvé l'art de la navigation (2 ) , mais
encore ils ont appris aux autres peuples à
donner des batailles fur mer , à ufer du
droit de la royauté , & à foumettre les
peuples voifins. Le nom feul d'Hercule
qui a fait tant de bruit parmi les Grecs ,
prouve bien que les Phéniciens ont fçu
profiter d'abord de la fituation avantageufe
de leur païs pour le commerce maritime.
Marsham , page 109 , cite un paſſage
de Jofephe , qui fait voir que les Egyptiens
(1 ) Newton, p. 121. ( 2 ) Sanchoniathon . Stra
bon , L. 16. Pline , L. s . c. 12, Jofeph . Antiq.
162 MERCURE DE FRANCE.
n'ont été connus des Grecs que par le canal
des Phéniciens .
( 1 ) Du tems d'Erechthée , Roi d'A-
» thenes , & de Celeus , Roi d'Eleufis ,
» Cerès vint dans l'Attique , éleva Tripto-
» leme , fils de Celeus , & lui apprit à femer
» des grains ; elle coucha avec Jafon , &c.
Comment M. Newton n'a-t'il point vu
que cette Cerès étoit Egyptienne , & femme
d'Oɓiris , conféquemment qu'il ne s'agit
ici que de l'introduction de fon culte
dans la Grece ? (2) Erechthée étoit Egyp
tien; pendant une famine qui défoloit la
Grece , il y tranfporta des blés : il fut établi
Roi par les Athéniens en reconnoiffance
de ce bienfait. Erechthtée leur enfeigna les
facrifices de Cerès , & établit à Eleufis les
myfteres de cette Décffe , & des Prêtres
pour en obferver les pratiques fur le mo
dele de ceux d'Egypte.
Cette époque de l'introduction des myf
teres de Ĉerès dans la Grece eft fixée par
les Interprêtes des marbres d'Arondel à
Fan 1426 avant J.C. environ 280 ans avant
la guerre de Troye. M. Newton la fixe à
Pan rozo , la différence eft de 396 : est- ce
là ce qu'il appelle ne pas porrer l'exactitude
jufqu'à une année près ?
(1) Newton, p. 141. ( 2 ) Diodore.
DECEMBRE. 1755. 163
ود
» (1) Au retour de Séfoftris en Egypte ,
» fon frere Danaus attenta non-feulement
» à fa vie , comme on a déja dit , mais
» commanda encore à fes cinquante filles
qui épouferent les fils de Séfoftris , de
» tuer leurs maris , après quoi il fe fauva
d'Egypte fur un long vaiffeau , & c .
"
و ر
Dans la chronique abrégée à l'époque
956 , M. Newton dit » Séfac eft tué par
» fon frere Japet .
Si l'on fuppofe , avec M. Newton , que
Séfoftris foit le même que Séfac & qu'O
firis , il faudra dire auffi que ce Prince a
été tué par un de fes freres. Après avoir
prouvé plus haut la fauffeté de cette prétendue
identité , fi le fait fe trouvoit être
le même , ce ne pourroit être qu'un effet
du pur hazard ; mais comme il eft entiérement
faux , & que Diodore nous dit ,
» que Séfoftris ayant perdu la vue après un
>>regne de 33 ans , fe donna volontairement
» la mort » (2 ) , il eft vifible que M. Newton
ne marque cet affaffinat que pour foutenir
le parallele qu'il a établi entre Séfoftris
, Oficis & Séfac. Pourquoi tromper
fes Lecteurs , altérer les faits , & jetter de
l'obfcurité où il n'y en a point?
"
En lifant ces paffages dans M. Newton ,
( 1) Newton , p. 144. ( 2 ) Diodore , L. 1.
164 MERCURE DE FRANCE.
il me femble entendre quelqu'un qui dit ,
Louis XIV qui eft le même que Philippe
Augufte & que Clovis , eft tué par fon
frere Pharamond ; les Anachronismes de
M. Newton ne font guere moins violens.
(1 ) Hérodote dit que les Phéniciens
qui fuivirent Cadmus , introduisirent
» plufieurs fciences dans la Grece ; car il y
» avoit parmi ces Phéniciens des gens ap-
» pellés Curetes , qui étoient plus verfés
» dans les Arts & dans les fciences de la
Phénicie que d'autres les uns s'établi
» rent dans la Phrygie , où ils furent appellés
Corybantes , les autres dans la
» Crete , où on leur donna le nom d'Idoi
» Dactyli , &c.
