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1
p. 206-216
MANUFACTURES. RÉFLEXIONS sur la Critique d'un Mémoire sur les Laines, adressées à l'Auteur du Mercure.
Début :
MONSIEUR, le jugement favorable que vous avez porté d'un Mémoire sur les [...]
Mots clefs :
Laines, Mémoire, Année littéraire, Laines d'Angleterre, Laines d'Espagne, Laboureurs, Pâturages, Climat
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texteReconnaissance textuelle : MANUFACTURES. RÉFLEXIONS sur la Critique d'un Mémoire sur les Laines, adressées à l'Auteur du Mercure.
MANUFACTURES.
RÉFLEXION S fur la Critique d'un Mémoire
fur les Laines , adreffées à l'Auteur
du Mercure.
MONSIEUR , le jugement favorable
que vous avez porté d'un Mémoire fur les
OCTOBRE. 1755. 207
Laines , m'engage à vous adreffer quelques
réflexions fur une critique dans laquelle
on femble prendre à tâche de le décrier .
La critique que j'examine fe trouve à la
page 289. lettre 13 de l'Année littéraire.
Si le mémoire couronné par l'Académie
d'Amiens , eft dans fa totalité tel qu'on le
repréfente , il falloit , ce femble , omettre
à la tête de la critique & le nom de l'Académie
& le nom du protecteur ; puifque
c'eft fuppofer qu'ils ont autorifé de leurs fuffrages
un écrit qu'on entreprend de fronder .
Pag. 291. Le premier reproche qu'on
fait à cet ouvrage , c'eft qu'on n'y explique
pas comment les laines d'Efpagne & d'Angleterre
, qui du tems des Romains étoient
fi inférieures aux nôtres , ont à la fin pris
le deffus. L'Annalifte n'avoit fûrement pas
lu tout le mémoire quand il a hafardé ce
reproche. On trouve dès le commencement
de la troiſieme partie , l'hiftoire de ce
changement & les détails qu'on fuppofe
l'Auteur. Voyez le mémoire depuis
la pag. 59 jufqu'à la pag. 71 .
omis
par
Ann. litt. p. 292. On avance à la fin de
cette page que la premiere partie de ce
mémoire n'eft que l'abrégé des détails qu'on
lit dans la maifon ruftique & dans le dictionnaire
de Savary. Cet aveu eft un peu
oppofé au jugement que l'on porte ailleurs
208 MERCURE DE FRANCE.
de la totalité de l'ouvrage , en difant qu'il
péche d'un bout à l'autre par un défaut de
précifion. Il faut apparément excepter les
cinquante pages qui forment cet Abrégé
des détails qu'on trouve dans deux livres
eftimés.
Par cette remarque on veut fans doute ,
donner à entendre qu'on s'eft ici paré des
dépouilles d'autrui : c'eft pourtant ce que
n'a point fait l'auteur du mémoire. Il
avertit qu'il s'eft aidé de ces deux ouvrages,
& il auroit pu avancer , fans crainte d'être
dédit , qu'il y a dans cette premiere partie
plufieurs chofes qui viennent de fon fond.
J'ai remarqué entr'autres particularités ce
qu'on trouve pag. 12. touchant la formation
de la laine , pag 15. fur l'abus des
pelades , pag 32. fur la caufe phyfique de
la diverfité des laines , pag. 42. fur la différence
des climats de la France où la laine
croît abondamment.
Ibid. Peut-être eft ce de ma part manque
de jugement ou défaut de critique ;
mais je ne trouve aucune contradiction
dans ce que l'auteur du mémoire expofe
touchant les caufes phyfiques qui influent
fur la mauvaise qualité des laines du Levant
& du Nord . Voici le raifonnement
du critique dans tout fon jour. Le chaud
exceffif deffeche les laines du Levant ; le
T
OCTOBRE 1755 209
froid qu'on éprouve dans les régions feptentrionales
les plus reculées , occafionne
la dureté des laines qui y croiffent : or
l'Eſpagne étant un pays plus chaud que la
France , & l'Angleterre un pays plus froid ,
il fuit que nous devons dépouiller en France
des laines plus parfaites qu'en Angleterre
& qu'en Efpagne qui font deux pays
moins tempérés que le nôtre.
J'entrevois trois réponſes à cette diffité.
