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1
p. 80-124
A Quebec le 12e. Novembre 1709.
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Il y a déja plusieurs années que je vous envoye une Relation / MONSIEUR, La Description étonnante que vous me faites de l'Hyver [...]
Mots clefs :
Québec, Relation, Hiver, Froid, Nouvelle France, Colonie, Capitaine, Pierriers, New Yorck, Manhate, Espions, Canada, Troupes
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texteReconnaissance textuelle : A Quebec le 12e. Novembre 1709.
Il y a déja plufieurs années
que je vous envoye une Relation de ce qui s'eft paffé en
Canada pendant le cours de
chaque année ; mais quelques
incidens font caufe que je vous
envoye celle que vous allez lire , quelques mois plus tard
quevous n'avez accoûtumé de
la recevoir tous les ans. Elled
vient d'un Officier François quis
eft dans l'Armée Canadienne.
"
GALANTNY 81
$ srpos ench notede af M
A Quebec le 12°. Novembre
299NING 27731709. riba vit
MONSIEUR,
La Defcription étonnante que
vous mefaites de l'Hyver qui a
ravagé l'Europe cette année , m’a
fait faire les reflexions ordinaires
fur le froid que l'on fent en ce
pays - cy. Et effectivement j'ay
admiré plus d'une fois.comment
les racines des Plantes , les Bois,
లో les Animaux, fans parler des
Habitans , refiftoient non-feulement a de tels froids , mais encore
82 MERCURE
à celuy que nous avons éprouvé
icy , vers la fin de l'année 1708 .
peu prés vers le temps que je
finiffois les dernieres Lettres queje
vous ay adreffées ; car il a eftéfi
pénetrant & fi vif, que s'il avoit
continué de la mêmeforce , je crois
quenous aurions tous peri & que
nous ferions tous morts dans les
commencemens d'un Hyverfi affreux. Mais le Seigneur n'a point
permis que nous avons fouffert au
deffus de nos forces.
Ainfi quelque rude qu'ait éfté
Hyver dans vos climats temperez d'ailleurs , il l'a efté incompa
rablement davantage en Canada,
GALANT 83
où la gelée commença vers la fin
de Novembre & perfevera fi
fortement, que dans les derniers
jours de Decembre ( 1708. ) le
Fleuve de S. Laurent , fe trouvaglacéjusqu'à laprofondeur de
dix pieds , & qu'il y avoit déja
quatre pieds de nége fur terre. Je
le repete encore , Monfieur , jepenfe que la Colonie auroit peryſi la
gelée avoit continué de cette violence. Et certes les Anglois fiirritez contre nous auroient eu alors
bon marché du Canada.
Ce froid exceffif nous quitta
fans doute pour vous aller rendre
vifte, puifque vous me marquez
84. MERCURE
que le premierjour de la grande
gelée commença le 6. ou 7. deFanvier de l'année fuivante ( 1709)
ce que je puis vous dire , c'est que
toutes ces horreurs de la nature ,
n'ontpoint efté un obftacle à la terre dela Nouvelle France , de nous
donnerd'affez bonsfruits, &aux
hommes de vivre ; au contraire
nous remarquons que ce froid
tribue à la fanté, & que la nége
qui regnefi longtemps dans l'AmeriqueSeptentrionale , l'engraifmerveilleufement , la moiffon
ayant efté abondante cette année-ci
en bled & enfruits; quoy qu'on
ne féme qu'à lafin d'Avril , le
fe
con-
GALANT 85
blé eft preft à couper au mois
( Je ne commenceray points
Monfieur, les Nouvelles que j'ay
à vous mander de ce pays-cy, par
ce qui s'eft paffé en l'Ile de Terre
Neuve au Fort S. Jean que nous
avons pris aux Anglois , parce
queje connois par vos Lettres que
vous en avez eftéinftruit en France , même d'aſſez bonne heure ;
à quoy je vous prie de faire
attention icy , eft que cette entreprife qui a estéexecutée avecbeaucoupde vigueur où entr'autres,
le fieur de la Ronde , d'une ancien="
ciennefamille de Canada s'eft dif-
86 MERCURE
tingué parfa bravoure intrigue
fort, non - feulement les Anglois
nos voiſins , mais encore ceux que
nous appellons icy les Anglois de
la Vieille- Angleterre, qui au
retour de ce qu'ils poffedent aux
Ifles - Antilles & ailleurs dans
l'Amerique, venoientfe relâcher,
ou radouber en ce Port , qui par
confequent leur eftoit fort commode.
Plufieurs des noftres difent icy
que la prife de ce Pofle & le ravage qu'on afait aux environs ,
va àfix millions. On dit que
Pefche que l'on faifoit proche la
Rade de S.Jean & aux Bancs
la
GALANT 87
voifins , valloit quatre millions de
rente à la Reine Anne. Nous
avons icy le Commandant ( le
Colonel Lloyd ) de ce Fort , prifonnieravecplufieurs Officiers, &
Soldats on Habitans de fon Gouvernement. Ila , àce qu'onpublie
dans Quebec , cent mille livres de
bien, & il veut fe marier icy &
époufer la veuve de Mr de Maricourt mort en 1704. Il eftoit
Capitaine dans cette Colonie &
freredu fameux Mr d'Yberville
qui s'eft fi fort diftingué fur mer
par fa valeur. Un Ecclefiaftique
tres-zelé, du Seminaire de Saint
Sulpice de Ville - Marie en l'Ifle
88 MERCURE
de Montreal, qui fait parfaite
ment l'Anglois , eft defcendu icy
pour travailler à la converfion de
ce Gouverneur Anglois , car
prétend, & il a témoigné librementfon deffein là-deffus , renoncer à la Religion Proteftante &
fe faire Catholique.
L'affaire de l'habitation de S.
Jean en Terre-Neuve futfuivie
d'une autre entrepriſe dans laBaye
d'Hudson , au lieu appellé le petit
Nord.
Mr Capitai- de Mantet
ne dans la Colonie enfut le Chef;
ce fut au mois d'Avril de cette
année 1709. Le Partife trouva
compofé de centhommes tous Ha.
GALANT 89
bitans & mariez pour la pluspart , mais alertes & entrepre P
nans ; Mr de la Nouě Lieutenant commandoit en ſecond ; à ces
deux Officiers s'en joignirent quel.
ques autres Subalternes ; la marche dura un peu plus de deux
mois , au bout duquel temps , nos
gens arrivez au but , déterminerent lejour de l'attaque au fixiémejour de Juillet. On choifit la
nuitpourcela: les Enfans perdus ,
je veux dire ceux qui marcherent
les premiers , donnerent brufquement & tefte baiffée fur un des
Fortsflanqué de quatre Baſtions ,
Février 1710. H
90 MERCURE
munisfelon le rapport de quelquesuns de ceux qui enfont revenus
de foixantepieces de Canon & de
plufieurs Pierriers. Des Boucaniers a qui le gardoient firent une
decharge terrible & du canon &
de leurs longs fufils qui cependant n'empêcha point ces premiers
des noftres , de pouffer leur pointe
avec une ardeur étonnante , de
rompre la paliẞade faite de gros ·
a Gens déterminez, Chaffeurs , propres
à la découverte , foit dans les terres
foit en mer; on pourroit les appeller
Flibuftiers de terre , auffi bien quede
mer. Les Boucaniers vivent fans façon de chair rôtic plus à la fumé
qu'au feu..
GALANT 91
un
pieux de traverſer un foffe
plein d'eau , large de quinzepieds,
qui estoit au de- là ; comme le feu
de l'Ennemy eftoit violent & continuel , & que le canonfaifoit
fracas horrible , & qu'avec cela
le nombre des Soldats oppofez aux
moftres eftoit tout-à-faitfuperieur,
il fallut fe retirer.
Mrde Mantet qui s'eft particulierement fignalé dans cette action , une des plus vives qui fe
foit faite en Amerique , y a efté
tues MrdeMartigny & douze
on quinze Canadiens ont eu le
mêmefort.
Hij
92 MERCURE
Les Anglois de la Vieille er de
la Nouvelle Angleterre ont efté
cette année dans de grands mouvemens pour s'emparer , fuivant
leur deffein , des trois Gouvernemens de la Colonie ; il neferoit
pas facile de vous expliquer combien ilsfe font remuez pour celae
voicy à peu prés la manœuvre
qu'ils ontfaite pourl'execution
ce projet.
uer.comDés que les Anglois de la Nouvelle Angleterre , & furtout ceux
de Bafton qui en eft la Capitale ,
eurentfçu certainement laprife de
leur Habitation du Port S.Jean ,
une des plus confiderables , ſans
GALANT 93
contredit , qu'ils euffent en TerreNeavepour la Pefche & lafureté de leurs Vaiffeaux qui paſſent
ouquireviennent d'Amerique , its
en donnerent avis à la Reine Anne par de petits Baftimens qu'ils
firent partir en diligence ; de forte
que vers la fin de May, un de
nos PartisSauvages ayantpris un
Officier Anglois du cofté de Bafton,
nous apprimes de luy qu'il leur
eftoit arriué des ordres de leur
Reine , par le Capitaine V'éché ,
dont voicy le contenu , autant que
jay pû m'en reſſouvenir: Que
tous les paysde fa domination
voifins de la Nouvelle - Angle-
$
94 MERCURE
terre ; fçavoir b la NouvelleYorck , le New-Jersey , bla
Penſylvanie , Mariland ( qui
veut dire terre de Marie ) la Vir
ginie & la Caroline ( quifemble
eftre une partie de la Floride ) feroient inceffamment proviſion
de vivres & de munitions de
guerre ; Qu'il feroit levé mille
hommes bien équipez & armez , qui fe joindroient à huit
mille Ecoffois prefts à s'embarquer au premier vent favora
ble & former une Efcadre de
dix Vaiffeaux de ligne , fans
Tous ces Pays font entre les 45. & 30.
degrez de Latitude Nord.
GALANT 95
compter les Baftimens de char
ge pour les munitions & les
vivres dont on pouvoit avoir
befoin , & cela pour venir
moüiller devant Bafton à la fin
du mois de Juin. Ces Ecoffois
aidez des Anglois de la Nouvelle
Angleterre devoient , felon leur
intention , affieger Quebec &fe
rendre maiftres detoutes les Coftes
d'en bas , jufqu'à la mer;
pays devoit , dans la pensée de la
Reine, leur demeurer , pour récom
penfe de la dépense & des avan
ces faites par ces Ecoffois les
mêmes ordres de la Reine Anne
marquoient : Que les Habitans
o
7
ce
96 MERCURE
du Gouvernement d'Orange
dans New-Yorck avecceux de
Manhate & les Sauvages leurs
Alliez ou Amis , s'uniroient
enfemble pour faire un Corps
d'Armée de trois mille hommes , qui iroit tomber fur le
Montreal , & feroit ainfi diverfion des forces des François.
d'arMrle Marquis de Vaudreüil,
Gouverneur general de la Nonvelle-France ne faifoit que
river à Ville-Marie , la feule
Ville quifoitdans l'Ile de Montreal éloignée foixante lieues de
Quebec ,lors qu'il apprit les deffeins
GALANT 97
feins des Anglois nos voisins, il
affembla le Confeil de Guerre
pour déliberer fur les mesures
qu'onavoit à prendre , &on fut
d'avis d'aller au devant des Ennemis & de les prévenir. Mr de
Ramezay Gouverneur de Mont
real fut destiné pour né pour commander
les Troupes ou Milices defon Gouvernement , &l'on convint d'y
joindre les Sauvages Iroquois
Algonkins , Abnakis , les autres qui font dans le voisinage.
Tout eftant preft ne vous attendez point icy , Monfieur , à des
Arméesdecent mille hommes comme en Europe , mais à des Partis
Février 1710. I
98 MERCURE.
pluteft qu'à des Armées , proportionnez aux Habitans de ces Regions froides ) la petite Armée , ou
le Partifi vous l'aimez mieux ,
commença à fe mettre en marche
vers le 15. deFuillet, & elle fe
* trouva cftre de treize àquatorze
cens hommes ; compofée des Habitans du Gouvernement de lIfle
de Montreal & de Sauvages de
plufieurs Nations. Onfut juf
qu'au c Lac Champlain , ainfi
eCe Lac s'etend depuis le 44. environ,
jufqu'au 45. degré de latitude Septentrionale. On en diftingue deux à
fes extremitez ; c'eft-à dire au Nord
& au Sud, le Lac de S. François au
Nord, & le Lac, dit du S. Sacrement,
au Sud.
QUA
LYON
GALANT 99
DE
appellé d'un ancien Gour
de Canada de ce nom ; Mrle
Marquis de Vaudreuil qui eft
fage & tres vigilantfaifoit pendantce temps- la fortifier de nouveau Quebec & Ville Marie ,
vulgairement dite Montreal ,
l'Habitation la plus importante
de l'Ifle de ce nom. Les Forts des
environs de l'Ile de Montrealfurent vifitez &reparez où ilfalloit on s'attacha beaucoup à d
celuy de Mrle Baron de Longüeil
Major de Montreal qui eft de
d Le Fort de Longueil eft à peu prés au
Sud de l'Ile de Montreal, fur le bord
du Fleuve S. Laurent.
I ij
100 MERCURE
pierre & un desplus confiderables
dela Colonie; celuy de la Prairie,
dité de la Madeleine , au Sudde
de l'Ifle de Montrealfut auffifortifié de nouveau en même temps
que celuy de e Chambly qui eftoit
Le plus expofe aux infultes de
l'Ennemi ; on en conftruifit un de
pierres à Lorette , Miffionfauvage au Nord de Ville -Marie ,
gouvernée par Mrsde S. Sulpice.
Les Découvreurs marchant devant noftre Arméejufques à trois
ou quatre licuës , rencontrerent un
eCe Fott cft au Nord du Lac Champlain , & à environ dix lieues de la
Rivierb de S. Laurent.
GALANT 101
Parti ennemi au lieu dit la Poinre , fà la chevelure de cent vingt
hommes ou environ ; Mr de Ra
mezay le Commandantfut auſſitoft averti , ilfit rangerfes gens en
ordrede Bataille le fignal donné,
on marcha droit aux Anglois , les
noftres donnerent avec vigueurfur
l'Ennemi en tuerent on firent
Prifonniers une bonne partie
mirent le refte en fuite ; quatre
de nos Sauvages qui s'eftoient un
f Ce lieu est éloigné de Quebec d'environ 6o. lieuës , & il n'eft aing nommé qu'à l'occafion de quelques chevelares levées par des Sauvages; mes
Lettres vous ont déja dit comment
cela fe faifoit.
I iij
102 MERCURE
25.
peu trop avancez ,yfurent tuez.
Les Prifonniers nous apprirent que
les Anglois s'eftoient retranchez à
lieues en deça d'Orange , le
long d'une petite riviere , appellée
la Riviere au Chicot , g qu'ils
faifoient conftruire en cet endroit
de grands Batteaux & des Pirogues &un bon nombre de Canots pour venir ravager le Canada, à lafaveur de la Riviere de
Saint Laurent , dans laquelle ils
feroient entrez par le moyen du
Lac Champlain les Anglois
g
s
Du cofté du Lac du S. Sacrement &
vers l'entrie du Lac Champlain, dans
le voisinage de la Nouvelle- Angleterre & de New-Yorck.
GALANT 103.
avoient en effet élevé trois Forts
avec de gros & grands pieux de
bois de cedre blanc qui eft commun
dans l'Amerique Septentrionale,
dans l'un defquels on diſoit qu'ily
avoit fix ou buitpieces de canon ,
des bombes , quantitédegrenades ,
environ quinze ou dix - huit
cens hommespour les garder.
Sur le rapport de ces Prifonniers Anglois , Mr de Ramezay
affembla tous les Officiers de fa
petite Armée, le Confeil trouvantque ceferoit , cefemble , une
temerité quede s'expofer en avançant contre des Ennemis & plus
nombreux, avec cela tres - bien
I iiij)
104 MERCURE
retranchez , on prit le parti de les
attendre de pied ferme , s'ils en
vouloient venir aux mains ; cer
pendant les Efpions des Anglois
ayant rapporté àleur Camp que
noftre Armée eftoitformidable
que le Lac Champlain eftoit tout
couvert de canots , l'allarme fe mit
parmi eux , & aucun des- leurs
neparoiffant , aprésplufieursjours
d'attente , le Chefdu Parti Canadien confiderant que la recolte
dans l'Ile de Montreal & aux
contrées adjacentespreffait, &mêmé qu'elle eftoit déja commencées
renvoya la Milice & les Habitans de Montreal & des Coftes
+
GALANT 105
cela n'empêchapoint qu'on ne laiffaft des Découvreurs aux environs du Pofte que l'on quittoit ,
c'eft à dire vers les Lacs S. François , de Champlain & du S. Sacrement , celuy - cy cftant le plus.
proche des Ennemis , pour avertir
de tout en cas de befoin. La moiffonfefit pendant ce temps- là &a
efté abondante , non-feulement en
blé , mais encore en legumes & en
fruits tels qu'on les peut conferver
en Canada.
On ramaffoittranquilement les
biens que le Ciel nous avoit don
nez de fa main toute liberale , lors
que vers le 15.du mois de Septem-
106 MERCURE
bre tout à coup un Sauvage qui
avoitdefertédu Camp des ennemis».
vintdire au Montreal queles En
nemis eftoient enmarche du cofté du
LacChamplain. MrdeRamezay
envoya en diligence ce Sauvage à
Mr le Marquis de Vaudreuil
qui eftoit defcendu à Quebecpour .
j bien recevoir les Ennemis , qui
felon le bruit qui couroit, prétendoient l'affieger avec des forces
nombreuſes &par mer &parterre. Les Officiers s'eftant affemblez
chez Mrle Gouverneur general ,
onconclutque le Montrealfe trouvant endanger, ilfalloit lefecou
courir, les Découvreurs que Mr
GALANY 107.
deVaudreuilavoit envoyez àplus
de foixante lieuës au - deffous de
Quebec , ne voyant rien fur le
Fleuve nyfur les Coftes ; l'ordre
ayant donc efté donnépour monter
le Fleuve de S. Laurent , il fe
trouva mille hommes du Gouver
ment de Quebec , preſts à marchers
Mr le Marquis deVaudreuil General de toute la Colonie , fe mit
à la tefte & fut droit au Fort
Chambly, vers l'entrée du Lac
Champlain tous les Sauvages
d'enbas premierement ceux des
environs de Quebec & des trois
Rivieres , fejoignirent à la Milice de la Cpitaledu Canada. Ace
108 MERCURE
Corps de Troupes fe joignit celuy
du Gouverneur de Montreal Mr
de Ramezay , ce qui forma une
Armée d'environ trois mille hom
mes. Le lieu du Campfut affigné
auLac & Fort de Chambly affez
prés du LacS. François quife communique à celuy de Champlain
mais comme aprés trois semaines
ou environ , l'Ennemi ne faifoir
aucun mouvement , on commença
à fe défier du Sauvage deferteur
de fon rapport: ce futen cette
fituation que Mr le Gouverneur
general reçut avis de Quebec , au
commencement d'Octobre , que la
Bellone Fregatte Françoise venois
GALANT 109
"de mouiller devant cette Ville , &
que l'Efcadre Ecoffoife deftinée
pourfaire le Siege de la Capitale
du Canada & favorifer l'attaque
des Anglois par en haut , c'est- àdire du cofté de Montreal , avoit
eu ordre de la Reine Anne de faire
voile vers le Portugal , à caufe
que MrleMarquis de Bay Commandant en Eftramadoure pour
PhilippeV. Roy d'Espagne, avoit
battue défait les Portugais &
les Anglois leurs Alliez. Mr le
General les Officiers de l'Armée Canadiennejugeantdoncqu'il
n'y avoit plus rien à craindre , la
faifon d'ailleurs eftant fort avan
براج
110 MERCURE
cée , on congedia la plupart des
Troupes. Neanmoins MrdeVaudreüil permit à Mr de Montigny
Capitaine tres-brave defaperfonne , que vous avez pu voir à la
Courily a quelques années , accompagné d'un ChefdesSauvages de la nation des Abnakis , de
fe mettre à la tefte d'un petit Parti, compofé de Canadiens experimentez &de Sauvages aguèrris,
pour tacher defaire quelques Prifonniers. Quelques- uns de ce petit
Parti , s'avancerent fi prés des
Forts des Anglois , qu'ils en fçûrent aisément & le nombre
forme. Fuſques à prefent , nous
la
*
GALANT III
n'avons perdu aucun des noftres ,
fice n'eft quatre Sauvages qui s'étoient engagez trop avant , dans
-le combat fous Mrde Ramezay.
