ODE EN STROPHES LIBRES.
AM. TITON DU TTLLET , Commissaire Pro
vincial des Guerres , cy- devant Capitaine de
Dragons , et Maître d'Hôtel de feue Madame
la Dauphine , Mere du Roy.
Par Mlle DE MALCRAIS DE LA VIGNE,du Croisic
en Bretagne, en le remerciant du present qu'il
lui afait de son Ouvrage, intitulé : Le Parnasse
François, dédié au Roy.
A
Rchitecte fameux , dont la sçavante
main
Eleve un monument à l'honneur de
la France ;
La majesté pompeuse , et l'exquise élégance ,
A - ij Se
2332 MERCURE DE FRANCE
Se prêtant à l'essor de ton art souverain ,
Ont poli la matiere , et réglé l'ordonnance ;
De ton édifice divin
M
Sans avoir épuisé les deux bords de l'Hydaspe ;
Ton adresse a charmé notre goût et nos yeux ;
Et ton Ouvrage précieux ,
Tiroit l'éclat divers du Porphire et du Jaspe,
Ce Monument transmis à la Postérité ,
Des temps impétueux bravera les outrages ;
De la flamme et du vent il sera respecté ;
Et jusqu'aux derniers jours qu'auront les derniers
âges ,
Ton nom victorieux sera par tout vanté,
Jupiter même en vain voudroit réduire en pou
dre ,
Ces Côteaux triomphans des rigueurs des Hy
vers;
Les durables Lauriers , dont tu les as couverts ,
Les garantiront de la foudre.
L'ingénieuse Antiquité ,
Fit passer jusqu'à nous , d'un Parnasse inventé
L'Image ambitieuse dans son cerveau tracée ,
TIPON, par un secret qu'on n'avoit point tenté ;
Scair
NOVEMBRE . 1733. 2835
Sçait faire à la Fable éclipsée ,
Succeder la réalité.
Les habitans du Pinde écartent l'ombre noire ,
1
Qui , des terrestres demi Dieux
Tâche àcouvrir les noms d'un voile injurieux ,
Et des dents de l'envie , arrachant leur mémoire,
Leur ouvrent la porte des Cieux .
2
TITON, quel honneur doit donc suivre
Tes incomparables travaux !
Tu redonnes la vie à ceux qui font revivre
Les humains,qui bravant les dangers et les maux,
Ont eu la valeur pour Egide ,
Et que le mérite solide ,
Donne aux Dieux même pour rivaux.
Mais quel charmant Spectacle est offert à ma
vuč ?
Un Groupe incrusté d'or , se forme d'une nuë ;
Des Anges argentez , t'élevant dans les airs ,
T'y font un Thrône de leurs ailes ;
Le Ciel , la Terre en feu, répetent leurs concerts
Tout s'anime au doux son de leur voix immortelle
;
J'entends des Instrumens divers ,
Je vois la Musique et les Vers ,
A iij
S'ec2334
MERCURE DE FRANCE
S'accorder à l'envi , pour chanter tes louanges ;
Et du brillant séjour des Anges ,
Les répandre aux deux bouts de ce vaste Univers.
M
Le puissant Protecteur des Boileaux , des Corneilles
,
Du Fils du Grand Henry , le vaillant rejetton ,
Qui des nobles Esprits attentif aux merveilles ,
Sçut les encourager , récompensant leurs veilles,
De top Parnasse est l'Apollon .
Son Royal héritier , ni moins grand , ni moing
bon ,
Formé du même sang , suit son auguste trace
Et peut tenir aussi la place ,
De Monarque de l'Hélicon .
Sous son regne brillant , les beaux Arts fructí
fienr ;
A défricher leur champ , lui - même il prend
plaisir ,
Tous les Sçavans s'en glorifient :
Le Ciel en le donnant , couronna leur désir.
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Il est l'honneur, l'exemple et l'amour de la Terre;
Des Royaumes divers que son contour enserre
Les divers Souverains n'en disconviendront pas.
·
MiNOVEMBRE.
1733 2335
Minerve est son fidele guide ;
Et portant son grand nom , gra sur son Egide,
L'annonce en précedant ses pas.
Du coeur de ses sujets, il a fait la conquête ;
Travaillez , des neuf soeurs , diligens Nourissons,
Célébrez ses vertus ; sa main est toute prête
A répandre sur vous la douceur de ses dons,
Croissez sur les doubles collines,
Jeunes et tendres Arbrisseaux ,
Le Fleuve se déborde et la source divine
Qui fait reverdir vos Rameaux ,
Yous inonde déja du trésor de ses caux.
Ah ! ciel , si tu daignois seconder mon envie ,
Et prêter l'oreille à mes voeux •
On verroit s'écrouler du Monde ruïneux ,
Dans ses creux fondemens , la machine englou
tie ;
Avant que le trépas , sous son vol ténébreux ,
Fit jamais éclipser les rayons de sa vie.
Mais si l'inclémence du sort ,
S'attache obstinément à briser la barriere ,
Que notre juste zéle oppose à son effort ,
Qu'avant de perdre la lumiere
#
A. Hij
2336 MERCURE DE FRANCE
Il puisse au moins deux fois parcourir la carriere
De ce Roy conquerant a,dont la rapidité ,
Surprit dans ses Marais le Batave indompté ;
Qui pouvoit dominer du Couchant à l'Aurore ,
S'il n'eut enfin lui-même arrêté ses progrês ,
Et que nous pleurerions encore ,
Si de son Successeur , que l'Univers adore ;
Les talens infinis n'étouffoient nos regrets.
'Alors , malgré la Parque , au Temple de Mé
moire ,
Entre les bras de la victoire ,
Près de son Bis-ayeul , notre Roy volera ;
Assis au même rang , sur ce Mont il verra
Ce VALOIS (6) renommé , qui chassant de la
France ,
L'Orgueilleuse et folle ignorance ,
Fut le Pere et l'appui des Arts qu'il illustra
Et qu'excita la recompense.
Que ne peux-tu,TITON, vivre encor jusques - là i
Sur magnifique Parnasse ,
Tu lui décernerois de cette illustre place ,
L'honneur que l'équité lui prépare déja.
a LOUIS XIV.
FRANCOIS I.