Oeuvre commentée (1)
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1
p. 91-128
Reception de M. de Fontenelle à l'Academie Françoise, & tout ce qui s'est passé en cette occasion. [titre d'après la table]
Début :
Le Samedy 5. de ce mois, Mr de Fontenelle fut receu à [...]
Mots clefs :
Fontenelle, Académie française, Corneille, Éloge, Anciens, Modernes, Louis, Discours, Charpentier, Harangue, Lecture, Académie d'Arles, Académie des Ricovrati de Padoue, Madame Deshoulières, Abbé de Lavau
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texteReconnaissance textuelle : Reception de M. de Fontenelle à l'Academie Françoise, & tout ce qui s'est passé en cette occasion. [titre d'après la table]
e Samedy.5. de ce mois
M' de Fontenelle fut receu à
l'Academie Françoife, & s'attira de grands applaudiffemens par le remerciement
qu'il y fit . Il dit d'abord
fi jamais il avoir efté capable
de fe laiffer furprendre aux
douces illufions de la vanité,
il n'auroit pû s'en défendre
dans l'occafion cù il fe trouvoit, s'il n'avoit confideré
qu'on avoit bien voulu luy
faire un merite de ce qu'il
avoit prouvé par fa conduite
qu'il fçavoit parfaitement le
prix du bienfait qu'il recevoir.
Hij
92 MERCURE
Il ajoûta qu'il ne pouvoit
d'ailleurs fe cacher qu'il devoit l'honneur qu'on luy avoit fait de l'admettre dans
un fi celebre Corps , au bonheur de fa naiTance qui le
faifoit tenir à un Nom qu'un
illuftre Mort avoit ennobly,
& qui eftoit demeuré en veneration dans la Compagnie.
Tout le monde connut bien
qu'il vouloit parler du grand
Corneille, donr il fit l'Eloge
en peu de mots , auffi bien
que de M' de Villayer, Doyen
du Confeil d'Etat , auquel il a
fuccedé dans la place qu'il
GALANT. 93
avoit laiffée vacante. Il paffa
de là au grand fpectacle qui
devoit le plus intereffer toute
l'Affemblée , & parla de la
conquefte de Mons , d'une
maniere fi vive , fi fine , & fi
éloquente , qu'on peut affurer
que dans tout ce qu'il en dit
il y avoit prefque autant de
penfées que de paroles. Son
tile fut ferré & plein de
force , & aprés que la
peinture qu'il fit de la prife
de cette importante Place ,
cut fait paroistre tout ce qu'-
elle avoit de furprenant , il
n'eut pas de peine à fe faire
94 MERCURE
croire lors qu'il ajoûta, que fi
le grand Cardinal de Richelieu , à qui l'Academie Françoife devoit le bonheur de
fon établiffement, & qui avoit
commencé à travailler avec
de fi grands fuccés à la grandeur de la France , revenoit
au monde , il auroit peine à
s'imaginer que LOUIS LE
GRAND cult pû l'élever
à un fi haut degré de gloire.
C'eftoit à M' l'Abbé Teftu,
commeDirecteur de la Compagnie , à répondre à ce Difcours , mais fon peu de fanté
ne luy permettant alors au-
GALANT. 95
cune application , M' de Corneille qui en eftoit Chancelier , fut obligé de parler au
lieu de luy , ce qui caufoit
quelque curiofité parmyceux
quicompofoient l'Affemblée,
puis qu'eftant Oncle de M'de
Fontenelle , la bien . feance
vouloit qu'il cherchaft un
tour particulier pour fe difpenfer de luy donner des
louanges. Comme l'amitié
qui eft entre nous me défend
de vous rien dire à fon avantage , je me contenteray de
vous faire part de fa réponſe,
telle qu'il l'a prononcée ,
96 MERCURE
ainfi vous en allez juger par
yous mefme. Voicy les termes dontil fe fervit.
MONSONSIEUR,
Nousfommes traitez vous &
moy bien differemment dans le
mefme jour. L'Academie a be
foin d'un digne Sujet pour remplirle nombre qui luy eft prefcrit
par fes Statuts. Pleine de difcernement , n'ayant en veuë que
le feul merite, & dans l'entiere liberté de fes fuffrages , elle
vous choisit pour vous donner ,
non feulement une place dans
Son
GALANT.
97
fonCorps , mais celle d'un Magistrat éclairé , qui dans une noble
concurrence ayant eu l'honneur
d'etre declaré Doyen du Confeil
d'Estat par le jugement meſme
de Sa Majefté, faifoit fon plus
grand plaifir de fe dérober à ſes
importantes fonctions , pour nous
venir quelquefois faire part de
fes lumieres ; que pouvoit- il arriver de plus glorieux pour vous?
Dans le mefme temps , cette
mefme Academie change d'Officiers ,felon fa coutume. Le Sort
qui décide de leur choix, n'auroit
pu qu'eftre applaudy, s'il l'euft
fait tomber fur tout autre que
May 1691.
I
98 MERCURE
fur moy, & quoy qu'incapable
de foutenir le poids qu'il impofe,.
c'eft moy qui le dois porter. Il eft
vray qu'il a fait voir fa justice
par l'illuftre Directeur qu'il nous
a donné. La joye que chacun de
nous en fit paroiftre, luy marqua
affez que le hazard n'avoitfait .
s'accommoder ànos fouhaits,
je n'enfçaurois douter , vous
ne le pustes apprendre fans vous.
fentir auffi - toft flatéde ce qui auroit faifi le cœur le plus détachés
de l'amour propre. La qualité des
Chefde la Compagnie l'engageant
dans la place qu'il occupe , à vous
repondre pour Elle , il vous auroit
que
P
GALANT. 99
esté doux qu'un homme, dont l'éloquence s'eftfait admirer en tant
d'actions publiques, vous eustfait
connoiftre fur quels fentimens.
d'eftime pour vous l'Academie
s'eft determinée à fe declarer en
vostrefaveur.
Son peu defanté l'ayant obligé de s'en repofer fur moy, vous
prive de cette gloire , & quand
le défir de repondre dignement à
l'honneur quej'ay de portericy!
parole à fondefaut , pourroit n'animer affez pour me donner la
force d'efprit qui meferoit neceffaire dans un fi glorieux pofte, ce
que je vous fuis me fermant la
I ij
100 MERCURE
bouche fur toutes les choſes qui
feroient trop à votre avantage ,
vous ne devez attendre de moy
qu'un épanchement de cœur qui
vousfaffe voir la part que je
prens au bonheur qui vous arrive , des fentimens & non des
lou
inges.
