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1
p. 2017-2025
EXTRAIT de l'Ecole des Meres, Comédie en Prose, en un Acte, de M. de Marivaux, representée pour la premiere fois sur le Théatre Italien. le 26 Juillet 1732.
Début :
Cette intrigue se passe entre Mme Argante, Angelique, sa fille, Lizette, [...]
Mots clefs :
Ecole des Mères, Marivaux, Théâtre italien, Lisette, Angélique
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texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT de l'Ecole des Meres, Comédie en Prose, en un Acte, de M. de Marivaux, representée pour la premiere fois sur le Théatre Italien. le 26 Juillet 1732.
EXTRAITde l'Ecole des Meres , Comédie en Prose , en un Acte , de M. de
Marivaux , representée pour la premiere
fois sur le Théatre Italien , le 26 Juilles
1732.
CErre
intrigue.se
Ette intrigue se passe entre Mme Argante , Angelique , sa fille , Lizette ,
sa Suivante , Eraste, Amant d'Angelique,
sous le nom de la Ramée , Damis , pere
d'Eraste est aussi Amant d'Angelique ,
Frontin et Champagne , Valets de Mme Argante et de Damis, La Scene est dans l'Appartement de Mme Argante.
Eraste travesti en Valet commence la
Piece avec Lisette , laquelle veut lui menager un entretien avec Angelique, dont
il est autant aimé qu'il l'aime. Frontin
Valet de Me Argante , arrive et se défie
du prêtendu parantage du faux la Ramée avec Lizette , dont il est amoureux
et le prend sur un ton qui oblige Lisette
à le mettre dans la confidence ; il se charge de l'entrevûë qu'il s'agit de ménager
à Eraste , qui veut parer le mariage qu'on
est prêt à conclure entre son Amante et
le vieux Damis , c'est un nom que le peré d'Eraste a pris pour dérober la connoissance
H
2018 MERCURE DE FRANCE
noissance de son futur Hymen à tout le
monde , et sur tout à son fils , quoiqu'il
ne sçache pas encore qu'il est son Rival
et Rival aimé.
Mme Argante vient ; le faux la Ramée
ne pouvant se retirer sans se rendre suspect , Frontin le fait passer pourun Cousin qui cherche condirion ; Mme Argante
le trouvant bien fait, lui ordonne de rester dans la maison , et lui promet de le
mettre au service de M. Damis. Mme Argante demande à Lisette dans quelles dispositions elle trouve sa fille Angelique ;
Lisette lui répond d'une maniere à ne répondre de rien : voici la fin de la Scene:
entre la Maîtresse et la Suivante..
Md. Argante.
M. Damis est un peu vieux , à la verité ,
mais doux, complaisant , attentif, aimable.
Lisette.
Aimable ! prenez donc garde , Madame ; il a
soixante ans,
Mad. Argante.
Il est bien question de l'âge d'un mari avec une fille élevée comme la mienne.
Lisette.
Oh! s'il n'en est pas question avec Mademoi selle
SEPTEMBRE. 1732. 2619
selle votre fille , il n'y aura guere eu de prodige de cette force-là.
Mad. Argante.
Qu'entendez-vous avec votre prodige ?
Lisette.
J'entends qu'il faut le plus qu'on peut , mettre la vertu des gens son aise , et que celle d'Ange
lique ne le sera pas sans fatigue.
Mad.
Argante.
Vous avez de sottes idées , Lisette ; les inspi- rez-vous à ma fillers
Lisette.
Oh que non , Madame ; elle les trouvera bien,
sans que je m'en mêle.
Mad, Argante.
Hé pourquoi , de l'humeur dont elle est ,
seroit- elle pas heureuse ?
Lisette,
1
ne
C'est qu'elle ne sera point de l'humeur dont
yous dites ; cette humeur- là n'est nulle part.
Mad. Aviante.
Il faudroit qu'elle l'eût bien difficile , si elle
ne s'accommodoit pas d'un homme qui l'a dorera ,
Lisette.
On adore mal à son âge.
Mad.
2020 MERCURE DE FRANCE
Mad. Argante.
Qui ira audevant de tous ses desirs.
Lisette.
Ils seront donc bien modestes , &c.
>
L'arrivée d'Angelique interrompt la
suite de cette conversation ; ce rôle est
joué par la Dule Sylvia avec une grace et
une intelligence qu'on ne sauroit trop
admirer ; comme c'est un rôle d'Agnés
elle y met une ingenuité qui enchante les
Spectateurs ; et cette ingenuité est accompagnée, coup sur coup, de profondes
révérences qui la caracterisent d'une maniere à n'y reconnoître que la simple nature , quoique ce ne soit pas sans y mettre un art infini. Voici quelques morceaux
de la Scene qui se passe entr'elle et sa mere.
Mad. Argante.
Vous voyez , ma fille , ce que je fais aujour
d'hui pour vous ; ne tenez-vous pas compte
ma tendresse du mariage que je vous procure &
Angelique faisant la réverence.
Je ferai tout ce qui vous plaira , ma mere.
Ma . Argante.
Je vous demande si vous me sçavez gré da
parti
SEPTEMBRE. 1732 2021
parti que je vous donne , &c. allons ; répondez ,
ma fille.
Angelique.
Vous mel'ordonnez donc ?
Mad. Argante.
Qui, sans doute. Voyons ; n'êtes-vous pas satisfaite de votre sort ?
Angelique.
Mais.
Mad. Argante.
Quoi ? mais ! je veux qu'on me réponde raisonnablement ; je m'attendois à votre reconnoissance , et non pas à des mais...
Angelique saluant.
Je n'en dirai plus , ma mere.
Mad. Argante.
Je vous dispense des révérences ; dites-moi ce
que vous pensez.
Ce queje pense
Angelique.
Mad. Argante.
Oui , comment regardez-vous le mariage en
question ?
! Mais,
Angelique.
Mad. Argante.
Toujours des mais !
Am
2022 MERCURE DE FRANCE
Angelique.
Je vous demande pardon ; je n'y songeois pas ,
ma Mere , &c.