Les Ennemis, fi on en croit un
Anglois amené depuis peu par un
Sauvage Abnaki , appellé Carnaret , efperent executer l'année
prochaine ce qu'ils n'ont pas fait
・
celle-cy.
La conclufion de toute la manœuvre des Anglois nos voisins &
de tout ce qu'avoit projetté leur
Reine , eft qu'il leur en coûte environfix millionspour le tout. On
compte cinq millions cinq ou fix
recent mille livres pour la Flotte
112 MERCURE
d'Ecoffe , fur lefquels cinq mil
lions , la Reine avoit fourni la
fomme de cinq ou fix cens mille
Livres , pour encourager les Ecoffois à fe rendre maiftres de toute
la Nouvelle- France , &environ
un million , tant au Baftonnois
qu'à ceuxde la Ménade on Manhate e d'Orange à qui la Reine
Anne donnoit en recompenfe tout
le Pays de Canada qui eft depuis
l'Ile de Montreal jufqu'à Quebec.
Lefuccés n'ayant point répondu à l'atente des Peuples de la
Nouvelle- Angleterre , de NewYork , & autres Pays fujets àla
CALANT 113
Reine Anne en Amerique , fur
lefquels on avoit levé de rudes
impôts & tiré d'exceffives contributions , ils commencent déja à
temoigner hautement leur mécontentementfur tout contre Pitref
culle , Major d'Orange , le principalboute-feu de la Guerre alumée contre nous qui jufqu'à .
prefent les à leurré de vaines
promeffes , leur faifant entendre
qu'il attireroit dans le parti de
l'Angleterre toutes les Nations
Iroquoifes par de magnifiques &
de riches prefens ; fur de fi belles
paroles les Habitans d'Orange,
d'Efope , & de Corlard , abanFévrier 1710.
K
114 MERCURE
#
donent leurs habitations &leurs
biens , courent aux armes.
Ceux de Manhate qui eft da
principale Place de la NouvelleYork , avec leur Gouverneur fe
·laiffent auffi éblouir par les difcours qu'on a foinde femer parmy.
eux , les Habitans de Bafton les
entrainent comme , malgré eux
dans cet expedition ; ils fe mettent
en marche , charient quantité
de provifions de bouche , bâtiffent
des Forts , pour leur fervir de
refuge en cas de défavantage , ils
fontde grandes dépenfes pour des
Convoys & des Munitons prodigieufes en Bombes , Canons ,
GALANT
Grenades , Pierriers . Toutes
ces démarches fembloient devoir
porter la terrear non feulement à
ta nouvelle France ; mais encore à
toute l'Amerique Septentrionalle ,
attirer tous les Sauvages dans
leur parti , neanmoins les Iroquois les plus aguerris d'entr'eux
nebranlentpoint , & les Sonontboüans demeurent neutres. Les
François loin de craindre les Anglois , vont au - devant d'eux ,
battent un de leur parti , font des
Prifonniers & les provoquent
de nouveau au Combat fans que
ces mêmes François ayant perdu
ancun des leurs. Tout nouvelleKij
116 MERCURE
ment nous venons de leur prendre
un Lieutenant qu'on a amené icy
Prifonnier. Une Flutte GardeCôtede Baftonavoit eſtépriſe par
nos gens avec buit Barques chargées de munitions qui alloient audevant de la Flote d'Ecoffe , qui
avoit ordre de la Reine Anne de
Se rendre maistre du Canada.
Ajoutez à cela tous nos petits
partis , difperfez çà , & là, qui
nous ont aporté plufieurs cheve
lures d'Anglois , ce qui a furieufement inquieté nos Ennemis
comptant laplupartdes Sauvages
dans leur parti,
pran
Nous avons vu icy au mois
GALANT 117
de Juillet un Phénomene qui a
fait parler diferemment bien des
fortes de ge
moyenne région de l'Air & avoit
à peu prés le difque apparent de
la Lune. Il yen eut à qui ilne
Sembla eftre qu'à la hauteur des
Arbres àdeuxcents pas d'eux,
tout Montreal l'a vu auffi- bien
que Quebec. Comme tout eft extrême en ce Pays- cy, & quepar
opofition au grandfroid , ilyfait
une chaleur exceffive en Esté
cette exhalaifon s'eft aparamment
formée d'une matiere déja toute
prefte:mais laiffons à Meffieurs
les Philofophes deviner ces effets
gens. Il parut dans la
118 MERCURE
de la nature , racontons quel
que chose qui vous touchera
peut- êtredavantage.
Les Iroquois quoyque battus
deux ou troisfois parles Outaouacs
depuis la Paix , n'ont pas encore remué , quoyque dans l'ame ,
ils ayent , à ce que quelques gens
croyent , bien envie defe vanger.
Les Aniés une des cinq Nations ,
la bonne amie des Anglois la
plus voifine de New York
incitez par nos Ennemis ,fe font
hazardez de venir , par une
lâchefurprife , lever la chevelure
à trois on quatre de nos Iroquois,
du Sant Saint Louis , à une lieuë
GALANT 119
&demie du Montreal,
Nous ménageons les Sauvages & ce n'eft pas peu de les
conferver dans la neutralité
contre lesfollicitations importunes
tres artificieufes de PeterSchuyler , vulgairement appellé
Pitre-Schulle , Major d'Elbanie où Orange en New York, fin
Renard , quipar des prefens réïterez e des difcours adroits
tâche de les metre ( au moins quelques Nations ) dans le parti des
Anglois. Mr de Jonquiere
réuffi merveilleufement auprés des
Sononthouans des Goyogouens
durant plufieurs années qu'il
120 MERCURE
efté auprés d'eux , pour les tenir
affectionnez à la Colonie , ce qui
luy a fait effuyer bien des fatigues. Mr le Baron de Longüeil
Major de Montreal , cheri de
pere en fils de ces Nations , eft allé
chez eux en Ambaffade pour Ne
gotier au moins une neutralité qui
foit ferme & pour les tenir en
refpect. La Nation des Sononthoüans femble être toute entiere.
pournous , & celle des Goyogoüins
enpartie ; ceux - cy quoyque gouvernezpar les premiers , je veux
dire par les Sononthoüans , une
des cinq Nations laplus nombreuSe,font partagez ce qu'ily a
de
GALANT 121
les
de remarquable c'est que les Iro
quois appellent les François ( en
la perfonne de leur Gouverneur
General ) leur Pere , & que
Anglois ne font confiderez chez
eux (fi peut-être on n'en excepte
les Aniez qui depuis du temps
paroiffent leurs grands amis ) que
comme leur Frere.
Voicy les morts les plus confiderables dans la Colonie , de cette
année. Mrle Marquis de Chryfaphi Gouverneur de la Ville des
Trois Rivieres , je ne vous apren
dray point icy , comme une chofe
nouvelle que cette Place eft égale
ment éloignée de Quebec , & de
Février 1710. L
122 MERCURE
Montreal , c'est ce que vous avez
pú connoître par mes precedentes
auffi-bien que beaucoup d'autres
éclairciffemens ou explications
que je ne repeteray pas dans cette
Lettre- ci, depeurde vous ennuyer.
Nous avons auffiperdu Mr de
Linetot MajordesTrois Rivieres.
Mrde Lorimier Capitaine. Mr
de Lor Biniere Doyen des Confeillers du Confeil Souverain de
Quebec un Chanoine de la
Cathedrale , ( Mr Petit ) jou
bliois le Pere ChauffetierJefuite ,
ce bon Pere-ci prétendoit il y a
quelques années avoir trouvé
le fecret de faire du pain avec
د
*
GALANT 123
certaine racine , qui auroit pû
fupléer au pain ordinaire dans un
befoin.
Je finis ma Lettre , que vous
recevez par la Bellone , petite
Fregate defeize Canons , en vous
marquant les perfonnes les plus
confiderables quipaffent en France dans ce Vaiffeau. Me la
Marquife de Vaudreuil femme
de Mrle Gouverneur General ,
s'y embarqua avec Me du Mefnil femme du Major des Troupes
de la Colonie. Mrle Vallet Chanoine de cette Ville & Secretaire
de Monfeigneurde Saint Vallier
noftre Evêque , Mr le Vaſſeur
Lij
124 MERCURE
Ingenieur envoyépar le Roy , c.
C'est avec les mêmes fentimens d'eftime & de wespect que
j'auray toujours pour vous , que
je fuis tres-parfaitement.
·
MONSIEUR,
Voftre tres- humble tresobéiffant ferviteur,
N.D.D
que je vous envoye une Relation de ce qui s'eft paffé en
Canada pendant le cours de
chaque année ; mais quelques
incidens font caufe que je vous
envoye celle que vous allez lire , quelques mois plus tard
quevous n'avez accoûtumé de
la recevoir tous les ans. Elled
vient d'un Officier François quis
eft dans l'Armée Canadienne.
"
GALANTNY 81
$ srpos ench notede af M
A Quebec le 12°. Novembre
299NING 27731709. riba vit
MONSIEUR,
La Defcription étonnante que
vous mefaites de l'Hyver qui a
ravagé l'Europe cette année , m’a
fait faire les reflexions ordinaires
fur le froid que l'on fent en ce
pays - cy. Et effectivement j'ay
admiré plus d'une fois.comment
les racines des Plantes , les Bois,
లో les Animaux, fans parler des
Habitans , refiftoient non-feulement a de tels froids , mais encore
82 MERCURE
à celuy que nous avons éprouvé
icy , vers la fin de l'année 1708 .
peu prés vers le temps que je
finiffois les dernieres Lettres queje
vous ay adreffées ; car il a eftéfi
pénetrant & fi vif, que s'il avoit
continué de la mêmeforce , je crois
quenous aurions tous peri & que
nous ferions tous morts dans les
commencemens d'un Hyverfi affreux. Mais le Seigneur n'a point
permis que nous avons fouffert au
deffus de nos forces.
Ainfi quelque rude qu'ait éfté
Hyver dans vos climats temperez d'ailleurs , il l'a efté incompa
rablement davantage en Canada,
GALANT 83
où la gelée commença vers la fin
de Novembre & perfevera fi
fortement, que dans les derniers
jours de Decembre ( 1708. ) le
Fleuve de S. Laurent , fe trouvaglacéjusqu'à laprofondeur de
dix pieds , & qu'il y avoit déja
quatre pieds de nége fur terre. Je
le repete encore , Monfieur , jepenfe que la Colonie auroit peryſi la
gelée avoit continué de cette violence. Et certes les Anglois fiirritez contre nous auroient eu alors
bon marché du Canada.
Ce froid exceffif nous quitta
fans doute pour vous aller rendre
vifte, puifque vous me marquez
84. MERCURE
que le premierjour de la grande
gelée commença le 6. ou 7. deFanvier de l'année fuivante ( 1709)
ce que je puis vous dire , c'est que
toutes ces horreurs de la nature ,
n'ontpoint efté un obftacle à la terre dela Nouvelle France , de nous
donnerd'affez bonsfruits, &aux
hommes de vivre ; au contraire
nous remarquons que ce froid
tribue à la fanté, & que la nége
qui regnefi longtemps dans l'AmeriqueSeptentrionale , l'engraifmerveilleufement , la moiffon
ayant efté abondante cette année-ci
en bled & enfruits; quoy qu'on
ne féme qu'à lafin d'Avril , le
fe
con-
GALANT 85
blé eft preft à couper au mois
( Je ne commenceray points
Monfieur, les Nouvelles que j'ay
à vous mander de ce pays-cy, par
ce qui s'eft paffé en l'Ile de Terre
Neuve au Fort S. Jean que nous
avons pris aux Anglois , parce
queje connois par vos Lettres que
vous en avez eftéinftruit en France , même d'aſſez bonne heure ;
à quoy je vous prie de faire
attention icy , eft que cette entreprife qui a estéexecutée avecbeaucoupde vigueur où entr'autres,
le fieur de la Ronde , d'une ancien="
ciennefamille de Canada s'eft dif-
86 MERCURE
tingué parfa bravoure intrigue
fort, non - feulement les Anglois
nos voiſins , mais encore ceux que
nous appellons icy les Anglois de
la Vieille- Angleterre, qui au
retour de ce qu'ils poffedent aux
Ifles - Antilles & ailleurs dans
l'Amerique, venoientfe relâcher,
ou radouber en ce Port , qui par
confequent leur eftoit fort commode.
Plufieurs des noftres difent icy
que la prife de ce Pofle & le ravage qu'on afait aux environs ,
va àfix millions. On dit que
Pefche que l'on faifoit proche la
Rade de S.Jean & aux Bancs
la
GALANT 87
voifins , valloit quatre millions de
rente à la Reine Anne. Nous
avons icy le Commandant ( le
Colonel Lloyd ) de ce Fort , prifonnieravecplufieurs Officiers, &
Soldats on Habitans de fon Gouvernement. Ila , àce qu'onpublie
dans Quebec , cent mille livres de
bien, & il veut fe marier icy &
époufer la veuve de Mr de Maricourt mort en 1704. Il eftoit
Capitaine dans cette Colonie &
freredu fameux Mr d'Yberville
qui s'eft fi fort diftingué fur mer
par fa valeur. Un Ecclefiaftique
tres-zelé, du Seminaire de Saint
Sulpice de Ville - Marie en l'Ifle
88 MERCURE
de Montreal, qui fait parfaite
ment l'Anglois , eft defcendu icy
pour travailler à la converfion de
ce Gouverneur Anglois , car
prétend, & il a témoigné librementfon deffein là-deffus , renoncer à la Religion Proteftante &
fe faire Catholique.
L'affaire de l'habitation de S.
Jean en Terre-Neuve futfuivie
d'une autre entrepriſe dans laBaye
d'Hudson , au lieu appellé le petit
Nord.
Mr Capitai- de Mantet
ne dans la Colonie enfut le Chef;
ce fut au mois d'Avril de cette
année 1709. Le Partife trouva
compofé de centhommes tous Ha.
GALANT 89
bitans & mariez pour la pluspart , mais alertes & entrepre P
nans ; Mr de la Nouě Lieutenant commandoit en ſecond ; à ces
deux Officiers s'en joignirent quel.
ques autres Subalternes ; la marche dura un peu plus de deux
mois , au bout duquel temps , nos
gens arrivez au but , déterminerent lejour de l'attaque au fixiémejour de Juillet. On choifit la
nuitpourcela: les Enfans perdus ,
je veux dire ceux qui marcherent
les premiers , donnerent brufquement & tefte baiffée fur un des
Fortsflanqué de quatre Baſtions ,
Février 1710. H
90 MERCURE
munisfelon le rapport de quelquesuns de ceux qui enfont revenus
de foixantepieces de Canon & de
plufieurs Pierriers. Des Boucaniers a qui le gardoient firent une
decharge terrible & du canon &
de leurs longs fufils qui cependant n'empêcha point ces premiers
des noftres , de pouffer leur pointe
avec une ardeur étonnante , de
rompre la paliẞade faite de gros ·
a Gens déterminez, Chaffeurs , propres
à la découverte , foit dans les terres
foit en mer; on pourroit les appeller
Flibuftiers de terre , auffi bien quede
mer. Les Boucaniers vivent fans façon de chair rôtic plus à la fumé
qu'au feu..
GALANT 91
un
pieux de traverſer un foffe
plein d'eau , large de quinzepieds,
qui estoit au de- là ; comme le feu
de l'Ennemy eftoit violent & continuel , & que le canonfaifoit
fracas horrible , & qu'avec cela
le nombre des Soldats oppofez aux
moftres eftoit tout-à-faitfuperieur,
il fallut fe retirer.
Mrde Mantet qui s'eft particulierement fignalé dans cette action , une des plus vives qui fe
foit faite en Amerique , y a efté
tues MrdeMartigny & douze
on quinze Canadiens ont eu le
mêmefort.
Hij
92 MERCURE
Les Anglois de la Vieille er de
la Nouvelle Angleterre ont efté
cette année dans de grands mouvemens pour s'emparer , fuivant
leur deffein , des trois Gouvernemens de la Colonie ; il neferoit
pas facile de vous expliquer combien ilsfe font remuez pour celae
voicy à peu prés la manœuvre
qu'ils ontfaite pourl'execution
ce projet.
uer.comDés que les Anglois de la Nouvelle Angleterre , & furtout ceux
de Bafton qui en eft la Capitale ,
eurentfçu certainement laprife de
leur Habitation du Port S.Jean ,
une des plus confiderables , ſans
GALANT 93
contredit , qu'ils euffent en TerreNeavepour la Pefche & lafureté de leurs Vaiffeaux qui paſſent
ouquireviennent d'Amerique , its
en donnerent avis à la Reine Anne par de petits Baftimens qu'ils
firent partir en diligence ; de forte
que vers la fin de May, un de
nos PartisSauvages ayantpris un
Officier Anglois du cofté de Bafton,
nous apprimes de luy qu'il leur
eftoit arriué des ordres de leur
Reine , par le Capitaine V'éché ,
dont voicy le contenu , autant que
jay pû m'en reſſouvenir: Que
tous les paysde fa domination
voifins de la Nouvelle - Angle-
$
94 MERCURE
terre ; fçavoir b la NouvelleYorck , le New-Jersey , bla
Penſylvanie , Mariland ( qui
veut dire terre de Marie ) la Vir
ginie & la Caroline ( quifemble
eftre une partie de la Floride ) feroient inceffamment proviſion
de vivres & de munitions de
guerre ; Qu'il feroit levé mille
hommes bien équipez & armez , qui fe joindroient à huit
mille Ecoffois prefts à s'embarquer au premier vent favora
ble & former une Efcadre de
dix Vaiffeaux de ligne , fans
Tous ces Pays font entre les 45. & 30.
degrez de Latitude Nord.