M'abandonnerai
-je à ce
qu'ils
m'inſpirent
? La
proximité
du
Sang
, la
tendre
amitié
quej'ay
pour
vous
, lafuperiorité
que me
"donne
l'âge
,toutfemble
me lepermettre
, vous
le devez
fouffrir
,
j'iray
jufques
à vous
donner
des
confeils
. Au lieu
de vous
dire que
celuy
qui afi bienfait
parler
les
GALANT. ΙΟΙ
Morts n'eftoit pas indigne d'entrer en commerce avec d'illuftres
Vivans ; au lieu de vous applau
dirfur cet agréable arrangemens
de differens Mondes dont vous
nous avez offert le spectacle ,
furcet Art fidifficile , & qu'ilme
paroift que le Public trouve en
vous fi- naturel , de donner de
l'agrément aux matieres les plus
feches , je vous diray que quelque
gloire que vous ayent acquife dés
vos plus jeunes années les talens
qui vous diftinguent, vous devez
les regarder, non pas comme des
dons affez forts de la nature pour
vous faire atteindre , fans autre
Í iij
102 MERCURE
a
fecours que de vous mefme , à la
perfection du merite que je vous
fouhaite ; mais comme d'heureufes difpofitions qui vous y peuvent conduire. Cherchez avec
fin pour y parvenir les lumieres
qui vous manquentile choix qu'on
fait de vous vous met en eftat
de lespuifer dans leur fource.
En effet , rien ne vous les peut
fournir fi abondamment que les
Conferences d'une Compagnie ,
oùfi vous m'en exceptez , vous
ne trouverez que de ces Genies
fublimes à qui l'immortalité eſt
deue. Tout ce qu'on peut acquerir de connoiffances utiles par les
1
GALANT. · 103
aura
belles Lettres , l'Eloquence , la
Poëfie , l'Art de bien traiter
l'Histoire , ils le poffedent dans
le degré le plus éminent › &
quand un peu de pratique vous
facilité les moyens de connoistre a fond tout le merite de
- ces celebres Modernes , peut eftre
ferez- vous autorisé , je ne dis pas
à les préferer , mais à ne les pas
trouver indignes d'eftre comparez
aux Anciens. Ce n'est pas que
toutejufte que cette loüange puiffe
eſtre pour eux, ils ne la regardent
comme une loüange qui ne leur
Sçauroit appartenir. Ils ne l'écoutent qu'avec repugnance , &la
I iiij
104 MERCURE
veneration qui eft deue à ceux
qui nous ont tracé la voye dans
le chemin de l'esprit , s'il m'eſt
permis de me fervir de ces termes, prévaut en eux contre euxmefmes , enfaveur de ces grands
Hommes, dont les excellens Ouvrages toûjours admire de toutes les Nations, ont paffejuſques
à nous malgré un nombre infiny
d'années, comme des Originaux
qu'on ne peut trop eftimer. Mais
pourquoy nous fera-t- il défendu
de croire que dans les Arts &
dans les Sciences les Modernes
puiffent aller auffi- loin , &mêplus loin que les Anciens , puis
GALANT. 105
qu'il eft certain , en matiere de
Heros , que toute l'Antiquité,
cette Antiquitéfi venerable, n'a
l'on puiffe comparer à
rien que
celuy de noftre Siecle?
Quel amas de gloirefe prefente
à vous, Meffieurs , à la fimple,
idée que je vous en donne !
Nentrons point dans cette foule
d'actions brillantes dont l'éclat
trop vifnepeut que nous ébloüir.
N'examinons point tous ces furprenans prodiges dont chaque
année de fon regne fe trouve
marquée. Les Cefars , les Ale
xandres ont befoin que l'on
rap
pelle tout ce qu'ils ont fait pen-
106 MERCURE
"
dant leur vie pour paroiftre di
gnes de leur reputation , mais il
n'en est pas de mefme de Louis
le Grand. Quand nous pourrions
oublier cette longue fuite d'évenemens merveilleux qui font
l'effet d'une intelligence incomprehenfible, l'Hertfie détruite ,
la protection qu'il donne feul
aux Rois opprimez , trois Ba
tailles gagnées encore depuis
peu dans une mefme Campagne,
il nous fuffiroit de regarder ce
qu'il vient defaire, pour demeurer convaincus qu'il est le plus
grand de tous les hommes.
Seur des conqueftes qu'il vou-
GALANT. 107
› y renonce pour dra tenter il
donner la paix à toute l'Europe.
L'Envie en fremit ; la Faloufie
qui faifit de redoutables Puiffances ne peut fouffrir le triomphe que luy affure une fi haute
vertu. Sa grandeur les bleffe , il
faut l'affaiblir. Un nombre infiny de Princes qui ne poffedent
encore leurs Etats queparce qu'il
dédaigné de les attaquer , ofent
oublier ce qu'ils luy doivent pour
entrer dans une Ligue, où ils s'imaginent que leursforces jointes
feront en eftat d'ébranler une
Puiffance qui a jufque là refifte
à tout. Que les Ennemis de la
a
108 MERCURE
Chreftienté fe refaififfent de tour
un Royaume qu'ils n'ont perdu
que par cette Paix, qui a donné
lieu aux avantages qu'on a remportez fur eux, n'importe,il n'y a
rien qui ne foit à préferer au chagrin infupportable de voir le Roy
jouir de fa gloire.LesAlliezfe refolvent àprendre les armes des
Princes Catholiques , l'Espagne
mefme que fa fevere Inquifition
rend fi renommée furfon exactitude à punir les moindres fautes
qui puiffent bleffer la Religion ,
ne font point difficulté de renouveller la guerre,pour appuyer les
deffeins d'un Princesà qui toutes
1
GALANT.
109
les Religions paroiffent indiffe
rentes , pourveu qu'il nuife à la
veritable ; d'un Prince qui pour
fe placer au Trône ofe violer les
plusfaintes loix de la nature, &
qui ne s'eft rendu redoutable qu'à
cauſe qu'il a trouvé autant d'a¬
veuglement dans ceux qui l'élevent, qu'il a d'injuſtice dans tous
les projets qu'il forme.