Ces gens , appellés Curetes , Corybantes,
&c. étoient des Prêtres Phéniciens , comme
les noms qu'ils portent nous l'apprennent .
Curete , fignifie châtré , parce que ces Prêtres
, comme l'on fçait , étoient prefque
tous eunuques. Corybante fignifie Sacrificateur,
Prêtre , de Corban , facrifice , obla
tion les Chretiens Orientaux fe fervent
encore aujourd'hui de ce terme pour exprimer
le facrifice de la Meffe.
:
» (2 ) Les deux premiers Rois de Crete
qui regnerent après l'arrivée des Cure-
(1 ) Newton, p. 154. (1 ) Ibid. p . 158 .
DECEMBRE. 1755. 169
» tes , furent Afterius & Minos. Europe
» fut femme d'Afterius & mere de Minos :
» les Curetes du mont Ida furent fes compatriotes
, & vinrent avec elle ; .... par
» conféquent il faut qu'Afterius , Europe ,
» & Minos foyent le Saturne , la Rhea , &
» le Jupiter des Crétois .
Je doute que ce raifonnement foit bien
conféquent , puifque les Curetes & les Corybantes
qui fuivirent Cadmus en Grece ,
étoient des Prêtres Phéniciens : il eft , ce
me femble , plus naturel de penfer qu'a
vec la connoiffance des Arts & des fciences
, ils porterent encore celle des Divinités
qui étoient adorées dans la Phénicie ,
& dont ils étoient les Miniftres .
» ( 1 ) Car les Phéniciens dans leur pre-
» premier voyage en Grece donnoient le
» nom de Jaopater , Jupiter à tous les
» Rois.
Je doute très-fort que le nom de Jupiter
ait été connu des Phéniciens ; il n'étoit
feulement pas en ufage en Grece . Je ne
connois que les Latins qui l'aient employé
pour exprimer des Princes , fondateurs de
quelques Empires , des Héros qui par leurs
belles actions avoient mérité la déïfication
; mais jamais il n'a été un nom géné
rique de tous les Rois.
(1 ) Newton , p. 158.
166 MERCURE DE FRANCE.
Ce nom de Jupiter ne vient pas de Jaopater
, il vient du Cevs des Grecs , & le gus
des Grecs vient lui -même du Dzew des
Orientaux, qui fignifie Poffeffeur , Maître ,
Seigneur.
Les Grecs donnoient affez indiftinctement
le nom de Zeus à tous leurs Dieux ,
comme les Phéniciens donnoient aux leurs
celui de Baal , Bel .
( 1 ) Macrobe dit qu'après la mort de
» Saturne , Janus lui dreffa un autel com-
» me à un Dieu , établit des cérémonies fa-
» crées , & inftitua les Saturnales , & qu'on
» lui facrifioit des hommes , jufqu'à ce
qu'Hercule emmenant en Italie les bef-
» tiaux de Geryon , y abolît cette coutu-
» me ; on peut voir par ces facrifices hu-
» mains que Janus étoit un defcendant de
» Lycaon ; ce caractere a quelque rapport
» à notrus.
Ce que M. Newton dit ici n'eſt pas juſte :
ces facrifices inhumains qu'on faifoit en
l'honneur de Molok ou Saturne , ou Chronos
, ( car c'eft le même Dieu fous différens
noms ) avoient pris leur origine dans la
Phénicie , & n'avoient aucun rapport aux
Rois d'Italie ou de Grece . Les Phéniciens ,
Hercule lui-même , fondateur du Royau-
(1 ) Newton , p. 164.
!
:
DECEMBRE 1755. 167
me de Phénicie , porterent ces facrifices
partout où leur religion put prendre racine
, de même que Didon les porta en Afrique
, lorfqu'elle y alla fonder Carthage.