1° . L'Auteur du mémoire que l'on combat
, fe fait à lui -même cette objection à
la page 111 de fon écrit , il la nomme un
argument banal qu'il réfute affez bien,
20. Cette difficulté auroit quelque vraifemblance
, fi l'on attribuoit à la feule influence
du climat la perfection des laines
d'Efpagne & d'Angleterre ; mais on affure
encore ici que le dégré de bonté de ces
laines a auffi fa fource dans la qualité des
pâturages & dans l'importation d'une race
étrangere. La page 293 des Feuilles porte
expreflément cette remarque ; on y trouve
d'après le mémoire attaqué , les expreffions
fuivantes : Trois chofes ont concours
à donner aux laines d'Espagne & d'Angleterre
la fupériorité qu'elles ont fur les nôtres
la race , le climat & les pâturages.
3°. Je fuis étonné qu'une perfonne répandue
comme l'auteur des Feuilles ait
210 MERCURE DE FRANCE.
tardé jufqu'ici à fçavoir que le climat en
Angleterre eft beaucoup plus doux & plus
tempéré que le nôtre ; qu'il life Savary au
mot Laine : cet Auteur remarque que l'hyver
en Angleterre n'a point de rigueurs
qui obligent de renfermer les troupeaux
de bêtes blanches. On a fort bien démontré
dans le mémoire que la Caftille n'eſt pas
un pays fi chaud qu'on l'imagine communément
, la pofition de la Caftille étant
à celle de notre Languedoc , à peu près
comme la fituation refpective d'Orléans &
d'Amiens. Je tiens d'un Négociant efpagnol
fort inftruit que dans les montagnes
de Grenade & de Léon , & fur la plupart
des côtaux où l'on mene les bêtes blanches
pour pâturer , les chaleurs les plus vives de
l'été font beaucoup tempérées tant par les
abris que par les exhalaifons des vallées .
Ann. Litt. p. 298. Nous ne trouvons pas
que les préambules contenus dans cet écrit,
foient ou inutiles ou déplacés ; ils font communément
courts & bien écrits . Il est vrai
que celui fur lequel on tâche de jetter un
ridicule auroit pu être abrégé : mais ce
n'eft pas un hors - d'oeuvre diffus , comme
on femble l'infinuer. Il contient environ
trente- cinq lignes. Sur quoi il nous femble
que fi l'Auteur du mémoire vouloit
aller un jour en récriminant , il pourroit
OCTOBRE . 1755 . 211
prendre fon adverfaire en défaut , & le
forcer à reconnoître qu'il eft quelquefois
concis , s'il eft vrai qu'il ait eu le fecret de
faire l'hiſtoire des habits de tout le genre
humain depuis la création jufqu'à préfent
dans l'efpace d'environ trente- cinq lignes .
Ann. Litt . p. 295. Mais le point qui
paroît mériter l'attention de tout bon citoyen
, c'est l'endroit où l'auteur , fans en
apporter de raiſon , taxe d'infuffifans &
d'impoffibles les moyens par lefquels on
démontre qu'il feroit très-avantageux à
notre commerce d'importer en France une
race étrangere. Si l'adverfaire a raiſon ;
nos maîtres les plus habiles font dans le
tort , ou s'il n'entend pas la queftion , pour
quoi s'ingere-t-il à prononcer fans examen
fur une mariere auffi importante ? Voici un
raifonnement qu'on qualifie de fophifme.
Trois chofes ont concouru à l'amélioration
des laines d'Efpagne & d'Angleterre
; l'importation d'une race étrangere ,
le climat , les pâturages choifis : imitons
nos voisins , s'il eft poffible ; mais pour
le
faire avec fruit , quelle race tranfporterons-
nous ? Avons- nous dans quelque lieu
de notre France une température qui favorife
l'importation d'une race plus parfaite ?
avons- nous des pâturages où placer ces bêtes?
On prouve ainfi que nous pouvons imi212
MERCURE DE FRANCE.
.
ter les Efpagnols : car , dit-on , l'exportation
projettée a été heureufement tentée
dans l'une des extrémités méridionales de
notre France. Des bêtes efpagnoles placées
en Languedoc vers la fin du fiecle paffé ,
y portent préfentement des laines plus
fines , & du double plus abondantes que
les laines du pays. L'on ne s'en tient pas à
des témoignages vagues : l'on cite pour
garant l'auteur de la Maiſon ruftique ; on
indique la page & l'édition ; l'on tranfcrit
le texte ; on raifonne fur ce texte , on le
corrige & l'on conclud. Voyez le mém.
pag. 106.