Voyons les fruits de cette
union ; des pertes continuelles.
tous les jours des malheurs à
craindre plus grands que ceux
qu'ils ont déja éprouvez. Il faut
pourtant faire un dernier effort ,
pour arteter les gemiffemens des
Peuples, à qui de dures exactions.
110 MERCURE
"
font ouvrir les yeux fur leur efclavage. Onmarque le temps
le lieu d'une Affemblée. Des
Souverains , que la grandeur de
leur caractere devroit retenir › y
viennent de toutes parts rendre
dehonteux hommages à ce témeraire Ambitieux, que le crime a
couronné, & qui n'est au deffus
d'eux, qu'autant qu'ils ont bien
voulu by mettre. Il les entre
tient d'efperances chimeriques.
Leur formidable puiffance ne
trouvera rien qui luy puiffe refifter. S'ils l'en ofent croire, le Roy
qui veut demeurer tranquille
ne fe fait plus un plaifir d'aller
GALANT. III
animerfes Armées parfa prefen-·
ce; & dès que le tempsfera venu
d'entrer en campagne , ils font
affure de nous accabler.
Il est vray que le Roy garde
beaucoup de tranquillité ; mais
qu'ils ne s'y trompent pas. Son
repos eft agiffant , fon calme l'emporte fur toute l'inquietude de
leur vigilance , & la regle des
faifons n'eft point une regle pour
ce qu'il luy plaift de faire. Nos
Ennemis confument le temps
examiner ce qu'ils doivent entreprendre , Louis eft preft
à
d'executer. Il n'a point fait de
menaces mais fes ordres font
112 MERCURE
donnez ; il part , Mons eft inwesty , fes plus forts remparts
ne peuvent tenir enfa prefence,
&en peu de jours fa prife nous
delivre des alarmes où il nous
jettoit en s'expofant. Que de
glorieufes circonstances relevent
cette conqueste! C'est peu qu'elle
foit rapide , c'est peu qu'elle ne
nous coute aucune, perte qu'on
puiffe trouverconfiderable. Ellefe
fait auxyeux mefmes de ce Chef
de tant de Ligues , qui avoitjuré
la ruine de la France. Il devoit
venir nous attaquer , on va au
devant de luy, & il ne sçauroit
défendre laplus importante Place
GALANT. 113
qu'on pouvoit êter à fes Alliez.
S'il ofe approcher, c'est feulement pour voir de plusprés l'heureux triomphedefon augufte Ennemy.
Nos avantages ne font pas
moins grands du cofté de
l'Italie . Une des Places qui
vient d'y efire conquife , avoit
bravé, il y a cent cinquante ans,
les efforts de deux Ármées , &
dés la premiere attaque de nos
Troupes elle est contrainte de capituler. Gloire par tout pour le
Roy !
Confufion par tout pourfes
Ennemis ! Ils fe retirent tout
couverts de honte ; le Royrevient
May 1691.
K
114 MERCURE
couronné par la Victoire , & lå
Campagne s'ouvrira dansfafaifon. Quelles merveilles n'avonsnous pas lieu de croire qu'elle produira , quand nous voyons celles
qui l'ont precedée.
Voilà, Meffieurs, une brillante
matiere pour employer vos rares
talens. Vous avez une occafion
bien avantageuse de les faire
voirdans toute leurforce , fipourtant il vous eft poffible de trouver
des expreffions qui répondent à la
grandeur du Sujet. Quelques
foins que nous prenions de chercher l'ufage de tous les mots de la
"Langue , nous ne sçaurions nous
GALANT.
cacher que les Actions du Roy
font au deffus de toutes fortes de
termes. Nous croyons les grandes
chofes qu'il afaites, parce que nos
yeux en ont efte les témoins, mais
fur le rapport que nous en ferons,
quoy qu'imparfait , quoy quefoible, quoy qu'infiniment au deffous
de ce que nous voudrons dire ,
pofterite ne les croira pas.
la
Vous nous aidere de vos lumieres , vous , Monfieur, que
l'Academie reçoit en focieté pour
le travail qu'elle a entrepris. Elle
pense avec plaifir que vous luy
ferez utile ; je luy ay répondu
de voftre zele , & j'espere que
Kij
116 MERCURE
vosfoins àdégagermaparole luy
feront connoistre qu'elle ne s'eft
point trompée dans fon choix.
de
Ces deux Difcours ayantefté
prononcez , M' Charpentier,
Doyen, prit la parole , & dit
que devant avoir l'honneur
complimenter le Royfur
fes nouvelles conqueftes.comme le plus ancien de la Com、
pagnie , fi la modeftie de Sa
Majefté ne luy cuſt
refuſer toutes fortes de Harangues , il alloit lire ce qu'il
avoit préparé pour s'acquitter
d'un devoir fi glorieux. Vous
pas fait
GALANT. 117
connoiffez la beauté de fon
genic & fa profonde érudition, & il vous eft aifé de
"
juger par là des graces qu'il
donne à tout ce qui part de
luy. Aprés qu'il eut lû cette
harangue , il dit que le refte
de la Seance ayant à eftre employé , felon la coutume, à
la lecture des Ouvrages de
ceux de la Compagnie qui en
voudroient faire part à l'Af
femblée , il croyoit qu'on ne
-feroit pas faché d'entendreune Epiftre de l'illuftre Madame des Houlieres à Monfeigneur le Duc de Bourgo-
118 MERCURE
gne , fur les Conqueftes du
Roy, puis qu'outre un merite
tout particulier qui diftinguoit cette Dame , elle avoit
l'avantage d'eftre affociée à
l'Academie d'Arles , & à celle
dè i Ricourati de Padouë , &
qu'ainfi ce feroit une digne
Academicienne qui paroiftroit parmy des Academiciens. La propofition fut receue avec applaudiffement, &
l'Epiftre de Madame des Houlieres fut donnée à M' l'Abbé de Lavau , qui avoit déja
entre les mains quelques Ougraves qu'il avoit bien voulu
GALANT. 11g
fe charger de lire. Avant que
de commencer il dit qu'il
auroit bien voulu contribuer
à la folemnité de cette journée , enfaisant quelque autre
chofe que de lire les Ouvrages des autres, mais qu'il n'ctoit
pas aifé de bien parler
de ce qui
faifoit
l'éronnement
de l'Europe
; que
les productions
de tant
de rares
genies
qui
avoient
paru
jufque
- là ,
loin
de frayer
le chemin
, le
faifoient
paroiftre
plus
difficile
, &
que
mefme
il le paroiffoit
encore
davantage
aprés
les Difcours
qu'on
venoit
Ï20 MERCURE
d'entendre , fur tout celuy de
M' de Fontenelle , qui avoit
parlé de l'Augufte Protecteur
de la Compagnie , d'une maniere qui faifoit connoiſtre
qu'il eftoit déja parfaitement
inftruit des devoirs d'un Academicien, & qui donnoit de
grandes idées de ce qu'il fçauroit faire àl'avenir ; que fi fes
Ouvrages eftoient pleins d'un
agrément qui montroit la dé.