Toute cette Scene , qui est à peu près
sur le même ton, fait beaucoup de plaisir ,
tant de la part de l'Auteur , que de l'Actrice. La De Sylvia ne parle pas toujours
avec la même innocence dans le reste de
cette Piéce ; elle est très hardie quand elle
s'entretient avec Lisette , le Lecteur en
pourra aisément juger par ce commencement de Scene.
Lisette.
Eh bien? Mademoiselle , à quoi en êtes - vous ?
Angelique.
J'en suis à m'affliger , comme tu vois,
Lisette.
Qu'avez-vous dit à votre Mere !
Angelique.
Hé tout ce qu'elle a voulu.
4
Lisette.
Vous épouserez donc Monsieur Damis
Angelique.
Moi , l'épouser ! je t'assûre que non c'est
bien assez qu'il m'épouse.
Lisette,
SEPTEMBRE. 1732. 2023
>
Lisette.
Oui mais vous n'en serez pas moins sa femme.
sant "
Angelique.
Hé bien; ma Mere n'a qu'à l'aimer pour nous
deux ; car pour moi je n'aimerai jamais qu'Eraste , &c, c'est lui qui est aimable , qui est complai
et non pas ce Monsieur Damis , que ma
mere a été prendre je ne sçai où , qui feroit bien
mieux d'être mon grand pere , que mon mari ,
qui me glace quand il me parle , et qui m'appelle
toujours ma belle personne , comme si on s'embarassoit beaucoup d'être belle ou laide avec lui ;
au lieu que tout ce que me dit Eraste est si touchant ; on voit que c'est du fond du cœur qu'il parle ; et j'aimerois mieux être sa femme huit
jours , que de l'être toute ma vie de l'autre
&c.
On vient annoncer à Angelique qu'un
Laquais d'Eraste a une Lettre à lui rendrę
de la part de cet Amant si tendrement ai
mé ; elle marque un tendre empressement;
mais son activité éclate bien plus quand
elle voit Eraste même à ses pieds après la
lecture de sa Lettre , &c. Comme cet Extrait commence à devenir un peu trop
long pour une Piéce en un Acte , nous ne
parlerons plus que de ce qui concerne l'action théatrale.
Le faux Damis , pere de Léandre vient
pour
2024 MERCURE DE FRANCE
pour épouser Angelique ; il prie Mad.
Argante de lui permettre un moment
d'entretien avec sa future Epouse. C'est
dans cet entretien qu'Angelique lui avoüc.
avecsa naïveté ordinaire qu'elle ne l'aime,
pas ; il apprend même,qu'elle en aime un
autre , et à la faveur d'un rendez- vous
nocturne , il reconnoît cet Amant aimé
pour son fils. Cette nuit donne lieu à
beaucoup de méprises , qui finissent par
des lumieres que Madame Argante fait
apporter. Le pere se rendant justice , et
d'ailleurs attendri pour son fils , conseille
àMad. Argante de rendre ces deux Amans
heureux , elle y consent. On commence
une Fête que Damis avoit fait préparer
pour lui-même ; il consent qu'elle serve
pour le mariage de son fils avec Angelique ; Lisette est aussi récompensée pour
avoir contribué au mariage d'Eraste ;
Mad: Argante consent qu'elle épouse son
cher Frontin ; la Piéce finit par des Danses et des Divertissemens , dont la Musi
que , qui a été goûtée , est de M. Mouret : voici deux Couplets du Vaudeville
qui termine le Divertissement.
Si mes soins pouvoient t'engager
Me dit un jour le beau Sylvandre,
D'un air tendre
Que
SEPTEMBRE, 1732 2025
Que ferois-tu ? dis-je au Berger?
Il demeura comme un Idole ,
Et ne répondit pas un mot.
Le grand sot !
Il faut l'envoyer à l'Ecole,
L'autre jour à Nicole il prit ,
Une vapeur auprès de Blaise ,
Sur sa chaise :
La pauvre enfant s'évanouit ;
Blaise , pour secourir Nicole ,
Fut chercher du monde aussi- tôt ;
Le nigaut !
Il faut l'envoyer à l'Ecole,
La Dile Roland et le sieur Lelio ont
dansé dans ce Divertissement un Pas de
Deux, composé d'une Loure et d'un Tambourin , avec toute la justesse et la vivacité possible , et ont été généralement ap
plaudis ; cette nouvelle Danseuse est de
plus en plus goûtée du Public.
Marivaux , representée pour la premiere
fois sur le Théatre Italien , le 26 Juilles
1732.
CErre
intrigue.se
Ette intrigue se passe entre Mme Argante , Angelique , sa fille , Lizette ,
sa Suivante , Eraste, Amant d'Angelique,
sous le nom de la Ramée , Damis , pere
d'Eraste est aussi Amant d'Angelique ,
Frontin et Champagne , Valets de Mme Argante et de Damis, La Scene est dans l'Appartement de Mme Argante.
Eraste travesti en Valet commence la
Piece avec Lisette , laquelle veut lui menager un entretien avec Angelique, dont
il est autant aimé qu'il l'aime. Frontin
Valet de Me Argante , arrive et se défie
du prêtendu parantage du faux la Ramée avec Lizette , dont il est amoureux
et le prend sur un ton qui oblige Lisette
à le mettre dans la confidence ; il se charge de l'entrevûë qu'il s'agit de ménager
à Eraste , qui veut parer le mariage qu'on
est prêt à conclure entre son Amante et
le vieux Damis , c'est un nom que le peré d'Eraste a pris pour dérober la connoissance
H
2018 MERCURE DE FRANCE
noissance de son futur Hymen à tout le
monde , et sur tout à son fils , quoiqu'il
ne sçache pas encore qu'il est son Rival
et Rival aimé.
Mme Argante vient ; le faux la Ramée
ne pouvant se retirer sans se rendre suspect , Frontin le fait passer pourun Cousin qui cherche condirion ; Mme Argante
le trouvant bien fait, lui ordonne de rester dans la maison , et lui promet de le
mettre au service de M. Damis. Mme Argante demande à Lisette dans quelles dispositions elle trouve sa fille Angelique ;
Lisette lui répond d'une maniere à ne répondre de rien : voici la fin de la Scene:
entre la Maîtresse et la Suivante..