Âu refte la religion Phénicienne pouvoit
être connue en Afrique avant l'arrivée de
Didon , puifqu'Hercule avoit pouffé fes
découvertes par mer jufqu'au détroit de
Gades , où il fit élever ces fameufes colonnes
connues fous fon nom. M. Newton
convient lui-même , page 171 , que l'idolâtrie
commença dans la Chaldée & l'Egypte
, d'où elle s'étendit dans la Phénicie
& les pays voifins longtems avant qu'elle
eût été introduite en Europe.
( 1 ) Cependant du tems de Moyfe ,
» tous les charriots de l'Egypte , avec lef-
» quels Pharaon pourfuivit Ifraël , ne
» montoient qu'à 600.
"
Cela eft vrai : mais en doit-on conclure
que l'Egypte n'en poffédoit pas un nombre
beaucoup plus confiderable ? Pharaon dans
la pourfuite des Ifraelites , à laquelle il ne
pas, ne put fe fervir
charriots qui pouvoient être alors à Tanis
& dans les environs ; il n'eut pas le tems
d'en raffembler davantage.
s'attendoit
que
des
Voilà , Monfieur , les obfervations que
(1 ) Newton , p . 178 .
168 MERCURE DE FRANCE.
j'avois à faire fur la Chronologie des Grecs,
par M. Newton. Je n'ai relevé que les
Anachronifmes qui m'ont paru les plus
hardis : j'aurois pu en relever un plus grand
nombre , puifque tout eft Anachronisme
dans un ſyſtème fondé fur de pareils principes.
Je fuis réellement fâché qu'un auffi
grand homme fe foit trop prévenu en faveur
de l'obfervation d'Eudoxe pour la fixation
de l'époque des Argonautes. Avec une
lecture vafte , il étoit en état de faire d'importantes
découvertes en fait de Chronologie
: j'en juge par ce fyftême , que je crois
faux , mais qui par là même a demandé un
effort de génie d'autant plus grand . La
vérité ne coute pas tant de peines à dévoiler.
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Résumé : Suite de la Lettre de M. L. R. Desh. P. R. Sur la Chronologie de M. Newton.
Le texte critique la chronologie de M. Newton, notamment son identification de Sésac avec Osiris. Newton affirme que Sésac monta sur le trône d'Égypte pendant le règne de Salomon, mais le texte conteste cette affirmation en soulignant que le culte du bœuf, symbole d'Osiris, existait déjà du temps de Moïse. Des historiens comme Diodore et Plutarque sont cités pour montrer que les habitants de la Thébaïde étaient les plus anciens Égyptiens et que Thèbes était leur capitale. Le texte met en avant que les historiens attribuent à Osiris l'enseignement de l'agriculture aux Égyptiens et son rôle de législateur. Il souligne également que l'Égypte était déjà un grenier pour les peuples voisins du temps de Joseph et que son gouvernement était loué dans l'Écriture Sainte. Le texte discute de la détermination de l'année solaire par Osiris et de la correction du calendrier par Jules César. Il mentionne Amenophis, qui aurait fixé l'année égyptienne à 365 jours, et le compare à Menès, fondateur de la monarchie égyptienne. Le texte explore les différentes appellations d'Osiris dans diverses cultures et les confusions possibles entre les noms de Belus, Bacchus, Mars et Nemrod. Le texte aborde également la guerre des Dieux et des Géants, impliquant Japet et Atlas, et la fondation de Memphis par Amenophis, identifié comme Menès. Il conclut en discutant de l'ancienneté d'Hercule et de ses liens avec Osiris et Ham. Le texte critique les inexactitudes de M. Newton concernant les relations entre les Égyptiens, les Grecs et les Phéniciens. Il mentionne que les mystères de Cérès en Grèce proviennent d'Égypte et que les Phéniciens ont introduit diverses sciences en Grèce. Les Curetes, Corybantes et autres prêtres phéniciens sont décrits comme ayant joué un rôle clé dans la transmission des connaissances et des pratiques religieuses. Enfin, le texte conteste les affirmations de M. Newton sur les sacrifices humains et l'origine de l'idolâtrie, affirmant que ces pratiques proviennent de la Phénicie et de l'Égypte, bien avant leur introduction en Europe.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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