GALANT 95
compter les Baftimens de char
ge pour les munitions & les
vivres dont on pouvoit avoir
befoin , & cela pour venir
moüiller devant Bafton à la fin
du mois de Juin. Ces Ecoffois
aidez des Anglois de la Nouvelle
Angleterre devoient , felon leur
intention , affieger Quebec &fe
rendre maiftres detoutes les Coftes
d'en bas , jufqu'à la mer;
pays devoit , dans la pensée de la
Reine, leur demeurer , pour récom
penfe de la dépense & des avan
ces faites par ces Ecoffois les
mêmes ordres de la Reine Anne
marquoient : Que les Habitans
o
7
ce
96 MERCURE
du Gouvernement d'Orange
dans New-Yorck avecceux de
Manhate & les Sauvages leurs
Alliez ou Amis , s'uniroient
enfemble pour faire un Corps
d'Armée de trois mille hommes , qui iroit tomber fur le
Montreal , & feroit ainfi diverfion des forces des François.
d'arMrle Marquis de Vaudreüil,
Gouverneur general de la Nonvelle-France ne faifoit que
river à Ville-Marie , la feule
Ville quifoitdans l'Ile de Montreal éloignée foixante lieues de
Quebec ,lors qu'il apprit les deffeins
GALANT 97
feins des Anglois nos voisins, il
affembla le Confeil de Guerre
pour déliberer fur les mesures
qu'onavoit à prendre , &on fut
d'avis d'aller au devant des Ennemis & de les prévenir. Mr de
Ramezay Gouverneur de Mont
real fut destiné pour né pour commander
les Troupes ou Milices defon Gouvernement , &l'on convint d'y
joindre les Sauvages Iroquois
Algonkins , Abnakis , les autres qui font dans le voisinage.
Tout eftant preft ne vous attendez point icy , Monfieur , à des
Arméesdecent mille hommes comme en Europe , mais à des Partis
Février 1710. I
98 MERCURE.
pluteft qu'à des Armées , proportionnez aux Habitans de ces Regions froides ) la petite Armée , ou
le Partifi vous l'aimez mieux ,
commença à fe mettre en marche
vers le 15. deFuillet, & elle fe
* trouva cftre de treize àquatorze
cens hommes ; compofée des Habitans du Gouvernement de lIfle
de Montreal & de Sauvages de
plufieurs Nations. Onfut juf
qu'au c Lac Champlain , ainfi
eCe Lac s'etend depuis le 44. environ,
jufqu'au 45. degré de latitude Septentrionale. On en diftingue deux à
fes extremitez ; c'eft-à dire au Nord
& au Sud, le Lac de S. François au
Nord, & le Lac, dit du S. Sacrement,
au Sud.
QUA
LYON
GALANT 99
DE
appellé d'un ancien Gour
de Canada de ce nom ; Mrle
Marquis de Vaudreuil qui eft
fage & tres vigilantfaifoit pendantce temps- la fortifier de nouveau Quebec & Ville Marie ,
vulgairement dite Montreal ,
l'Habitation la plus importante
de l'Ifle de ce nom. Les Forts des
environs de l'Ile de Montrealfurent vifitez &reparez où ilfalloit on s'attacha beaucoup à d
celuy de Mrle Baron de Longüeil
Major de Montreal qui eft de
d Le Fort de Longueil eft à peu prés au
Sud de l'Ile de Montreal, fur le bord
du Fleuve S. Laurent.
I ij
100 MERCURE
pierre & un desplus confiderables
dela Colonie; celuy de la Prairie,
dité de la Madeleine , au Sudde
de l'Ifle de Montrealfut auffifortifié de nouveau en même temps
que celuy de e Chambly qui eftoit
Le plus expofe aux infultes de
l'Ennemi ; on en conftruifit un de
pierres à Lorette , Miffionfauvage au Nord de Ville -Marie ,
gouvernée par Mrsde S. Sulpice.
Les Découvreurs marchant devant noftre Arméejufques à trois
ou quatre licuës , rencontrerent un
eCe Fott cft au Nord du Lac Champlain , & à environ dix lieues de la
Rivierb de S. Laurent.
GALANT 101
Parti ennemi au lieu dit la Poinre , fà la chevelure de cent vingt
hommes ou environ ; Mr de Ra
mezay le Commandantfut auſſitoft averti , ilfit rangerfes gens en
ordrede Bataille le fignal donné,
on marcha droit aux Anglois , les
noftres donnerent avec vigueurfur
l'Ennemi en tuerent on firent
Prifonniers une bonne partie
mirent le refte en fuite ; quatre
de nos Sauvages qui s'eftoient un
f Ce lieu est éloigné de Quebec d'environ 6o. lieuës , & il n'eft aing nommé qu'à l'occafion de quelques chevelares levées par des Sauvages; mes
Lettres vous ont déja dit comment
cela fe faifoit.
I iij
102 MERCURE
25.
peu trop avancez ,yfurent tuez.
Les Prifonniers nous apprirent que
les Anglois s'eftoient retranchez à
lieues en deça d'Orange , le
long d'une petite riviere , appellée
la Riviere au Chicot , g qu'ils
faifoient conftruire en cet endroit
de grands Batteaux & des Pirogues &un bon nombre de Canots pour venir ravager le Canada, à lafaveur de la Riviere de
Saint Laurent , dans laquelle ils
feroient entrez par le moyen du
Lac Champlain les Anglois
g
s
Du cofté du Lac du S. Sacrement &
vers l'entrie du Lac Champlain, dans
le voisinage de la Nouvelle- Angleterre & de New-Yorck.
GALANT 103.
avoient en effet élevé trois Forts
avec de gros & grands pieux de
bois de cedre blanc qui eft commun
dans l'Amerique Septentrionale,
dans l'un defquels on diſoit qu'ily
avoit fix ou buitpieces de canon ,
des bombes , quantitédegrenades ,
environ quinze ou dix - huit
cens hommespour les garder.
Sur le rapport de ces Prifonniers Anglois , Mr de Ramezay
affembla tous les Officiers de fa
petite Armée, le Confeil trouvantque ceferoit , cefemble , une
temerité quede s'expofer en avançant contre des Ennemis & plus
nombreux, avec cela tres - bien
I iiij)
104 MERCURE
retranchez , on prit le parti de les
attendre de pied ferme , s'ils en
vouloient venir aux mains ; cer
pendant les Efpions des Anglois
ayant rapporté àleur Camp que
noftre Armée eftoitformidable
que le Lac Champlain eftoit tout
couvert de canots , l'allarme fe mit
parmi eux , & aucun des- leurs
neparoiffant , aprésplufieursjours
d'attente , le Chefdu Parti Canadien confiderant que la recolte
dans l'Ile de Montreal & aux
contrées adjacentespreffait, &mêmé qu'elle eftoit déja commencées
renvoya la Milice & les Habitans de Montreal & des Coftes
+
GALANT 105
cela n'empêchapoint qu'on ne laiffaft des Découvreurs aux environs du Pofte que l'on quittoit ,
c'eft à dire vers les Lacs S. François , de Champlain & du S. Sacrement , celuy - cy cftant le plus.
proche des Ennemis , pour avertir
de tout en cas de befoin. La moiffonfefit pendant ce temps- là &a
efté abondante , non-feulement en
blé , mais encore en legumes & en
fruits tels qu'on les peut conferver
en Canada.
On ramaffoittranquilement les
biens que le Ciel nous avoit don
nez de fa main toute liberale , lors
que vers le 15.du mois de Septem-
106 MERCURE
bre tout à coup un Sauvage qui
avoitdefertédu Camp des ennemis».
vintdire au Montreal queles En
nemis eftoient enmarche du cofté du
LacChamplain. MrdeRamezay
envoya en diligence ce Sauvage à
Mr le Marquis de Vaudreuil
qui eftoit defcendu à Quebecpour .
j bien recevoir les Ennemis , qui
felon le bruit qui couroit, prétendoient l'affieger avec des forces
nombreuſes &par mer &parterre. Les Officiers s'eftant affemblez
chez Mrle Gouverneur general ,
onconclutque le Montrealfe trouvant endanger, ilfalloit lefecou
courir, les Découvreurs que Mr
GALANY 107.
deVaudreuilavoit envoyez àplus
de foixante lieuës au - deffous de
Quebec , ne voyant rien fur le
Fleuve nyfur les Coftes ; l'ordre
ayant donc efté donnépour monter
le Fleuve de S. Laurent , il fe
trouva mille hommes du Gouver
ment de Quebec , preſts à marchers
Mr le Marquis deVaudreuil General de toute la Colonie , fe mit
à la tefte & fut droit au Fort
Chambly, vers l'entrée du Lac
Champlain tous les Sauvages
d'enbas premierement ceux des
environs de Quebec & des trois
Rivieres , fejoignirent à la Milice de la Cpitaledu Canada. Ace
108 MERCURE
Corps de Troupes fe joignit celuy
du Gouverneur de Montreal Mr
de Ramezay , ce qui forma une
Armée d'environ trois mille hom
mes. Le lieu du Campfut affigné
auLac & Fort de Chambly affez
prés du LacS. François quife communique à celuy de Champlain
mais comme aprés trois semaines
ou environ , l'Ennemi ne faifoir
aucun mouvement , on commença
à fe défier du Sauvage deferteur
de fon rapport: ce futen cette
fituation que Mr le Gouverneur
general reçut avis de Quebec , au
commencement d'Octobre , que la
Bellone Fregatte Françoise venois
GALANT 109
"de mouiller devant cette Ville , &
que l'Efcadre Ecoffoife deftinée
pourfaire le Siege de la Capitale
du Canada & favorifer l'attaque
des Anglois par en haut , c'est- àdire du cofté de Montreal , avoit
eu ordre de la Reine Anne de faire
voile vers le Portugal , à caufe
que MrleMarquis de Bay Commandant en Eftramadoure pour
PhilippeV. Roy d'Espagne, avoit
battue défait les Portugais &
les Anglois leurs Alliez. Mr le
General les Officiers de l'Armée Canadiennejugeantdoncqu'il
n'y avoit plus rien à craindre , la
faifon d'ailleurs eftant fort avan
براج
110 MERCURE
cée , on congedia la plupart des
Troupes. Neanmoins MrdeVaudreüil permit à Mr de Montigny
Capitaine tres-brave defaperfonne , que vous avez pu voir à la
Courily a quelques années , accompagné d'un ChefdesSauvages de la nation des Abnakis , de
fe mettre à la tefte d'un petit Parti, compofé de Canadiens experimentez &de Sauvages aguèrris,
pour tacher defaire quelques Prifonniers. Quelques- uns de ce petit
Parti , s'avancerent fi prés des
Forts des Anglois , qu'ils en fçûrent aisément & le nombre
forme. Fuſques à prefent , nous
la
*
GALANT III
n'avons perdu aucun des noftres ,
fice n'eft quatre Sauvages qui s'étoient engagez trop avant , dans
-le combat fous Mrde Ramezay.
Les Ennemis, fi on en croit un
Anglois amené depuis peu par un
Sauvage Abnaki , appellé Carnaret , efperent executer l'année
prochaine ce qu'ils n'ont pas fait
・
celle-cy.
La conclufion de toute la manœuvre des Anglois nos voisins &
de tout ce qu'avoit projetté leur
Reine , eft qu'il leur en coûte environfix millionspour le tout. On
compte cinq millions cinq ou fix
recent mille livres pour la Flotte
112 MERCURE
d'Ecoffe , fur lefquels cinq mil
lions , la Reine avoit fourni la
fomme de cinq ou fix cens mille
Livres , pour encourager les Ecoffois à fe rendre maiftres de toute
la Nouvelle- France , &environ
un million , tant au Baftonnois
qu'à ceuxde la Ménade on Manhate e d'Orange à qui la Reine
Anne donnoit en recompenfe tout
le Pays de Canada qui eft depuis
l'Ile de Montreal jufqu'à Quebec.
Lefuccés n'ayant point répondu à l'atente des Peuples de la
Nouvelle- Angleterre , de NewYork , & autres Pays fujets àla
CALANT 113
Reine Anne en Amerique , fur
lefquels on avoit levé de rudes
impôts & tiré d'exceffives contributions , ils commencent déja à
temoigner hautement leur mécontentementfur tout contre Pitref
culle , Major d'Orange , le principalboute-feu de la Guerre alumée contre nous qui jufqu'à .
prefent les à leurré de vaines
promeffes , leur faifant entendre
qu'il attireroit dans le parti de
l'Angleterre toutes les Nations
Iroquoifes par de magnifiques &
de riches prefens ; fur de fi belles
paroles les Habitans d'Orange,
d'Efope , & de Corlard , abanFévrier 1710.
K
114 MERCURE
#
donent leurs habitations &leurs
biens , courent aux armes.
Ceux de Manhate qui eft da
principale Place de la NouvelleYork , avec leur Gouverneur fe
·laiffent auffi éblouir par les difcours qu'on a foinde femer parmy.
eux , les Habitans de Bafton les
entrainent comme , malgré eux
dans cet expedition ; ils fe mettent
en marche , charient quantité
de provifions de bouche , bâtiffent
des Forts , pour leur fervir de
refuge en cas de défavantage , ils
fontde grandes dépenfes pour des
Convoys & des Munitons prodigieufes en Bombes , Canons ,
GALANT
Grenades , Pierriers . Toutes
ces démarches fembloient devoir
porter la terrear non feulement à
ta nouvelle France ; mais encore à
toute l'Amerique Septentrionalle ,
attirer tous les Sauvages dans
leur parti , neanmoins les Iroquois les plus aguerris d'entr'eux
nebranlentpoint , & les Sonontboüans demeurent neutres. Les
François loin de craindre les Anglois , vont au - devant d'eux ,
battent un de leur parti , font des
Prifonniers & les provoquent
de nouveau au Combat fans que
ces mêmes François ayant perdu
ancun des leurs. Tout nouvelleKij
116 MERCURE
ment nous venons de leur prendre
un Lieutenant qu'on a amené icy
Prifonnier. Une Flutte GardeCôtede Baftonavoit eſtépriſe par
nos gens avec buit Barques chargées de munitions qui alloient audevant de la Flote d'Ecoffe , qui
avoit ordre de la Reine Anne de
Se rendre maistre du Canada.
Ajoutez à cela tous nos petits
partis , difperfez çà , & là, qui
nous ont aporté plufieurs cheve
lures d'Anglois , ce qui a furieufement inquieté nos Ennemis
comptant laplupartdes Sauvages
dans leur parti,
pran
Nous avons vu icy au mois
GALANT 117
de Juillet un Phénomene qui a
fait parler diferemment bien des
fortes de ge
moyenne région de l'Air & avoit
à peu prés le difque apparent de
la Lune. Il yen eut à qui ilne
Sembla eftre qu'à la hauteur des
Arbres àdeuxcents pas d'eux,
tout Montreal l'a vu auffi- bien
que Quebec. Comme tout eft extrême en ce Pays- cy, & quepar
opofition au grandfroid , ilyfait
une chaleur exceffive en Esté
cette exhalaifon s'eft aparamment
formée d'une matiere déja toute
prefte:mais laiffons à Meffieurs
les Philofophes deviner ces effets
gens. Il parut dans la
118 MERCURE
de la nature , racontons quel
que chose qui vous touchera
peut- êtredavantage.
Les Iroquois quoyque battus
deux ou troisfois parles Outaouacs
depuis la Paix , n'ont pas encore remué , quoyque dans l'ame ,
ils ayent , à ce que quelques gens
croyent , bien envie defe vanger.
Les Aniés une des cinq Nations ,
la bonne amie des Anglois la
plus voifine de New York
incitez par nos Ennemis ,fe font
hazardez de venir , par une
lâchefurprife , lever la chevelure
à trois on quatre de nos Iroquois,
du Sant Saint Louis , à une lieuë
GALANT 119
&demie du Montreal,
Nous ménageons les Sauvages & ce n'eft pas peu de les
conferver dans la neutralité
contre lesfollicitations importunes
tres artificieufes de PeterSchuyler , vulgairement appellé
Pitre-Schulle , Major d'Elbanie où Orange en New York, fin
Renard , quipar des prefens réïterez e des difcours adroits
tâche de les metre ( au moins quelques Nations ) dans le parti des
Anglois. Mr de Jonquiere
réuffi merveilleufement auprés des
Sononthouans des Goyogouens
durant plufieurs années qu'il
120 MERCURE
efté auprés d'eux , pour les tenir
affectionnez à la Colonie , ce qui
luy a fait effuyer bien des fatigues. Mr le Baron de Longüeil
Major de Montreal , cheri de
pere en fils de ces Nations , eft allé
chez eux en Ambaffade pour Ne
gotier au moins une neutralité qui
foit ferme & pour les tenir en
refpect. La Nation des Sononthoüans femble être toute entiere.
pournous , & celle des Goyogoüins
enpartie ; ceux - cy quoyque gouvernezpar les premiers , je veux
dire par les Sononthoüans , une
des cinq Nations laplus nombreuSe,font partagez ce qu'ily a
de
GALANT 121
les
de remarquable c'est que les Iro
quois appellent les François ( en
la perfonne de leur Gouverneur
General ) leur Pere , & que
Anglois ne font confiderez chez
eux (fi peut-être on n'en excepte
les Aniez qui depuis du temps
paroiffent leurs grands amis ) que
comme leur Frere.
Voicy les morts les plus confiderables dans la Colonie , de cette
année. Mrle Marquis de Chryfaphi Gouverneur de la Ville des
Trois Rivieres , je ne vous apren
dray point icy , comme une chofe
nouvelle que cette Place eft égale
ment éloignée de Quebec , & de
Février 1710. L
122 MERCURE
Montreal , c'est ce que vous avez
pú connoître par mes precedentes
auffi-bien que beaucoup d'autres
éclairciffemens ou explications
que je ne repeteray pas dans cette
Lettre- ci, depeurde vous ennuyer.
Nous avons auffiperdu Mr de
Linetot MajordesTrois Rivieres.
Mrde Lorimier Capitaine. Mr
de Lor Biniere Doyen des Confeillers du Confeil Souverain de
Quebec un Chanoine de la
Cathedrale , ( Mr Petit ) jou
bliois le Pere ChauffetierJefuite ,
ce bon Pere-ci prétendoit il y a
quelques années avoir trouvé
le fecret de faire du pain avec
د
*
GALANT 123
certaine racine , qui auroit pû
fupléer au pain ordinaire dans un
befoin.
Je finis ma Lettre , que vous
recevez par la Bellone , petite
Fregate defeize Canons , en vous
marquant les perfonnes les plus
confiderables quipaffent en France dans ce Vaiffeau. Me la
Marquife de Vaudreuil femme
de Mrle Gouverneur General ,
s'y embarqua avec Me du Mefnil femme du Major des Troupes
de la Colonie. Mrle Vallet Chanoine de cette Ville & Secretaire
de Monfeigneurde Saint Vallier
noftre Evêque , Mr le Vaſſeur
Lij
124 MERCURE
Ingenieur envoyépar le Roy , c.
C'est avec les mêmes fentimens d'eftime & de wespect que
j'auray toujours pour vous , que
je fuis tres-parfaitement.
·
MONSIEUR,
Voftre tres- humble tresobéiffant ferviteur,
N.D.D
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Résumé : A Quebec le 12e. Novembre 1709.
