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1
p. [2761]-2770
LE ROMAN COMIQUE, CHAPITRE PREMIER. POEME.
Début :
Monsieur Phoebus, allant bon train, [...]
Mots clefs :
Roman comique, Char, Charette, Homme
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texteReconnaissance textuelle : LE ROMAN COMIQUE, CHAPITRE PREMIER. POEME.
LE ROMAN COMIQUE ,
CHAPITRE PREMIER,
POEM E.
Une Troupe de Comediens arrive dans la
Ville du Mans.
Onfieur Phoebus , allant bon train ,
M Etoit plus d'à moitié chemin ;
ZOON Et fon Char penchant vers le Monde ,
Roulloit en s'approchant de l'Onde ;
Il ne tenoit qu'à fes Chevaux ,
ई
II. Vol. A ij D'entrer
2762 MERCURE DE FRANCE
D'entrer promptement dans les caux ?
Mais ils fecouoient leurs gourmettes
Et ne faifoient que des courbettes
En refpirant un air Marin ,
Qui ne fent pas le Romarin ;
?
Ce fameux Char , ou bien ce Coche ,
Avec l'attelage étoit proche
De la Mer , dans laquelle on dit ,
Que Maître Phoebus a fon lit
> Où toutes les nuits il repoſe
Peut-être y fait- il autre chofe.
Pour parler plus humainement
Et plus intelligiblement ,
Car tout ceci n'eft que pour rire
Il faut prefentement vous dire
En termes un peu plus concis ,
Qu'il étoit entre cinq & fix ,
Qu'on débitoit quelque Gazette
Lorfqu'à grand bruit une Charette,
Entra dans les Halles du Mans ;
ر ف
Que je fois pendu fi je ments ;
Jamais l'on ne vit telle entrée ;
Cette Charette étoit tirée ,
?
Par quatre Boeufs , dont la maigreur ,
Aux plus effrontez faifoit peur ,
Ces quatre Boeufs étoient derriere ,
Une Cavale pouliniere ,
Dont le Poulain alloit , venoit ,
II. Vol. Comme
DECEMRBE . 1736. 2763
Comme un petit fou qu'il étoit :
Des Paquets , des Coffres , des Malles ,
Toilles Peintes & Linges fales
Le tout entaffé par hazard ,
Rempliffoit ce fuperbe Char ;
Et formoit une Piramide ,
Ambulante & fort peu folide;
Puifque fouvent elle panchoit ;
Sur cette hauteur paroifſoit
Une espece de Damoiselle ,
Qui n'étoit ni laide ni belle ,
Mais d'un heureux temperament
Habillée affez plaiſamment ,
Moitié Campagne , moitié Ville ,
Avec tout l'air d'une Sybile ,
Mangeant un morceau de pain bis.
Un jeune homme , pauvre d'habits ,
Mais cependant riche de mine ,
Sur l'épaule une Carabine ,
Marchoit auprès du Chariot ,
Ce n'étoit pas un idiot ,
On n'en reçoit point au Théatre ;
Il avoit une grande emplatre ,
Sur l'oeil gauche , ou bien fur l'oeil droit.
Je ne fçai fur lequel c'étoit ,
Elle cachoit prefque ſa joüe ,
Et lui faifoit faire la moüe ,
Comme la feroit un profcrit ,
-11. Vol. A iij Ii
2764 MERCURE DE FRANCÉ
Il avoit pourtant de l'efprit ,
Sur tout il tiroit à merveilles ;
Plufieurs Geais , nombre de Corneilles ,
Dont il avoit été vainqueur ,
Faifoient voir qu'il étoit chaffeur ;
Il les portoit en Bandouliere ,
Qui pendoit fort bas par derriere ,
Avec une Poulle , un Oifon ,
Pris au bord de quelque maiſon ;
Il aimoit la petite guerre ,
Autant que Chaffeur de la Terre.
Sur fa tête , au lieu de Chapeau ,
Il portoit un Bonnet de peau ,
Epouventail à chenevieres ,
Entortillé de jarretieres ,
De cent differentes couleurs ,
Et de cent diverſes largeurs
Cependant cette bigarure ,
Sur cette plaifante Coëffure ,
Avec un gros noeud de ruban ,
Formoit un affez beau Turban
Auquel une habile Ouvriere ,
N'avoit pas
Y
mis la main derniere.
De Cravate il n'en portoit point ;
Il avoit au lieu de pourpoint ,
Par deffus une Chemiſette ,
Une Cafaque de griſette ,
Ceinte avec un morceau de cuir ,
II. Vol.
Qui
DECEMBRE. 1730. 2765
Qui lui fervoit à foutenir ,
Une grande & terrible brette ;
Qui certainement fans fourchette
Ne pouvoit fervir aisément ,
Si Meffire Scaron ne ment.
On voyoit fur lui mainte tache ,
Et fes chauffes à bas d'attache ,
Reffembloient parfaitement bien ,
A celles d'un Comédien ,
Qui dans une Piece tragique ,
Repréſente un Héros antique ;
Il avoit au lieu d'Eſcarpins ,
Une paire de Brodequins ,
Qui lui fervoient comme de Bottes ,
Car ils étoient couverts de crottes,
Jufqu'à la cheville du pié ,
Ou peut-être juſqu'à moitié ,
Du moins cela paroît probable ;
Un Vieillard affez venerable ,
Vétu plus régulierement ,
Quoique pourtant fort pauvrement
Marchoit à côté du jeune homme ,
Mais il n'eft pas temps que je nomme ,
Ici ces deux fameux Héros ,
Ce Vieillard portoit fur fon dos ,
Sa groffe Baffe de Violé ,
Attachée à quelque bricole ;
Comme il marchoit en dandinant ;
II. Vol.
Et
A iiij
2766 MERCURE DE FRANCE
Et qu'il fe courboit en marchant
Avec fa tête chauve & nuë ,
"' On l'eût pris pour une Tortuë ,
Qui fe promenoit fur deux pieds ,
Trop foibles & mal déliez ;
Peut-être ici quelque Critique ,
S'empreffe à me faire la nique ,
En blâmant ma Deſcription ,
Par le peu de proportion ,
D'un homme avec une Tortuë,
Mais hardiment je le faluë ,
Et prétends bien le confoler ,
En difant que j'entens parler ,
De ces groffes qu'on voit dans l'Inde ,
Morbleu fi je prens une Olinde ,
Mais , paix , je veux parler ainfi ,
bien qu'il s'en aille d'ici ,
Car je n'aime point la chicane.