licateffe de fon efprit , il avoit
de grands exemples dans fa
Famille , & qu'il venoit de
leur renouveller la memoire
du grand Corneille , fon Oncle,
GALANT. ` 121
cle, un des principaux orne?
mens du fiecle & de l'Academie Françoiſe , generalement
eftimé & honoré de toutes
les Nations où il fe trouve des
gens qui aiment les Lettres.
Il pourfuivit en difant , que
fi cet excellent homme ne
nous manquoit pas , il auroit
bien fceu faire påffer à la pofterité noftre incomparable
Monarque, finon tel qu'il eft,
au moins tel qu'il eft permis aux hommes de le concevoir ; que nous en avions
de feurs garants dans les Heros des ficcles paffez , qu'il a
May1691.
L
122 MERCURE
fait revivre d'une maniere fi
glorieufe pour l'Antiquité,
& qu'il femble n'avoir rame.
nez juſques à nous avec tour
leur éclat , que pour faire pa
roistre encore davantage la
gloire de fon Souverain. Mr
Abbéde Lavau dit encore ,
qu'il auroit cu à parler des
prifes de Mons , de Villefranche & de Nice, mais que
connoiffant par experience
combien il eftoit. difficile
d'en parler d'une maniere qui
convint à de fi grandes conqueftes , il croyoit devoit fe
retrancher à ce qu'il avoit en-
GALANT. 123
tendu dire à un des plus
grands Prelats du monde, que
nos voix en devoient eftre étoufees, qu'elles eftoient trop foibles,
qu'ilfalloit laiffer agir nos cœurs
& noftre joye , & lever les
mains au Ciel pour le remercier
de tant de prodiges. Ce qu'il
ajoûta , que la reputation de
ce Prelar n'avoit point de bornes, & qu'on ne pouvoit le
connoiftre fans avouer qu'il
eftoit impoffible d'occuper
plus dignement le premier
rang dans l'Eglife de France,
c'est à dire , le fecond de l'Eglife Univerſelle, fit nommer
7
Lij
124 MERCURE
à tout le monde Mr l'Archevefque de Paris. Il finit en difant que puis qu'un fi grand
homne, quia fceu fi fouvent
& fi excellemment parler de
fon Maistre & des évenemens
de fon Regne , faifoit entendre qu'en cette derniere occafion , le party du filence
eftoit à fuivre, &qu'il falloit
s'abandonner à la joye , fouvent plus éloquente que les
paroles , c'eftoit à luy plus
qu'à un autre de fe conformer à ce confeil ; qu'il falloit
attendre que le Ciel , à qui
l'on ne pouvoit douter que
GALANT. 125
Louis le Grand ne fuft précieux, donnaft de ces hommes
merveilleux, dont il luy plaift
quelquefois d'enrichir les ficcles , qui fçauroient peindre
ce grand évenement auffi
grand qu'il l'eft , & recueillir
tout ce que fait & dit ce Roy
invincible , pour l'apprendre
à nos Neveux d'une maniere
qui puft les perfuader , Ouvrage qui n'appartenoit pas
des hommes ordinaires , &
d'autant plus difficile , que
depuis plufieurs années nous
voyons des prodiges fe fuccéder continuellement les uns
à
Liij
126 MERCURE
aux autres. Si nous ne les
des exemcroyons qu'avec peine , continua- t-il , quoy que nous en
foyons convaincus , que feront
ceux qui verront un jour tout
d'un coup tant de merveilles
dans toute leur étenduë, fans y
avoir efté preparez par
plés qui auroient pú les difpofer
à croine ce que la valeur, la
juftice , la clemence , la bonté, la
magnificence , la fageffe ,
gloire enfin , & plus que tout
cela la Religion font executer
chaque jourà Louis, leplusgrand
des Rois.
Aprés que M de Lavau
GALANT. 127
une
eut parlé de cette forte , il
leut un Ouvrage de M' Boyer
fur la prise de Mons ,
Lettre familiere en Vers de
M' Perrault, adreffée à M' le
Prefident Rofe , fur les alarmesoù l'on eftoit à Paris de
ce que le Roy s'expoſoit tous
les jours pendant le Siege , &
l'Epitre auffi en Vers de Madáme des Houlieres à Monfeigneur le Duc de Bourgogne. M' le Clerc leut enfuite
une Ode , qui eftoit la Paraphrafe d'un Pleaume fur cette
mefme conquefte , & M' de
Benferade finit la feance par
Lij
128 MERCURE
3
une Piece toute en quadrains,
dont chaque dernier Vers ,
qui eftoit feulement de quatre fillabes , faifoit une cheute tres- agreable. Je ne vous
dis rien de la beauté de tous
ces Ouvrages, puis que vous
pourrez les lire bien- toft dans
un recueil qne doit debiter
au premier jour le S Coi
gnard , Libraire de l'Academic.
M' de Fontenelle fut receu à
l'Academie Françoife, & s'attira de grands applaudiffemens par le remerciement
qu'il y fit . Il dit d'abord
fi jamais il avoir efté capable
de fe laiffer furprendre aux
douces illufions de la vanité,
il n'auroit pû s'en défendre
dans l'occafion cù il fe trouvoit, s'il n'avoit confideré
qu'on avoit bien voulu luy
faire un merite de ce qu'il
avoit prouvé par fa conduite
qu'il fçavoit parfaitement le
prix du bienfait qu'il recevoir.