En novembre 1709, une lettre décrit divers événements survenus au Canada. L'hiver 1708-1709 a été particulièrement rigoureux, avec des températures extrêmement basses et une épaisse couche de neige. Malgré ces conditions, la colonie a produit de bons fruits et la neige a fertilisé les terres. La lettre relate également des victoires militaires françaises. Les Français ont pris le Fort Saint-Jean à Terre-Neuve, dirigé par le sieur de la Ronde, causant des pertes financières significatives aux Anglais. Une autre expédition française a attaqué un fort anglais dans la baie d'Hudson. Les Anglais préparaient une grande offensive pour s'emparer des gouvernements de la colonie française, mais les Français ont renforcé leurs positions et organisé des patrouilles. Une confrontation à la Pointe à la Chevelure a vu la victoire des Français, qui ont capturé des prisonniers révélant les plans anglais de construire des bateaux pour envahir le Canada. Sur le plan militaire, les officiers français, sous le commandement de Monsieur de Ramezay, ont décidé de ne pas avancer contre les ennemis plus nombreux et bien retranchés, préférant les attendre. Les espions anglais ont rapporté que l'armée française était formidable, provoquant une alarme parmi les Anglais. Monsieur de Vaudreuil, gouverneur général, a rassemblé une armée de trois mille hommes près du lac Champlain. Après trois semaines sans mouvement ennemi, les Français ont appris que la flotte écossaise destinée à attaquer Québec avait été redirigée vers le Portugal. Les Français ont alors congédié la plupart des troupes. Monsieur de Montigny a mené une petite expédition contre les prisonniers anglais. Malgré leurs efforts et dépenses, les Anglais n'ont pas réussi à attirer les nations iroquoises dans leur camp. Les Français ont capturé des prisonniers et des munitions, et les Iroquois sont restés neutres. Le texte mentionne également des phénomènes naturels et des décès notables dans la colonie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 177-201
Nouvelles de la Cour, de Paris, &c.
Début :
Le 9 Octobre, sur les cinq heures de l'après-midi, Madame la Dauphine commença à sentir [...]
Mots clefs :
Naissance du Prince, Comte d'Artois, Famille royale, Cérémonie, Madame la Dauphine, Accession à des charges, Serment, Troupes, Actes de piété et démonstrations de joies, Députés, Canada, Anglais, Nouvelle France, Campagne militaire, Ennemis, Marquis de Vaudreuil, Forts, Expéditions, Batailles, Lieutenant, Colonel, Marquis de Montcalm, Capitaine, Soldats, Chevalier, Milices, Défense, Les sauvages, Camps, Protections, Artillerie, Siège, Victoire, M. Passemant, Miroir, Corsaires , Navires, Marchandises
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texteReconnaissance textuelle : Nouvelles de la Cour, de Paris, &c.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
I
E 9 Octobre , fur les cinq heures de l'aprèsmidi
, Madame la Dauphine commença à fentir
Hv
178 MERCURE DE FRANCE.
des douleurs. Vers les fept heures du foir , cette
Princeffe accoucha d'un Prince , que le Roi a nom.
mé Comte d'Artois. M. l'Abbé de Bouillé , Comtede
Lyon , & premier Aumônier de Sa Majeſté ,
fit , à fept heures un quart , la cérémonie de l'ondoyement
, en préfence du Curé de la Paroiffe da
Château . Monfieur Rouillé , Miniftre d'Etat , Sur
Intendant général des Poftes , & grand Tréforier
de l'Ordre du S. Elprit , ayant apporté le Cordon
de cet Ordre , eut l'honneur de le paffer au col
du Prince . Monfeigneur le Comte d'Artois fut enfuite
remis à la Comteffe de Marfan , Gouvernante.
des Enfans de France ; & elle le porta à l'appartement
qui lui étoit deſtiné . Ce Prince y fut conduit
par le Maréchal Duc de Luxembourg , Capitaine
des Gardes du Corps.
Le Roi & la Reine , accompagnés de la Famille
Royale , ainfi que des Princes & Princeffes du
Sang , des grands Officiers de la Couronne , des.
Miniftres , des Seigneurs & Dames de la Cour
& précédés des deux Huiffiers de la Chambre quis
portoient leurs maffes , fe rendirent le lendemain
à la Chapelle. Leurs Majeftés y entendirent la
Meffe , pendant laquelle M. Colin de Blamont ,
Chevalier de l'Ordre de S. Michel , & Sur- Intendant
de la Mufique de la Chambre , fit exécuter le
Te Deum en mufique , de fa compofition . Cette
Hymne fut entonnée par M. l'Abbé Gergois, Chapelain
ordinaire de la Chapelle- Mufique.
Après la Meffe , le Roi & la Reine , Monfeigneur
le Dauphin , Monfeigneur le Duc de Bourgogne ,
Monfeigneur le Duc de Berry , Monfeigneur le
Comte de Provence , Madame Infante Duchellede
Parme , Madame ,. & Mefdames Victoire , Sophie
& Louife , reçurent dans leurs appartemens
les révérences des Dames de la Cour , à l'occafion
NOVEMBRE. 1757 179
des couches de Madame la Dauphine , & de la
naiffance du Prince.
On tira le foir un bouquet d'artifice devant les
fenêtres du Roi.
Sa Majefté a fait partir Monfieur Pernot- du
Buat , un de fes Gentilshommes ordinaires
pour aller à Luneville donner part de la naiffance
de Monfeigneur le Comte d'Artois au Roi de Pologne
, Duc de Lorraine & de Bar.
Madame la Dauphine & le jeune Prince fe por--
tent auffi bien qu'on puiffe le défirer.
9"
Sur le premier avis que Madame la Dauphine:
avoit reffenti quelques douleurs , le Corps - de-Ville
s'étoit affemblé. A huit heures & demie du foir
le fieur d'Amfreville , Chefde Brigade des Gardes.
du Corps , vint lui apprendre , de la part du Roi,.
la naiffance d'un Prince. Auffi -tôt les Prevôt des
Marchands & Echevins firent annoncer à toute la
Ville , par une falve générale de l'artillerie , & par
la cloche de l'Hôtel- de-Ville , qui a fonné jufqu'au
lendemain minuit , la nouvelle faveur qu'il
a plu à Dieu d'accorder au Roi & à la Nation. On
tira le même foir dans la place de l'Hôtel - de-Ville :
un grand nombre de fufées volantes,
Le ro , les officiers des cérémonies étant ab--
fens , le fieur Ourfin de Soligny , Maître d'hôtel
du Roi , remit au Corps - de- Ville une lettre de Sa
Majefté. Il fut fait deux falves générales de l'artil
lerie , l'une dès le matin , l'autre vers les fix heu--
res du foir , après laquelle les Prevôt des Marchands
& Echevins allumerent,avec les cérémonies
accoutumées , le bucher qui avoit été dreffé dans
la place devant l'Hôtel- de- Villé . Ce feu fut accom.-
pagné d'une grande quantité d'artifice : On fit couler
dans la place plufieurs fontaines de vin , & l'on
diftribua du pain &. des. viandes au peuple . Des.
H.vj.
180 MERCURE DE FRANCE.
orcheftres remplis de muficiens , mêlerent le foa
de leurs inftrumens aux acclamations dictées paa
Palégretle publique. La façade de l'Hôtel- de-
Ville fut illuminée par plufieurs filets de terrines ,
ainfi que l'hotel du Prevôt des Marchands , & les
mailons des Echevins & Officiers du Bureau de la
Ville.
Le Roi a accordé à M. le Marquis de la Tour-
Dupin de Paulin le régiment de Guyenne , vacant
par la mort de M. le Conte de Montmorenci-
Laval , tué à la bataille de Haftembecke .
a
Le Roi ayant admis dans fon Confeil des Dépêches
les fieurs Gilber de Voyfins & Berryer , Confeillers
d'Etat , le 16 octobre ils eurent l'honneur
de faire leurs remerciemens à Sa Majeſté.
Sa Majesté a donné le gouvernement général de
l'Orléanois , vacant par la mort de M. le Duc d'Antin
, au Comte de Rochecouart , fon Miniftre
Plénipotentiaire à la Cour de Parme.
Le 19 , M. le Duc de Duras prêta ferment entre
les mains du Roi pour la charge de premier Gentilhomme
de la Chambre , vacante par la mort du
Duc de Gefvres.
Le même jour, M. le Marquis de Gontaut prêta
ferment entre les mains de Sa Majeſté , pour la
Lieutenance générale du Languedoc , vacante par
la mort de M. le Maréchal Duc de Mirepoix.
Le Roi a difpofé en faveur du Prince de Beauveau
, de la charge de Capitaine des Gardes du
Corps , qu'avoit auffi le feu Maréchal Duc de Mirepoix
Sa Majesté a accordé au Vicomte de Noë,
Chambellan du Duc d'Orléans , & Capitaine de
vaiffeau , un brevet de Colonel à la ſuite du régiment
d'Orléans cavalerie.
M. de Lamoignon de Bafville a obteau da
A
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G
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NOVEMBRE . 1757. 181
Roi l'agrément de la charge de Préſident du Par
lement , dont le fieur Molé , premier Préfident ,
étoit revêtu.
Le Roi a nommé M. le Comte des Salles, Capitaine
de Cavalerie dans le régiment d'Harcourt ,
à la place deColoneldans lesGrenadiers de France,
vacante par la nomination de M. le Marquis de la
Tour - Dupin de Paulin au régiment de Guyenne.
Les troupes de la Maiſon du Roi , qui avoient
été détachées pour la défenſe de nos côtes , ne
font point arrivées à leur deftination , par la
prompte retraite des Anglois , & ont eu ordre de
revenir. Les Gardes Françoifes & les Gardes Suiffes
qui étoient reftées à Tours , à Saumur & à
Blois , doivent fe rendre ici fucceffivement dans
Fla fin d'octobre , & au commencement de novembre.
Les détachemens des Gardes du Corps ,
Gendarmes de la Garde , Chevaux- Légers , &
Moufquetaires de la premiere Compagnie , font
tous partis le 19 octobre , d'Orléans , d'Eftampes ,
d'Arpajon & de Chartres , où ils étoient reftés. La
feconde Compagnie des Moufquetaires , & les
Grenadiers à cheval , qui avoient reçu des contreordres
à temps , n'ont point quitté leurs quartiers.
Madame la Dauphine étant accouchée d'un
Prince le 9 d'octobre , M. le Marquis de Paulmy ,
Miniftre & Sécretaire d'Etat , expédia fur le champ.
un courier aux Députés des Etats de la Province
d'Artois
, pour leur faire fçavoir que le Roi avoit
nommé le nouveau Prince , Comte de cette Pro-,
vince. Auffitôt que cette nouvelle fut portée à
Arras , Capitale de l'Artois , toutes les cloches de
la Ville fonnerent , les habitans fermerent d'euxmêmes
leurs boutiques , & coururent en foule à
P'Eglife , pour y rendre à Dieu des actions.de.gra
182 MERCURE DE FRANCE.
ees de l'heureuſe délivrance de Madame la Dau
phine , & lui demander la conſervation d'un
Prince qui leur eft d'autant plus cher , que la
Province , depuis cinq hecles , a été privée de
Phonneur de voir fon nom porté par un Prince
de la Maiſon Royale. Ces actes de piété furent
fuivis des démonftrations de la joie la plus vive.
La nouvelle fut bientôt répandue jufqu'aux extrê
mités de l'Artois ; & tous les peuples , à l'envi de
la Capitale , s'emprefferent de faire éclater lear
reconnoiffance & leur alegreffe . Les Etats de la
province s'affemblerent extraordinairement , &
éfolurent de nommer une députation folemnelle,
formée de trois perfonnes de chaque ordre , pour
aller , conjointement avec les députés ordinaires
qui réfident cette année à la fuite de la Cour , remercier
le Roi de lafaveur fignalée que Sa Majesté
vient d'accorder à l'Artois , & pour la féliciter ,
ainfi que la Famille royale , fur cet heureux évé
nement. Cette députation s'étant rendue à Verfailles
le Dimanche 16 d'octobre , elle fut admife
à l'audience du Roi , de la Reine , de Monseigneur
le Dauphin , de Monfeigneur le Duc de Bourgogne
, de Monfeigneur le Duc de Berry , de Mon
feigneur le Comte de Provence , de Monfeigneur
le Comte d'Artois , de Madame Infante Ducheffe
de Parme , de Madame , & de Meſdames Victoire ,
Sophie & Louife. Les Députés furent préfentés
par M. le Marquis de Paulmy , Miniftre & Secresaire
d'Etat , ayant le département de la Province,
& conduits par M. Defgranges , Maître des Céré
monies. La députation étoit compofée de MM. les
Evêques d'Arras , de Saint - Omer , l'Abbé de
Saint-Waak & l'Abbé de Cry , Chanoine de is
Cathédrale d'Arras , pour le Clergé ; de MM. le
Marquis de Creny , le Comte d'Houchin , k
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NOVEMBRE . 1757. 183:
Baron de Wifmes , & le Baron d'Haynin , pour la
Nobleffe ; de MM. de Canchy , Echevin de la ville
de Saint - Omer ; Cornuel & Goffes , Echevins de
la ville d'Arras , & de Gouves , Procureur du Roi
de la même ville , pour le Tiers - Etat. Elle étoit
accompagnée de M. le Premier Préfident & du .
Confeil Provincial d'Artois . M. l'Evêque de Saint-
Omer porta la parole , & exprima d'une maniere:
touchante les fentimens de joie , d'amour , de
refpect & de reconnoiffance, communs à tous les
habitans de l'Artois. Cette Province fut réunie à
la Couronne en 1199 , par Philippe Augufte. Il
Périgea en Comté , & la donna à fon fils aîné , depuis
Louis VIII . Ce Comté paffa enfuite à Robert,.
fecond fils de Louis , qui porta le nom de Comte:
d'Artois , & fut tué à la bataille de la Maffoure,
Philippe le Bel en 1297 érigea l'Artois en Comté
Pairie.
La Princeffe de Condé eft accouchée heureufe--
ment les d'Octobre d'une Princeffe.
Les mauvais fuccès que les Anglois ont éprouvés
dans les entreprifes qu'ils ont tentées , foit dans le
fein de la paix , foit depuis la déclaration de la
guerre , pour envahir le Canada , ne les ont point
rebutés . Perfonne n'ignore les préparatifs im
menfes qu'ils avoient faits pour l'attaquer cette
année tout à la fois par mer & du côté des
terres. Les forces navales , que le Roi a deſtinées
pour la défenſe de cette colonie , ont fait échouer
leur projet du côté de la mer; & les difpofitions:
qui ont été faites dans le pays , les ont mis éga
lement hors d'état de faire aucune tentative fur les
frontieres.
Dès la fin de la campagne de l'année derniere ,,
M. le Marquis de Vaudreuil, Gouverneur & Lieute
pant-Général de la Nouvelle France , s'occupa de
184 MERCURE DE FRANCE.
tous les arrangemens qu'il pouvoit y avoir à pren
dre pour le mettre en état de les repouffer de toutes
parts.
Il prit des mefures pour avoir des partis de Canadiens
& de Sauvages continuellement en cam.
pagne durant l'hyver. Les incurfions que ces détachemens
ont faites fur les ennemis leur ont ré
beaucoup de monde , & donné l'alarme à leurs
colonies, où ils ont fait beaucoup de ravages.
M. le Marquis de Vaudreuil s'eft appliqué authà
ménager les bonnes difpofitions des Nations Sauvages
, qui en général font foulevées contre l'iajuftice
des prétentions & la violence des procédés
des Anglois. Celles qui font anciennement alliées
de la France n'ont point ceffé de donner de nouvelles
preuves de leur fidélité , & ont été continuellement
en parti contre les ennemis. D'autres
Nations nombreuſes font entrées dans cette alliance
, & ont pris part à la guerre. Les Iroquois
eux-mêmes , ces Nations que les Anglois repréſen
tent à l'Europe comme leurs fujettes , animés des
mêmes motifs que les autres Sauvages , ont pris le
même parti , malgré les efforts de toute espece
que les Gouverneurs Anglois ont faits pour obtenir
d'eux qu'ils s'en tinffent à la neutralité qu'ils
avoient obfervée dans les guerres précédentes
d'entre la France & l'Angleterre.
C'eſt relativement aux avantages que M. le Marquis
de Vaudreuil s'eft vu en état de tirer des difpofitions
de toutes ces Nations , qu'il a réglé fes
opérations.
Il avoit jugé que les ennemis tourneroient leurs
principaux efforts du côté du Lac Saint- Sacrearent
& du Lac Champlain ; & il a donné une
attention particuliere à munir les Forts qui défendent
cette frontiere. Les ennemis ayant été infor
NOVEMBRE. 1757 . 185
més qu'on devoit faire pafler du Fort Saint-Fre
déric au Fort de Carillon quelques provifions fous
l'escorte d'un petit détachement , en envoyere t
un de quatre-vingts hommes d'élite , qui enleva les
premieres traînes de ce convoi & fept Soldats ;
mais le Commandant du Fort Saint- Frédéric fit
marcher un nouveau détachement qui coupa celui
des ennemis dans fon chemin , le défit entiérerement
, à l'exception de trois hommes qui fe
fauverent , & reprit les traînes dont les ennemis
s'étoient emparés , & trois Soldats qui reftoient
de ceux qui avoient été enlevés . Cette action fe
pafla au mois de Janvier. MM . de Bafferode & de
la Grandville , Capitaines aux Régimens de Languedoc
& de la Reine , y eurent la principale
part.
M. le Marquis de Vaudreuil apprit dans le même
temps que les ennemis avoient raflemblé au
Fort Georges fitué fur le Lac Saint -Sacrement ,
des approvifionnemens confidérables de toures
les efpeces , & qu'ils avoient fait conftruire fous
le canon de ce Fort un très -grand nombre de barques
, de bateaux & d'autres bâtimens , non-feulement
pour le tranfport de ces approvifionnemens
, mais encore pour s'affurer la navigation de
ce Lac. Il jugea que tous ces préparatifs étoient
deftinés pour des entreprifes que les ennemis fe
propofoient d'exécuter au printems. Pour leur en
ôter les moyens , il fit , matcher au mois de Mars
un détachement de quinze cens hommes de troupes
réglées , Canadiens & Sauvages , fous les ordres
de M. Rigaud- de Vaudreuil , Gouverneur
des Trois - Rivieres , qui réuffit fi bien dans fon
expédition , qu'il parvint à brûler tous les bâtimens
de mer , tous les magafins qui étoient rem➡
plis de toutes fortes de munitions & d'uftenfiles
186 MERCURE DE FRANCE.
pour une armée de quinze mille hommes , & généralement
tout ce que les ennemis avoient raſ◄
femblé fous le Fort , lequel refta ifolé.
M. le Marquis de Vaudreuil ne fe contenta
pas des obftacles qu'il oppofoit par- là à l'exécution
des projets des ennemis du côté du Lac Saint-Sacrement
, il fortifia de nouveau les garnifons des
poftes qui font fur cette frontiere ; & au moyen
du renfort de troupes & des autres fecours que le
Roi a fait paffer en Canada , ce Gouverneur s'eft
trouvé en état d'agir offenfivement contre les ennemis.
Du côté de la Belle Riviere , il a fait détruire
plufieurs petits Forts qu'ils y avoient établis .
Pour profiter efficacement des avantages de
Pexpédition de M. Rigaud , & de ceux de la fituation
où le trouvoit la colonie du côté de la mer ,
il a formé le projet de s'emparer du Fort Georges.
L'établiffement de ce Fort , qui n'avoit été fait
que depuis peu de temps, étoit une de ces invaſions
que les Anglois font dans l'ufage de faire en tems
de paix fur les poffeflions de leurs voisins ; & il
leur donnoit les plus grandes facilités pour atta
quer le Canada par fon centre.
M. le Marquis de Vaudreuil a chargé de cette
importante expédition M. le Marquis de Montcalm
, Maréchal de Camp. Le corps de troupes
qu'il y a deftiné , étoit compofé de fix bataillons
de troupes de terre , d'un détachement des
troupes réglées de la colonie , de plufieurs détachemens
de milices , & de plufieurs partis de
Sauvages. Toutes ces troupes ont été raſſemblées
le 20 Juillet à Carrillon , où M. de Bourlamaque
, Colonel d'Infanterie , avoit déja fait les dif
pofitions préliminaires pour la marche de l'armée.