Revenons à la Caravane ,
Elle paffa , dit notre Auteur ,
Avecque beaucoup de rumeur ,
Devant le Tripót de la Biche ,
Dont le Maître n'étoit pas riche ,
Parce qu'il aimoit le piot ;
A la porte de ce Tripot ,
Фи
Etoit une Troupe civile
Des plus gros Bourgeois de la Ville
Faineants en gros , en détail ;
II. Vol.
La
DECEMBRE. 1730. 2767.
1730.2767
* La nouvéauté de l'attirail ,
Et le grand bruit de la canaille ,
Que l'on peut appeller marmaille ,
Affemblée à l'entour du Char ,
Attirerent un prompt regard ,
De ces illuftres Bourguemeftres ,
Sur l'équipage & les pedeſtres ,
Ou Pietons , n'importe , auffi- tôt ,
Un fier Lieutenant de Prévôt ,
Nommé Monfieur la Rapiniere ;
Portant une longue rapiere ,.
Fut celui qui les aborda ,
Et cependant leur demanda ,
Avec l'autorité d'un Juge.,.
S'ils ne cherchoient point un réfuge
Enfin , quelles gens ils étoient ,
Et dans quel endroit ils alloient.
Auffi réfolu que Bartole ,
Le jeune homme prit la parole ,
Faifant
quatre pas en avant ,
Sans mettre les mains au Turban.,
Car la gauche étoit occupée ,
A retenir la longue épée ,
Qui batoit fur fes flageolets &
II.Vola Av Puil
2768 MERCURE DE FRANCE
Puifqu'il n'avoit point de molets ,
De l'autre aifément l'on devine ,
Qu'il tenoit une Carabine ,
Parce que je l'ai déja dit ,
Et cependant il répondit ,
Qu'ils étoient François de naiffance ,
Comédiens par excellence ,
Que fon nom étoit le Deſtin
Que celui du vieux Roquentin ,
Etoit Monfieur de la Rancune ,
Qui cherchoit à faire fortune,
Un peu tard , à la verité ;
Mais qu'il étoit de qualité ;
Que cette jeune Damoiselle ,
Du moins auffi fage que belle ,
Juchée ainsi qu'un Perroquet ,
En Charette fur un Paquet ,
Et plus brillante que lanterne ,
Portoit le nom de la Caverne ,
Ce nom bifare & peu commun
Fit d'abord éclater quelqu'un ,
Comme fi c'étoit baliverne ;
Hé! quoi le nom de la Caverne,
Adjoute le Comédien
II. Vol.
DoitDECEMBRE.
1730. 2769
Doit-il vous paroître plus chien ,
Que ceux de Meffieurs la Montagne ,
La Rofe , Lépine ou Champagne ,
De la Valée ou Pavillon ;
Enfin la converſation ,
Ne finit point fans incartade ,
On vit donner quelque gourmadé ,
Capable de caffer les dents ,
L'on entendit des juremens ,
A la tête de l'Equipage ,
Et l'on fut ému du ravage ;
C'étoit le Valet du Tripot ,
Qui ne paffoit pas pour un fot,
Il caroiffoit à coups de barre ,
Le bon Chartier , fans dire garre,
Parce que fes Boeufs , fa Jument ,
Ufoient un peu trop librement ,
D'un tas de foin devant la porte ;
Mais cependant l'on fit enforte ,
D'appaifer la noife , en un mot ,
La Maîtreffe dé ce Tripót ,
Qui Chériffoit la Comédie ,
Et goutoit une Tragédie ,
Bien plus que Vêpres ni Sermon
Appela fon Valet Démon ,
Et par une belle maniere
Rare chez une Tripotiere ,
Elle confentit de bon coeur ,
II. Vol. Qu'un A vj
2770 MERCURE DE FRANCE
>
Qu'un pauvre Chartier de malheur ,
Laiffât fes bêtes vivre à l'aiſe ;
Mais cependant , ne vous déplaiſe ,
L'Auteur prit un de
peu repos ,
Et rumina fort à propos ,
Ce qu'il vous diroit dans la ſuite .
Car pour à prefent il vous quitte.
Par M. le Tellier d'Orvilliers , Lieutenant
General d'Epée , à Vernon .
La fuite pour le Mercure Prochain.
CHAPITRE PREMIER,
POEM E.
Une Troupe de Comediens arrive dans la
Ville du Mans.
Onfieur Phoebus , allant bon train ,
M Etoit plus d'à moitié chemin ;
ZOON Et fon Char penchant vers le Monde ,
Roulloit en s'approchant de l'Onde ;
Il ne tenoit qu'à fes Chevaux ,
ई
II. Vol. A ij D'entrer
2762 MERCURE DE FRANCE
D'entrer promptement dans les caux ?
Mais ils fecouoient leurs gourmettes
Et ne faifoient que des courbettes
En refpirant un air Marin ,
Qui ne fent pas le Romarin ;
?
Ce fameux Char , ou bien ce Coche ,
Avec l'attelage étoit proche
De la Mer , dans laquelle on dit ,
Que Maître Phoebus a fon lit
> Où toutes les nuits il repoſe
Peut-être y fait- il autre chofe.
Pour parler plus humainement
Et plus intelligiblement ,
Car tout ceci n'eft que pour rire
Il faut prefentement vous dire
En termes un peu plus concis ,
Qu'il étoit entre cinq & fix ,
Qu'on débitoit quelque Gazette
Lorfqu'à grand bruit une Charette,
Entra dans les Halles du Mans ;
ر ف
Que je fois pendu fi je ments ;
Jamais l'on ne vit telle entrée ;
Cette Charette étoit tirée ,
?
Par quatre Boeufs , dont la maigreur ,
Aux plus effrontez faifoit peur ,
Ces quatre Boeufs étoient derriere ,
Une Cavale pouliniere ,
Dont le Poulain alloit , venoit ,
II. Vol. Comme
DECEMRBE . 1736. 2763
Comme un petit fou qu'il étoit :
Des Paquets , des Coffres , des Malles ,
Toilles Peintes & Linges fales
Le tout entaffé par hazard ,
Rempliffoit ce fuperbe Char ;
Et formoit une Piramide ,
Ambulante & fort peu folide;
Puifque fouvent elle panchoit ;
Sur cette hauteur paroifſoit
Une espece de Damoiselle ,
Qui n'étoit ni laide ni belle ,
Mais d'un heureux temperament
Habillée affez plaiſamment ,
Moitié Campagne , moitié Ville ,
Avec tout l'air d'une Sybile ,
Mangeant un morceau de pain bis.