A l'égard de l'exportation des bêtes
blanches hors du Royaume d'Angleterre
pour notre profit , l'on convient ici qu'elle
n'a pas encore eu lieu , mais on croit qu'en
plaçant cette race dans le territoire de Valogne
, & vers le bout de fa prefqu'ifle ,
elle ne peut manquer d'y fructifier ; l'air
& les pâturages y font les mêmes qu'en
Angleterre. Quel rifque peut-on courir en
hafardant ce tranſport ?
Ann. Litt . pag. 297. Je n'ai trouvé en
aucun endroit du mémoire qu'il faut que
nos laboureurs foient des philofophes . On
parle de laboureurs à deux repriſes différentes
. A la pag. 127 du Mémoire , l'on
confeille l'établiſſement d'une Académie
OCTOBRE 1755 213
économique , & l'on dit qu'il feroit à propos
d'agréger à cette compagnie des laboureurs
intelligens. Cet expédient nous paroît
bien imaginé . Pourquoi nos plus beaux
projets manquent- ils le plus fouvent de
réuffite ? c'est qu'on néglige l'artifan , c'eſt
qu'on ne confulte pas affez la nature &
qu'on veut la plupart du tems l'affervir
à des regles imaginées dans le cabinet.
Qu'on place à la tête d'une métairie le plus
célebre Géométre , il s'appercevra bientôt
qu'il eft moins philofophe en fait de culture
que le dernier de fes gens . Sans être
verfé dans la littérature , on peut devenir
philofophe : un métayer qui poffede bien
fon art , peut facilement le devenir dans
fa partie. Il est encore parlé de laboureurs
à la pag. 156. mais on y confidere les chofes
dans l'état préfent & le mot de philofophe
ne fe trouve pas une feule fois dans
tout l'article. On conclud en difant , qu'il
faut laiffer aux plus intelligens le foin de
leurs troupeaux , & éclairer fur leurs propres
intérêts ceux qui ne font pas affez
clairs-voyans ; qu'y a- t- il de répréhenſible
dans cet avis ?
Pag. 298 & 299. Ce qu'on débite en
finiffant , touchant la reffemblance des deux
éditions qu'on a données prefqu'à la fois ,
nous a paru fufceptible de quelque excep-
1
214 MERCURE DE FRANCE.
tion. Dès l'inftant que j'appris qu'il y avoit
à Amiens une édition de ce mémoire , l'envie
ne me vint pas de l'acquérir par la
raifon qu'une édition donnée poftérieurement
par fon auteur est toujours cenfée
preférable à l'autre , n'y eût-il même aucune
différence effective. Mais m'étant avifé
de confronter ce double ouvrage , je me
fuis apperçu que fans parler du ftyle qui eft
plus correct dans l'édition poftérieure , il
y a quant au fond des différences trèsremarquables.
Voici les plus effentielles.
Dans l'édition de Paris , on emploie
trois pages à faire l'hiftoire de l'amélioration
des laines d'Efpagne. On voit avec
plaifir paroître fucceffivement dans ce récit
Columelle , Dom Pedre IV, Ximenès ; rien
de tout cela dans l'édition d'Amiens. Il y
a même ici quelque chofe que l'Auteur a
foigneufement corrigé dans l'édition de
Paris. Il qualifie de vertueux prince Dom
Pedre le cruel , dont le regne fut fignalé
par tant d'inhumanités On ne parle dans
la premiere édition ni des négociations
d'Edouard IV, pour parvenir à avoir en
Angleterre des bêtes blanches pareilles à
celles de Caftille , non plus que des foins
d'Henri VIII & d'Elifabeth , relatifs à cet
objet .
L'Article II eft totalement changé dans
OCTOBRE . 1755. 215
l'édition postérieure , & on infinue dans
celle -ci des points de vue directement
oppofés à ceux qui font exposés dans la
premiere. En voici un exemple : dans l'édition
d'Amiens , on loue l'ordonnance de
1699 comme une loi avantageufe à notre
commerce , & l'on emploie dans l'édition
de Paris deux pages à prouver qu'une telle
loi eft abfolument mal entendue & tout-àfait
deftructive du commerce des laines .