M. le Marquis de Montcalm s'y étoit rende
Σ
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NOVEMBRE. 1757. 187
quelque temps auparavant. En attendant que l'armée
pût le mettre en marche , il avoit détaché
M. de Rigaud- de Vaudreuil , pour s'emparer de
la tête du portage du Lac Saint- Sacrement , avec
un corps de troupes de la colonie , de Canadiens
& de Sauvages.
M. Kigaud- de Vaudreuil s'étant établi dans ce
pofte , il envoya trois détachemens à la découverte.
Le premier , qui n'étoit que de dix hommes ,
fut attaqué fur le Lac Saint- Saciement par plufieurs
canots , dans lefquels il y avoit cent vinge
à cent trente Anglois . Quoique M. de Saint-
Ours , Lieutenant des troupes de la Colonie ,
qui le commandoit , fût bleffé à la premiere décharge
, il fe défendit avec tant de fermeté , qu'il
obligea les ennemis à fe retirer.
Le fecond , qui étoit affez confidérable , fut
commandé par M. Marin , autre Lieutenant , quis
fe fit précéder par huit Sauvages qui faifoient fon
avant-garde , lefquels fe trouverent vis - àvis quarante
Anglois. Dès le premier abord , ils firent :
leur décharge fur les ennemis , tuerent leur Com
mandant , & mirent le refte en fuite. M. Marin ,,
ayant rejoint fon avant-garde , réduifit fon détachement
à cent cinquante hommes d'élite . Il fe
porta près du Fort Edouard , éloigné de quelques.
lieues du Fort Georges , fans être découvert. Il défit
d'abord une patrouille de dix hommes , enfuite
une garde ordinaire de cinquante hommes ,
& plufieurs travailleurs. Il fe préfenta à la vue da
camp des ennemis , qui fortirent au nombre de
trois mille hommes faifant feu fur lui . Il le foutine
pendant deux heures. Ce ne fut même qu'avec
peine qu'il obligea les Sauvages qui étoient avec
ui , à fe retirer, Il tua dans certe action plus de
"
H
188 MERCURE DE FRANCE. Re
*
cent cinquante hommes , à quarante defquels les
Sauvages leverent la chevelure. Il n'en perdit pas
un feul & il n'y eut de bleffés que deux Sauvages.
Le troifieme détachement , commandé par M.
Corbiere , autre Officier de la Colonie , fe tint
embufqué pendant une journée. Au commencement
de la nuit , il apperçut fur le Lac vingt Berges
& deux Efquifs , dans lefquels il y avoit plus
de trois cens cinquante Anglois , commandés par
le Colonel Parker , cinq Capitaines , & fix autres
Officiers. Les Sauvages qui étoient avec lui firent
leur cri & leur décharge en même temps. Les
ennemis firent une foible réſiſtance. Deux feules
Berges fe fauverent , les autres furent prifes ou
coulées à fond. M. Corbier revint avec ceat
foixante-un prifonniers . Il y eut plus de cent cinquante
Anglois tués ou noyés ; & dans le détachement
François , il n'y eut qu'un Sauvage blee
affez légèrement .
M. le Marquis de Montcalm s'occupoit cependant
des difpofitions de fa marche . Il diftribua les
miliciens en plufieurs bataillons , dont il donnale
commandement à des Officiers des troupes de la
Colonie ; & des compagnies détachées de ces treapes
, il compofa un bataillon pour rouler avec
ceux des troupes de terre . H donna auffi à M. de
Villiers , Capitaine de celles de la Colonie , &
connu par plufieurs expéditions qu'il a exécutées
dans cette guerre , un corps de trois cens volontaires
Canadiens ; de maniere que l'armée le
trouva compofée de trois brigades de troupes ré-
'glées , qui étoient la brigade de la Reine , formée
des bataillons de la Reine & Languedoc , &
de celui des troupes de la Colonie ; la Brigade de
Sarre , des bataillons de la Sarre & de Guyen
d
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NOVEMBRE . 1757. 189
celle de Royal- Rouffillon , des bataillons de
Royal- Rouffillon & Bearn ; de fix brigades de
milices , des trois cens volontaires de Villiers , &
d'un détachement d'artillerie & de génie , compofé
de fept Officiers , & d'environ cent vingt
canonniers , bombardiers ou ouvriers . Tous ces
corps ne faifoient cependant enſemble que cinq
mille cinq cens combattans , non compris les
Sauvages qui étoient au nombre d'environ dixhuit
cens , parce que M. le Marquis de Montcalm
fut obligé de prendre dans les troupes quelques
détachemens , tant pour la garnifon du Fort de
Carillon , que pour quelques autres poftes .
Il étoit queftion de tranfporter par terre & à
bras d'hommes , depuis Carillon jufqu'au Lac
Saint-Sacrement , non feulement l'artillerie & les
munitions de guerre & de bouche de toute espece,
mais encore plus de quatre cens bateaux & canots ;
& cette opération fut fuivie avec tant de foin ,
qu'elle fut achevée la nuit du 31 Juillet au premier
Août.
Dès le 30 Juillet M. le Marquis de Montcalm
avoit fait partir M. le Chevalier de Levis , Brigadier
, à la tête d'un corps de deux mille cinq cens
hommes compofé de fix compagnies de Grenadiers
, huit piquets des volontaires de Villiers ,
d'environ mille Canadiens , & cinq cens Sauvages
, pour marcher au travers des bois , affurer
la navigation de l'armée , reconnoître & couvrir
fes débarquemens. Malgré les difficultés & les
fatigues de cette marche , cet Officier prit pofte
dès le lendemain au foir à la Baie de Ganaouské ,
qui n'eft qu'à quatre lieues du Fort Georges.
Le premier Août l'armée s'embarqua , & arriva
le 2 à trois heures du matin dans cette même
Baic. M. le Chevalier de Levis en repartit avec
190 MERCURE DE FRANCE.
fon détachement à dix heures , fe porta à une anfe
éloignée du Fort Anglois d'environ une lieue , &
fut reconnoître le Fort , la pofition des ennemis ,
& le débarquement propre à l'artillerie L'armée
arriva fur les onze heures du foir à cette même
anfe , & tout le monde reſta au bivouac .
Des prifonniers , qui furent faits pendant la
nuit des Canadiens & des Sauvages , rappor
par
terent que le nombre des ennemis pouvoit monter
à trois mille hommes , dont cinq cens étoient actuellement
dans le Fort , & le refte dans un camp
retranché qui étoit placé fur une hauteur à deux
cens toiles du Fort & à portée d'en rafraîchir continuellement
la garnifon. Ils ajouterent qu'au fignal
d'un coup de canon , toutes les troupes devoient
prendre les armes.
Sur ce rapport , qui s'accordoit avec les connoiffances
que M. le Chevalier de Levis avoit pri
fes fur la polition des ennemis , M. le Marquis de
Montcalm donna fur le champ l'ordre de marche
de l'armée , dont la difpofition fut faite pour recevoir
les ennemis , en cas qu'ils vinfſent à fa rencontre
, & pour , dans le cas où ils ne viendroient
pas , inveftir la place , & même attaquer le camp
retranché , s'il étoit jugé fufceptible d'une attaque
de vive force .
Le 3 à la pointe du jour , l'armée ſe mit en
marche.
M. le Chevalier de Levis faifoit l'avant-garde
avec fon corps , une partie des milices & tous les
Sauvages. Les bataillons & le refte des milices
marchoient enfuite en colonne , M. Rigaud-de
Vaudreuil à la droite , M. de Bourlamaque à la
gauche , & M. le Marquis de Montcalm dans le
centre. M. de Privat , Lieutenant- Colonel , avoit
été placé avec cinq cens hommes de troupes &
NOVEMBRE. 1757. 198
ane brigade de milices à la garde des bateaux &
de l'artillerie.
A midi , l'inveſtiſſement fut entierement formé
M. le Marquis de Montcalm , qui s'étoit porté à
l'avant -garde , ayant reconnu qu'il ne pouvoit at
taquer les retranchemens des ennemis , fans trop
compromettte fes forces , envoya ordre à M. de
Bourlamaque d'affeoir le camp de l'armée , la
gauche au Lac , la droite à des ravines preſque
inacceffibles , & d'y conduire fur le champ les
brigades de la Sarre & de Royal- Rouffillon . Pour
lui , avec la brigade de la Reine & une brigade de
milices , il paffa la nuit au bivouac , à portée de
foutenir le camp que M. le Chevalier de Levis occupoit
avec l'avant-garde fur le chemin du Forg
Gorges au Fort Edouard.
Comme ce pofte de l'avant -garde étoit trop
éloigné du ſiege , des bateaux & des vivres , elle
fe rapprocha le 4 au matin. M. le Marquis de
Montcalm ramena les deux brigades qu'il avoit
avec lui , prendre leur place dans le camp. L'ar
mée deſtinée à faire le fiege fe trouva alors poſtée ,
& compofée de fept bataillons de troupes , & de
deux brigades de milices. M. le Chevalier de Le
vis & M. Rigaud- de Vaudreuil , avec le refte des
milices , les volontaires de Villiers , & tous les
Sauvages , furent chargés de couvrir la droite du
camp , d'obferver les mouvemens des ennemis du
côté du chemin du Fort Edouard , & de leur don
ner à croire , par des mouvemens continuels , que
cette communication étoit encore occupée.
Dans l'après- midi du même jour 4 , on mar
qua le dépot de la tranchée. On fit le chemin de
ce dépôt au camp , les fafcines , gabions & fauciffons
néceffaires pour le travail de cette premiere
nuit ; & l'on mit en état une anfe , à laquelle le
192 MERCURE DE FRANCE.
dépôt aboutifloit , pour y pouvoir débarquer dans
la nuit l'artillerie à mesure qu'on en auroit befoin.
La nuit du 4 aus , on ouvrit la tranchée à 350
toiles du Fort d'attaque , embraffant le front du
Nord-Oueſt : cette tranchée étoit une espece de
premiere parallele. On commença auffi deux batteries
avec leur communication à la parallele.
Dans la journée dus , les travailleurs de jour
perfectionnerent les ouvrages de la nuit. Mais on
fut obligé de retirer un peu plus en arriere la gauche
du camp de l'armée , laquelle fe trouvoit trop
expofée au feu de la Place.
Le même jour , les Sauvages intercepterent
une lettre du Général Webb , écrite du Fort
Edquard en date du 4 à minuit . Il mandoit au
Commandant du Fort Georges , qu'auffitôt après
J'arrivée des milices des provinces auxquelles il
avoit envoyéordre devenir le joindre fur le champ,
il s'avanceroir pour combattre l'armée Françoife ;
que cependant , fi ces milices arrivoient trop tard
le Commandant fît enforte d'obtenir les meilleures
conditions qu'il pourroit. Cette lettre détermina
M. le Marquis de Montcalm à accélérer encore
la construction des batteries ; & le nombre
des travailleurs fut augmenté.
La nuit dus au6 , on acheva la batterie de la
gauche qui fut en état de tirer à la pointe du jour ;
elle étoit de huit pieces de canon & d'un mortier,
& elle battoit le front d'attaque & la rade des barques.
On acheva auſſi la communication de la batterie
de la droite avec la parallele , & l'on avança
confidérablement cette batterie.
La nuit du 6 au7 , on conduifit un boyau de
Iso toifes en avant fur la capitale du Baftion de
P'Ouest , & l'on acheva la batterie de la droite.
Elle étoit de huit pieces de canon , d'un mortier
&
te
fe
NOVEMBRE . 1757. 193
& de deux obufiers : elle battoit en écharpant le
front d'attaque , & à ricochet le camp retranché.
Elle fut démafquée à fept heures du matin ; &
après une double falve des deux batteries , M. le
Marquis de Montcalm jugea à propos de faire porter
au Commandant de la Place la lettre du Général
Webb , par M. de Bougainville un de fes Aides
de camp.
La nuit du 7 au 8 , les travailleurs cheminant
fur la Place , en continuant le boyau commencé
la veille , lequel fut conduit à 100 toifes du foffé,
ouvrirent auffi à l'extrêmité de ce boyau , un cro
chet pour y établir une troifieme batterie , & y
loger de la moufqueterie . Vers minuit , les enne
mis firent fortir trois cens hommes du camp retranché
. M. de Villiers tomba fur eux avec un
petit nombre de Canadiens & de Sauvages , leur
tua foixante hommes , fit deux prifonniers , &
força le refte à rentrer dans le camp.
Le travail de la nuit avoit conduit à un marais
P'environ so toifes de paffage , qu'un côteau qui
e bordoit mettoit à couvert des batteries de la
Place , à l'exception de 10 toifes de longueur ,
bendant lefquelles on étoit expoſé au feu de ces
batteries. Quoiqu'en plein jour , M. le Marquis
le Montcalm fit faire ce paffage comme celui
l'un foffé de place rempli d'eau , les fappeurs s'y
orterent avec tant de vivacité , que , malgré le
eu du canon & de la moufqueterie des ennemis ,
I fut achevé dans la matinée même , & qu'avant
a nuit une chauffée capable de fupporter l'artilleie
fe trouva pratiquée dans le marais. La moufueterie
des Canadiens & des Sauvages , qui tisient
aux embrafures du Fort , diminua beauoup
durant cette journée le feu des ennemis .
A quatre heures du foir , les Sauvages- Décou
I
194 MERCURE DE FRANCE.
vreurs rapporterent qu'un gros corps d'armée
marchoit au fecours de la place par le chemin du
Fort Edouard . M. le Chevalier de Levis s'y por
fur le champ avec la plus grande partie des Canadiens
& tous les Sauvages. M. le Marquis de
Montcalm ne tarda pas à le joindre avec la brigade
de la Reine & une brigade de milices . Il s'avançoit
en bataille prêt à recevoir l'ennemi ; les
bataillons en colone fur le grand chemin , les
Canadiens & les Sauvages fur les aîles dans les
bois , lorfqu'il apprit que la nouvelle étoit faufle.
Il fit rentrer les troupes dans leur camp . Ce mor
vement ne caufa aucun dérangement aux travar
du fiege ; & la promptitude avec laquelle il f
exécuté , fit un très -bon effet dans l'efprit des
Sauvages.
La nuit du 8 au 9 , on déboucha du marais pur
un boyau fervant de communication à la feconde
parallele qui fut ouverte fur la crête du côteau, &
fort avancée dans la nuit. C'eft de cette parallele
qu'on devoit partir pour établir les batteries de
breche , & en la prolongeant , envelopper le Fort
& couper la communication avec le retranche
ment , laquelle jufqu'alors avoit été libre. L
affiégés n'en donnerent pas le temps à huit he
res du matin ils arborerent pavillon blanc .
201
tro
le
fet
M. le Marquis de Montcalm dit au Colonel Co
Yong , envoyé par le Commandant pour trait
de la capitulation , qu'il ne pouvoit en fignera
cune fans en avoir auparavant communiqué les
ticles aux Sauvages. Deux motifs l'engageoiesti
ce ménagement pour eux : il croyoit le devoir
confiance & à la foumiffion avec lesquelles ils s
toient prêtés depuis le commencement de l'exp
dition à l'exécution des ordres qu'il leur avoit do
nés , & de toutes les propofitions qu'il leur apo
la
M
NOVEMBRE. 1757. 195
faites ; & il vouloit les mettre par -là dans l'obli
gation de ne rien faire de contraire à la capitulation
qui feroit arrêtée. Il convoqua donc fur le
champ un Confeil Général de tous les Sauvages.
Il expofa aux Chefs les conditions auxquelles les
Anglois offroient de fe rendre , & celles qu'il
étoit réfolu de leur accorder. Les Chefs s'en rapporterent
à tout ce qu'il feroit , & lui promirent
de s'y conformer , & d'empêcher que leurs jeunes
gens n'y contrevinffent directement ni indirectement.
M. le Marquis de Montcalm envoya immédia
tement après ce confeil , M. de Bougainville ,
pour rédiger la capitulation avec le Colonel Monro
, Commandant de la Place & du camp retran,
ché. Les principaux articles furent :
Que les troupes , tant de la garniſon que du
retranchement , fortiroient avec leurs bagages &
les honneurs de la guerre , & qu'elles fe retiroient
au Fort Edouard .
Que pour les garantir contre les Sauvages ,
elles feroient eſcortées par un détachement de
troupes Françoifes , & par les principaux Officiers
& interprêtes attachés aux Sauvages .
Qu'elles ne pourroient fervir de 18 mois , ni
contre le Roi , ni contre fes Alliés ;
Et que , dans l'efpace de trois mois , tous les
prifonniers François , Canadiens & Sauvages , faits
par terre dans l'Amérique feptentrionale , depuis
le commencement de la guerre par les Anglois ,
feroient conduits aux forts François de la frontiere.
Cette capitulation fut fignée à midi , & auffitôt
la garnifon fortit du fort pour joindre les troupes
du retranchement ; & M. de Bourlamaque prit
poffeffion du fort avec les troupes de la tranchée.
M. le Marquis de Montcalm envoya en même
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
temps au camp retranché , une garde que le Colo:
nel Monro lui avoit demandée , & il ordonna aux
Officiers & Interprêtes attachés aux Sauvages , dy
demeurer jufqu'au départ des Anglois , qui fe
trouvoient au nombre de 2264 hommes effectifs.
Malgré toutes ces précautions , & malgré les affu
rances que les Chefs Sauvages avoient données ,
lorfqu'il fut queftion de la capitulation , les Sauvages
firent du défordre dans le camp des Anglois.
M. le Marquis de Montcalm y accourut avec un
détachement de fes troupes. Les Sauvages avoient
déja fait un affez grand nombre de prifonniers ,&
en avoient même amené quelques-uns. Il fit rea
dre ceux qui reftoient , & M. le Marquis de Vaudreuil
a fait renvoyer les autres .
M. le Marquis de Montcalm a fait rafer le fort,
& détruire tout ce qui en dépendoit , conformé
ment aux inftructions qui lui avoient été données
par M. le Marquis de Vaudreuil. Il s'eft trouvé ,
tant dans le fort que dans le camp retranché , 23
pieces de canon , dont plufieurs de 32 livres , quatre
mortiers , un obufier , dix- fept pierriers , en
viron trente- fix milliers de poudre , beaucoup de
boulets , bombes , grenades , balles , avec tou
tes fortes de munitions & uftenfúles d'artillerie . On
y a trouvé auffi une provifion affez confidérable de
vivres , malgré le pillage que les Sauvages en ont
fait.
Les François n'ont eu que treize hommes de
tués & quarante de bleffés dans ce fiege. M. le
Febvre , Lieutenant des Grenadiers du régiment
Royal Rouflillon , eft du nombre des derniers par
un éclat de bombe : fa bleffure eft à la main. liby
point eu d'autres officiers tués ni bleſſés. Les enne .
mis y ont perdu cent huit hommes , & en ont eu
deux cens cinquante de blefiés,
Επ
le
C
tre
Aqde
B
NOVEMBRE. 1757. 197
"
Durant tout le fiége , l'armée a été prefque toute
entiere jour & nuit de fervice , foit à la tranchée ,
foit au camp , foit dans les bois , pour faire les
fafcines , gabions & fauciffons néceflaires . On a
fait avec la pioche , la hache & la fcie fix cens toifes
de tranchée aflez large pour y charroyer de
front deux pieces de canon les abattis , dont
tout le terrein étoit embarraffé, empêchant de les
faire paffer fur les revers. C'eſt à la fageffe des
difpofitions que M. le Marquis de Montcalm a
faites , & à l'activité avec laquelle il en a fuivi
l'exécution , que le fuccès de cette expédition eft
principalement dû. Il a été parfaitement fecondé
dans toutes les opérations par M. le Chevalier de
Levis , par M. Rigaud- de Vaudreuil , & par M,
de Bourlamaque. Les détails particuliers de l'artillerie
& du génie ont été très -bien remplis par M.
le Chevalier le Mercier , qui commandoit l'artillerie
, & par MM . Defaidouin & Lotbiniere ,
Ingénieur . Les Officiers & Soldats des troupes de
terre & de la colonie , ainfi que les milices & les
Officiers qui les commandoient , ont donné les
plus grandes marques de valeur & de bonne volonté
; & jamais les Sauvages n'avoient fait paroître
tant de fermeté & de conftance : ils avoient demandé
à monter à l'affaut avec les grenadiers , &
ils en attendoient le moment avec impatience.