Un jeune homme , pauvre d'habits ,
Mais cependant riche de mine ,
Sur l'épaule une Carabine ,
Marchoit auprès du Chariot ,
Ce n'étoit pas un idiot ,
On n'en reçoit point au Théatre ;
Il avoit une grande emplatre ,
Sur l'oeil gauche , ou bien fur l'oeil droit.
Je ne fçai fur lequel c'étoit ,
Elle cachoit prefque ſa joüe ,
Et lui faifoit faire la moüe ,
Comme la feroit un profcrit ,
-11. Vol. A iij Ii
2764 MERCURE DE FRANCÉ
Il avoit pourtant de l'efprit ,
Sur tout il tiroit à merveilles ;
Plufieurs Geais , nombre de Corneilles ,
Dont il avoit été vainqueur ,
Faifoient voir qu'il étoit chaffeur ;
Il les portoit en Bandouliere ,
Qui pendoit fort bas par derriere ,
Avec une Poulle , un Oifon ,
Pris au bord de quelque maiſon ;
Il aimoit la petite guerre ,
Autant que Chaffeur de la Terre.
Sur fa tête , au lieu de Chapeau ,
Il portoit un Bonnet de peau ,
Epouventail à chenevieres ,
Entortillé de jarretieres ,
De cent differentes couleurs ,
Et de cent diverſes largeurs
Cependant cette bigarure ,
Sur cette plaifante Coëffure ,
Avec un gros noeud de ruban ,
Formoit un affez beau Turban
Auquel une habile Ouvriere ,
N'avoit pas
Y
mis la main derniere.
De Cravate il n'en portoit point ;
Il avoit au lieu de pourpoint ,
Par deffus une Chemiſette ,
Une Cafaque de griſette ,
Ceinte avec un morceau de cuir ,
II. Vol.
Qui
DECEMBRE. 1730. 2765
Qui lui fervoit à foutenir ,
Une grande & terrible brette ;
Qui certainement fans fourchette
Ne pouvoit fervir aisément ,
Si Meffire Scaron ne ment.
On voyoit fur lui mainte tache ,
Et fes chauffes à bas d'attache ,
Reffembloient parfaitement bien ,
A celles d'un Comédien ,
Qui dans une Piece tragique ,
Repréſente un Héros antique ;
Il avoit au lieu d'Eſcarpins ,
Une paire de Brodequins ,
Qui lui fervoient comme de Bottes ,
Car ils étoient couverts de crottes,
Jufqu'à la cheville du pié ,
Ou peut-être juſqu'à moitié ,
Du moins cela paroît probable ;
Un Vieillard affez venerable ,
Vétu plus régulierement ,
Quoique pourtant fort pauvrement
Marchoit à côté du jeune homme ,
Mais il n'eft pas temps que je nomme ,
Ici ces deux fameux Héros ,
Ce Vieillard portoit fur fon dos ,
Sa groffe Baffe de Violé ,
Attachée à quelque bricole ;
Comme il marchoit en dandinant ;
II. Vol.
Et
A iiij
2766 MERCURE DE FRANCE
Et qu'il fe courboit en marchant
Avec fa tête chauve & nuë ,
"' On l'eût pris pour une Tortuë ,
Qui fe promenoit fur deux pieds ,
Trop foibles & mal déliez ;
Peut-être ici quelque Critique ,
S'empreffe à me faire la nique ,
En blâmant ma Deſcription ,
Par le peu de proportion ,
D'un homme avec une Tortuë,
Mais hardiment je le faluë ,
Et prétends bien le confoler ,
En difant que j'entens parler ,
De ces groffes qu'on voit dans l'Inde ,
Morbleu fi je prens une Olinde ,
Mais , paix , je veux parler ainfi ,
bien qu'il s'en aille d'ici ,
Car je n'aime point la chicane.
Revenons à la Caravane ,
Elle paffa , dit notre Auteur ,
Avecque beaucoup de rumeur ,
Devant le Tripót de la Biche ,
Dont le Maître n'étoit pas riche ,
Parce qu'il aimoit le piot ;
A la porte de ce Tripot ,
Фи
Etoit une Troupe civile
Des plus gros Bourgeois de la Ville
Faineants en gros , en détail ;
II. Vol.
La
DECEMBRE. 1730. 2767.
1730.2767
* La nouvéauté de l'attirail ,
Et le grand bruit de la canaille ,
Que l'on peut appeller marmaille ,
Affemblée à l'entour du Char ,
Attirerent un prompt regard ,
De ces illuftres Bourguemeftres ,
Sur l'équipage & les pedeſtres ,
Ou Pietons , n'importe , auffi- tôt ,
Un fier Lieutenant de Prévôt ,
Nommé Monfieur la Rapiniere ;
Portant une longue rapiere ,.
Fut celui qui les aborda ,
Et cependant leur demanda ,
Avec l'autorité d'un Juge.,.
S'ils ne cherchoient point un réfuge
Enfin , quelles gens ils étoient ,
Et dans quel endroit ils alloient.
Auffi réfolu que Bartole ,
Le jeune homme prit la parole ,
Faifant
quatre pas en avant ,
Sans mettre les mains au Turban.,
Car la gauche étoit occupée ,
A retenir la longue épée ,
Qui batoit fur fes flageolets &
II.Vola Av Puil
2768 MERCURE DE FRANCE
Puifqu'il n'avoit point de molets ,
De l'autre aifément l'on devine ,
Qu'il tenoit une Carabine ,
Parce que je l'ai déja dit ,
Et cependant il répondit ,
Qu'ils étoient François de naiffance ,
Comédiens par excellence ,
Que fon nom étoit le Deſtin
Que celui du vieux Roquentin ,
Etoit Monfieur de la Rancune ,
Qui cherchoit à faire fortune,
Un peu tard , à la verité ;
Mais qu'il étoit de qualité ;
Que cette jeune Damoiselle ,
Du moins auffi fage que belle ,
Juchée ainsi qu'un Perroquet ,
En Charette fur un Paquet ,
Et plus brillante que lanterne ,
Portoit le nom de la Caverne ,
Ce nom bifare & peu commun
Fit d'abord éclater quelqu'un ,
Comme fi c'étoit baliverne ;
Hé! quoi le nom de la Caverne,
Adjoute le Comédien
II. Vol.
DoitDECEMBRE.