Hij
92 MERCURE
Il ajoûta qu'il ne pouvoit
d'ailleurs fe cacher qu'il devoit l'honneur qu'on luy avoit fait de l'admettre dans
un fi celebre Corps , au bonheur de fa naiTance qui le
faifoit tenir à un Nom qu'un
illuftre Mort avoit ennobly,
& qui eftoit demeuré en veneration dans la Compagnie.
Tout le monde connut bien
qu'il vouloit parler du grand
Corneille, donr il fit l'Eloge
en peu de mots , auffi bien
que de M' de Villayer, Doyen
du Confeil d'Etat , auquel il a
fuccedé dans la place qu'il
GALANT. 93
avoit laiffée vacante. Il paffa
de là au grand fpectacle qui
devoit le plus intereffer toute
l'Affemblée , & parla de la
conquefte de Mons , d'une
maniere fi vive , fi fine , & fi
éloquente , qu'on peut affurer
que dans tout ce qu'il en dit
il y avoit prefque autant de
penfées que de paroles. Son
tile fut ferré & plein de
force , & aprés que la
peinture qu'il fit de la prife
de cette importante Place ,
cut fait paroistre tout ce qu'-
elle avoit de furprenant , il
n'eut pas de peine à fe faire
94 MERCURE
croire lors qu'il ajoûta, que fi
le grand Cardinal de Richelieu , à qui l'Academie Françoife devoit le bonheur de
fon établiffement, & qui avoit
commencé à travailler avec
de fi grands fuccés à la grandeur de la France , revenoit
au monde , il auroit peine à
s'imaginer que LOUIS LE
GRAND cult pû l'élever
à un fi haut degré de gloire.
C'eftoit à M' l'Abbé Teftu,
commeDirecteur de la Compagnie , à répondre à ce Difcours , mais fon peu de fanté
ne luy permettant alors au-
GALANT. 95
cune application , M' de Corneille qui en eftoit Chancelier , fut obligé de parler au
lieu de luy , ce qui caufoit
quelque curiofité parmyceux
quicompofoient l'Affemblée,
puis qu'eftant Oncle de M'de
Fontenelle , la bien . feance
vouloit qu'il cherchaft un
tour particulier pour fe difpenfer de luy donner des
louanges. Comme l'amitié
qui eft entre nous me défend
de vous rien dire à fon avantage , je me contenteray de
vous faire part de fa réponſe,
telle qu'il l'a prononcée ,
96 MERCURE
ainfi vous en allez juger par
yous mefme. Voicy les termes dontil fe fervit.
MONSONSIEUR,
Nousfommes traitez vous &
moy bien differemment dans le
mefme jour. L'Academie a be
foin d'un digne Sujet pour remplirle nombre qui luy eft prefcrit
par fes Statuts. Pleine de difcernement , n'ayant en veuë que
le feul merite, & dans l'entiere liberté de fes fuffrages , elle
vous choisit pour vous donner ,
non feulement une place dans
Son
GALANT.
97
fonCorps , mais celle d'un Magistrat éclairé , qui dans une noble
concurrence ayant eu l'honneur
d'etre declaré Doyen du Confeil
d'Estat par le jugement meſme
de Sa Majefté, faifoit fon plus
grand plaifir de fe dérober à ſes
importantes fonctions , pour nous
venir quelquefois faire part de
fes lumieres ; que pouvoit- il arriver de plus glorieux pour vous?
Dans le mefme temps , cette
mefme Academie change d'Officiers ,felon fa coutume. Le Sort
qui décide de leur choix, n'auroit
pu qu'eftre applaudy, s'il l'euft
fait tomber fur tout autre que
May 1691.
I
98 MERCURE
fur moy, & quoy qu'incapable
de foutenir le poids qu'il impofe,.
c'eft moy qui le dois porter. Il eft
vray qu'il a fait voir fa justice
par l'illuftre Directeur qu'il nous
a donné. La joye que chacun de
nous en fit paroiftre, luy marqua
affez que le hazard n'avoitfait .
s'accommoder ànos fouhaits,
je n'enfçaurois douter , vous
ne le pustes apprendre fans vous.
fentir auffi - toft flatéde ce qui auroit faifi le cœur le plus détachés
de l'amour propre. La qualité des
Chefde la Compagnie l'engageant
dans la place qu'il occupe , à vous
repondre pour Elle , il vous auroit
que
P
GALANT. 99
esté doux qu'un homme, dont l'éloquence s'eftfait admirer en tant
d'actions publiques, vous eustfait
connoiftre fur quels fentimens.
d'eftime pour vous l'Academie
s'eft determinée à fe declarer en
vostrefaveur.
Son peu defanté l'ayant obligé de s'en repofer fur moy, vous
prive de cette gloire , & quand
le défir de repondre dignement à
l'honneur quej'ay de portericy!
parole à fondefaut , pourroit n'animer affez pour me donner la
force d'efprit qui meferoit neceffaire dans un fi glorieux pofte, ce
que je vous fuis me fermant la
I ij
100 MERCURE
bouche fur toutes les choſes qui
feroient trop à votre avantage ,
vous ne devez attendre de moy
qu'un épanchement de cœur qui
vousfaffe voir la part que je
prens au bonheur qui vous arrive , des fentimens & non des
lou
inges.
M'abandonnerai
-je à ce
qu'ils
m'inſpirent
? La
proximité
du
Sang
, la
tendre
amitié
quej'ay
pour
vous
, lafuperiorité
que me
"donne
l'âge
,toutfemble
me lepermettre
, vous
le devez
fouffrir
,
j'iray
jufques
à vous
donner
des
confeils
. Au lieu
de vous
dire que
celuy
qui afi bienfait
parler
les
GALANT. ΙΟΙ
Morts n'eftoit pas indigne d'entrer en commerce avec d'illuftres
Vivans ; au lieu de vous applau
dirfur cet agréable arrangemens
de differens Mondes dont vous
nous avez offert le spectacle ,
furcet Art fidifficile , & qu'ilme
paroift que le Public trouve en
vous fi- naturel , de donner de
l'agrément aux matieres les plus
feches , je vous diray que quelque
gloire que vous ayent acquife dés
vos plus jeunes années les talens
qui vous diftinguent, vous devez
les regarder, non pas comme des
dons affez forts de la nature pour
vous faire atteindre , fans autre
Í iij
102 MERCURE
a
fecours que de vous mefme , à la
perfection du merite que je vous
fouhaite ; mais comme d'heureufes difpofitions qui vous y peuvent conduire. Cherchez avec
fin pour y parvenir les lumieres
qui vous manquentile choix qu'on
fait de vous vous met en eftat
de lespuifer dans leur fource.