Md. Argante.
M. Damis est un peu vieux , à la verité ,
mais doux, complaisant , attentif, aimable.
Lisette.
Aimable ! prenez donc garde , Madame ; il a
soixante ans,
Mad. Argante.
Il est bien question de l'âge d'un mari avec une fille élevée comme la mienne.
Lisette.
Oh! s'il n'en est pas question avec Mademoi selle
SEPTEMBRE. 1732. 2619
selle votre fille , il n'y aura guere eu de prodige de cette force-là.
Mad. Argante.
Qu'entendez-vous avec votre prodige ?
Lisette.
J'entends qu'il faut le plus qu'on peut , mettre la vertu des gens son aise , et que celle d'Ange
lique ne le sera pas sans fatigue.
Mad.
Argante.
Vous avez de sottes idées , Lisette ; les inspi- rez-vous à ma fillers
Lisette.
Oh que non , Madame ; elle les trouvera bien,
sans que je m'en mêle.
Mad, Argante.
Hé pourquoi , de l'humeur dont elle est ,
seroit- elle pas heureuse ?
Lisette,
1
ne
C'est qu'elle ne sera point de l'humeur dont
yous dites ; cette humeur- là n'est nulle part.
Mad. Aviante.
Il faudroit qu'elle l'eût bien difficile , si elle
ne s'accommodoit pas d'un homme qui l'a dorera ,
Lisette.
On adore mal à son âge.
Mad.
2020 MERCURE DE FRANCE
Mad. Argante.
Qui ira audevant de tous ses desirs.
Lisette.
Ils seront donc bien modestes , &c.
>
L'arrivée d'Angelique interrompt la
suite de cette conversation ; ce rôle est
joué par la Dule Sylvia avec une grace et
une intelligence qu'on ne sauroit trop
admirer ; comme c'est un rôle d'Agnés
elle y met une ingenuité qui enchante les
Spectateurs ; et cette ingenuité est accompagnée, coup sur coup, de profondes
révérences qui la caracterisent d'une maniere à n'y reconnoître que la simple nature , quoique ce ne soit pas sans y mettre un art infini. Voici quelques morceaux
de la Scene qui se passe entr'elle et sa mere.
Mad. Argante.
Vous voyez , ma fille , ce que je fais aujour
d'hui pour vous ; ne tenez-vous pas compte
ma tendresse du mariage que je vous procure &
Angelique faisant la réverence.
Je ferai tout ce qui vous plaira , ma mere.
Ma . Argante.
Je vous demande si vous me sçavez gré da
parti
SEPTEMBRE. 1732 2021
parti que je vous donne , &c. allons ; répondez ,
ma fille.
Angelique.
Vous mel'ordonnez donc ?
Mad. Argante.
Qui, sans doute. Voyons ; n'êtes-vous pas satisfaite de votre sort ?
Angelique.
Mais.
Mad. Argante.
Quoi ? mais ! je veux qu'on me réponde raisonnablement ; je m'attendois à votre reconnoissance , et non pas à des mais...
Angelique saluant.
Je n'en dirai plus , ma mere.
Mad. Argante.
Je vous dispense des révérences ; dites-moi ce
que vous pensez.
Ce queje pense
Angelique.
Mad. Argante.
Oui , comment regardez-vous le mariage en
question ?
! Mais,
Angelique.
Mad. Argante.
Toujours des mais !
Am
2022 MERCURE DE FRANCE
Angelique.
Je vous demande pardon ; je n'y songeois pas ,
ma Mere , &c.
Toute cette Scene , qui est à peu près
sur le même ton, fait beaucoup de plaisir ,
tant de la part de l'Auteur , que de l'Actrice. La De Sylvia ne parle pas toujours
avec la même innocence dans le reste de
cette Piéce ; elle est très hardie quand elle
s'entretient avec Lisette , le Lecteur en
pourra aisément juger par ce commencement de Scene.
Lisette.
Eh bien? Mademoiselle , à quoi en êtes - vous ?
Angelique.
J'en suis à m'affliger , comme tu vois,
Lisette.
Qu'avez-vous dit à votre Mere !
Angelique.
Hé tout ce qu'elle a voulu.
4
Lisette.
Vous épouserez donc Monsieur Damis
Angelique.
Moi , l'épouser ! je t'assûre que non c'est
bien assez qu'il m'épouse.
Lisette,
SEPTEMBRE. 1732. 2023
>
Lisette.
Oui mais vous n'en serez pas moins sa femme.
sant "
Angelique.
Hé bien; ma Mere n'a qu'à l'aimer pour nous
deux ; car pour moi je n'aimerai jamais qu'Eraste , &c, c'est lui qui est aimable , qui est complai
et non pas ce Monsieur Damis , que ma
mere a été prendre je ne sçai où , qui feroit bien
mieux d'être mon grand pere , que mon mari ,
qui me glace quand il me parle , et qui m'appelle
toujours ma belle personne , comme si on s'embarassoit beaucoup d'être belle ou laide avec lui ;
au lieu que tout ce que me dit Eraste est si touchant ; on voit que c'est du fond du cœur qu'il parle ; et j'aimerois mieux être sa femme huit
jours , que de l'être toute ma vie de l'autre
&c.
On vient annoncer à Angelique qu'un
Laquais d'Eraste a une Lettre à lui rendrę
de la part de cet Amant si tendrement ai
mé ; elle marque un tendre empressement;
mais son activité éclate bien plus quand
elle voit Eraste même à ses pieds après la
lecture de sa Lettre , &c. Comme cet Extrait commence à devenir un peu trop
long pour une Piéce en un Acte , nous ne
parlerons plus que de ce qui concerne l'action théatrale.
Le faux Damis , pere de Léandre vient
pour
2024 MERCURE DE FRANCE
pour épouser Angelique ; il prie Mad.