1730. 2769
Doit-il vous paroître plus chien ,
Que ceux de Meffieurs la Montagne ,
La Rofe , Lépine ou Champagne ,
De la Valée ou Pavillon ;
Enfin la converſation ,
Ne finit point fans incartade ,
On vit donner quelque gourmadé ,
Capable de caffer les dents ,
L'on entendit des juremens ,
A la tête de l'Equipage ,
Et l'on fut ému du ravage ;
C'étoit le Valet du Tripot ,
Qui ne paffoit pas pour un fot,
Il caroiffoit à coups de barre ,
Le bon Chartier , fans dire garre,
Parce que fes Boeufs , fa Jument ,
Ufoient un peu trop librement ,
D'un tas de foin devant la porte ;
Mais cependant l'on fit enforte ,
D'appaifer la noife , en un mot ,
La Maîtreffe dé ce Tripót ,
Qui Chériffoit la Comédie ,
Et goutoit une Tragédie ,
Bien plus que Vêpres ni Sermon
Appela fon Valet Démon ,
Et par une belle maniere
Rare chez une Tripotiere ,
Elle confentit de bon coeur ,
II. Vol. Qu'un A vj
2770 MERCURE DE FRANCE
>
Qu'un pauvre Chartier de malheur ,
Laiffât fes bêtes vivre à l'aiſe ;
Mais cependant , ne vous déplaiſe ,
L'Auteur prit un de
peu repos ,
Et rumina fort à propos ,
Ce qu'il vous diroit dans la ſuite .
Car pour à prefent il vous quitte.
Par M. le Tellier d'Orvilliers , Lieutenant
General d'Epée , à Vernon .
La fuite pour le Mercure Prochain.
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Résumé : LE ROMAN COMIQUE, CHAPITRE PREMIER. POEME.
Le texte relate l'arrivée d'une troupe de comédiens dans la ville du Mans. Vers cinq ou six heures du soir, une charrette tirée par quatre bœufs maigres et une cavale poulinière entre bruyamment dans les halles. La charrette est chargée de divers objets, formant une pyramide instable. À bord se trouve une jeune femme ni laide ni belle, habillée de manière plaisante, mangeant du pain bis. Un jeune homme, pauvrement vêtu mais d'apparence riche, marche à côté avec une carabine en bandoulière et un bandeau sur l'œil. Il porte également des oiseaux de proie et un oison. Un vieillard respectable, portant un violon, les accompagne. La troupe attire l'attention des bourgeois et du lieutenant de prévôt, Monsieur la Rapinière, qui leur demande leur identité et leurs intentions. Le jeune homme répond qu'ils sont des comédiens français, nommés le Destin et Monsieur de la Rancune, cherchant à faire fortune. La jeune femme est nommée la Caverne. Une altercation survient avec le valet du tripot voisin, mais la maîtresse du tripot intervient pour apaiser la situation. L'auteur prend ensuite un moment de repos avant de continuer son récit.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 2919
Roman Comique en Estampe, [titre d'après la table]
Début :
Le Sieur L. SURUGUE, Graveur du Roy, donne avis au public, qu'il distribuë [...]
Mots clefs :
Graveur du roi, Estampes, Roman comique
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Roman Comique en Estampe, [titre d'après la table]
Le Sieur L. SURUGUE , Graveur du
Roy , donne avis au public , qu'il diftribue
les 4 & 5 Eftampes du Roman Comique
, d'après les Tableaux de M. Pater. Il
demeure rue des Noyers , entre les deux
premieres Portes cocheres , en entrant par
la rue S. Jacques, vis - à- vis le mur de faint
Yves , à Paris. Nous avons donné les fujets
des trois premieres. Celles- cy qui ne
font pas moins bien traitées , reprefentent
: Rabotin à Cheval, la Carabine tirant
fous lui , & la Rapiniere tombant fur ba
Chevre.
Roy , donne avis au public , qu'il diftribue
les 4 & 5 Eftampes du Roman Comique
, d'après les Tableaux de M. Pater. Il
demeure rue des Noyers , entre les deux
premieres Portes cocheres , en entrant par
la rue S. Jacques, vis - à- vis le mur de faint
Yves , à Paris. Nous avons donné les fujets
des trois premieres. Celles- cy qui ne
font pas moins bien traitées , reprefentent
: Rabotin à Cheval, la Carabine tirant
fous lui , & la Rapiniere tombant fur ba
Chevre.
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3
p. 261-270
LE ROMAN COMIQUE, CHAPITRE TROISIÉME, POEME BURLESQUE. Le déplorable succés qu'eut la Comédie.
Début :
Dans chaque Ville du Royaume, [...]
Mots clefs :
Roman comique, Burlesque, Comédiens, Rapinière, Agresseur, Hôtellerie, Comédiens
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LE ROMAN COMIQUE, CHAPITRE TROISIÉME, POEME BURLESQUE. Le déplorable succés qu'eut la Comédie.
LE ROMAN COMIQUE ,
CHAPITRE TROISIE'ME ,
POEME BURLESQUE..
Le déplorable succés qu'eut la Comédie..
Dans Ans chaque Ville du Royaume ,.
Pour l'ordinaire un Jeu de Paume ,
Est le plus noble passe - temps ,
D'un grand nombre de faineans ;
C'est-là tous les jours qu'on s'assemble
Ceux +
262 MERCURE DE FRANCE..
Ceux-cy pour y jouer ensemble ,
Ceux-là pour voir ; c'est dans ce lieu ,
Qu'on rime richement en Dieu ,
Que subtilement on harangue ,
Qu'on donne de bons coups de langue ,
Qu'on épargne peu le Prochain ,
Et qu'on jure souvent en vain ;
On n'y fait quartier à personne ,
Et chacun se perfectionne ,
Selon le bon talent railleur ,
Que l'on a reçû du Seigneur ;
On s'y pille et l'on se devore ,.
Enfin l'on vit de Turc à More ,
C'est dans un de ces Tripots - là ,
Je n'ai pas oublié cela ,
Que j'ay laissé trois gens comiques ,
Qui devroient passer pour tragiques ,
Récitant d'un ton merveilleux ,
La Mariane aux blonds cheveux ,
Devant une Assemblée entiere ,
Ou présidoit la Rapiniere ,
Vous jugerez dans un instant ,
Qu'il étoit fort bon Président ,
Ou du moins qu'il avoit bon crâne 3
Au tems qu'Hérode et Mariane ,
Sans aucunes formalitez ,
S'entredisoient leurs veritez ,
Et s'échauffoient un peu la bile,
Les
FEVRIER. 1731. 263
Les deux jeunes gens de la Ville ,
Dont on avoit pris les habits
Accoururent dans le Taudis
En calleçons , en chemisettes ,
Et tenant encor leurs Raquettes ;-
Ils ne s'étoient point fait froter ,
Négligeant de se rajuster ,
Pour venir à la Comedie ;
Ce fut belle ceremonie ,
Els devinrent tous deux bouffis ,
Si -tôt qu'ils virent leurs habits ,
Que portoient Hérode et Pharore ,
Fils de chienne , double Pécore ,
Dit l'un d'eux qui n'etoit pas sot ,
Parlant au Valet du Tripot ,
Je veux te payer ton salaire ,
Qui t'a fait assez témeraire ?