En effet , rien ne vous les peut
fournir fi abondamment que les
Conferences d'une Compagnie ,
oùfi vous m'en exceptez , vous
ne trouverez que de ces Genies
fublimes à qui l'immortalité eſt
deue. Tout ce qu'on peut acquerir de connoiffances utiles par les
1
GALANT. · 103
aura
belles Lettres , l'Eloquence , la
Poëfie , l'Art de bien traiter
l'Histoire , ils le poffedent dans
le degré le plus éminent › &
quand un peu de pratique vous
facilité les moyens de connoistre a fond tout le merite de
- ces celebres Modernes , peut eftre
ferez- vous autorisé , je ne dis pas
à les préferer , mais à ne les pas
trouver indignes d'eftre comparez
aux Anciens. Ce n'est pas que
toutejufte que cette loüange puiffe
eſtre pour eux, ils ne la regardent
comme une loüange qui ne leur
Sçauroit appartenir. Ils ne l'écoutent qu'avec repugnance , &la
I iiij
104 MERCURE
veneration qui eft deue à ceux
qui nous ont tracé la voye dans
le chemin de l'esprit , s'il m'eſt
permis de me fervir de ces termes, prévaut en eux contre euxmefmes , enfaveur de ces grands
Hommes, dont les excellens Ouvrages toûjours admire de toutes les Nations, ont paffejuſques
à nous malgré un nombre infiny
d'années, comme des Originaux
qu'on ne peut trop eftimer. Mais
pourquoy nous fera-t- il défendu
de croire que dans les Arts &
dans les Sciences les Modernes
puiffent aller auffi- loin , &mêplus loin que les Anciens , puis
GALANT. 105
qu'il eft certain , en matiere de
Heros , que toute l'Antiquité,
cette Antiquitéfi venerable, n'a
l'on puiffe comparer à
rien que
celuy de noftre Siecle?
Quel amas de gloirefe prefente
à vous, Meffieurs , à la fimple,
idée que je vous en donne !
Nentrons point dans cette foule
d'actions brillantes dont l'éclat
trop vifnepeut que nous ébloüir.
N'examinons point tous ces furprenans prodiges dont chaque
année de fon regne fe trouve
marquée. Les Cefars , les Ale
xandres ont befoin que l'on
rap
pelle tout ce qu'ils ont fait pen-
106 MERCURE
"
dant leur vie pour paroiftre di
gnes de leur reputation , mais il
n'en est pas de mefme de Louis
le Grand. Quand nous pourrions
oublier cette longue fuite d'évenemens merveilleux qui font
l'effet d'une intelligence incomprehenfible, l'Hertfie détruite ,
la protection qu'il donne feul
aux Rois opprimez , trois Ba
tailles gagnées encore depuis
peu dans une mefme Campagne,
il nous fuffiroit de regarder ce
qu'il vient defaire, pour demeurer convaincus qu'il est le plus
grand de tous les hommes.
Seur des conqueftes qu'il vou-
GALANT. 107
› y renonce pour dra tenter il
donner la paix à toute l'Europe.
L'Envie en fremit ; la Faloufie
qui faifit de redoutables Puiffances ne peut fouffrir le triomphe que luy affure une fi haute
vertu. Sa grandeur les bleffe , il
faut l'affaiblir. Un nombre infiny de Princes qui ne poffedent
encore leurs Etats queparce qu'il
dédaigné de les attaquer , ofent
oublier ce qu'ils luy doivent pour
entrer dans une Ligue, où ils s'imaginent que leursforces jointes
feront en eftat d'ébranler une
Puiffance qui a jufque là refifte
à tout. Que les Ennemis de la
a
108 MERCURE
Chreftienté fe refaififfent de tour
un Royaume qu'ils n'ont perdu
que par cette Paix, qui a donné
lieu aux avantages qu'on a remportez fur eux, n'importe,il n'y a
rien qui ne foit à préferer au chagrin infupportable de voir le Roy
jouir de fa gloire.LesAlliezfe refolvent àprendre les armes des
Princes Catholiques , l'Espagne
mefme que fa fevere Inquifition
rend fi renommée furfon exactitude à punir les moindres fautes
qui puiffent bleffer la Religion ,
ne font point difficulté de renouveller la guerre,pour appuyer les
deffeins d'un Princesà qui toutes
1
GALANT.
109
les Religions paroiffent indiffe
rentes , pourveu qu'il nuife à la
veritable ; d'un Prince qui pour
fe placer au Trône ofe violer les
plusfaintes loix de la nature, &
qui ne s'eft rendu redoutable qu'à
cauſe qu'il a trouvé autant d'a¬
veuglement dans ceux qui l'élevent, qu'il a d'injuſtice dans tous
les projets qu'il forme.
Voyons les fruits de cette
union ; des pertes continuelles.
tous les jours des malheurs à
craindre plus grands que ceux
qu'ils ont déja éprouvez. Il faut
pourtant faire un dernier effort ,
pour arteter les gemiffemens des
Peuples, à qui de dures exactions.
110 MERCURE
"
font ouvrir les yeux fur leur efclavage. Onmarque le temps
le lieu d'une Affemblée. Des
Souverains , que la grandeur de
leur caractere devroit retenir › y
viennent de toutes parts rendre
dehonteux hommages à ce témeraire Ambitieux, que le crime a
couronné, & qui n'est au deffus
d'eux, qu'autant qu'ils ont bien
voulu by mettre. Il les entre
tient d'efperances chimeriques.
Leur formidable puiffance ne
trouvera rien qui luy puiffe refifter. S'ils l'en ofent croire, le Roy
qui veut demeurer tranquille
ne fe fait plus un plaifir d'aller
GALANT. III
animerfes Armées parfa prefen-·
ce; & dès que le tempsfera venu
d'entrer en campagne , ils font
affure de nous accabler.