Argante de lui permettre un moment
d'entretien avec sa future Epouse. C'est
dans cet entretien qu'Angelique lui avoüc.
avecsa naïveté ordinaire qu'elle ne l'aime,
pas ; il apprend même,qu'elle en aime un
autre , et à la faveur d'un rendez- vous
nocturne , il reconnoît cet Amant aimé
pour son fils. Cette nuit donne lieu à
beaucoup de méprises , qui finissent par
des lumieres que Madame Argante fait
apporter. Le pere se rendant justice , et
d'ailleurs attendri pour son fils , conseille
àMad. Argante de rendre ces deux Amans
heureux , elle y consent. On commence
une Fête que Damis avoit fait préparer
pour lui-même ; il consent qu'elle serve
pour le mariage de son fils avec Angelique ; Lisette est aussi récompensée pour
avoir contribué au mariage d'Eraste ;
Mad: Argante consent qu'elle épouse son
cher Frontin ; la Piéce finit par des Danses et des Divertissemens , dont la Musi
que , qui a été goûtée , est de M. Mouret : voici deux Couplets du Vaudeville
qui termine le Divertissement.
Si mes soins pouvoient t'engager
Me dit un jour le beau Sylvandre,
D'un air tendre
Que
SEPTEMBRE, 1732 2025
Que ferois-tu ? dis-je au Berger?
Il demeura comme un Idole ,
Et ne répondit pas un mot.
Le grand sot !
Il faut l'envoyer à l'Ecole,
L'autre jour à Nicole il prit ,
Une vapeur auprès de Blaise ,
Sur sa chaise :
La pauvre enfant s'évanouit ;
Blaise , pour secourir Nicole ,
Fut chercher du monde aussi- tôt ;
Le nigaut !
Il faut l'envoyer à l'Ecole,
La Dile Roland et le sieur Lelio ont
dansé dans ce Divertissement un Pas de
Deux, composé d'une Loure et d'un Tambourin , avec toute la justesse et la vivacité possible , et ont été généralement ap
plaudis ; cette nouvelle Danseuse est de
plus en plus goûtée du Public.
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Résumé : EXTRAIT de l'Ecole des Meres, Comédie en Prose, en un Acte, de M. de Marivaux, representée pour la premiere fois sur le Théatre Italien. le 26 Juillet 1732.
L'intrigue de 'L'École des Mères' de Marivaux se déroule dans l'appartement de Mme Argante, impliquant plusieurs personnages clés : Mme Argante, Angelique, sa fille, Lizette, la suivante d'Angelique, Eraste, l'amant d'Angelique déguisé en valet sous le nom de la Ramée, et Damis, le père d'Eraste également amoureux d'Angelique sous un faux nom. Frontin et Champagne, valets respectifs de Mme Argante et de Damis, jouent également des rôles importants. Eraste, déguisé, cherche à rencontrer Angelique avec l'aide de Lizette. Frontin découvre la supercherie et aide Eraste à organiser une entrevue. Eraste souhaite empêcher le mariage entre Angelique et Damis, qui se fait passer pour un homme plus jeune. Mme Argante arrive et prend Eraste pour un cousin, décidé de le garder à son service. Une conversation entre Mme Argante et Lizette révèle les réticences d'Angelique à épouser Damis en raison de son âge. Angelique exprime son amour pour Eraste et son refus d'épouser Damis. Damis, sous son faux nom, demande à rencontrer Angelique et découvre qu'elle aime Eraste. Lors d'un rendez-vous nocturne, il reconnaît Eraste comme son fils. Après des malentendus, Mme Argante accepte de rendre les deux amants heureux. La pièce se termine par une fête où Eraste et Angelique se marient, et Lizette épouse Frontin. La musique et les danses concluent la pièce.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 780-789
LE COMPLAISANT, Comédie en cinq Actes, représentée sur le Théatre François en Janvier 1732.
Début :
ACTEURS. M. Orgon, mari de Me Orgon, le sieur Duchemin. [...]
Mots clefs :
Orgon, Damis, Angélique, Caractère, Complaisance, Pièce, Théâtre, Cléante
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LE COMPLAISANT, Comédie en cinq Actes, représentée sur le Théatre François en Janvier 1732.
LE COMPLAISANT , Comédie en
cing Actes , représentée sur le Théatre
François en Fanvier 1732 .
ACTEURS.
M. Orgon , mari de Me Orgon , le sieur
Duchemin.
Me Orgon , femme de M. Orgon , la
Dlle Quinault.
Angélique , fille de M. et de Me Orgon ,
la Dlle Gaussin,
Cléante, frere de M. Orgon , M. du Brežil.
Argant , cousin de M. Orgon , le sieur
1 Damis
Eraste ..
Peisson.
Amans d'Angélique , les sieurs
Montmesnil et Grandval.
Le Marquis , ami de Damis , le sieur
Dufresne.
Lisette , Suivante d'Angélique , la Dile
Dangeville.
La Scene eft dans la maison de M. Orgon ,
L'élégance qui régne dans toute cette
Piéce , fait un honneur infini à la plume
de l'Auteur anonyme , qui , à ce
qu'on
л VRT L. 1733. 781
qu'on a dit d'abord , en a voulu faire présent
au Théatre François. On assûre que
c'est son premier Ouvrage , auquel cas
il est à souhaitter que ce ne soit pas son
dernier. Comme l'ingénieux inconnu à
qui nous devons cet admirable coup d'essai
, ne s'est attaché qu'à bien traiter tous
ses Caracteres , et surtout celui qui donne
le titre à sa Piéce ; il a négligé ce
qu'on appelle intrigue ; on pourra juger
par ce court argument de ce qui constitue
l'action théatrale.
M. Orgon a un procès à faire juger , et
une fille à marier ; Mad. Orgon , sa femme
, se met très peu en peine du procès
de son mari , et ne s'occupe que du choix
d'un Gendre dont l'humeur convienne à
la sienne ; Damis lui paroît tel , parce
qu'il est le plus complaisant de tous les
hommes ; M. Orgon s'accorde pour la
premiere fois avec elle , et panche du
côté de Damis , grace à cette même complaisance
qui a gagné le coeur de sa femme.
