MONUMENTI Elia Lælia Crifpis ,.
five celeberrimi Enigmatis Bononienfis ,
Hiftorica Explicatio , Fragmentum Anti--
quum incerti Auctoris Bononiæ Senatui :
FRANCISCUS MASTRIUS . Additis
aliquibus Notis D. D. D. Bononiæ , typis
Conftantini Pifarri , vol . in- 4. 1717. C'eſtà-
dire ,, EXPLICATION hiftorique de las
fameufe Epitaphe énigmatique de Boulogne ,
&c. dédiée au Sénat de cette Ville, parFrançois
Mafirius, & c..
+
Comme ces Sçavans Journaliſtes onts.
parlé de ce Livre en l'année 1706. à l'oc--
afion
AOUST. 1730. 1793
cafion de la premiere Edition qui en fut
faite à Veniſe en 1702. & que dès l'année
1684. ils avoient auffi parlé dans leur
Journal de l'Ouvrage compofé fur le même
fujet par le Docteur Charles- CefarMalvafia
, celebre Jurifconfulte & Profeffeur
en Droit à Boulogne , ils ont eftimé
inutile de donner deux Extraits de la Differtation
de Maftrius ; mais le Public doit
leur fçavoir gré de produire ici , au lieu
d'une répetition , l'Explication de la même
Enigme , donnée par M. Heuman ,
leur Collegue , dans une Differtation imprimée
en 1706. & réimprimée deux ans
après fous ce titre , De Fato Uxoris Loti.
Car ce Sçavant croit , & il eft étonnant ,
difent nos Journaliſtes , que cette penſée
ne foit encore venue à perfonne ; il croit ,
dis- je , que l'Auteur du Monument énigmatique
de Boulogne , n'a eu d'autre intention,
en le compofant ,que d'écrire d'u
ne maniere ingénieufe & obfcure , le
malheur arrivé à la femme de Lor . Mais
avant que de voir l'application qu'il fait
dés termes de l'Infcription au fujer que
nous venons de dire , il eft bon de rap
porter cette Infcription dans fon entier ,
& telle que Maftrius l'a donnée plus ré--
cemment dans la feconde Edition de fon
Ouvrage , faite , comme nous l'avons dit ,
à Boulogne même en l'année 1717.
E vj DI.
(1796 MERCURE DE FRANCE
D. M.
Alia Lalia Crifpis
Nec Vir Nec Mulier
Nec Androgyna
Nec Puella nec Juvenis
Nec Anus
Nec cafta nec Meretrix
Nec Pudica
Sed omnia
Sublata
Neque fame neque ferro
Neque Veneno
Sed omnibus
Nec Colo nec Terris
Nec Aquis
Sed Ubique jacet.
Lucius Agatho Prifcius
Nec Maritus nec Amator
Nec Neceffarius
Neque Moerens neque gaudens
Neque Flens
Hanc
Nec Molem nec Pyramidem
Nec
Sepulcrum
Sed omnia
Scit & nefcit cui Pofuerit.
Nous la donnerons auffi en François , afin
que tous nos Lecteurs puiffent l'entendre
juger de l'interpretation de M. Heuman ,
& ufer auffi du droit que tout le Monde
AOUST . 1730. 1797
a de s'exercer fur cette fameufe Enigme ;
dans un temps , fur tout,où les fujets énigmatiques
paroiffent devenir du gout du
Public.
AUX DIEUX MANE S.
Alia , Lalia Crifpis , qui n'eft ni Hom
me , ni Femme , ni Hermaphrodite , ni Fille,
nijeune , ni vieille , ni chafte , ni prostituée,
ni pudique, mais tout cela enfemble : qui n'eft
ni morte de faim , qui n'a été tuée ni par
le fer , ni par le poifon ; mais par ces trois
chofes ensemble : n'eft ni au Ciel , ni dans
Peau , ni dans la terre ; mais eft par tout.
Lucius Agathon Prifcius , qui n'eft ni fon
mari , ni fon amant , ni fon parent ; ni trifte
ni joyeux , ni pleurant ; fçait & ne sçait pas
pour qui il a pofé ceci , qui n'est ni Monument
, ni Pyramide , ni Tombeau.
Voici quelles font les penfées de M.Heuman.