Il est vray que le Roy garde
beaucoup de tranquillité ; mais
qu'ils ne s'y trompent pas. Son
repos eft agiffant , fon calme l'emporte fur toute l'inquietude de
leur vigilance , & la regle des
faifons n'eft point une regle pour
ce qu'il luy plaift de faire. Nos
Ennemis confument le temps
examiner ce qu'ils doivent entreprendre , Louis eft preft
à
d'executer. Il n'a point fait de
menaces mais fes ordres font
112 MERCURE
donnez ; il part , Mons eft inwesty , fes plus forts remparts
ne peuvent tenir enfa prefence,
&en peu de jours fa prife nous
delivre des alarmes où il nous
jettoit en s'expofant. Que de
glorieufes circonstances relevent
cette conqueste! C'est peu qu'elle
foit rapide , c'est peu qu'elle ne
nous coute aucune, perte qu'on
puiffe trouverconfiderable. Ellefe
fait auxyeux mefmes de ce Chef
de tant de Ligues , qui avoitjuré
la ruine de la France. Il devoit
venir nous attaquer , on va au
devant de luy, & il ne sçauroit
défendre laplus importante Place
GALANT. 113
qu'on pouvoit êter à fes Alliez.
S'il ofe approcher, c'est feulement pour voir de plusprés l'heureux triomphedefon augufte Ennemy.
Nos avantages ne font pas
moins grands du cofté de
l'Italie . Une des Places qui
vient d'y efire conquife , avoit
bravé, il y a cent cinquante ans,
les efforts de deux Ármées , &
dés la premiere attaque de nos
Troupes elle est contrainte de capituler. Gloire par tout pour le
Roy !
Confufion par tout pourfes
Ennemis ! Ils fe retirent tout
couverts de honte ; le Royrevient
May 1691.
K
114 MERCURE
couronné par la Victoire , & lå
Campagne s'ouvrira dansfafaifon. Quelles merveilles n'avonsnous pas lieu de croire qu'elle produira , quand nous voyons celles
qui l'ont precedée.
Voilà, Meffieurs, une brillante
matiere pour employer vos rares
talens. Vous avez une occafion
bien avantageuse de les faire
voirdans toute leurforce , fipourtant il vous eft poffible de trouver
des expreffions qui répondent à la
grandeur du Sujet. Quelques
foins que nous prenions de chercher l'ufage de tous les mots de la
"Langue , nous ne sçaurions nous
GALANT.
cacher que les Actions du Roy
font au deffus de toutes fortes de
termes. Nous croyons les grandes
chofes qu'il afaites, parce que nos
yeux en ont efte les témoins, mais
fur le rapport que nous en ferons,
quoy qu'imparfait , quoy quefoible, quoy qu'infiniment au deffous
de ce que nous voudrons dire ,
pofterite ne les croira pas.
la
Vous nous aidere de vos lumieres , vous , Monfieur, que
l'Academie reçoit en focieté pour
le travail qu'elle a entrepris. Elle
pense avec plaifir que vous luy
ferez utile ; je luy ay répondu
de voftre zele , & j'espere que
Kij
116 MERCURE
vosfoins àdégagermaparole luy
feront connoistre qu'elle ne s'eft
point trompée dans fon choix.
de
Ces deux Difcours ayantefté
prononcez , M' Charpentier,
Doyen, prit la parole , & dit
que devant avoir l'honneur
complimenter le Royfur
fes nouvelles conqueftes.comme le plus ancien de la Com、
pagnie , fi la modeftie de Sa
Majefté ne luy cuſt
refuſer toutes fortes de Harangues , il alloit lire ce qu'il
avoit préparé pour s'acquitter
d'un devoir fi glorieux. Vous
pas fait
GALANT. 117
connoiffez la beauté de fon
genic & fa profonde érudition, & il vous eft aifé de
"
juger par là des graces qu'il
donne à tout ce qui part de
luy. Aprés qu'il eut lû cette
harangue , il dit que le refte
de la Seance ayant à eftre employé , felon la coutume, à
la lecture des Ouvrages de
ceux de la Compagnie qui en
voudroient faire part à l'Af
femblée , il croyoit qu'on ne
-feroit pas faché d'entendreune Epiftre de l'illuftre Madame des Houlieres à Monfeigneur le Duc de Bourgo-
118 MERCURE
gne , fur les Conqueftes du
Roy, puis qu'outre un merite
tout particulier qui diftinguoit cette Dame , elle avoit
l'avantage d'eftre affociée à
l'Academie d'Arles , & à celle
dè i Ricourati de Padouë , &
qu'ainfi ce feroit une digne
Academicienne qui paroiftroit parmy des Academiciens. La propofition fut receue avec applaudiffement, &
l'Epiftre de Madame des Houlieres fut donnée à M' l'Abbé de Lavau , qui avoit déja
entre les mains quelques Ougraves qu'il avoit bien voulu
GALANT. 11g
fe charger de lire. Avant que
de commencer il dit qu'il
auroit bien voulu contribuer
à la folemnité de cette journée , enfaisant quelque autre
chofe que de lire les Ouvrages des autres, mais qu'il n'ctoit
pas aifé de bien parler
de ce qui
faifoit
l'éronnement
de l'Europe
; que
les productions
de tant
de rares
genies
qui
avoient
paru
jufque
- là ,
loin
de frayer
le chemin
, le
faifoient
paroiftre
plus
difficile
, &
que
mefme
il le paroiffoit
encore
davantage
aprés
les Difcours
qu'on
venoit
Ï20 MERCURE
d'entendre , fur tout celuy de
M' de Fontenelle , qui avoit
parlé de l'Augufte Protecteur
de la Compagnie , d'une maniere qui faifoit connoiſtre
qu'il eftoit déja parfaitement
inftruit des devoirs d'un Academicien, & qui donnoit de
grandes idées de ce qu'il fçauroit faire àl'avenir ; que fi fes
Ouvrages eftoient pleins d'un
agrément qui montroit la dé.
licateffe de fon efprit , il avoit
de grands exemples dans fa
Famille , & qu'il venoit de
leur renouveller la memoire
du grand Corneille , fon Oncle,
GALANT. ` 121
cle, un des principaux orne?
mens du fiecle & de l'Academie Françoiſe , generalement
eftimé & honoré de toutes
les Nations où il fe trouve des
gens qui aiment les Lettres.