Ce nouveau fuccès , qui a répandu une joie
générale dans la colonie de Canada , a animé
de plus en plus le zele avec lequel les habitans
s'efforcent de répondre aux mefures dont le Roi a
la bonté de s'occuper pour la défenfe de cette colonie
, & de feconder les foins que M. le Marquis
de Vaudreuil ne ceffe point de fe donner pour tout
ce qui peut y avoir rapport.
·
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
vent
trol
de
L
des
Le Roi ayant été informé que les paroiffesel
de Piriac & de Mefquer au Diocefe de Nantes
avoient été prefque entiérement ravagées le
27 juin dernier , par un orage mêlé de grêle
d'une groffeur extraordinaire , a fait toucher
aux Recteurs de ces deux paroiffes , la fomme de
fix mille livres pour être par eux employées en
achat de grains , & diftribuées fous l'inſpection
de M. le Comte de la Bourdonnaye- du Bois- Hullin
, Procureur- Général , Syndic des Etats de Bre- pe
tagne , tant pour enfemencer les terres , que pour
la nourriture des habitans dont les recoltes ont
été défolées par ce fléau . Cette nouvelle caracterife
notre Monarque plus glorieux encore par
fon humanité que par les victoires.
Co
I
M. Paffemant Ingénieur du Roi au Louvre ,
étoit déja connu pour Auteur de la fameufe
pendule couronnée d'une fphere mouvante , pla
cée en 1753 dans le cabinet du Roi à Verfailles
; fphere dont les révolutions font fi juftes , ue
qu'au jugement de l'Académie où l'on voit l'ertrait
page 183 de l'année 1749 de fes mémoires
, il n'y a pas en trois mil ans un feul degré
de différence avee les tables aftronomiques.
11 vient encore de finir pour le Roi deur
piéces uniques qu'on peut regarder comme chefd'oeuvres
, c'eft premiérement un grand miroir
de 45 pouces
de diametre qu'il a eu l'honneur
de préfenter au Roi le 13 août dernier , avec M.
de Bernieres , dans le pavillon conftruit par ordre
de Sa Majesté à la meute , pour le télescope ,
les ouvrages & les obfervations du pere Noël.
La glace de ce miroir a été courbée , par les
foins de M. de Buffon , dans un fourneau qu'i
avoit fait conftruire au Jardin Royal. M , Palle
mant l'a fait travailler au Louvre fous les yeur ,
M
174
Le
les
NOVEMBRE . 1757 . 199
& elle a été étamée d'une façon nouvelle , inventée
par M. de Bernieres , un des quatre Controlleurs
des ponts & chauflées.
Le Roi parut très - content des grands effets
de ce miroir. Si on y préfente des tableaux
même de fix pieds de grandeur , repréfentans
des vues de Paris , de Venife , des ports de
mer , des bâtimens , on croit voir de véritables
objets de grandeur naturelle : ainfi avec un fimple
deflein , on voit un bâtiment dans toute
la grandeur où il fera , & on juge de fon apparence
future. Un Peintre qui travaille à une
petite miniature , quelque petite qu'elle foit ,
peut la voir de grandeur naturelle , & peut par
conféquent fentir & corriger les moindres dé
fauts.
A
La chimie n'en tirera pas de moindres avantages.
On peut juger des grands effets de ce miroir
fur les métaux par la promptitude avec laquelle
il agit , l'argent a été fondu en trois fecondes.
M. Paffemant eut encore l'honneur de préfenter
au Roi un télescope aftéroftatique de fon invention
, dont il avoit lu un projet à l'Académie en
1746 , & qui avoit mérité fon approbation. Ce
télescope eft garni d'un midiometre : il fuit le
mouvement du ciel . Si on le met fur la lune , il
femble qu'elle foit fans mouvement ; fi on veut
voir enfuite une autre planete , il y a un ajuftement
qui le regle dans le moment pour cet aftre.
Il eft conduit par une mécanique toute nouvelle ,
fans aucun tremblement , ni agitation . Comme
les aftres paroiffent fixes , on peut obferver avec
une grande facilité : on peut placer les fils du midiometre
fur fes objets avec toute l'exactitude
poffible. Il eft propre à prendre la parallaxe de
I iv
200 MERCURE DE FRANCE.
Mars en fecondes de degrés au lieu de fecondes
de temps ainfi au lieu de deux fecondes , on
aura trente fecondes de degrés ; on obfervera facilement
la route des cometes : il fera d'une
grande utilité pour les paffages de Mercure fut
le difque du foleil, en l'année 1761 ; obſervation
qui n'a été faite qu'une feule fois , & par un
feul Obfervateur en l'année 1639.
Le Pere Noël repéta devant Sa Majefté les erpériences
d'une machine pneumatique nouvelle ,
& de plufieurs autres inftrumens qu'il avoit eu
P'honneur de lui préfenter au mois de mars dernier.
Le Roi parut fatisfait de tous ces ouvrages ,
qu'il examina pendant une heure .
Mefdames de France vinrent enfuite , & paffe
rent près de trois heures pendant lefquelles les
mêmes chofes furent répétées en leur préfence *
à leur fatisfaction .
Le corfaire le Romieu , de Saint - Malo , com
mandé par le Capitaine Morel , a conduit en ce
port le navire Anglois la Pensilvanie de 250 ton
neaux , qui alloit de Philadelphie à Londres, avec
une cargaifon de bois de Campêche , de pellete
zies , de café & d'autres marchandiſes.
Un navire Anglois de 300 tonneaux , chargé de
tabac , a été pris par le corfaire Entreprenant ,
qui l'a fait conduire å Morlaix.
Le Capitaine la Lande , commandant un corfaire
de Bordeaux , appellé le Prevêt de Paris , s'eft
rendu maître du corfaire le Hazard de Grenezey,
ayant 6 canons , 8 pierriers & 37 hommes d'équi
page , & il a repris le navire l'Aimable Jolie de
Bordeaux , & un autre bâtiment du même port ,
dont les Anglois s'étoient emparés.
Les navires Anglois le Prince d'Orange , chargé
de bois de Campeche , & le Saint - Eustache , de
NOVEMBRE . 1757. 201
Saint-Eustache , dont la cargaifon confifte en fucre
& en café , ont été pris par les corfaires la
Marquise de Salba & le d'Etigny de Bayonne , ou
ils font arrivés .
Les corfaires la Favorite & la Providence , de
Saint-Jean -de-Luz , fe font rendus maîtres , Pun
du navire Anglois la Sufanne , de Malblebard ,
chargé de 2200 quintaux de morue , l'autre d'un
Senaw , qui a pour cargaifon 334 barriques de
fardines.
Le Capitaine Papin , commandant le corfaire
la Marquise de Beringhen , de Boulogne , s'eft
emparé à la côte d'Angleterre du navire Anglois
l'Endeavour , de 100 tonneaux , deftiné pour la
Barbade , où il portoit un chargement compofé
de cire blanche , de farine , de boeuf falé & de
fromage.
Le même corfaire a pris un bateau de 25 à 39
tonneaux , chargé de caffonnade , de poudre à
canon , de chanvre & de fuif.
Le corfaire Anglois l'Epervier , armé de 10 canons
, 12 pierriers , & so hommes d'équipage , a
été pris par le Capitaine Berlamont , commandant
le corfaire l'Afie , de Dunkerque , & il a été conduit
au Havre.
On mande de Nantes , qu'il y eft arrivé un
fenaw Anglois appellé le Caton , de Vhul , armé
de 6 canons & de 4 pierriers , & chargé pour la
Jamaïque de munitions de guerre & de bouche ,
d'armes & de marchandifes feches . Ce bâtiment
a été pris par le Capitaine Poitevin , commandant
le navire la France.
I
E 9 Octobre , fur les cinq heures de l'aprèsmidi
, Madame la Dauphine commença à fentir
Hv
178 MERCURE DE FRANCE.
des douleurs. Vers les fept heures du foir , cette
Princeffe accoucha d'un Prince , que le Roi a nom.
mé Comte d'Artois. M. l'Abbé de Bouillé , Comtede
Lyon , & premier Aumônier de Sa Majeſté ,
fit , à fept heures un quart , la cérémonie de l'ondoyement
, en préfence du Curé de la Paroiffe da
Château . Monfieur Rouillé , Miniftre d'Etat , Sur
Intendant général des Poftes , & grand Tréforier
de l'Ordre du S. Elprit , ayant apporté le Cordon
de cet Ordre , eut l'honneur de le paffer au col
du Prince . Monfeigneur le Comte d'Artois fut enfuite
remis à la Comteffe de Marfan , Gouvernante.
des Enfans de France ; & elle le porta à l'appartement
qui lui étoit deſtiné . Ce Prince y fut conduit
par le Maréchal Duc de Luxembourg , Capitaine
des Gardes du Corps.
Le Roi & la Reine , accompagnés de la Famille
Royale , ainfi que des Princes & Princeffes du
Sang , des grands Officiers de la Couronne , des.
Miniftres , des Seigneurs & Dames de la Cour
& précédés des deux Huiffiers de la Chambre quis
portoient leurs maffes , fe rendirent le lendemain
à la Chapelle. Leurs Majeftés y entendirent la
Meffe , pendant laquelle M. Colin de Blamont ,
Chevalier de l'Ordre de S. Michel , & Sur- Intendant
de la Mufique de la Chambre , fit exécuter le
Te Deum en mufique , de fa compofition . Cette
Hymne fut entonnée par M. l'Abbé Gergois, Chapelain
ordinaire de la Chapelle- Mufique.
Après la Meffe , le Roi & la Reine , Monfeigneur
le Dauphin , Monfeigneur le Duc de Bourgogne ,
Monfeigneur le Duc de Berry , Monfeigneur le
Comte de Provence , Madame Infante Duchellede
Parme , Madame ,. & Mefdames Victoire , Sophie
& Louife , reçurent dans leurs appartemens
les révérences des Dames de la Cour , à l'occafion
NOVEMBRE. 1757 179
des couches de Madame la Dauphine , & de la
naiffance du Prince.
On tira le foir un bouquet d'artifice devant les
fenêtres du Roi.
Sa Majefté a fait partir Monfieur Pernot- du
Buat , un de fes Gentilshommes ordinaires
pour aller à Luneville donner part de la naiffance
de Monfeigneur le Comte d'Artois au Roi de Pologne
, Duc de Lorraine & de Bar.
Madame la Dauphine & le jeune Prince fe por--
tent auffi bien qu'on puiffe le défirer.
9"
Sur le premier avis que Madame la Dauphine:
avoit reffenti quelques douleurs , le Corps - de-Ville
s'étoit affemblé. A huit heures & demie du foir
le fieur d'Amfreville , Chefde Brigade des Gardes.
du Corps , vint lui apprendre , de la part du Roi,.
la naiffance d'un Prince. Auffi -tôt les Prevôt des
Marchands & Echevins firent annoncer à toute la
Ville , par une falve générale de l'artillerie , & par
la cloche de l'Hôtel- de-Ville , qui a fonné jufqu'au
lendemain minuit , la nouvelle faveur qu'il
a plu à Dieu d'accorder au Roi & à la Nation. On
tira le même foir dans la place de l'Hôtel - de-Ville :
un grand nombre de fufées volantes,
Le ro , les officiers des cérémonies étant ab--
fens , le fieur Ourfin de Soligny , Maître d'hôtel
du Roi , remit au Corps - de- Ville une lettre de Sa
Majefté. Il fut fait deux falves générales de l'artil
lerie , l'une dès le matin , l'autre vers les fix heu--
res du foir , après laquelle les Prevôt des Marchands
& Echevins allumerent,avec les cérémonies
accoutumées , le bucher qui avoit été dreffé dans
la place devant l'Hôtel- de- Villé . Ce feu fut accom.-
pagné d'une grande quantité d'artifice : On fit couler
dans la place plufieurs fontaines de vin , & l'on
diftribua du pain &. des. viandes au peuple . Des.
H.vj.
180 MERCURE DE FRANCE.
orcheftres remplis de muficiens , mêlerent le foa
de leurs inftrumens aux acclamations dictées paa
Palégretle publique. La façade de l'Hôtel- de-
Ville fut illuminée par plufieurs filets de terrines ,
ainfi que l'hotel du Prevôt des Marchands , & les
mailons des Echevins & Officiers du Bureau de la
Ville.
Le Roi a accordé à M. le Marquis de la Tour-
Dupin de Paulin le régiment de Guyenne , vacant
par la mort de M. le Conte de Montmorenci-
Laval , tué à la bataille de Haftembecke .
a
Le Roi ayant admis dans fon Confeil des Dépêches
les fieurs Gilber de Voyfins & Berryer , Confeillers
d'Etat , le 16 octobre ils eurent l'honneur
de faire leurs remerciemens à Sa Majeſté.
Sa Majesté a donné le gouvernement général de
l'Orléanois , vacant par la mort de M. le Duc d'Antin
, au Comte de Rochecouart , fon Miniftre
Plénipotentiaire à la Cour de Parme.
Le 19 , M. le Duc de Duras prêta ferment entre
les mains du Roi pour la charge de premier Gentilhomme
de la Chambre , vacante par la mort du
Duc de Gefvres.
Le même jour, M. le Marquis de Gontaut prêta
ferment entre les mains de Sa Majeſté , pour la
Lieutenance générale du Languedoc , vacante par
la mort de M. le Maréchal Duc de Mirepoix.
Le Roi a difpofé en faveur du Prince de Beauveau
, de la charge de Capitaine des Gardes du
Corps , qu'avoit auffi le feu Maréchal Duc de Mirepoix
Sa Majesté a accordé au Vicomte de Noë,
Chambellan du Duc d'Orléans , & Capitaine de
vaiffeau , un brevet de Colonel à la ſuite du régiment
d'Orléans cavalerie.
M. de Lamoignon de Bafville a obteau da
A
a.
I
fo
P
ve
G
M
G:
NOVEMBRE . 1757. 181
Roi l'agrément de la charge de Préſident du Par
lement , dont le fieur Molé , premier Préfident ,
étoit revêtu.
Le Roi a nommé M. le Comte des Salles, Capitaine
de Cavalerie dans le régiment d'Harcourt ,
à la place deColoneldans lesGrenadiers de France,
vacante par la nomination de M. le Marquis de la
Tour - Dupin de Paulin au régiment de Guyenne.
Les troupes de la Maiſon du Roi , qui avoient
été détachées pour la défenſe de nos côtes , ne
font point arrivées à leur deftination , par la
prompte retraite des Anglois , & ont eu ordre de
revenir. Les Gardes Françoifes & les Gardes Suiffes
qui étoient reftées à Tours , à Saumur & à
Blois , doivent fe rendre ici fucceffivement dans
Fla fin d'octobre , & au commencement de novembre.
Les détachemens des Gardes du Corps ,
Gendarmes de la Garde , Chevaux- Légers , &
Moufquetaires de la premiere Compagnie , font
tous partis le 19 octobre , d'Orléans , d'Eftampes ,
d'Arpajon & de Chartres , où ils étoient reftés. La
feconde Compagnie des Moufquetaires , & les
Grenadiers à cheval , qui avoient reçu des contreordres
à temps , n'ont point quitté leurs quartiers.
Madame la Dauphine étant accouchée d'un
Prince le 9 d'octobre , M. le Marquis de Paulmy ,
Miniftre & Sécretaire d'Etat , expédia fur le champ.
un courier aux Députés des Etats de la Province
d'Artois
, pour leur faire fçavoir que le Roi avoit
nommé le nouveau Prince , Comte de cette Pro-,
vince. Auffitôt que cette nouvelle fut portée à
Arras , Capitale de l'Artois , toutes les cloches de
la Ville fonnerent , les habitans fermerent d'euxmêmes
leurs boutiques , & coururent en foule à
P'Eglife , pour y rendre à Dieu des actions.de.gra
182 MERCURE DE FRANCE.
ees de l'heureuſe délivrance de Madame la Dau
phine , & lui demander la conſervation d'un
Prince qui leur eft d'autant plus cher , que la
Province , depuis cinq hecles , a été privée de
Phonneur de voir fon nom porté par un Prince
de la Maiſon Royale. Ces actes de piété furent
fuivis des démonftrations de la joie la plus vive.
La nouvelle fut bientôt répandue jufqu'aux extrê
mités de l'Artois ; & tous les peuples , à l'envi de
la Capitale , s'emprefferent de faire éclater lear
reconnoiffance & leur alegreffe . Les Etats de la
province s'affemblerent extraordinairement , &
éfolurent de nommer une députation folemnelle,
formée de trois perfonnes de chaque ordre , pour
aller , conjointement avec les députés ordinaires
qui réfident cette année à la fuite de la Cour , remercier
le Roi de lafaveur fignalée que Sa Majesté
vient d'accorder à l'Artois , & pour la féliciter ,
ainfi que la Famille royale , fur cet heureux évé
nement. Cette députation s'étant rendue à Verfailles
le Dimanche 16 d'octobre , elle fut admife
à l'audience du Roi , de la Reine , de Monseigneur
le Dauphin , de Monfeigneur le Duc de Bourgogne
, de Monfeigneur le Duc de Berry , de Mon
feigneur le Comte de Provence , de Monfeigneur
le Comte d'Artois , de Madame Infante Ducheffe
de Parme , de Madame , & de Meſdames Victoire ,
Sophie & Louife. Les Députés furent préfentés
par M. le Marquis de Paulmy , Miniftre & Secresaire
d'Etat , ayant le département de la Province,
& conduits par M. Defgranges , Maître des Céré
monies. La députation étoit compofée de MM. les
Evêques d'Arras , de Saint - Omer , l'Abbé de
Saint-Waak & l'Abbé de Cry , Chanoine de is
Cathédrale d'Arras , pour le Clergé ; de MM. le
Marquis de Creny , le Comte d'Houchin , k
Bar
記
acc
Co
On
La
Pa
4
#1
NOVEMBRE . 1757. 183:
Baron de Wifmes , & le Baron d'Haynin , pour la
Nobleffe ; de MM. de Canchy , Echevin de la ville
de Saint - Omer ; Cornuel & Goffes , Echevins de
la ville d'Arras , & de Gouves , Procureur du Roi
de la même ville , pour le Tiers - Etat. Elle étoit
accompagnée de M. le Premier Préfident & du .
Confeil Provincial d'Artois . M. l'Evêque de Saint-
Omer porta la parole , & exprima d'une maniere:
touchante les fentimens de joie , d'amour , de
refpect & de reconnoiffance, communs à tous les
habitans de l'Artois. Cette Province fut réunie à
la Couronne en 1199 , par Philippe Augufte. Il
Périgea en Comté , & la donna à fon fils aîné , depuis
Louis VIII . Ce Comté paffa enfuite à Robert,.
fecond fils de Louis , qui porta le nom de Comte:
d'Artois , & fut tué à la bataille de la Maffoure,
Philippe le Bel en 1297 érigea l'Artois en Comté
Pairie.