Eraste , dont le Caractere est noble
et sincere , s'est acquis l'estime d'Angélique
c'est le nom de la Fille que M. et
Me Orgon conviennent qu'il faut donher
à Damis, ) mais cette estime n'empê
che pas qu'elle ne préfére l'agrément exterieur
de l'un de ses deux Amans au mérite
782 MERCURE DE FRANCE
rite solide de l'autre. Cette préférence
n'est pourtant pas si déclarée , qu'elle
ôte aux Spectateurs l'espérance de voir
revenir Angélique de l'agrément au solide
, et c'est là tout ce qui constituë le
noeud de la Piéce ; en voici le dénoiiment :
le vice est puni , et la vertu est récompensée
; la complaisance outrée de Damis
fait qu'il manque de parole à Orgon , à
que ce manque de parole lui fait perdre
le procès ; elle irrite Mad. Argante , parce
que Damis , pour complaire à son
mari , a congedié des Musiciens qu'elle
avoit mandés pour un Divertissement de
sa façon ; elle le détruit enfin dans le
coeur d'Angélique , par une espéce d'infidelité
qu'elle lui a fait commettre envers
elle. Pour achever le dénouement ,
Eraste qui s'étoit déja emparé de l'estime
d'Angélique par la noblesse de ses procédés
, lui inspire une tendre reconnoissance
par la generosité avec laquelle il
paye secretement cinquante mille écus
somme à laquelle M. Orgon vient d'être
condamné par corps en perdant son
procès.
On voit par ce petit argument que la
Piéce , quoiqu'elle soit en cinq Actes ,
n'est pas beaucoup chargée d'action , mais
en récompense le Caractere dominant y
est
AVRIL. 1733 78;
est soutenu du commencement à la fin.
On auroit souhaité que ce Caractere fût
un peu plus mis en oeuvre , et qu'il se
développât plutôt par des actions que
par des conversations ; ce défaut n'est.
que trop commun dans les Piéces modernes
; on y parle beaucoup plus qu'on n'y
agit , comme si l'on ignoroit que l'action
est l'ame de la Comédie et de la Tragédie.
On auroit voulu surtout qu'immédiatement
après que Damis a promis
à M. Orgon de faire différer le jugement
de son procès , ce même Damis eut été
prié par Mad. Orgon de le faire avancer,
et qu'il eut manqué à sa parole par complaisance
, ou, pour mieux dire , il auroit
encore mieux valu que l'Auteur lui eut
sauvé une perfidie , qui fait un crime de
ce qui ne devoit être qu'un ridicule .
A ce Caractere dominant , on en joint
d'autres purement accessoires , où l'Auteur
a fait voir qu'il est excellent Peintre,
tant qu'il ne faut employer d'autre pinceau
que sa plume ; on lui reproche même
comme un défaut, une éloquence dont
bien d'autres tireroient vanité ; il a tant
d'esprit qu'il ne peut s'empêcher d'en
donner à tous ses personnages . Voilà ce
qu'on a presque generalement observé
dans la Comédie du Complaisant ; il ne
nous
484 MERCURE DE FRANCE.
nous reste plus , pour la satisfaction de
nos Lecteurs , qu'à donner quelques traits
de la maniere d'écrire de l'Auteur , qui
pourroit servir de modele aux Orateurs
les plus élégans , et qui n'a que le malheur
de n'être pas bien en sa place.
Nous ne citerons que ce qui concerne
le caractere dominant. Voici comment
Cléante , frere de M. Orgon , le'définit dans
le premier Acte. Damis rassemble les qualitez
les plus contraires , il en a du moins
les apparences. Sans caractere , sans humeur
, il se livre aux impressions étrangeres ;
il prend chez les autres sa tristesse et sa
joye ; elles s'emparent de son visage sans
passer dans son coeur; toutes les opinions ,
sous les sistêmes lui plaisent également ; il
les adopte , il les abandonne , il les réfute
il les soutient ; la vrai-semblance qui le
séduit , Paide encore à tromper les autres.
tout paroît probable à ses yeux , tout devient
probable dans sa bouche . Il ne pense point ;
il ne sent point , tout son talent est d'exprimer
avec facilité des sentimens et des
pensées. Son esprit , chargé des idées d'antrui
, ne sçauroit en produire aucune ; si
quelquefois il a le courage de juger par luimême
, la plus foible contradiction le rebute
et l'effraye bien- tôt il assujettit ce
qu'il pense au désir de plaire ; bien- tôt même
AVRI L. 1733. 781
ne il oublie ce qu'il a pensé. Sa conduite
n'est pas moins inégale ; son gout , son inclination
, ses moeurs , sont soumis aux caprices
de ceux qui l'environnent. Esclave de
La Societé, le même excès de complaisance qui
dicte ses paroles , dirige aussi ses démarches.
Voici comme Damis se définit lui- même
, parlant à Cléante , qui veut lui faire
sentir les inconvéniens qui peuvent naître
d'un excès de complaisance.
Mon Sistême , puisqu'enfin vous m'ordonnez
d'en avoir un , n'est pas de m'assujettir
à ces regles arbitraires qu'on n'ose
jamais perdre de vie , à ces loix importunes
et rigoureuses qu'on impose souvent
sans necessité , et que vous appellez des
principes. Leur effet ordinaire est de contrarier
les idées d'autrui , sans rectifier les nôtres.
Pour vivre avec tout le monde , il faut
se persuader, si l'on peut, que tout le monde
a raison ; à force de le souhaiter on s'accous
tume à le croire.
de mau-
Et comme Cléante le soupçonne de
mauvaise foi , il ajoûte : Ne cherchez point
à m'allarmer par un odieux soupçon
vaise foi; on n'est point faux , quand on
ne veut point l'être. Peu jaloux de ce que
je pense peu attaché à ce que je veux
ma facilité naturelle me fait entrer avecplai
sir dans les mouvemens qu'on veut m'inspirer
786 MERCURE DE FRANCE
pirer; une prévention toujours favorable
et toujours sincere , me peint les objets sous
les couleurs les plus heureuses. Je voi les
hommes tels qu'ils veulent me paroître ; je
ne m'attacke point à sonder les replis de leurs
coeurs ; indulgent pour leurs travers , admirateur
de leurs bonnes qualitez , je cherche
moins à démêler leurs vices , qu'à profiter
de leurs vertus .