Telles font les différences qui m'ont le
plus frappé.
Tout ceci n'empêche pas que le mémoire
ne fut très- digne du prix , indépendamment
de ces changemens ; mais la réforme
en queſtion ne peut que faire honneur à
l'exactitude & au défintéreſſement de
l'Auteur qui , quoique récompenſé , n'a
pas laiffé de travailler fur nouveaux frais.
Concluons de ce que j'ai dit jufqu'ici ,
que la critique énoncée dans l'Année littéraire
n'eft pas affez fondée. Ce n'est
pas que je veuille attribuer au mémoire
que je défends , un dégré d'irrépréhenfibilité
qu'il n'a pas. Le ftyle quoique
bon en général , pourroit être purgé
de quelques négligences qui font en petit
nombre. Quant au fond , nous jugeons
qu'on pouvoit abréger certains détails ;
mais tout bien examiné , la réforme ne.
216 MERCURE DE FRANCE.
peut aller à guere plus de deux pages fur
la totalité du mémoire. D'ailleurs , comme
on l'a judicieufement remarqué dans
le Journal de Trévoux , Juin. pag. 1432 :
Dans une affaire économique , il vaut mieux
expliquer les chofes en détail que de fe rendre
obfcur par un laconiſme mal entendu . Inférons
encore de tout ceci qu'au lieu de
décourager le zele de l'Auteur , il feroit
à defirer qu'il nous inftruisît un jour plus
à fond fur les détails qui concernent les
Artiſtes .
RÉFLEXION S fur la Critique d'un Mémoire
fur les Laines , adreffées à l'Auteur
du Mercure.
MONSIEUR , le jugement favorable
que vous avez porté d'un Mémoire fur les
OCTOBRE. 1755. 207
Laines , m'engage à vous adreffer quelques
réflexions fur une critique dans laquelle
on femble prendre à tâche de le décrier .
La critique que j'examine fe trouve à la
page 289. lettre 13 de l'Année littéraire.
Si le mémoire couronné par l'Académie
d'Amiens , eft dans fa totalité tel qu'on le
repréfente , il falloit , ce femble , omettre
à la tête de la critique & le nom de l'Académie
& le nom du protecteur ; puifque
c'eft fuppofer qu'ils ont autorifé de leurs fuffrages
un écrit qu'on entreprend de fronder .
Pag. 291. Le premier reproche qu'on
fait à cet ouvrage , c'eft qu'on n'y explique
pas comment les laines d'Efpagne & d'Angleterre
, qui du tems des Romains étoient
fi inférieures aux nôtres , ont à la fin pris
le deffus. L'Annalifte n'avoit fûrement pas
lu tout le mémoire quand il a hafardé ce
reproche. On trouve dès le commencement
de la troiſieme partie , l'hiftoire de ce
changement & les détails qu'on fuppofe
l'Auteur. Voyez le mémoire depuis
la pag. 59 jufqu'à la pag. 71 .
omis
par
Ann. litt. p. 292. On avance à la fin de
cette page que la premiere partie de ce
mémoire n'eft que l'abrégé des détails qu'on
lit dans la maifon ruftique & dans le dictionnaire
de Savary. Cet aveu eft un peu
oppofé au jugement que l'on porte ailleurs
208 MERCURE DE FRANCE.
de la totalité de l'ouvrage , en difant qu'il
péche d'un bout à l'autre par un défaut de
précifion. Il faut apparément excepter les
cinquante pages qui forment cet Abrégé
des détails qu'on trouve dans deux livres
eftimés.
Par cette remarque on veut fans doute ,
donner à entendre qu'on s'eft ici paré des
dépouilles d'autrui : c'eft pourtant ce que
n'a point fait l'auteur du mémoire. Il
avertit qu'il s'eft aidé de ces deux ouvrages,
& il auroit pu avancer , fans crainte d'être
dédit , qu'il y a dans cette premiere partie
plufieurs chofes qui viennent de fon fond.
J'ai remarqué entr'autres particularités ce
qu'on trouve pag. 12. touchant la formation
de la laine , pag 15. fur l'abus des
pelades , pag 32. fur la caufe phyfique de
la diverfité des laines , pag. 42. fur la différence
des climats de la France où la laine
croît abondamment.