La Princeffe de Condé eft accouchée heureufe--
ment les d'Octobre d'une Princeffe.
Les mauvais fuccès que les Anglois ont éprouvés
dans les entreprifes qu'ils ont tentées , foit dans le
fein de la paix , foit depuis la déclaration de la
guerre , pour envahir le Canada , ne les ont point
rebutés . Perfonne n'ignore les préparatifs im
menfes qu'ils avoient faits pour l'attaquer cette
année tout à la fois par mer & du côté des
terres. Les forces navales , que le Roi a deſtinées
pour la défenſe de cette colonie , ont fait échouer
leur projet du côté de la mer; & les difpofitions:
qui ont été faites dans le pays , les ont mis éga
lement hors d'état de faire aucune tentative fur les
frontieres.
Dès la fin de la campagne de l'année derniere ,,
M. le Marquis de Vaudreuil, Gouverneur & Lieute
pant-Général de la Nouvelle France , s'occupa de
184 MERCURE DE FRANCE.
tous les arrangemens qu'il pouvoit y avoir à pren
dre pour le mettre en état de les repouffer de toutes
parts.
Il prit des mefures pour avoir des partis de Canadiens
& de Sauvages continuellement en cam.
pagne durant l'hyver. Les incurfions que ces détachemens
ont faites fur les ennemis leur ont ré
beaucoup de monde , & donné l'alarme à leurs
colonies, où ils ont fait beaucoup de ravages.
M. le Marquis de Vaudreuil s'eft appliqué authà
ménager les bonnes difpofitions des Nations Sauvages
, qui en général font foulevées contre l'iajuftice
des prétentions & la violence des procédés
des Anglois. Celles qui font anciennement alliées
de la France n'ont point ceffé de donner de nouvelles
preuves de leur fidélité , & ont été continuellement
en parti contre les ennemis. D'autres
Nations nombreuſes font entrées dans cette alliance
, & ont pris part à la guerre. Les Iroquois
eux-mêmes , ces Nations que les Anglois repréſen
tent à l'Europe comme leurs fujettes , animés des
mêmes motifs que les autres Sauvages , ont pris le
même parti , malgré les efforts de toute espece
que les Gouverneurs Anglois ont faits pour obtenir
d'eux qu'ils s'en tinffent à la neutralité qu'ils
avoient obfervée dans les guerres précédentes
d'entre la France & l'Angleterre.
C'eſt relativement aux avantages que M. le Marquis
de Vaudreuil s'eft vu en état de tirer des difpofitions
de toutes ces Nations , qu'il a réglé fes
opérations.
Il avoit jugé que les ennemis tourneroient leurs
principaux efforts du côté du Lac Saint- Sacrearent
& du Lac Champlain ; & il a donné une
attention particuliere à munir les Forts qui défendent
cette frontiere. Les ennemis ayant été infor
NOVEMBRE. 1757 . 185
més qu'on devoit faire pafler du Fort Saint-Fre
déric au Fort de Carillon quelques provifions fous
l'escorte d'un petit détachement , en envoyere t
un de quatre-vingts hommes d'élite , qui enleva les
premieres traînes de ce convoi & fept Soldats ;
mais le Commandant du Fort Saint- Frédéric fit
marcher un nouveau détachement qui coupa celui
des ennemis dans fon chemin , le défit entiérerement
, à l'exception de trois hommes qui fe
fauverent , & reprit les traînes dont les ennemis
s'étoient emparés , & trois Soldats qui reftoient
de ceux qui avoient été enlevés . Cette action fe
pafla au mois de Janvier. MM . de Bafferode & de
la Grandville , Capitaines aux Régimens de Languedoc
& de la Reine , y eurent la principale
part.
M. le Marquis de Vaudreuil apprit dans le même
temps que les ennemis avoient raflemblé au
Fort Georges fitué fur le Lac Saint -Sacrement ,
des approvifionnemens confidérables de toures
les efpeces , & qu'ils avoient fait conftruire fous
le canon de ce Fort un très -grand nombre de barques
, de bateaux & d'autres bâtimens , non-feulement
pour le tranfport de ces approvifionnemens
, mais encore pour s'affurer la navigation de
ce Lac. Il jugea que tous ces préparatifs étoient
deftinés pour des entreprifes que les ennemis fe
propofoient d'exécuter au printems. Pour leur en
ôter les moyens , il fit , matcher au mois de Mars
un détachement de quinze cens hommes de troupes
réglées , Canadiens & Sauvages , fous les ordres
de M. Rigaud- de Vaudreuil , Gouverneur
des Trois - Rivieres , qui réuffit fi bien dans fon
expédition , qu'il parvint à brûler tous les bâtimens
de mer , tous les magafins qui étoient rem➡
plis de toutes fortes de munitions & d'uftenfiles
186 MERCURE DE FRANCE.
pour une armée de quinze mille hommes , & généralement
tout ce que les ennemis avoient raſ◄
femblé fous le Fort , lequel refta ifolé.
M. le Marquis de Vaudreuil ne fe contenta
pas des obftacles qu'il oppofoit par- là à l'exécution
des projets des ennemis du côté du Lac Saint-Sacrement
, il fortifia de nouveau les garnifons des
poftes qui font fur cette frontiere ; & au moyen
du renfort de troupes & des autres fecours que le
Roi a fait paffer en Canada , ce Gouverneur s'eft
trouvé en état d'agir offenfivement contre les ennemis.
Du côté de la Belle Riviere , il a fait détruire
plufieurs petits Forts qu'ils y avoient établis .
Pour profiter efficacement des avantages de
Pexpédition de M. Rigaud , & de ceux de la fituation
où le trouvoit la colonie du côté de la mer ,
il a formé le projet de s'emparer du Fort Georges.
L'établiffement de ce Fort , qui n'avoit été fait
que depuis peu de temps, étoit une de ces invaſions
que les Anglois font dans l'ufage de faire en tems
de paix fur les poffeflions de leurs voisins ; & il
leur donnoit les plus grandes facilités pour atta
quer le Canada par fon centre.
M. le Marquis de Vaudreuil a chargé de cette
importante expédition M. le Marquis de Montcalm
, Maréchal de Camp. Le corps de troupes
qu'il y a deftiné , étoit compofé de fix bataillons
de troupes de terre , d'un détachement des
troupes réglées de la colonie , de plufieurs détachemens
de milices , & de plufieurs partis de
Sauvages. Toutes ces troupes ont été raſſemblées
le 20 Juillet à Carrillon , où M. de Bourlamaque
, Colonel d'Infanterie , avoit déja fait les dif
pofitions préliminaires pour la marche de l'armée.
M. le Marquis de Montcalm s'y étoit rende
Σ
&
C
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f
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་
NOVEMBRE. 1757. 187
quelque temps auparavant. En attendant que l'armée
pût le mettre en marche , il avoit détaché
M. de Rigaud- de Vaudreuil , pour s'emparer de
la tête du portage du Lac Saint- Sacrement , avec
un corps de troupes de la colonie , de Canadiens
& de Sauvages.
M. Kigaud- de Vaudreuil s'étant établi dans ce
pofte , il envoya trois détachemens à la découverte.
Le premier , qui n'étoit que de dix hommes ,
fut attaqué fur le Lac Saint- Saciement par plufieurs
canots , dans lefquels il y avoit cent vinge
à cent trente Anglois . Quoique M. de Saint-
Ours , Lieutenant des troupes de la Colonie ,
qui le commandoit , fût bleffé à la premiere décharge
, il fe défendit avec tant de fermeté , qu'il
obligea les ennemis à fe retirer.
Le fecond , qui étoit affez confidérable , fut
commandé par M. Marin , autre Lieutenant , quis
fe fit précéder par huit Sauvages qui faifoient fon
avant-garde , lefquels fe trouverent vis - àvis quarante
Anglois. Dès le premier abord , ils firent :
leur décharge fur les ennemis , tuerent leur Com
mandant , & mirent le refte en fuite. M. Marin ,,
ayant rejoint fon avant-garde , réduifit fon détachement
à cent cinquante hommes d'élite . Il fe
porta près du Fort Edouard , éloigné de quelques.
lieues du Fort Georges , fans être découvert. Il défit
d'abord une patrouille de dix hommes , enfuite
une garde ordinaire de cinquante hommes ,
& plufieurs travailleurs. Il fe préfenta à la vue da
camp des ennemis , qui fortirent au nombre de
trois mille hommes faifant feu fur lui . Il le foutine
pendant deux heures. Ce ne fut même qu'avec
peine qu'il obligea les Sauvages qui étoient avec
ui , à fe retirer, Il tua dans certe action plus de
"
H
188 MERCURE DE FRANCE. Re
*
cent cinquante hommes , à quarante defquels les
Sauvages leverent la chevelure. Il n'en perdit pas
un feul & il n'y eut de bleffés que deux Sauvages.
Le troifieme détachement , commandé par M.
Corbiere , autre Officier de la Colonie , fe tint
embufqué pendant une journée. Au commencement
de la nuit , il apperçut fur le Lac vingt Berges
& deux Efquifs , dans lefquels il y avoit plus
de trois cens cinquante Anglois , commandés par
le Colonel Parker , cinq Capitaines , & fix autres
Officiers. Les Sauvages qui étoient avec lui firent
leur cri & leur décharge en même temps. Les
ennemis firent une foible réſiſtance. Deux feules
Berges fe fauverent , les autres furent prifes ou
coulées à fond. M. Corbier revint avec ceat
foixante-un prifonniers . Il y eut plus de cent cinquante
Anglois tués ou noyés ; & dans le détachement
François , il n'y eut qu'un Sauvage blee
affez légèrement .
M. le Marquis de Montcalm s'occupoit cependant
des difpofitions de fa marche . Il diftribua les
miliciens en plufieurs bataillons , dont il donnale
commandement à des Officiers des troupes de la
Colonie ; & des compagnies détachées de ces treapes
, il compofa un bataillon pour rouler avec
ceux des troupes de terre . H donna auffi à M. de
Villiers , Capitaine de celles de la Colonie , &
connu par plufieurs expéditions qu'il a exécutées
dans cette guerre , un corps de trois cens volontaires
Canadiens ; de maniere que l'armée le
trouva compofée de trois brigades de troupes ré-
'glées , qui étoient la brigade de la Reine , formée
des bataillons de la Reine & Languedoc , &
de celui des troupes de la Colonie ; la Brigade de
Sarre , des bataillons de la Sarre & de Guyen
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Ca
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9-
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NOVEMBRE . 1757. 189
celle de Royal- Rouffillon , des bataillons de
Royal- Rouffillon & Bearn ; de fix brigades de
milices , des trois cens volontaires de Villiers , &
d'un détachement d'artillerie & de génie , compofé
de fept Officiers , & d'environ cent vingt
canonniers , bombardiers ou ouvriers . Tous ces
corps ne faifoient cependant enſemble que cinq
mille cinq cens combattans , non compris les
Sauvages qui étoient au nombre d'environ dixhuit
cens , parce que M. le Marquis de Montcalm
fut obligé de prendre dans les troupes quelques
détachemens , tant pour la garnifon du Fort de
Carillon , que pour quelques autres poftes .
Il étoit queftion de tranfporter par terre & à
bras d'hommes , depuis Carillon jufqu'au Lac
Saint-Sacrement , non feulement l'artillerie & les
munitions de guerre & de bouche de toute espece,
mais encore plus de quatre cens bateaux & canots ;
& cette opération fut fuivie avec tant de foin ,
qu'elle fut achevée la nuit du 31 Juillet au premier
Août.
Dès le 30 Juillet M. le Marquis de Montcalm
avoit fait partir M. le Chevalier de Levis , Brigadier
, à la tête d'un corps de deux mille cinq cens
hommes compofé de fix compagnies de Grenadiers
, huit piquets des volontaires de Villiers ,
d'environ mille Canadiens , & cinq cens Sauvages
, pour marcher au travers des bois , affurer
la navigation de l'armée , reconnoître & couvrir
fes débarquemens. Malgré les difficultés & les
fatigues de cette marche , cet Officier prit pofte
dès le lendemain au foir à la Baie de Ganaouské ,
qui n'eft qu'à quatre lieues du Fort Georges.
Le premier Août l'armée s'embarqua , & arriva
le 2 à trois heures du matin dans cette même
Baic. M. le Chevalier de Levis en repartit avec
190 MERCURE DE FRANCE.
fon détachement à dix heures , fe porta à une anfe
éloignée du Fort Anglois d'environ une lieue , &
fut reconnoître le Fort , la pofition des ennemis ,
& le débarquement propre à l'artillerie L'armée
arriva fur les onze heures du foir à cette même
anfe , & tout le monde reſta au bivouac .
Des prifonniers , qui furent faits pendant la
nuit des Canadiens & des Sauvages , rappor
par
terent que le nombre des ennemis pouvoit monter
à trois mille hommes , dont cinq cens étoient actuellement
dans le Fort , & le refte dans un camp
retranché qui étoit placé fur une hauteur à deux
cens toiles du Fort & à portée d'en rafraîchir continuellement
la garnifon. Ils ajouterent qu'au fignal
d'un coup de canon , toutes les troupes devoient
prendre les armes.
Sur ce rapport , qui s'accordoit avec les connoiffances
que M. le Chevalier de Levis avoit pri
fes fur la polition des ennemis , M. le Marquis de
Montcalm donna fur le champ l'ordre de marche
de l'armée , dont la difpofition fut faite pour recevoir
les ennemis , en cas qu'ils vinfſent à fa rencontre
, & pour , dans le cas où ils ne viendroient
pas , inveftir la place , & même attaquer le camp
retranché , s'il étoit jugé fufceptible d'une attaque
de vive force .
Le 3 à la pointe du jour , l'armée ſe mit en
marche.
M. le Chevalier de Levis faifoit l'avant-garde
avec fon corps , une partie des milices & tous les
Sauvages. Les bataillons & le refte des milices
marchoient enfuite en colonne , M. Rigaud-de
Vaudreuil à la droite , M. de Bourlamaque à la
gauche , & M. le Marquis de Montcalm dans le
centre. M. de Privat , Lieutenant- Colonel , avoit
été placé avec cinq cens hommes de troupes &
NOVEMBRE. 1757. 198
ane brigade de milices à la garde des bateaux &
de l'artillerie.
A midi , l'inveſtiſſement fut entierement formé
M. le Marquis de Montcalm , qui s'étoit porté à
l'avant -garde , ayant reconnu qu'il ne pouvoit at
taquer les retranchemens des ennemis , fans trop
compromettte fes forces , envoya ordre à M. de
Bourlamaque d'affeoir le camp de l'armée , la
gauche au Lac , la droite à des ravines preſque
inacceffibles , & d'y conduire fur le champ les
brigades de la Sarre & de Royal- Rouffillon . Pour
lui , avec la brigade de la Reine & une brigade de
milices , il paffa la nuit au bivouac , à portée de
foutenir le camp que M. le Chevalier de Levis occupoit
avec l'avant-garde fur le chemin du Forg
Gorges au Fort Edouard.
Comme ce pofte de l'avant -garde étoit trop
éloigné du ſiege , des bateaux & des vivres , elle
fe rapprocha le 4 au matin. M. le Marquis de
Montcalm ramena les deux brigades qu'il avoit
avec lui , prendre leur place dans le camp. L'ar
mée deſtinée à faire le fiege fe trouva alors poſtée ,
& compofée de fept bataillons de troupes , & de
deux brigades de milices. M. le Chevalier de Le
vis & M. Rigaud- de Vaudreuil , avec le refte des
milices , les volontaires de Villiers , & tous les
Sauvages , furent chargés de couvrir la droite du
camp , d'obferver les mouvemens des ennemis du
côté du chemin du Fort Edouard , & de leur don
ner à croire , par des mouvemens continuels , que
cette communication étoit encore occupée.
Dans l'après- midi du même jour 4 , on mar
qua le dépot de la tranchée. On fit le chemin de
ce dépôt au camp , les fafcines , gabions & fauciffons
néceffaires pour le travail de cette premiere
nuit ; & l'on mit en état une anfe , à laquelle le
192 MERCURE DE FRANCE.
dépôt aboutifloit , pour y pouvoir débarquer dans
la nuit l'artillerie à mesure qu'on en auroit befoin.
La nuit du 4 aus , on ouvrit la tranchée à 350
toiles du Fort d'attaque , embraffant le front du
Nord-Oueſt : cette tranchée étoit une espece de
premiere parallele. On commença auffi deux batteries
avec leur communication à la parallele.
Dans la journée dus , les travailleurs de jour
perfectionnerent les ouvrages de la nuit. Mais on
fut obligé de retirer un peu plus en arriere la gauche
du camp de l'armée , laquelle fe trouvoit trop
expofée au feu de la Place.
Le même jour , les Sauvages intercepterent
une lettre du Général Webb , écrite du Fort
Edquard en date du 4 à minuit . Il mandoit au
Commandant du Fort Georges , qu'auffitôt après
J'arrivée des milices des provinces auxquelles il
avoit envoyéordre devenir le joindre fur le champ,
il s'avanceroir pour combattre l'armée Françoife ;
que cependant , fi ces milices arrivoient trop tard
le Commandant fît enforte d'obtenir les meilleures
conditions qu'il pourroit. Cette lettre détermina
M. le Marquis de Montcalm à accélérer encore
la construction des batteries ; & le nombre
des travailleurs fut augmenté.
La nuit dus au6 , on acheva la batterie de la
gauche qui fut en état de tirer à la pointe du jour ;
elle étoit de huit pieces de canon & d'un mortier,
& elle battoit le front d'attaque & la rade des barques.
On acheva auſſi la communication de la batterie
de la droite avec la parallele , & l'on avança
confidérablement cette batterie.
La nuit du 6 au7 , on conduifit un boyau de
Iso toifes en avant fur la capitale du Baftion de
P'Ouest , & l'on acheva la batterie de la droite.
Elle étoit de huit pieces de canon , d'un mortier
&
te
fe
NOVEMBRE . 1757. 193
& de deux obufiers : elle battoit en écharpant le
front d'attaque , & à ricochet le camp retranché.
Elle fut démafquée à fept heures du matin ; &
après une double falve des deux batteries , M. le
Marquis de Montcalm jugea à propos de faire porter
au Commandant de la Place la lettre du Général
Webb , par M. de Bougainville un de fes Aides
de camp.
La nuit du 7 au 8 , les travailleurs cheminant
fur la Place , en continuant le boyau commencé
la veille , lequel fut conduit à 100 toifes du foffé,
ouvrirent auffi à l'extrêmité de ce boyau , un cro
chet pour y établir une troifieme batterie , & y
loger de la moufqueterie . Vers minuit , les enne
mis firent fortir trois cens hommes du camp retranché
. M. de Villiers tomba fur eux avec un
petit nombre de Canadiens & de Sauvages , leur
tua foixante hommes , fit deux prifonniers , &
força le refte à rentrer dans le camp.