Pour donner ainsi nos habits ,
A ces deux Bâteleurs maudits ,
Il faut morbleu que je t'écrase.
Le Valet étoit en extase ;
Comme il appréhendoit le mal ,
Et qu'il sçavoit que ce brutal ,
Battoit fort souvent sa Servante ,
Il lui dit d'une voix tremblante ,
Que ce n'étoit vrayement pas lui ,
Et qu'il avoit bien de l'ennui ,
De ce qu'on le croyoit capable ,
D'un
£54 MERCURE DE FRANCE.
D'un tour aussi desagréable ;
Et qui donc , barbe de cocu
Ajoûta- t- il tout éperdu.
Le Valet aima mieux se taire ,
Que d'accuser la Rapiniere ,
Mais lui se levant dans l'instant
Répondit d'un ton insolent ,
Comme s'il avoit quelque empire ,
C'est moi , morbleu , qu'en veux-tu dire è
Que tu n'es qu'un sot , qu'un faquin ,
Reprit l'autre , en levant la main ,
Et lâchant un coup de raquette ,
Qui lui fit faire une courbette..
Rapiniere fut si surpris ,
Du forfait de ce mal appris ,
Lui qui dans une telle affaire ,
En usoit ainsi d'ordinaire ,
Qu'il demeura comme endormi ,
Soit pour admirer l'ennemi ,
Ou bien parce que le Compere ,,
N'étoit point assez en colere ,
Pour se batre devant témoins 2
Ne fut-ce qu'à grands coups de poings ;;
C'étoit là le tems d'en découdre ,
Il avoit peine à s'y résoudre ,
Et peut- être que ce débat ,
N'auroit pas fait naître un combat ,
Sidans l'instant son Domestique,
Beau
FEVRIER . 1731. 265
Beaucoup plus que lui colerique ,
N'eût empoigné cet Aggresseur ,
En lui donnant de tout son coeur ,
Sans le marchander davantage,
Dans le beau milieu du vifage ,
Pour mieux dire sur le grouin ,
Un effroyable coup de poing
Avec toutes ses circonstances
Et même avec ses dépendances ,
Ensuite plusieurs autres coups ,
Et pardessus et pardessous ;
De plus le sieur la Rapiniere ,
Le prit finement par derriere ,
Comme étant le plus offensé ,
Il l'avoit déja terrassé ;
Un parent de cet Adversaire ,
Prit de même la Rapiniere ,
Mais ce parent fut investi ,
Par quelqu'un de l'autre parti,
Celui-ci le fut d'un troisième ,
Et celui- là d'un quatriéme ;
Tous dans ce vilain galetas ,
Se batoient comme chiens et chats ;
Chacun juroit à sa maniere ,
Et cependant la Tripotiere ,.
Voyant ses meubles renversez ,
Et plusieurs Escabeaux cassez ;
Faisoit des cris épouventables ,
Donnant
256 MERCURE DE FRANCE
Donnant ces gens à tous les diables.
Il est vrai qu'il faut convenir
Que chacun y devoit périr ,
Par coups de poings , de pieds , de chaises ,
Et cent tapes aussi mauvaises ,
Si quelques -uns des Magistrats ,
Qui promenoient alors leurs rats
Avec le Sénéchal du Maine ,
N'eussent entendu cette Scene
Et ne fussent accourus là ,
Afin d'appaiser tout cela.
On ne sçavoit trop comment faire ,
Dans une si cruelle affaire.
Plusieurs d'entre eux dirent tout beau ,
Qu'on jette deux ou trois sceaux d'eau,
Sur cette chienne de canaille ,
Qui trop rudement se chamaille,
Le remede si bien choisi ,
Auroit peut- être réussi ;
Mais la trop grande lassitude ,
Que causoit un combat si rude ,
Fit séparer tous ces Mutins ,
Outre que deux bons Capucins ,
Bien barbus et de riche taille ,
Vinrent sur le champ de bataille ,
Pour tâcher d'y mettre une paix ,
Non tout-à-fait bien ferme , mais
Pour faire accorder quelque tréve ,
Sur
FEVRIER. 257. 1731 .
Sur une attaque si griéve ,
Et cependant négocier ,
Sans pourtant préjudicier ,
Aux differentes procedures ,
Chacun voulant sur ces blessures ,
Faire des informations ,
Et prendre des conclusions .
Le Destin fit mille proüesses ,
De cent differentes especes ,
Dont on parlera bien long-temps ,
Dans la belle Ville du Mans ,
Aucun des Bourgeois n'en ignore
Même à present l'on parle encore
Du Comédien si vanté ,
Suivant ce qu'en ont rapporté ,
Les deux Auteurs de la querelle
Qu'il releva de sentinelle ,
Et qu'il pensa rouer de coups ,
Pendant qu'il étoit en courroux ,
Outre quantité d'adversaires ,
Qui reçurent les étrivieres ,
En les mettant hors de combat ,
Durant le terrible sabat ,
Il perdit pourtant son emplâtre,
Et ce bel homme de Théâtre ,
Fit voir à tous les Spectateurs ,
Malgré les coups et les clameurs ,
Qu'il avoit aussi bon visage ,
Que
268 MERCURE DE FRANCE.
Que bon air et gentil corsage.
Les nez sanglans furent lavez ,
On changea les collets troüez ,
On appliqua quelques emplâtres ,
Sur tous les plus opiniâtres ;
Un certain Soldat indiscret ,
Perisa quelques - uns du secret ,
L'on fit même des points d'éguille
Et l'on eut besoin de bequille ;
Les meubles furent ramassez "
Non sans être un peu fracassez ;
Le tout étoit vaille que vaille.
Il ne resta de la bataille ,
Malgré ce bel et bon traité ,
Que beaucoup d'animosité ,
Qui paroissoit sur le visage ,
De ces grands faiseurs de tapage ;
Mais les pauvres Comédiens ,
Ne grognant pas moins que des chiens ,
Que l'on veut pincer par derriere ,
Sortirent avec Rapiniere ,
Qui verbalisa le dernier ,
Car il entendoit le mêtier.`
Passant du Tripot sous la Halle
Six ou sept de même cabale ,
S'en vinrent l'épée à la main ,
Et les entourerent soudain ,
Il n'est pas aisé de se batre ,
Quand
FEVRIER. 269 17317
Quand on en voit sept contre quatre ,
La Rapiniere, homme d'honneur ,
A l'ordinaire eut grande peur ,
Il auroit eu bien autre chose ,
C'est - à-dire en Vers comme en Prose .