La femme de Lot , dit- il , changée ,
felon la plus commune opinion , en Statuë
de Sel , n'étoit plus ni homme , ni femme
, ni hermaphrodite , ni rien de tout
ce que marquent les premieres lignes de
l'Epitaphe , cependant elle avoit été tout
cela enfemble. Car elle a été femme & vieille
, & d'elle ont pû fortir un homme , un
Hermaphrodite , une fille , &c. deforte qu'étant
, pour ainfi- dire , la matiere premiere
de
1798 MERCURE DE FRANCE
de toutes ces chofes , on peut dire avec
raifon qu'elle a été tout cela.
Ce qui fuit marque encore mieux fon
deftin , & convient parfaitement à la fenime
de Lot ; car elle n'a péri ni par la faim,
ni par le fer , ni par le poifon ; quoiqu'on
puiffe dire que ces trois chofes enfemble lui
ont ôté la vie. 1º . Elle avala un mortel
poifon répandu dans l'air par la pluye de
fouffre qui tomboit alors du Ciel. 2º . Elle
fouffrit une faim fpirituelle par le regret
qu'elle eut en regardant Sodome , aux
biens qu'elle y laiffoit , dont le defir &
la convoitife la devoroient , regret & faim -
dans lefquels elle ceffa de vivre. 3 ° . J'avouë
, continue M. Heuman , que le fer
m'embarraffe un peu ; peut-être l'Auteur
de l'Epitaphe a- t- il eu en vûe le récit de
quelques Voyageurs , qui content que
cette Statue de Sel eft fouvent mutilée
par ceux qui én coupent des morceauxavec
un couteau ou autre inftrument der
fer , ajoûtant que ce qu'ils en enlevent
eft auffi- tôt reproduit , enforte que la Sta--
tuë ne paroît preſque jamais défectueuſe,
ce que notre Interprete eftime fabuleux.-
Au refte , il est très - vrai de dire que
la femme de Loth n'eft ni au Ciel , ni dans
Les eaux , ni fur la terre , c'est-à - dire fépa--
rément, & cependant elle eſt partout. Car
elle eft fituée comme dans l'air , par con--
Lequenes
AOUST. 1730. 1799
fequent on peut dire qu'elle eft au Ciel ,
elle n'eft pas moins tout enſemble dans
·les eaux lorfqu'il pleut , & fur la terre
puifqu'elle eft pofée deffus .
L'Auteur de ce Monument eft Dieu.
même , ainfi il eft appellé très- à propos
Lucius , car il eft la lumiere , le Pere des
lumieres , qui habite dans une lumiere
inacceffible , &c. Le nom d'Agatho lui
convient auffi parfaitement , car nul n'eft
parfaitement bon , fi ce n'eft Dieu . Enfin ›
ce n'eſt pas fans raifon que Prifcius eft à·
la fuite de ces deux noms , c'eft en effet
ce Vieillard reſpectable qui eft ainfi repré--
fenté par le Prophete Daniel. On peut
bien dire auffi de Dieu , que ce neft ni
le Mari, ni l'Amant , ni le parent de la
femme de Loth , ainfi il n'eft pas éton--
nant qu'en dreffant ce Monument
il
n'ait été ni trifte , ni joyeux , ni en état de
verfer des larmes.
.
,
Si quelqu'un regarde ce Monument
comme une Piramide , un Sépulchre , & c . il·
s'écartera de la maniere ordinaire de par--
ler. Cependant on peut dire que la Statue
de Sel femble avoir été tout cela. En effet
elle a été tout enfemble & Monument &
Pyramide , s'élevant en l'air à la maniere
des Pyramides , elle a été auffi un Séput--
chre , qui contient une perfonne fans vie..
Enfin Dieu fait , fans doute , ce qu'il a :
Rosé,
1800 MERCURE DE FRANCE
pofé , mais on peut dire , en un lens , qu'il
nefçait pas fi c'eft là un Monument ou une
Pyramide , ou un Tombeau , car Dieu n'a
voulu faire aucune de ces trois choſes.
D'autres finiffent l'Epitaphe par ces paroles.
C'est ici un Tombeau qui ne renferme
point de Cadavre , c'eft un Cadavre qui n'a
point de Tombeau , mais c'eft un Cadavre
qui eft lui-même fon Tombeau. Ces paroles
font fi claires , dit M.Heuman , en finiffant
fon Interpretation , & s'appliquent fi parfaitement
à la femme de Loth , que ce
feror perdre le temps que d'en ajoûter ici
l'explication