Le travail de la nuit avoit conduit à un marais
P'environ so toifes de paffage , qu'un côteau qui
e bordoit mettoit à couvert des batteries de la
Place , à l'exception de 10 toifes de longueur ,
bendant lefquelles on étoit expoſé au feu de ces
batteries. Quoiqu'en plein jour , M. le Marquis
le Montcalm fit faire ce paffage comme celui
l'un foffé de place rempli d'eau , les fappeurs s'y
orterent avec tant de vivacité , que , malgré le
eu du canon & de la moufqueterie des ennemis ,
I fut achevé dans la matinée même , & qu'avant
a nuit une chauffée capable de fupporter l'artilleie
fe trouva pratiquée dans le marais. La moufueterie
des Canadiens & des Sauvages , qui tisient
aux embrafures du Fort , diminua beauoup
durant cette journée le feu des ennemis .
A quatre heures du foir , les Sauvages- Décou
I
194 MERCURE DE FRANCE.
vreurs rapporterent qu'un gros corps d'armée
marchoit au fecours de la place par le chemin du
Fort Edouard . M. le Chevalier de Levis s'y por
fur le champ avec la plus grande partie des Canadiens
& tous les Sauvages. M. le Marquis de
Montcalm ne tarda pas à le joindre avec la brigade
de la Reine & une brigade de milices . Il s'avançoit
en bataille prêt à recevoir l'ennemi ; les
bataillons en colone fur le grand chemin , les
Canadiens & les Sauvages fur les aîles dans les
bois , lorfqu'il apprit que la nouvelle étoit faufle.
Il fit rentrer les troupes dans leur camp . Ce mor
vement ne caufa aucun dérangement aux travar
du fiege ; & la promptitude avec laquelle il f
exécuté , fit un très -bon effet dans l'efprit des
Sauvages.
La nuit du 8 au 9 , on déboucha du marais pur
un boyau fervant de communication à la feconde
parallele qui fut ouverte fur la crête du côteau, &
fort avancée dans la nuit. C'eft de cette parallele
qu'on devoit partir pour établir les batteries de
breche , & en la prolongeant , envelopper le Fort
& couper la communication avec le retranche
ment , laquelle jufqu'alors avoit été libre. L
affiégés n'en donnerent pas le temps à huit he
res du matin ils arborerent pavillon blanc .
201
tro
le
fet
M. le Marquis de Montcalm dit au Colonel Co
Yong , envoyé par le Commandant pour trait
de la capitulation , qu'il ne pouvoit en fignera
cune fans en avoir auparavant communiqué les
ticles aux Sauvages. Deux motifs l'engageoiesti
ce ménagement pour eux : il croyoit le devoir
confiance & à la foumiffion avec lesquelles ils s
toient prêtés depuis le commencement de l'exp
dition à l'exécution des ordres qu'il leur avoit do
nés , & de toutes les propofitions qu'il leur apo
la
M
NOVEMBRE. 1757. 195
faites ; & il vouloit les mettre par -là dans l'obli
gation de ne rien faire de contraire à la capitulation
qui feroit arrêtée. Il convoqua donc fur le
champ un Confeil Général de tous les Sauvages.
Il expofa aux Chefs les conditions auxquelles les
Anglois offroient de fe rendre , & celles qu'il
étoit réfolu de leur accorder. Les Chefs s'en rapporterent
à tout ce qu'il feroit , & lui promirent
de s'y conformer , & d'empêcher que leurs jeunes
gens n'y contrevinffent directement ni indirectement.
M. le Marquis de Montcalm envoya immédia
tement après ce confeil , M. de Bougainville ,
pour rédiger la capitulation avec le Colonel Monro
, Commandant de la Place & du camp retran,
ché. Les principaux articles furent :
Que les troupes , tant de la garniſon que du
retranchement , fortiroient avec leurs bagages &
les honneurs de la guerre , & qu'elles fe retiroient
au Fort Edouard .
Que pour les garantir contre les Sauvages ,
elles feroient eſcortées par un détachement de
troupes Françoifes , & par les principaux Officiers
& interprêtes attachés aux Sauvages .
Qu'elles ne pourroient fervir de 18 mois , ni
contre le Roi , ni contre fes Alliés ;
Et que , dans l'efpace de trois mois , tous les
prifonniers François , Canadiens & Sauvages , faits
par terre dans l'Amérique feptentrionale , depuis
le commencement de la guerre par les Anglois ,
feroient conduits aux forts François de la frontiere.
Cette capitulation fut fignée à midi , & auffitôt
la garnifon fortit du fort pour joindre les troupes
du retranchement ; & M. de Bourlamaque prit
poffeffion du fort avec les troupes de la tranchée.
M. le Marquis de Montcalm envoya en même
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
temps au camp retranché , une garde que le Colo:
nel Monro lui avoit demandée , & il ordonna aux
Officiers & Interprêtes attachés aux Sauvages , dy
demeurer jufqu'au départ des Anglois , qui fe
trouvoient au nombre de 2264 hommes effectifs.
Malgré toutes ces précautions , & malgré les affu
rances que les Chefs Sauvages avoient données ,
lorfqu'il fut queftion de la capitulation , les Sauvages
firent du défordre dans le camp des Anglois.
M. le Marquis de Montcalm y accourut avec un
détachement de fes troupes. Les Sauvages avoient
déja fait un affez grand nombre de prifonniers ,&
en avoient même amené quelques-uns. Il fit rea
dre ceux qui reftoient , & M. le Marquis de Vaudreuil
a fait renvoyer les autres .
M. le Marquis de Montcalm a fait rafer le fort,
& détruire tout ce qui en dépendoit , conformé
ment aux inftructions qui lui avoient été données
par M. le Marquis de Vaudreuil. Il s'eft trouvé ,
tant dans le fort que dans le camp retranché , 23
pieces de canon , dont plufieurs de 32 livres , quatre
mortiers , un obufier , dix- fept pierriers , en
viron trente- fix milliers de poudre , beaucoup de
boulets , bombes , grenades , balles , avec tou
tes fortes de munitions & uftenfúles d'artillerie . On
y a trouvé auffi une provifion affez confidérable de
vivres , malgré le pillage que les Sauvages en ont
fait.
Les François n'ont eu que treize hommes de
tués & quarante de bleffés dans ce fiege. M. le
Febvre , Lieutenant des Grenadiers du régiment
Royal Rouflillon , eft du nombre des derniers par
un éclat de bombe : fa bleffure eft à la main. liby
point eu d'autres officiers tués ni bleſſés. Les enne .
mis y ont perdu cent huit hommes , & en ont eu
deux cens cinquante de blefiés,
Επ
le
C
tre
Aqde
B
NOVEMBRE. 1757. 197
"
Durant tout le fiége , l'armée a été prefque toute
entiere jour & nuit de fervice , foit à la tranchée ,
foit au camp , foit dans les bois , pour faire les
fafcines , gabions & fauciffons néceflaires . On a
fait avec la pioche , la hache & la fcie fix cens toifes
de tranchée aflez large pour y charroyer de
front deux pieces de canon les abattis , dont
tout le terrein étoit embarraffé, empêchant de les
faire paffer fur les revers. C'eſt à la fageffe des
difpofitions que M. le Marquis de Montcalm a
faites , & à l'activité avec laquelle il en a fuivi
l'exécution , que le fuccès de cette expédition eft
principalement dû. Il a été parfaitement fecondé
dans toutes les opérations par M. le Chevalier de
Levis , par M. Rigaud- de Vaudreuil , & par M,
de Bourlamaque. Les détails particuliers de l'artillerie
& du génie ont été très -bien remplis par M.
le Chevalier le Mercier , qui commandoit l'artillerie
, & par MM . Defaidouin & Lotbiniere ,
Ingénieur . Les Officiers & Soldats des troupes de
terre & de la colonie , ainfi que les milices & les
Officiers qui les commandoient , ont donné les
plus grandes marques de valeur & de bonne volonté
; & jamais les Sauvages n'avoient fait paroître
tant de fermeté & de conftance : ils avoient demandé
à monter à l'affaut avec les grenadiers , &
ils en attendoient le moment avec impatience.
Ce nouveau fuccès , qui a répandu une joie
générale dans la colonie de Canada , a animé
de plus en plus le zele avec lequel les habitans
s'efforcent de répondre aux mefures dont le Roi a
la bonté de s'occuper pour la défenfe de cette colonie
, & de feconder les foins que M. le Marquis
de Vaudreuil ne ceffe point de fe donner pour tout
ce qui peut y avoir rapport.
·
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
vent
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de
L
des
Le Roi ayant été informé que les paroiffesel
de Piriac & de Mefquer au Diocefe de Nantes
avoient été prefque entiérement ravagées le
27 juin dernier , par un orage mêlé de grêle
d'une groffeur extraordinaire , a fait toucher
aux Recteurs de ces deux paroiffes , la fomme de
fix mille livres pour être par eux employées en
achat de grains , & diftribuées fous l'inſpection
de M. le Comte de la Bourdonnaye- du Bois- Hullin
, Procureur- Général , Syndic des Etats de Bre- pe
tagne , tant pour enfemencer les terres , que pour
la nourriture des habitans dont les recoltes ont
été défolées par ce fléau . Cette nouvelle caracterife
notre Monarque plus glorieux encore par
fon humanité que par les victoires.
Co
I
M. Paffemant Ingénieur du Roi au Louvre ,
étoit déja connu pour Auteur de la fameufe
pendule couronnée d'une fphere mouvante , pla
cée en 1753 dans le cabinet du Roi à Verfailles
; fphere dont les révolutions font fi juftes , ue
qu'au jugement de l'Académie où l'on voit l'ertrait
page 183 de l'année 1749 de fes mémoires
, il n'y a pas en trois mil ans un feul degré
de différence avee les tables aftronomiques.
11 vient encore de finir pour le Roi deur
piéces uniques qu'on peut regarder comme chefd'oeuvres
, c'eft premiérement un grand miroir
de 45 pouces
de diametre qu'il a eu l'honneur
de préfenter au Roi le 13 août dernier , avec M.
de Bernieres , dans le pavillon conftruit par ordre
de Sa Majesté à la meute , pour le télescope ,
les ouvrages & les obfervations du pere Noël.
La glace de ce miroir a été courbée , par les
foins de M. de Buffon , dans un fourneau qu'i
avoit fait conftruire au Jardin Royal. M , Palle
mant l'a fait travailler au Louvre fous les yeur ,
M
174
Le
les
NOVEMBRE . 1757 . 199
& elle a été étamée d'une façon nouvelle , inventée
par M. de Bernieres , un des quatre Controlleurs
des ponts & chauflées.
Le Roi parut très - content des grands effets
de ce miroir. Si on y préfente des tableaux
même de fix pieds de grandeur , repréfentans
des vues de Paris , de Venife , des ports de
mer , des bâtimens , on croit voir de véritables
objets de grandeur naturelle : ainfi avec un fimple
deflein , on voit un bâtiment dans toute
la grandeur où il fera , & on juge de fon apparence
future. Un Peintre qui travaille à une
petite miniature , quelque petite qu'elle foit ,
peut la voir de grandeur naturelle , & peut par
conféquent fentir & corriger les moindres dé
fauts.
A
La chimie n'en tirera pas de moindres avantages.
On peut juger des grands effets de ce miroir
fur les métaux par la promptitude avec laquelle
il agit , l'argent a été fondu en trois fecondes.
M. Paffemant eut encore l'honneur de préfenter
au Roi un télescope aftéroftatique de fon invention
, dont il avoit lu un projet à l'Académie en
1746 , & qui avoit mérité fon approbation. Ce
télescope eft garni d'un midiometre : il fuit le
mouvement du ciel . Si on le met fur la lune , il
femble qu'elle foit fans mouvement ; fi on veut
voir enfuite une autre planete , il y a un ajuftement
qui le regle dans le moment pour cet aftre.
Il eft conduit par une mécanique toute nouvelle ,
fans aucun tremblement , ni agitation . Comme
les aftres paroiffent fixes , on peut obferver avec
une grande facilité : on peut placer les fils du midiometre
fur fes objets avec toute l'exactitude
poffible. Il eft propre à prendre la parallaxe de
I iv
200 MERCURE DE FRANCE.
Mars en fecondes de degrés au lieu de fecondes
de temps ainfi au lieu de deux fecondes , on
aura trente fecondes de degrés ; on obfervera facilement
la route des cometes : il fera d'une
grande utilité pour les paffages de Mercure fut
le difque du foleil, en l'année 1761 ; obſervation
qui n'a été faite qu'une feule fois , & par un
feul Obfervateur en l'année 1639.
Le Pere Noël repéta devant Sa Majefté les erpériences
d'une machine pneumatique nouvelle ,
& de plufieurs autres inftrumens qu'il avoit eu
P'honneur de lui préfenter au mois de mars dernier.
Le Roi parut fatisfait de tous ces ouvrages ,
qu'il examina pendant une heure .
Mefdames de France vinrent enfuite , & paffe
rent près de trois heures pendant lefquelles les
mêmes chofes furent répétées en leur préfence *
à leur fatisfaction .
Le corfaire le Romieu , de Saint - Malo , com
mandé par le Capitaine Morel , a conduit en ce
port le navire Anglois la Pensilvanie de 250 ton
neaux , qui alloit de Philadelphie à Londres, avec
une cargaifon de bois de Campêche , de pellete
zies , de café & d'autres marchandiſes.
Un navire Anglois de 300 tonneaux , chargé de
tabac , a été pris par le corfaire Entreprenant ,
qui l'a fait conduire å Morlaix.
Le Capitaine la Lande , commandant un corfaire
de Bordeaux , appellé le Prevêt de Paris , s'eft
rendu maître du corfaire le Hazard de Grenezey,
ayant 6 canons , 8 pierriers & 37 hommes d'équi
page , & il a repris le navire l'Aimable Jolie de
Bordeaux , & un autre bâtiment du même port ,
dont les Anglois s'étoient emparés.
Les navires Anglois le Prince d'Orange , chargé
de bois de Campeche , & le Saint - Eustache , de
NOVEMBRE . 1757. 201
Saint-Eustache , dont la cargaifon confifte en fucre
& en café , ont été pris par les corfaires la
Marquise de Salba & le d'Etigny de Bayonne , ou
ils font arrivés .
Les corfaires la Favorite & la Providence , de
Saint-Jean -de-Luz , fe font rendus maîtres , Pun
du navire Anglois la Sufanne , de Malblebard ,
chargé de 2200 quintaux de morue , l'autre d'un
Senaw , qui a pour cargaifon 334 barriques de
fardines.
Le Capitaine Papin , commandant le corfaire
la Marquise de Beringhen , de Boulogne , s'eft
emparé à la côte d'Angleterre du navire Anglois
l'Endeavour , de 100 tonneaux , deftiné pour la
Barbade , où il portoit un chargement compofé
de cire blanche , de farine , de boeuf falé & de
fromage.
Le même corfaire a pris un bateau de 25 à 39
tonneaux , chargé de caffonnade , de poudre à
canon , de chanvre & de fuif.
Le corfaire Anglois l'Epervier , armé de 10 canons
, 12 pierriers , & so hommes d'équipage , a
été pris par le Capitaine Berlamont , commandant
le corfaire l'Afie , de Dunkerque , & il a été conduit
au Havre.
On mande de Nantes , qu'il y eft arrivé un
fenaw Anglois appellé le Caton , de Vhul , armé
de 6 canons & de 4 pierriers , & chargé pour la
Jamaïque de munitions de guerre & de bouche ,
d'armes & de marchandifes feches . Ce bâtiment
a été pris par le Capitaine Poitevin , commandant
le navire la France.
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Résumé : Nouvelles de la Cour, de Paris, &c.
Le 9 octobre, la Dauphine donna naissance à un prince, nommé Comte d'Artois par le roi. L'abbé de Bouillé, comte de Lyon et premier aumônier du roi, procéda à l'ondoyement du prince en présence du curé de la paroisse du Château. Monsieur Rouillé, ministre d'État, apporta le cordon de l'Ordre du Saint-Esprit que le prince reçut. Le comte d'Artois fut ensuite confié à la comtesse de Marsan, gouvernante des enfants de France, et conduit à ses appartements par le maréchal duc de Luxembourg. Le lendemain, le roi, la reine et la famille royale assistèrent à une messe à la chapelle, durant laquelle le Te Deum fut chanté. Des festivités, incluant des feux d'artifice et des distributions de vin et de nourriture, furent organisées à Paris et dans la province d'Artois pour célébrer la naissance du prince. Le roi nomma également plusieurs personnes à des postes vacants et envoya des courriers pour annoncer la nouvelle à divers dignitaires. Les troupes de la Maison du Roi furent rappelées de la défense des côtes en raison du retrait des Anglais. La province d'Artois exprima sa joie et sa reconnaissance par des cérémonies religieuses et des démonstrations publiques. La princesse de Condé accoucha également d'une princesse le 10 octobre. En Amérique du Nord, le marquis de Vaudreuil, gouverneur de la Nouvelle-France, prit des mesures pour défendre le Canada contre les attaques anglaises, en s'appuyant sur les alliances avec les nations amérindiennes et en renforçant les fortifications. En mars, Vaudreuil envoya un détachement dirigé par Rigaud de Vaudreuil pour détruire les bâtiments ennemis autour du Lac Saint-Sacrement et du Fort Georges. Il renforça également les garnisons frontalières et détruisit des forts ennemis sur la Belle Rivière. Vaudreuil planifia ensuite la prise du Fort Georges, récemment construit par les Britanniques. Montcalm fut chargé de diriger un corps de troupes composé de bataillons réguliers, de milices et de Sauvages. Avant l'attaque principale, Rigaud de Vaudreuil mena plusieurs raids réussis contre les Britanniques, détruisant des bateaux et capturant des prisonniers. Le 3 août, l'armée française, dirigée par Montcalm, investit le Fort Georges. Malgré les préparatifs britanniques, les Français commencèrent le siège en ouvrant une tranchée et en construisant des batteries. Une lettre interceptée du Général Webb accéléra les travaux de siège. Les batteries furent prêtes à tirer dès le 7 août, marquant le début des hostilités. Entre le 7 et le 9 novembre 1757, les forces françaises, dirigées par le Marquis de Montcalm, assiégèrent une place forte. La nuit du 7 au 8 novembre, les travailleurs français creusèrent un boyau et établirent une batterie. Vers minuit, les ennemis tentèrent une sortie, mais furent repoussés par M. de Villiers, qui tua soixante hommes et fit deux prisonniers. Le travail nocturne permit de créer un passage à travers un marais, malgré le feu ennemi. Les Sauvages et les Canadiens réduisirent le feu ennemi durant la journée. Le 8 novembre, les Sauvages signalèrent l'approche d'une armée ennemie, mais l'alerte se révéla fausse. La nuit suivante, les Français ouvrirent une seconde parallèle et avancèrent leurs positions. Le matin du 9 novembre, les assiégés hissèrent un pavillon blanc, indiquant leur volonté de capituler. Montcalm consulta les chefs des Sauvages avant de signer la capitulation, qui permit aux troupes ennemies de se retirer avec les honneurs de la guerre et d'être escortées par des troupes françaises pour les protéger des Sauvages. Malgré les précautions, des Sauvages firent des prisonniers parmi les ennemis avant d'être arrêtés par Montcalm. Le siège se solda par la prise de 23 pièces de canon, des munitions et des vivres. Les Français perdirent 13 hommes et en blessèrent 40, tandis que les ennemis perdirent 108 hommes et en blessèrent 250. Le texte souligne la discipline et la bravoure des troupes françaises, des milices et des Sauvages, ainsi que l'efficacité des stratégies de Montcalm et de ses officiers. En novembre 1757, plusieurs actions navales notables furent rapportées. Le corsaire Hazard de Grenezey captura deux navires bordelais repris aux Anglais.
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