Qu'on lui donnoit un coup fouré ,
Si le Destin ne l'eût paré ,
Cependant malgré la parade ,
Ce terrible coup d'estocade ,
Lui blessa tant soit peu le bras ,
Mais Destin fit bien du fracas ;
Il pourfendit deux ou trois têtes ,
Ce fut conquêtes sur conquêtes ,
Il rompit deux Estramaçons ,
Dont il fit voler les tronçons ,
Il abatit beaucoup d'oreilles ,
En un mot , il fit des merveilles ,
Et le fameux Comédien ,
Déconfit ces Meffieurs si bien ,
Qu'on disoit que du Mans à Rome ,
Il n'étoit point de plus brave homme,
Ce guet- à-pan bien repoussé ,
Avoit , dit- on , été dressé ,
Au Seigneur de la Rapiniere ,
Qui ne cherchoit point à mal faire ,
Par deux petits Nobles , dont l'un ,
N'estoit presque jamais à jeun ,
Et l'autre étoit , je croi , beau- frere ,
De
27 MERCURE DE FRANCE
De celui qui tout en colere,
Avoit commencé le débat ,
Et livré d'abord le combat ,
Par un très - grand coup de raquette ,
Réellement faisant retraite ,
La Rapiniere étoit gâté ,
Si Dieu n'avoit pas suscité ,
Dans cette affaire formidable ,
Un deffenseur incomparable ,
En ce vaillant Comédien ,
Qui fut son unique soutien.
Un si grand bien-fait sans reproche ;
Trouva place en son coeur de Roche ,
Car il avoit pensé périr ;
Il ne voulut jamais souffrir ,
Que cette Troupe si chérie ,
Logeât dans une Hôtellerie ;
Il mena les Comédiens
Chez lui pour les combler de biens ,
Où le Chartier fort pacifique ,
Mit tout le bagage comique ,
Et s'en alla sans se fâcher ,
Pour moi je m'en vais me coucher.
Par M. le Tellier d'Orvilliers , Lieutenant
General d'Epée , à Vernon.
CHAPITRE TROISIE'ME ,
POEME BURLESQUE..
Le déplorable succés qu'eut la Comédie..
Dans Ans chaque Ville du Royaume ,.
Pour l'ordinaire un Jeu de Paume ,
Est le plus noble passe - temps ,
D'un grand nombre de faineans ;
C'est-là tous les jours qu'on s'assemble
Ceux +
262 MERCURE DE FRANCE..
Ceux-cy pour y jouer ensemble ,
Ceux-là pour voir ; c'est dans ce lieu ,
Qu'on rime richement en Dieu ,
Que subtilement on harangue ,
Qu'on donne de bons coups de langue ,
Qu'on épargne peu le Prochain ,
Et qu'on jure souvent en vain ;
On n'y fait quartier à personne ,
Et chacun se perfectionne ,
Selon le bon talent railleur ,
Que l'on a reçû du Seigneur ;
On s'y pille et l'on se devore ,.
Enfin l'on vit de Turc à More ,
C'est dans un de ces Tripots - là ,
Je n'ai pas oublié cela ,
Que j'ay laissé trois gens comiques ,
Qui devroient passer pour tragiques ,
Récitant d'un ton merveilleux ,
La Mariane aux blonds cheveux ,
Devant une Assemblée entiere ,
Ou présidoit la Rapiniere ,
Vous jugerez dans un instant ,
Qu'il étoit fort bon Président ,
Ou du moins qu'il avoit bon crâne 3
Au tems qu'Hérode et Mariane ,
Sans aucunes formalitez ,
S'entredisoient leurs veritez ,
Et s'échauffoient un peu la bile,
Les
FEVRIER. 1731. 263
Les deux jeunes gens de la Ville ,
Dont on avoit pris les habits
Accoururent dans le Taudis
En calleçons , en chemisettes ,
Et tenant encor leurs Raquettes ;-
Ils ne s'étoient point fait froter ,
Négligeant de se rajuster ,
Pour venir à la Comedie ;
Ce fut belle ceremonie ,
Els devinrent tous deux bouffis ,
Si -tôt qu'ils virent leurs habits ,
Que portoient Hérode et Pharore ,
Fils de chienne , double Pécore ,
Dit l'un d'eux qui n'etoit pas sot ,
Parlant au Valet du Tripot ,
Je veux te payer ton salaire ,
Qui t'a fait assez témeraire ?
Pour donner ainsi nos habits ,
A ces deux Bâteleurs maudits ,
Il faut morbleu que je t'écrase.
Le Valet étoit en extase ;
Comme il appréhendoit le mal ,
Et qu'il sçavoit que ce brutal ,
Battoit fort souvent sa Servante ,
Il lui dit d'une voix tremblante ,
Que ce n'étoit vrayement pas lui ,
Et qu'il avoit bien de l'ennui ,
De ce qu'on le croyoit capable ,
D'un
£54 MERCURE DE FRANCE.
D'un tour aussi desagréable ;
Et qui donc , barbe de cocu
Ajoûta- t- il tout éperdu.
Le Valet aima mieux se taire ,
Que d'accuser la Rapiniere ,
Mais lui se levant dans l'instant
Répondit d'un ton insolent ,
Comme s'il avoit quelque empire ,
C'est moi , morbleu , qu'en veux-tu dire è
Que tu n'es qu'un sot , qu'un faquin ,
Reprit l'autre , en levant la main ,
Et lâchant un coup de raquette ,
Qui lui fit faire une courbette..