Cléante lui faisant un dernier reproche
sur son caractere , qui du moins ,
dit-il , le fait tomber dans la flatterie ,
deffaut dont tout le monde doit rougir,
il lui répond : deffaut dont personne ne doit
m'accuser. Un flatteur est sans cesse occupé
de vues interessées , et la honte d'une adulation
servile le touche beaucoup moins que
les avantages personnels qu'il en tire. Pour
moi , sans former de projets , sans exiger de
reconnoissance , j'apporte dans la Societé des
dispositions d'autant plus commodes , que
chacun y peut trouver son compte , sans qu'il
m'en coûte rien . En un mot , voici toute ma
Philosophie , et je me sçais bon gré d'en être
redevable à la Nature plutôt qu'à la refle
xion; j'écoute volentiers , j'approuve aisé
ment , je ne contredis jamais , et pour peu
que la conversation durât , je pourrois bien
prendre votre avis contre moi-même ; peutétre
l'aurois -je déjafait , si vous m'aviez atraqué
moins vivement. Le
A VRL I. 1733. 787
Le Lecteur doit convenir qu'il faut avoir
bien de l'éloquence pour soutenir si bien
une si mauvaise cause. Au reste l'Auteur
n'est pas moins élegant qu'éloquent ; on
peut même dire qu'il est un peu trop exact
dans le choix des termes , et qu'il n'est
pas dans la nature que des conversations
ordinaires ressemblent à des discours étudiez
avec un art aussi continu que cellescy
le paroissent ; aussi tout le monde est-il
convenu que l'Auteur de cette Comédie
est encore plus Orateur qu'Auteur ; il
faut pourtant lui rendre justice sur cette
derniere qualité. Sa Piece , quoiqu'un peu
vuide d'action, ne laisse pas d'être ornée de
ce qu'on appelle jeu de Théatre ; il y en
a- un entre autres dans le quatrième Acte
, qui soutenu de la vivacité du sieur
et de la Dile Quinault , a fait un plaisir
infini , on peut même dire que c'est quelque
chose de plus qu'un jeu de Théatre :
puisqu'il produit un coup de Théatre ;
Voici de quoi il s'agit . M. Orgon ayant
annoncé à Damis la perte de son Procès
, ce dernier en est si penetré , qu'on
croiroit que c'est lui - même qui vient d'ê
tre condamné par corps à payer les cinquante
mille écus dont il s'agit. M. Or
gon va chercher son frere pour le convaincre
de la sensibilité de son gendre
H futur
788 MERCURE DE FRANCE
futur, Mad. Orgon arrive bien- tôt après,
et fait part à Damis d'un Divertissement
qu'elle a fait. Damis s'y prête si bien.
par complaisance , qu'il chante et danse
avec elle , aussi gayement , qu'il vient
de s'affliger tristement avec M. Orgon,
Ce dernier survient avec son frere , et
trouve son Héraclite métamorphosé en
Démocrite . Damis se tire d'affaire comme
il peut , et lui dit que de peur de
succomber à sa douleur , il cherche à
s'égayer.
Il s'en faut bien que le cinquiéme Acte
ait répondu au quatrième. De tous les
motifs qui font punir le Complaisant ,
il n'y en a qu'un de vrai , et qui va jusqu'à
la trahison ; c'est d'avoir , par complaisance
pour Mad. Orgon , acceleré le
jugement d'un procès qu'il avoit promis
à M. Orgon de faire differer. L'infidelité
prétendue dont Angelique l'assure , ne
mérite aucune punition , non-plus que le
soin qu'il a pris de renvoyer les Musiciens
de Mad. Orgon : or tout ce qui
autorise le dénoûment , c'est la generosité
d'Eraste qui a payé les cinquante mille
mille écus ausquels M. Orgon étoit condamné
par corps ; ainsi c'est plutôt la
vertu recompensée , que le vice puni ,
qui termine cette Piece.
Le
AVRIL
1733. 789
Elle paroît très - bien imprimée chez le
Breton, Quay des Augustins , et a un fort
grand debit.
cing Actes , représentée sur le Théatre
François en Fanvier 1732 .
ACTEURS.
M. Orgon , mari de Me Orgon , le sieur
Duchemin.
Me Orgon , femme de M. Orgon , la
Dlle Quinault.
Angélique , fille de M. et de Me Orgon ,
la Dlle Gaussin,
Cléante, frere de M. Orgon , M. du Brežil.
Argant , cousin de M. Orgon , le sieur
1 Damis
Eraste ..
Peisson.
Amans d'Angélique , les sieurs
Montmesnil et Grandval.
Le Marquis , ami de Damis , le sieur
Dufresne.
Lisette , Suivante d'Angélique , la Dile
Dangeville.
La Scene eft dans la maison de M. Orgon ,
L'élégance qui régne dans toute cette
Piéce , fait un honneur infini à la plume
de l'Auteur anonyme , qui , à ce
qu'on
л VRT L. 1733. 781
qu'on a dit d'abord , en a voulu faire présent
au Théatre François. On assûre que
c'est son premier Ouvrage , auquel cas
il est à souhaitter que ce ne soit pas son
dernier. Comme l'ingénieux inconnu à
qui nous devons cet admirable coup d'essai
, ne s'est attaché qu'à bien traiter tous
ses Caracteres , et surtout celui qui donne
le titre à sa Piéce ; il a négligé ce
qu'on appelle intrigue ; on pourra juger
par ce court argument de ce qui constitue
l'action théatrale.
M. Orgon a un procès à faire juger , et
une fille à marier ; Mad. Orgon , sa femme
, se met très peu en peine du procès
de son mari , et ne s'occupe que du choix
d'un Gendre dont l'humeur convienne à
la sienne ; Damis lui paroît tel , parce
qu'il est le plus complaisant de tous les
hommes ; M. Orgon s'accorde pour la
premiere fois avec elle , et panche du
côté de Damis , grace à cette même complaisance
qui a gagné le coeur de sa femme.
