A M. HERAULT,
CONSEILLER D'ETAT ,
ET LIEUTENANT GENERAL DE POLICE
LE LYNX. Fable.
Au milieu des travaux , où brille ta prudence ,
Herault , je te demande un instant d'audiance ;
Daigne me l'accorder , et souffre que ma voix ,
Loin du monde et du bruit t'appelle dans les bois ;
D'autres pour acquerir l'honneur de ton estime ,
Pourront avec éclat prendre un essor sublime ,
Mon style manque d'art , mais sa simplicité ,
Sçait rendre à la vertu ce qu'elle a merité.
Certaine Chronique rapporte ,
Que dans une Forêt pleine d'Oiseaux divers
Et d'animaux de toute sorte ,
Entra jadis l'esprit pervers :
Aussi- tôt les larcins , les meurtres ,
Les trahisons , le brigandage ,
le
carnage ,
Y vinrent déployer leurs coupables fureurs ;
La
806 MERCURE DE FRANCE
La raison du plus fort emportoit la balance ,
Le vice triomphoit , la timide innocence ,
Perdoit ses soupirs et ses pleurs :
Sultan Lyon , dont l'ame genereuse ,
Souffroit avec chagrin de pareils attentats »»
Résolut d'extirper du sein de ses Etats ,
Cette licence dangereuse ;
Pour remplir un projet si beau ,
Il se servit du ministere
D'un Lynx qui suivoit le flambeau ,
De l'Equité la plus austere..
A son aspect les crimes confondus ,
Chercherent en vain un azile
Sa vigilance et ses soins assidus.
Rendirent la Forêt tranquille ;
Le Pigeon du Vautour méprisa la fureur ,
Et l'innocent Agneau vit le Loup sans terreur.
Sage Magistrat , cette Fable ,
N'a point l'obscurité des Enigmes du Sphynx ,
Paris de son repos à tes soins redevable ,
Verra facilement que ma Muse équitable ,
Ne songeoit qu'à toi seul en dépeignant le Lynx
I Par M.de Gastera..