Il pourfuivit en difant , que
fi cet excellent homme ne
nous manquoit pas , il auroit
bien fceu faire påffer à la pofterité noftre incomparable
Monarque, finon tel qu'il eft,
au moins tel qu'il eft permis aux hommes de le concevoir ; que nous en avions
de feurs garants dans les Heros des ficcles paffez , qu'il a
May1691.
L
122 MERCURE
fait revivre d'une maniere fi
glorieufe pour l'Antiquité,
& qu'il femble n'avoir rame.
nez juſques à nous avec tour
leur éclat , que pour faire pa
roistre encore davantage la
gloire de fon Souverain. Mr
Abbéde Lavau dit encore ,
qu'il auroit cu à parler des
prifes de Mons , de Villefranche & de Nice, mais que
connoiffant par experience
combien il eftoit. difficile
d'en parler d'une maniere qui
convint à de fi grandes conqueftes , il croyoit devoit fe
retrancher à ce qu'il avoit en-
GALANT. 123
tendu dire à un des plus
grands Prelats du monde, que
nos voix en devoient eftre étoufees, qu'elles eftoient trop foibles,
qu'ilfalloit laiffer agir nos cœurs
& noftre joye , & lever les
mains au Ciel pour le remercier
de tant de prodiges. Ce qu'il
ajoûta , que la reputation de
ce Prelar n'avoit point de bornes, & qu'on ne pouvoit le
connoiftre fans avouer qu'il
eftoit impoffible d'occuper
plus dignement le premier
rang dans l'Eglife de France,
c'est à dire , le fecond de l'Eglife Univerſelle, fit nommer
7
Lij
124 MERCURE
à tout le monde Mr l'Archevefque de Paris. Il finit en difant que puis qu'un fi grand
homne, quia fceu fi fouvent
& fi excellemment parler de
fon Maistre & des évenemens
de fon Regne , faifoit entendre qu'en cette derniere occafion , le party du filence
eftoit à fuivre, &qu'il falloit
s'abandonner à la joye , fouvent plus éloquente que les
paroles , c'eftoit à luy plus
qu'à un autre de fe conformer à ce confeil ; qu'il falloit
attendre que le Ciel , à qui
l'on ne pouvoit douter que
GALANT. 125
Louis le Grand ne fuft précieux, donnaft de ces hommes
merveilleux, dont il luy plaift
quelquefois d'enrichir les ficcles , qui fçauroient peindre
ce grand évenement auffi
grand qu'il l'eft , & recueillir
tout ce que fait & dit ce Roy
invincible , pour l'apprendre
à nos Neveux d'une maniere
qui puft les perfuader , Ouvrage qui n'appartenoit pas
des hommes ordinaires , &
d'autant plus difficile , que
depuis plufieurs années nous
voyons des prodiges fe fuccéder continuellement les uns
à
Liij
126 MERCURE
aux autres. Si nous ne les
des exemcroyons qu'avec peine , continua- t-il , quoy que nous en
foyons convaincus , que feront
ceux qui verront un jour tout
d'un coup tant de merveilles
dans toute leur étenduë, fans y
avoir efté preparez par
plés qui auroient pú les difpofer
à croine ce que la valeur, la
juftice , la clemence , la bonté, la
magnificence , la fageffe ,
gloire enfin , & plus que tout
cela la Religion font executer
chaque jourà Louis, leplusgrand
des Rois.
Aprés que M de Lavau
GALANT. 127
une
eut parlé de cette forte , il
leut un Ouvrage de M' Boyer
fur la prise de Mons ,
Lettre familiere en Vers de
M' Perrault, adreffée à M' le
Prefident Rofe , fur les alarmesoù l'on eftoit à Paris de
ce que le Roy s'expoſoit tous
les jours pendant le Siege , &
l'Epitre auffi en Vers de Madáme des Houlieres à Monfeigneur le Duc de Bourgogne. M' le Clerc leut enfuite
une Ode , qui eftoit la Paraphrafe d'un Pleaume fur cette
mefme conquefte , & M' de
Benferade finit la feance par
Lij
128 MERCURE
3
une Piece toute en quadrains,
dont chaque dernier Vers ,
qui eftoit feulement de quatre fillabes , faifoit une cheute tres- agreable. Je ne vous
dis rien de la beauté de tous
ces Ouvrages, puis que vous
pourrez les lire bien- toft dans
un recueil qne doit debiter
au premier jour le S Coi
gnard , Libraire de l'Academic.
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Résumé : Reception de M. de Fontenelle à l'Academie Françoise, & tout ce qui s'est passé en cette occasion. [titre d'après la table]
Le 5 mai, Bernard Le Bouyer de Fontenelle fut accueilli à l'Académie française et reçut des applaudissements pour son discours de remerciement. Fontenelle exprima sa surprise et sa gratitude, attribuant cette reconnaissance à sa naissance, qui le liait au nom illustre de Pierre Corneille. Il rendit hommage à Michel Le Tellier, Doyen du Conseil d'État, dont il avait pris la succession. Fontenelle décrivit avec vivacité et éloquence la conquête de Mons, évoquant l'admiration que le cardinal Richelieu aurait eue pour les exploits de Louis XIV. L'abbé Testu, directeur de la Compagnie, étant indisposé, Pierre Corneille, chancelier et oncle de Fontenelle, prit la parole. Corneille souligna le mérite de Fontenelle et l'honneur de sa nomination. Il compara les conquêtes de Louis XIV à celles des grands hommes de l'Antiquité et exhorta Fontenelle à développer ses talents et à tirer profit des échanges au sein de l'Académie. Lors de la même séance, l'Académie accueillit un nouveau membre et espéra qu'il contribuerait utilement. Le doyen, M. Charpentier, complimenta le roi pour ses nouvelles conquêtes et lut une harangue préparée à cet effet. Une épître de Madame des Houlières à Monsieur le Duc de Bourgogne fut ensuite lue, suivie de divers ouvrages littéraires. L'abbé de Lavau exprima l'admiration pour les conquêtes du roi et la difficulté de les décrire adéquatement. Il mentionna également les œuvres de grands écrivains et la gloire du roi, comparée à celle des héros des siècles passés. La séance se termina par la lecture de plusieurs poèmes et œuvres littéraires célébrant les conquêtes du roi.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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