Ibid. Peut-être eft ce de ma part manque
de jugement ou défaut de critique ;
mais je ne trouve aucune contradiction
dans ce que l'auteur du mémoire expofe
touchant les caufes phyfiques qui influent
fur la mauvaise qualité des laines du Levant
& du Nord . Voici le raifonnement
du critique dans tout fon jour. Le chaud
exceffif deffeche les laines du Levant ; le
T
OCTOBRE 1755 209
froid qu'on éprouve dans les régions feptentrionales
les plus reculées , occafionne
la dureté des laines qui y croiffent : or
l'Eſpagne étant un pays plus chaud que la
France , & l'Angleterre un pays plus froid ,
il fuit que nous devons dépouiller en France
des laines plus parfaites qu'en Angleterre
& qu'en Efpagne qui font deux pays
moins tempérés que le nôtre.
J'entrevois trois réponſes à cette diffité.
1° . L'Auteur du mémoire que l'on combat
, fe fait à lui -même cette objection à
la page 111 de fon écrit , il la nomme un
argument banal qu'il réfute affez bien,
20. Cette difficulté auroit quelque vraifemblance
, fi l'on attribuoit à la feule influence
du climat la perfection des laines
d'Efpagne & d'Angleterre ; mais on affure
encore ici que le dégré de bonté de ces
laines a auffi fa fource dans la qualité des
pâturages & dans l'importation d'une race
étrangere. La page 293 des Feuilles porte
expreflément cette remarque ; on y trouve
d'après le mémoire attaqué , les expreffions
fuivantes : Trois chofes ont concours
à donner aux laines d'Espagne & d'Angleterre
la fupériorité qu'elles ont fur les nôtres
la race , le climat & les pâturages.
3°. Je fuis étonné qu'une perfonne répandue
comme l'auteur des Feuilles ait
210 MERCURE DE FRANCE.
tardé jufqu'ici à fçavoir que le climat en
Angleterre eft beaucoup plus doux & plus
tempéré que le nôtre ; qu'il life Savary au
mot Laine : cet Auteur remarque que l'hyver
en Angleterre n'a point de rigueurs
qui obligent de renfermer les troupeaux
de bêtes blanches. On a fort bien démontré
dans le mémoire que la Caftille n'eſt pas
un pays fi chaud qu'on l'imagine communément
, la pofition de la Caftille étant
à celle de notre Languedoc , à peu près
comme la fituation refpective d'Orléans &
d'Amiens. Je tiens d'un Négociant efpagnol
fort inftruit que dans les montagnes
de Grenade & de Léon , & fur la plupart
des côtaux où l'on mene les bêtes blanches
pour pâturer , les chaleurs les plus vives de
l'été font beaucoup tempérées tant par les
abris que par les exhalaifons des vallées .
Ann. Litt. p. 298. Nous ne trouvons pas
que les préambules contenus dans cet écrit,
foient ou inutiles ou déplacés ; ils font communément
courts & bien écrits . Il est vrai
que celui fur lequel on tâche de jetter un
ridicule auroit pu être abrégé : mais ce
n'eft pas un hors - d'oeuvre diffus , comme
on femble l'infinuer. Il contient environ
trente- cinq lignes. Sur quoi il nous femble
que fi l'Auteur du mémoire vouloit
aller un jour en récriminant , il pourroit
OCTOBRE . 1755 . 211
prendre fon adverfaire en défaut , & le
forcer à reconnoître qu'il eft quelquefois
concis , s'il eft vrai qu'il ait eu le fecret de
faire l'hiſtoire des habits de tout le genre
humain depuis la création jufqu'à préfent
dans l'efpace d'environ trente- cinq lignes .
Ann. Litt . p. 295. Mais le point qui
paroît mériter l'attention de tout bon citoyen
, c'est l'endroit où l'auteur , fans en
apporter de raiſon , taxe d'infuffifans &
d'impoffibles les moyens par lefquels on
démontre qu'il feroit très-avantageux à
notre commerce d'importer en France une
race étrangere. Si l'adverfaire a raiſon ;
nos maîtres les plus habiles font dans le
tort , ou s'il n'entend pas la queftion , pour
quoi s'ingere-t-il à prononcer fans examen
fur une mariere auffi importante ? Voici un
raifonnement qu'on qualifie de fophifme.