Rapiniere fut si surpris ,
Du forfait de ce mal appris ,
Lui qui dans une telle affaire ,
En usoit ainsi d'ordinaire ,
Qu'il demeura comme endormi ,
Soit pour admirer l'ennemi ,
Ou bien parce que le Compere ,,
N'étoit point assez en colere ,
Pour se batre devant témoins 2
Ne fut-ce qu'à grands coups de poings ;;
C'étoit là le tems d'en découdre ,
Il avoit peine à s'y résoudre ,
Et peut- être que ce débat ,
N'auroit pas fait naître un combat ,
Sidans l'instant son Domestique,
Beau
FEVRIER . 1731. 265
Beaucoup plus que lui colerique ,
N'eût empoigné cet Aggresseur ,
En lui donnant de tout son coeur ,
Sans le marchander davantage,
Dans le beau milieu du vifage ,
Pour mieux dire sur le grouin ,
Un effroyable coup de poing
Avec toutes ses circonstances
Et même avec ses dépendances ,
Ensuite plusieurs autres coups ,
Et pardessus et pardessous ;
De plus le sieur la Rapiniere ,
Le prit finement par derriere ,
Comme étant le plus offensé ,
Il l'avoit déja terrassé ;
Un parent de cet Adversaire ,
Prit de même la Rapiniere ,
Mais ce parent fut investi ,
Par quelqu'un de l'autre parti,
Celui-ci le fut d'un troisième ,
Et celui- là d'un quatriéme ;
Tous dans ce vilain galetas ,
Se batoient comme chiens et chats ;
Chacun juroit à sa maniere ,
Et cependant la Tripotiere ,.
Voyant ses meubles renversez ,
Et plusieurs Escabeaux cassez ;
Faisoit des cris épouventables ,
Donnant
256 MERCURE DE FRANCE
Donnant ces gens à tous les diables.
Il est vrai qu'il faut convenir
Que chacun y devoit périr ,
Par coups de poings , de pieds , de chaises ,
Et cent tapes aussi mauvaises ,
Si quelques -uns des Magistrats ,
Qui promenoient alors leurs rats
Avec le Sénéchal du Maine ,
N'eussent entendu cette Scene
Et ne fussent accourus là ,
Afin d'appaiser tout cela.
On ne sçavoit trop comment faire ,
Dans une si cruelle affaire.
Plusieurs d'entre eux dirent tout beau ,
Qu'on jette deux ou trois sceaux d'eau,
Sur cette chienne de canaille ,
Qui trop rudement se chamaille,
Le remede si bien choisi ,
Auroit peut- être réussi ;
Mais la trop grande lassitude ,
Que causoit un combat si rude ,
Fit séparer tous ces Mutins ,
Outre que deux bons Capucins ,
Bien barbus et de riche taille ,
Vinrent sur le champ de bataille ,
Pour tâcher d'y mettre une paix ,
Non tout-à-fait bien ferme , mais
Pour faire accorder quelque tréve ,
Sur
FEVRIER. 257. 1731 .
Sur une attaque si griéve ,
Et cependant négocier ,
Sans pourtant préjudicier ,
Aux differentes procedures ,
Chacun voulant sur ces blessures ,
Faire des informations ,
Et prendre des conclusions .
Le Destin fit mille proüesses ,
De cent differentes especes ,
Dont on parlera bien long-temps ,
Dans la belle Ville du Mans ,
Aucun des Bourgeois n'en ignore
Même à present l'on parle encore
Du Comédien si vanté ,
Suivant ce qu'en ont rapporté ,
Les deux Auteurs de la querelle
Qu'il releva de sentinelle ,
Et qu'il pensa rouer de coups ,
Pendant qu'il étoit en courroux ,
Outre quantité d'adversaires ,
Qui reçurent les étrivieres ,
En les mettant hors de combat ,
Durant le terrible sabat ,
Il perdit pourtant son emplâtre,
Et ce bel homme de Théâtre ,
Fit voir à tous les Spectateurs ,
Malgré les coups et les clameurs ,
Qu'il avoit aussi bon visage ,
Que
268 MERCURE DE FRANCE.
Que bon air et gentil corsage.
Les nez sanglans furent lavez ,
On changea les collets troüez ,
On appliqua quelques emplâtres ,
Sur tous les plus opiniâtres ;
Un certain Soldat indiscret ,
Perisa quelques - uns du secret ,
L'on fit même des points d'éguille
Et l'on eut besoin de bequille ;
Les meubles furent ramassez "
Non sans être un peu fracassez ;
Le tout étoit vaille que vaille.
Il ne resta de la bataille ,
Malgré ce bel et bon traité ,
Que beaucoup d'animosité ,
Qui paroissoit sur le visage ,
De ces grands faiseurs de tapage ;
Mais les pauvres Comédiens ,
Ne grognant pas moins que des chiens ,
Que l'on veut pincer par derriere ,
Sortirent avec Rapiniere ,
Qui verbalisa le dernier ,
Car il entendoit le mêtier.`
Passant du Tripot sous la Halle
Six ou sept de même cabale ,
S'en vinrent l'épée à la main ,
Et les entourerent soudain ,
Il n'est pas aisé de se batre ,
Quand
FEVRIER. 269 17317
Quand on en voit sept contre quatre ,
La Rapiniere, homme d'honneur ,
A l'ordinaire eut grande peur ,
Il auroit eu bien autre chose ,
C'est - à-dire en Vers comme en Prose .
Qu'on lui donnoit un coup fouré ,
Si le Destin ne l'eût paré ,
Cependant malgré la parade ,
Ce terrible coup d'estocade ,
Lui blessa tant soit peu le bras ,
Mais Destin fit bien du fracas ;
Il pourfendit deux ou trois têtes ,
Ce fut conquêtes sur conquêtes ,
Il rompit deux Estramaçons ,
Dont il fit voler les tronçons ,
Il abatit beaucoup d'oreilles ,
En un mot , il fit des merveilles ,
Et le fameux Comédien ,
Déconfit ces Meffieurs si bien ,
Qu'on disoit que du Mans à Rome ,
Il n'étoit point de plus brave homme,
Ce guet- à-pan bien repoussé ,
Avoit , dit- on , été dressé ,
Au Seigneur de la Rapiniere ,
Qui ne cherchoit point à mal faire ,
Par deux petits Nobles , dont l'un ,
N'estoit presque jamais à jeun ,
Et l'autre étoit , je croi , beau- frere ,
De
27 MERCURE DE FRANCE
De celui qui tout en colere,
Avoit commencé le débat ,
Et livré d'abord le combat ,
Par un très - grand coup de raquette ,
Réellement faisant retraite ,
La Rapiniere étoit gâté ,
Si Dieu n'avoit pas suscité ,
Dans cette affaire formidable ,
Un deffenseur incomparable ,
En ce vaillant Comédien ,
Qui fut son unique soutien.
Un si grand bien-fait sans reproche ;
Trouva place en son coeur de Roche ,
Car il avoit pensé périr ;
Il ne voulut jamais souffrir ,
Que cette Troupe si chérie ,
Logeât dans une Hôtellerie ;
Il mena les Comédiens
Chez lui pour les combler de biens ,
Où le Chartier fort pacifique ,
Mit tout le bagage comique ,
Et s'en alla sans se fâcher ,
Pour moi je m'en vais me coucher.