Eraste , dont le Caractere est noble
et sincere , s'est acquis l'estime d'Angélique
c'est le nom de la Fille que M. et
Me Orgon conviennent qu'il faut donher
à Damis, ) mais cette estime n'empê
che pas qu'elle ne préfére l'agrément exterieur
de l'un de ses deux Amans au mérite
782 MERCURE DE FRANCE
rite solide de l'autre. Cette préférence
n'est pourtant pas si déclarée , qu'elle
ôte aux Spectateurs l'espérance de voir
revenir Angélique de l'agrément au solide
, et c'est là tout ce qui constituë le
noeud de la Piéce ; en voici le dénoiiment :
le vice est puni , et la vertu est récompensée
; la complaisance outrée de Damis
fait qu'il manque de parole à Orgon , à
que ce manque de parole lui fait perdre
le procès ; elle irrite Mad. Argante , parce
que Damis , pour complaire à son
mari , a congedié des Musiciens qu'elle
avoit mandés pour un Divertissement de
sa façon ; elle le détruit enfin dans le
coeur d'Angélique , par une espéce d'infidelité
qu'elle lui a fait commettre envers
elle. Pour achever le dénouement ,
Eraste qui s'étoit déja emparé de l'estime
d'Angélique par la noblesse de ses procédés
, lui inspire une tendre reconnoissance
par la generosité avec laquelle il
paye secretement cinquante mille écus
somme à laquelle M. Orgon vient d'être
condamné par corps en perdant son
procès.
On voit par ce petit argument que la
Piéce , quoiqu'elle soit en cinq Actes ,
n'est pas beaucoup chargée d'action , mais
en récompense le Caractere dominant y
est
AVRIL. 1733 78;
est soutenu du commencement à la fin.
On auroit souhaité que ce Caractere fût
un peu plus mis en oeuvre , et qu'il se
développât plutôt par des actions que
par des conversations ; ce défaut n'est.
que trop commun dans les Piéces modernes
; on y parle beaucoup plus qu'on n'y
agit , comme si l'on ignoroit que l'action
est l'ame de la Comédie et de la Tragédie.
On auroit voulu surtout qu'immédiatement
après que Damis a promis
à M. Orgon de faire différer le jugement
de son procès , ce même Damis eut été
prié par Mad. Orgon de le faire avancer,
et qu'il eut manqué à sa parole par complaisance
, ou, pour mieux dire , il auroit
encore mieux valu que l'Auteur lui eut
sauvé une perfidie , qui fait un crime de
ce qui ne devoit être qu'un ridicule .
A ce Caractere dominant , on en joint
d'autres purement accessoires , où l'Auteur
a fait voir qu'il est excellent Peintre,
tant qu'il ne faut employer d'autre pinceau
que sa plume ; on lui reproche même
comme un défaut, une éloquence dont
bien d'autres tireroient vanité ; il a tant
d'esprit qu'il ne peut s'empêcher d'en
donner à tous ses personnages . Voilà ce
qu'on a presque generalement observé
dans la Comédie du Complaisant ; il ne
nous
484 MERCURE DE FRANCE.
nous reste plus , pour la satisfaction de
nos Lecteurs , qu'à donner quelques traits
de la maniere d'écrire de l'Auteur , qui
pourroit servir de modele aux Orateurs
les plus élégans , et qui n'a que le malheur
de n'être pas bien en sa place.
Nous ne citerons que ce qui concerne
le caractere dominant. Voici comment
Cléante , frere de M. Orgon , le'définit dans
le premier Acte. Damis rassemble les qualitez
les plus contraires , il en a du moins
les apparences. Sans caractere , sans humeur
, il se livre aux impressions étrangeres ;
il prend chez les autres sa tristesse et sa
joye ; elles s'emparent de son visage sans
passer dans son coeur; toutes les opinions ,
sous les sistêmes lui plaisent également ; il
les adopte , il les abandonne , il les réfute
il les soutient ; la vrai-semblance qui le
séduit , Paide encore à tromper les autres.
tout paroît probable à ses yeux , tout devient
probable dans sa bouche . Il ne pense point ;
il ne sent point , tout son talent est d'exprimer
avec facilité des sentimens et des
pensées. Son esprit , chargé des idées d'antrui
, ne sçauroit en produire aucune ; si
quelquefois il a le courage de juger par luimême
, la plus foible contradiction le rebute
et l'effraye bien- tôt il assujettit ce
qu'il pense au désir de plaire ; bien- tôt même
AVRI L. 1733. 781
ne il oublie ce qu'il a pensé. Sa conduite
n'est pas moins inégale ; son gout , son inclination
, ses moeurs , sont soumis aux caprices
de ceux qui l'environnent. Esclave de
La Societé, le même excès de complaisance qui
dicte ses paroles , dirige aussi ses démarches.
Voici comme Damis se définit lui- même
, parlant à Cléante , qui veut lui faire
sentir les inconvéniens qui peuvent naître
d'un excès de complaisance.
Mon Sistême , puisqu'enfin vous m'ordonnez
d'en avoir un , n'est pas de m'assujettir
à ces regles arbitraires qu'on n'ose
jamais perdre de vie , à ces loix importunes
et rigoureuses qu'on impose souvent
sans necessité , et que vous appellez des
principes. Leur effet ordinaire est de contrarier
les idées d'autrui , sans rectifier les nôtres.
Pour vivre avec tout le monde , il faut
se persuader, si l'on peut, que tout le monde
a raison ; à force de le souhaiter on s'accous
tume à le croire.
de mau-
Et comme Cléante le soupçonne de
mauvaise foi , il ajoûte : Ne cherchez point
à m'allarmer par un odieux soupçon
vaise foi; on n'est point faux , quand on
ne veut point l'être. Peu jaloux de ce que
je pense peu attaché à ce que je veux
ma facilité naturelle me fait entrer avecplai
sir dans les mouvemens qu'on veut m'inspirer
786 MERCURE DE FRANCE
pirer; une prévention toujours favorable
et toujours sincere , me peint les objets sous
les couleurs les plus heureuses. Je voi les
hommes tels qu'ils veulent me paroître ; je
ne m'attacke point à sonder les replis de leurs
coeurs ; indulgent pour leurs travers , admirateur
de leurs bonnes qualitez , je cherche
moins à démêler leurs vices , qu'à profiter
de leurs vertus .