Trois chofes ont concouru à l'amélioration
des laines d'Efpagne & d'Angleterre
; l'importation d'une race étrangere ,
le climat , les pâturages choifis : imitons
nos voisins , s'il eft poffible ; mais pour
le
faire avec fruit , quelle race tranfporterons-
nous ? Avons- nous dans quelque lieu
de notre France une température qui favorife
l'importation d'une race plus parfaite ?
avons- nous des pâturages où placer ces bêtes?
On prouve ainfi que nous pouvons imi212
MERCURE DE FRANCE.
.
ter les Efpagnols : car , dit-on , l'exportation
projettée a été heureufement tentée
dans l'une des extrémités méridionales de
notre France. Des bêtes efpagnoles placées
en Languedoc vers la fin du fiecle paffé ,
y portent préfentement des laines plus
fines , & du double plus abondantes que
les laines du pays. L'on ne s'en tient pas à
des témoignages vagues : l'on cite pour
garant l'auteur de la Maiſon ruftique ; on
indique la page & l'édition ; l'on tranfcrit
le texte ; on raifonne fur ce texte , on le
corrige & l'on conclud. Voyez le mém.
pag. 106.
A l'égard de l'exportation des bêtes
blanches hors du Royaume d'Angleterre
pour notre profit , l'on convient ici qu'elle
n'a pas encore eu lieu , mais on croit qu'en
plaçant cette race dans le territoire de Valogne
, & vers le bout de fa prefqu'ifle ,
elle ne peut manquer d'y fructifier ; l'air
& les pâturages y font les mêmes qu'en
Angleterre. Quel rifque peut-on courir en
hafardant ce tranſport ?
Ann. Litt . pag. 297. Je n'ai trouvé en
aucun endroit du mémoire qu'il faut que
nos laboureurs foient des philofophes . On
parle de laboureurs à deux repriſes différentes
. A la pag. 127 du Mémoire , l'on
confeille l'établiſſement d'une Académie
OCTOBRE 1755 213
économique , & l'on dit qu'il feroit à propos
d'agréger à cette compagnie des laboureurs
intelligens. Cet expédient nous paroît
bien imaginé . Pourquoi nos plus beaux
projets manquent- ils le plus fouvent de
réuffite ? c'est qu'on néglige l'artifan , c'eſt
qu'on ne confulte pas affez la nature &
qu'on veut la plupart du tems l'affervir
à des regles imaginées dans le cabinet.
Qu'on place à la tête d'une métairie le plus
célebre Géométre , il s'appercevra bientôt
qu'il eft moins philofophe en fait de culture
que le dernier de fes gens . Sans être
verfé dans la littérature , on peut devenir
philofophe : un métayer qui poffede bien
fon art , peut facilement le devenir dans
fa partie. Il est encore parlé de laboureurs
à la pag. 156. mais on y confidere les chofes
dans l'état préfent & le mot de philofophe
ne fe trouve pas une feule fois dans
tout l'article. On conclud en difant , qu'il
faut laiffer aux plus intelligens le foin de
leurs troupeaux , & éclairer fur leurs propres
intérêts ceux qui ne font pas affez
clairs-voyans ; qu'y a- t- il de répréhenſible
dans cet avis ?
Pag. 298 & 299. Ce qu'on débite en
finiffant , touchant la reffemblance des deux
éditions qu'on a données prefqu'à la fois ,
nous a paru fufceptible de quelque excep-
1
214 MERCURE DE FRANCE.
tion. Dès l'inftant que j'appris qu'il y avoit
à Amiens une édition de ce mémoire , l'envie
ne me vint pas de l'acquérir par la
raifon qu'une édition donnée poftérieurement
par fon auteur est toujours cenfée
preférable à l'autre , n'y eût-il même aucune
différence effective. Mais m'étant avifé
de confronter ce double ouvrage , je me
fuis apperçu que fans parler du ftyle qui eft
plus correct dans l'édition poftérieure , il
y a quant au fond des différences trèsremarquables.
Voici les plus effentielles.