Par M. le Tellier d'Orvilliers , Lieutenant
General d'Epée , à Vernon.
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Résumé : LE ROMAN COMIQUE, CHAPITRE TROISIÉME, POEME BURLESQUE. Le déplorable succés qu'eut la Comédie.
Le texte relate une altercation violente survenue dans un jeu de paume à Mans. Il commence par une critique de la popularité des jeux de paume, où les disputes et les insultes sont fréquentes. L'incident implique trois comédiens récitant une pièce devant une assemblée présidée par la Rapinière. Deux jeunes hommes découvrent que leurs habits ont été utilisés par les comédiens, ce qui déclenche une dispute avec la Rapinière et son valet. La querelle dégénère en une bagarre générale impliquant plusieurs personnes, nécessitant l'intervention de magistrats et de capucins pour apaiser les combattants. La bataille cause des blessures et des dégâts matériels. Plus tard, les comédiens et la Rapinière sont attaqués par un groupe d'hommes armés d'épées. La Rapinière est blessé, mais un comédien se défend vaillamment, repoussant les assaillants. Reconnaissant, la Rapinière offre ensuite un logement aux comédiens. Le texte se termine par la mention du lieutenant général d'épée à Vernon.
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4
p. 1189
Nouvelles Estampes, [titre d'après la table]
Début :
Il paroît depuis peu quatre belles Estampes d'après les [...]
Mots clefs :
Estampes, Tableaux de Watteau, Roman comique
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Nouvelles Estampes, [titre d'après la table]
Il paroît depuis peu quatre belles Estampes d'après les Tableaux originaux
de Wateau , du Cabinet de M. de Julienne. Ce sont les quatre Saisons , d'une.
composition aussi agréable qu'ingenieuse,
gravées par les Sr Audran , Larmessin ,
Moireau et Brillon , de 20. pouces de large sur 17. pouces de haut. Elles se vendent chez Surugue , rue des Noyers , et chez
la veuve Chereau , rue S. Jacques.
Il paroît aussi deux nouvelles Estampes du Roman Comique de Scarron, dont
les sujets sont , Bataille arrivée dans le
Tripot , qui trouble la Comédie , et Ragotin
retiré du coffre où la Servante l'avoit enfermé.
gravées par les S Surugue et Jeaurat
d'après les Tableaux du sieur Pater. Eiles.
se vendent chez le même Surugue.
de Wateau , du Cabinet de M. de Julienne. Ce sont les quatre Saisons , d'une.
composition aussi agréable qu'ingenieuse,
gravées par les Sr Audran , Larmessin ,
Moireau et Brillon , de 20. pouces de large sur 17. pouces de haut. Elles se vendent chez Surugue , rue des Noyers , et chez
la veuve Chereau , rue S. Jacques.
Il paroît aussi deux nouvelles Estampes du Roman Comique de Scarron, dont
les sujets sont , Bataille arrivée dans le
Tripot , qui trouble la Comédie , et Ragotin
retiré du coffre où la Servante l'avoit enfermé.
gravées par les S Surugue et Jeaurat
d'après les Tableaux du sieur Pater. Eiles.
se vendent chez le même Surugue.
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Résumé : Nouvelles Estampes, [titre d'après la table]
Le texte annonce la vente de quatre estampes des Saisons, d'après Watteau, gravées par Audran, Larmessin, Moireau et Brillon. Deux autres estampes, inspirées du Roman Comique de Scarron, sont également disponibles. Elles sont gravées par Surugue et Jeaurat d'après Pater. Les estampes sont en vente chez Surugue et la veuve Chereau.
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5
p. 2036-2037
Estampes nouvelles, [titre d'après la table]
Début :
Il paroît une nouvelle Estampe d'après Wauvermans, faite sur le Tableau Original du Cabinet [...]
Mots clefs :
Estampe, Composition, Roman comique, Surugue
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Estampes nouvelles, [titre d'après la table]
Il paroît une nouvelle Estampe d'après Wauvermans
, faite sur le Tableau Original du Cabinets
? SEPTEMBRE. 1733. 2037
binet de M. Hallée , de 19. pouces de large , sur
15. représentant une Course de Bague , d'une
très- belle ordonnance et d'une composition riche
et ingénieuse. Le sieur Moyreaus , qui a grave
"cette Estampe , la vend chez lui , ruë Galande ,
vis- à- vis S. Blaise.
Deux autres nouvelles Estampes en large , de
la suite du Roman Comique de Scarron , paroissent
chez Surugue , rue des Noyers , d'après les
Tableaux du sieur Pater ; la composition en est
heureuse et bien executée. Le premier Sujet gravé
par le sieur Lépicié , est tiré du Chap. 10. du
2. Tome du Roman Comique , et représente la
Piramide d'ailes et de cuisses de Poulets , élevée sur
l'assiete du Destin par Mad . Bouvillon.
Le second Sujet , gravé par le sieur Surugue
représente Mad. Bouvillon , qui , pour tenter le
Destin , le prie de lui chercher une puce , tiré du
même second Tome , Chap . XI ,
, faite sur le Tableau Original du Cabinets
? SEPTEMBRE. 1733. 2037
binet de M. Hallée , de 19. pouces de large , sur
15. représentant une Course de Bague , d'une
très- belle ordonnance et d'une composition riche
et ingénieuse. Le sieur Moyreaus , qui a grave
"cette Estampe , la vend chez lui , ruë Galande ,
vis- à- vis S. Blaise.
Deux autres nouvelles Estampes en large , de
la suite du Roman Comique de Scarron , paroissent
chez Surugue , rue des Noyers , d'après les
Tableaux du sieur Pater ; la composition en est
heureuse et bien executée. Le premier Sujet gravé
par le sieur Lépicié , est tiré du Chap. 10. du
2. Tome du Roman Comique , et représente la
Piramide d'ailes et de cuisses de Poulets , élevée sur
l'assiete du Destin par Mad . Bouvillon.
Le second Sujet , gravé par le sieur Surugue
représente Mad. Bouvillon , qui , pour tenter le
Destin , le prie de lui chercher une puce , tiré du
même second Tome , Chap . XI ,
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Résumé : Estampes nouvelles, [titre d'après la table]
En septembre 1733, une estampe de Wauvermans représentant une course de bague est publiée. Elle est gravée par Moyreaus et vendue rue Galande. Deux autres estampes du Roman Comique de Scarron, inspirées des tableaux de Pater, sont disponibles chez Surugue rue des Noyers. Elles illustrent des scènes du deuxième tome, gravées par Lépicié et Surugue.
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