Cléante lui faisant un dernier reproche
sur son caractere , qui du moins ,
dit-il , le fait tomber dans la flatterie ,
deffaut dont tout le monde doit rougir,
il lui répond : deffaut dont personne ne doit
m'accuser. Un flatteur est sans cesse occupé
de vues interessées , et la honte d'une adulation
servile le touche beaucoup moins que
les avantages personnels qu'il en tire. Pour
moi , sans former de projets , sans exiger de
reconnoissance , j'apporte dans la Societé des
dispositions d'autant plus commodes , que
chacun y peut trouver son compte , sans qu'il
m'en coûte rien . En un mot , voici toute ma
Philosophie , et je me sçais bon gré d'en être
redevable à la Nature plutôt qu'à la refle
xion; j'écoute volentiers , j'approuve aisé
ment , je ne contredis jamais , et pour peu
que la conversation durât , je pourrois bien
prendre votre avis contre moi-même ; peutétre
l'aurois -je déjafait , si vous m'aviez atraqué
moins vivement. Le
A VRL I. 1733. 787
Le Lecteur doit convenir qu'il faut avoir
bien de l'éloquence pour soutenir si bien
une si mauvaise cause. Au reste l'Auteur
n'est pas moins élegant qu'éloquent ; on
peut même dire qu'il est un peu trop exact
dans le choix des termes , et qu'il n'est
pas dans la nature que des conversations
ordinaires ressemblent à des discours étudiez
avec un art aussi continu que cellescy
le paroissent ; aussi tout le monde est-il
convenu que l'Auteur de cette Comédie
est encore plus Orateur qu'Auteur ; il
faut pourtant lui rendre justice sur cette
derniere qualité. Sa Piece , quoiqu'un peu
vuide d'action, ne laisse pas d'être ornée de
ce qu'on appelle jeu de Théatre ; il y en
a- un entre autres dans le quatrième Acte
, qui soutenu de la vivacité du sieur
et de la Dile Quinault , a fait un plaisir
infini , on peut même dire que c'est quelque
chose de plus qu'un jeu de Théatre :
puisqu'il produit un coup de Théatre ;
Voici de quoi il s'agit . M. Orgon ayant
annoncé à Damis la perte de son Procès
, ce dernier en est si penetré , qu'on
croiroit que c'est lui - même qui vient d'ê
tre condamné par corps à payer les cinquante
mille écus dont il s'agit. M. Or
gon va chercher son frere pour le convaincre
de la sensibilité de son gendre
H futur
788 MERCURE DE FRANCE
futur, Mad. Orgon arrive bien- tôt après,
et fait part à Damis d'un Divertissement
qu'elle a fait. Damis s'y prête si bien.
par complaisance , qu'il chante et danse
avec elle , aussi gayement , qu'il vient
de s'affliger tristement avec M. Orgon,
Ce dernier survient avec son frere , et
trouve son Héraclite métamorphosé en
Démocrite . Damis se tire d'affaire comme
il peut , et lui dit que de peur de
succomber à sa douleur , il cherche à
s'égayer.
Il s'en faut bien que le cinquiéme Acte
ait répondu au quatrième. De tous les
motifs qui font punir le Complaisant ,
il n'y en a qu'un de vrai , et qui va jusqu'à
la trahison ; c'est d'avoir , par complaisance
pour Mad. Orgon , acceleré le
jugement d'un procès qu'il avoit promis
à M. Orgon de faire differer. L'infidelité
prétendue dont Angelique l'assure , ne
mérite aucune punition , non-plus que le
soin qu'il a pris de renvoyer les Musiciens
de Mad. Orgon : or tout ce qui
autorise le dénoûment , c'est la generosité
d'Eraste qui a payé les cinquante mille
mille écus ausquels M. Orgon étoit condamné
par corps ; ainsi c'est plutôt la
vertu recompensée , que le vice puni ,
qui termine cette Piece.
Le
AVRIL
1733. 789
Elle paroît très - bien imprimée chez le
Breton, Quay des Augustins , et a un fort
grand debit.
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Résumé : LE COMPLAISANT, Comédie en cinq Actes, représentée sur le Théatre François en Janvier 1732.
La pièce 'Le Complaisant' est une comédie en cinq actes représentée au Théâtre François en janvier 1732. L'intrigue se déroule dans la maison de M. Orgon, qui doit juger un procès et marier sa fille, Angélique. Mme Orgon, l'épouse de M. Orgon, favorise Damis, le cousin de M. Orgon, comme gendre en raison de sa complaisance. Eraste, amoureux d'Angélique, est apprécié par elle mais ne parvient pas à la convaincre de choisir son mérite plutôt que l'apparence d'un autre prétendant. Le nœud de la pièce repose sur l'espoir des spectateurs de voir Angélique préférer le mérite à l'apparence. Le dénouement voit la punition du vice et la récompense de la vertu. La complaisance excessive de Damis le conduit à manquer à sa parole envers Orgon, ce qui lui fait perdre son procès. De plus, Damis irrite Mme Argante en renvoyant des musiciens qu'elle avait convoqués et commet une infidélité envers Angélique. Eraste, par sa générosité, paie secrètement la somme à laquelle M. Orgon est condamné, gagnant ainsi l'estime et la reconnaissance d'Angélique. La pièce est notée pour son élégance et la qualité de ses dialogues, bien que l'action soit limitée. Le caractère de Damis est bien développé, mais aurait pu être mieux mis en œuvre par des actions plutôt que par des conversations. L'auteur est loué pour son éloquence et son esprit, mais critiqué pour la faiblesse de l'intrigue et l'absence de véritable action théâtrale.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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