Dans l'édition de Paris , on emploie
trois pages à faire l'hiftoire de l'amélioration
des laines d'Efpagne. On voit avec
plaifir paroître fucceffivement dans ce récit
Columelle , Dom Pedre IV, Ximenès ; rien
de tout cela dans l'édition d'Amiens. Il y
a même ici quelque chofe que l'Auteur a
foigneufement corrigé dans l'édition de
Paris. Il qualifie de vertueux prince Dom
Pedre le cruel , dont le regne fut fignalé
par tant d'inhumanités On ne parle dans
la premiere édition ni des négociations
d'Edouard IV, pour parvenir à avoir en
Angleterre des bêtes blanches pareilles à
celles de Caftille , non plus que des foins
d'Henri VIII & d'Elifabeth , relatifs à cet
objet .
L'Article II eft totalement changé dans
OCTOBRE . 1755. 215
l'édition postérieure , & on infinue dans
celle -ci des points de vue directement
oppofés à ceux qui font exposés dans la
premiere. En voici un exemple : dans l'édition
d'Amiens , on loue l'ordonnance de
1699 comme une loi avantageufe à notre
commerce , & l'on emploie dans l'édition
de Paris deux pages à prouver qu'une telle
loi eft abfolument mal entendue & tout-àfait
deftructive du commerce des laines .
Telles font les différences qui m'ont le
plus frappé.
Tout ceci n'empêche pas que le mémoire
ne fut très- digne du prix , indépendamment
de ces changemens ; mais la réforme
en queſtion ne peut que faire honneur à
l'exactitude & au défintéreſſement de
l'Auteur qui , quoique récompenſé , n'a
pas laiffé de travailler fur nouveaux frais.
Concluons de ce que j'ai dit jufqu'ici ,
que la critique énoncée dans l'Année littéraire
n'eft pas affez fondée. Ce n'est
pas que je veuille attribuer au mémoire
que je défends , un dégré d'irrépréhenfibilité
qu'il n'a pas. Le ftyle quoique
bon en général , pourroit être purgé
de quelques négligences qui font en petit
nombre. Quant au fond , nous jugeons
qu'on pouvoit abréger certains détails ;
mais tout bien examiné , la réforme ne.
216 MERCURE DE FRANCE.
peut aller à guere plus de deux pages fur
la totalité du mémoire. D'ailleurs , comme
on l'a judicieufement remarqué dans
le Journal de Trévoux , Juin. pag. 1432 :
Dans une affaire économique , il vaut mieux
expliquer les chofes en détail que de fe rendre
obfcur par un laconiſme mal entendu . Inférons
encore de tout ceci qu'au lieu de
décourager le zele de l'Auteur , il feroit
à defirer qu'il nous inftruisît un jour plus
à fond fur les détails qui concernent les
Artiſtes .
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Résumé : MANUFACTURES. RÉFLEXIONS sur la Critique d'un Mémoire sur les Laines, adressées à l'Auteur du Mercure.
Le texte est une critique d'un mémoire sur les laines, adressée à l'auteur du Mercure. L'auteur de la critique conteste une évaluation défavorable publiée dans l'Année littéraire. Plusieurs points de cette critique sont remis en question, notamment l'omission des noms de l'Académie d'Amiens et de son protecteur. De plus, l'accusation selon laquelle le mémoire ne traite pas de l'amélioration des laines d'Espagne et d'Angleterre est réfutée, car l'auteur du mémoire avait expliqué ces changements dès le début de la troisième partie de son ouvrage. La critique reproche également au mémoire de se contenter d'abréger des détails déjà présents dans d'autres ouvrages, comme la Maison rustique et le dictionnaire de Savary. Cependant, l'auteur du mémoire avait explicitement mentionné son utilisation de ces sources et avait ajouté des informations originales. L'auteur de la critique réfute aussi l'argument selon lequel le climat expliquerait la qualité supérieure des laines d'Espagne et d'Angleterre. Il souligne que d'autres facteurs, comme la qualité des pâturages et l'importation de races étrangères, jouent également un rôle crucial. Les préambules du mémoire sont jugés ni inutiles ni déplacés, et les moyens proposés pour améliorer les laines françaises sont considérés comme avantageux. La critique de l'Année littéraire est jugée non fondée, et le mémoire est considéré comme digne du prix qu'il a reçu. Quelques améliorations stylistiques et des abréviations de certains détails sont suggérées, mais l'auteur de la critique conclut que la réforme nécessaire ne dépasse pas deux pages sur l'ensemble du mémoire.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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