LES Changemens divers dans la Nature,
sur la Naissance du Messie.
CANTIQUE pour la Fête des Rois ,
sur l'Air Au bord d'une Ondefugitive.
HElas ! quelle clarté nouvelle ?
Quel Astre brille dans les Cieux ?
Jamais la nuit ne fut si belle ;
Les Zéphirs regnent en ces lieux.
Flore revient ! Ah quels présages !
Tout rit , tout plaît dans nos Forêts ;
Les Oiseaux ; par leurs doux ramages ,
Font gouter des plaisirs parfaits.
Déja l'impatiente Aurore ,
Dore nos Champs et nos Côteaux ;
II. Vol. No
DECEMBRE. 1732. 276.5
Nos Prez reverdissent encore ,
Et les fleurs naissent près des eaux.
Un Dieu fait sentir sa présence
Tout enchante dans ces Deserts ;
Les vents redoutent sa puissance ,
Tout a changé dans l'Univers.
;
Quel bruit de Clairons , de Trompettes
Se mêle aux doux sons des Hautbois?
Qui regne ici dans ces retraites ,
Les Bergers sont parmi les Rois.
O ciel que vois- je ? quelle Etoile
Conduit les Mages dans ce lieu ?
La nuît se cache avec son voile ,
Pour laisser voir un Homme-Dieu.'
Mes yeux découvrent Pinvisible ,
L'Etre premier s'aneantit ;
Je comprends l'incompréhensible ;
Le Verbe Dieu s'assujettit.
Egal à son Pere en puissance ,
Il est de toute Eternité ,
Son Verbe , son Fils , sa substance ,
Sans alterer son unité.
II. Vol.
Une B vj
2766 MERCURE DE FRANCE
Une fille, vierge féconde ,
Augmente sa virginité ,
En enfantant l'Auteur du Monde ,
Sans blesser son integrité.
Du Ciel , de la Terre et de l'Onde ,
Je vois ici le Souverain ;
Grand Dieu ! que fais -je qui réponde ,
Au feu de votre amour divin ?
Sauveur , pour nous fermer l'abîme
Vous avez pris un Corps mortel ;
Si votre cœur sert de victime ,
C'est pour rendre l'homme immortel.
Contre l'orgueil ce Sauveur prêche;'
Mondain, range- toi sous ses Loix ,
Viens pour l'adorer dans sa Crêche
Comme font ces trois puissants Rois.
Ils offrent l'Or à sa Puissance ;
La Myrhe à son humanité ;
Et pour son origine immense ,
L'Encens à sa Divinité.
Venez, Monarques de la Terre,
Princes contrits , ne craignez pas ;
II. Vol.
DECEMBRE. 1732 2767
Il est desarmé du Tonnerre,
Hâtez- vous , il vous tend les bras.
Laisse , Mondaine , ta Toilette ,
Dieu connoît les passevolants ;
Porte- lui ton ame bien nette
C'est-là son Or et son Encens.