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1
p. 130-135
AUTRES OBSERVATIONS sur une Opération de la Taille.
Début :
NICOLAS Mouttier, agé de 67 ans, demeurant à Guitrancourt près de Mantes [...]
Mots clefs :
Opération, Vessie, Plaie, Pierre, Graviers
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texteReconnaissance textuelle : AUTRES OBSERVATIONS sur une Opération de la Taille.
AUTRES OBSERVATIONS fur une
Opération de la Taille.
NICOLAS Moutier, agé de 67 ans,
demeurant à Guitrancourt près de Mantes
fur Seine , fouffroit beaucoup depuis
longtemps d'une pierre qu'il avoit dans
la veffie ; les douleurs devenant chaque
jour plus aigues , il fe détermina
à venir à Paris ; m'ayant confulté für
fon état , je lui dis qu'il ne pouvoit
efpérer de foulagement que par l'opération
de la taille . S'y étant réfolu , il
entra chez moi le premier Août 1762.
Je le difpofai par quelques préparatifs.
J'en retranchai les faignées comme préjudiciables
à fon tempérament & à
fon âge ; je m'en tins à deux purgations
pour vuider les gros boyaux ; cette précaution
étant utile , parce qu'il pourroit
arriver que le rectum faifant faillie
par la préfence de quelques matières
fécales, on l'ouvrît ; dans la même
vue d'obvier à cet inconvénient , je
lui fis prendre également deux lavemens
quelques heures avant l'opération .
En cet état je la lui fis le cinquiéme
jour. Voici ce qui fe paffa de parFEVRIER.
1763 . 131
:
ticulier dès que j'eus faifi la pierre avec
la tenette elle étoit fi molle qu'à la
plus légère preffion que je fis elle s'écrafa
; il s'agiffoit de parvenir à nétoyer
tout-à-fait la veffie des fragmens de
pierre briſée . Ne pouvant le faire avec
des inftruments ordinaires , je fis ufage
des injections ; le fuccès n'ayant point
répondu à mes efpérances , je pris le
parti de faire mettre le malade dans le
it & de le laiffer un peu tranquille.
Pendant ce temps je fongeai à ce qu'il
y auroit à faire ; car fi j'en fuffe refté
là , ce pauvre homme auroit paffé par
une cruelle épreuve , fans en retirer de
grands avantages. Conduit par
nité , & l'honneur de ma profeflion ,
j'examinai d'abord pourquoi les injections
que j'avois faites lors de l'opération
avoient été infructueufes ; la caufe
m'en parut fenfible : c'eft que lorf
que je ceffois de pouffer l'injection, les
parois de la playe fe rapprochant , formoient
un obstacle à l'iffue des graviers ;
& il n'y avoit alors que le fluide qui
pût refortir.
l'huma-
Pour ne rien donner au hazard , je
paffai fcrupuleufement en revue tous
les moyens que l'art offre en pareil
cas ; ce fut la canulle que je crus pro-
F vi
132 MERCURE DE FRANCE .
pre à remplir mon deffein ; pour cela
je penfai qu'il n'étoit queſtion que
de la faire faire affez groffe pour que
les graviers puffent aifément paffer par
fon embouchure. Après que j'eus placé
cette canulle , comme cela ſe pratique
ordinairement , j'eus la fatisfaction
dès la premiere injection que je fis dans
la vente par fon moyen , de voir fortir
beaucoup de graviers;l'ayant répété dans
le même moment jufqu'à trois fois , il
en fortit avec la même abondance. Le
foir il en parut moins ; ayant continué
d'injecter le lendemain matin & le
foir il n'en fortit point du tout , ce qui
me donna lieu de penfer qu'il n'y en
avoit plus. La canulle devenant pour
lors corps inutile & étranger capable
de s'opposer à la réunion de la playe
je l'ôtai & abandonnai le tout à la nature
; il vint en même temps plufieurs
graviers qui s'étoient mis entre fes parois
& celle de la playe ; ils s'y étoient
fans doute gliffés dans le moment de
l'injection , & il n'y a rien d'étonnant ,
parce que je l'avois pouffée avec affez
de force.
,
Quoi qu'il en foit , après avoir enlevé
la canulle en queftion , l'urine commença
à reprendre fon cours par la
FEVRIER . 1763. 133
verge , ce qui alla toujours en aug-
-mentant au point que le douziéme
jour elle ceffa entierement
de paffer
par la playe pour fuivre fa route naturelle
; & le malade fe portant de mieux
en mieux , obtint enfin fa guérifon radicale
au bout de vingt- cinq jours. De
même qu'il n'avoit point été faigné
avant l'opération , il ne le fut point
non plus après , je le mis feulement
pendant quatre jours au fimple bouillon;
& malgré qu'il eût un peu de fiévre
, comme elle n'étoit que l'effet de
l'opération , je ne laiffai pas d'augmen laiſſai
ter promptement
l'ufage des alimens ,
& je lui fis boire de bon vin en quantité
fuffifante . Par cette conduite , je
parvins à tirer mon malade d'affaire ;
j'eus la fatisfaction de lui voir prendre
vigueur , fes forces s'accroître , & la
fiévre difparoître fucceflivement
.
Si j'euffe agi différemment , c'est- àdire
que je lui euffe fait faire plufieurs
faignées , & que je l'euffe privé pendant
trop longtemps d'alimens , je l'au
rois jetté dans l'affaiffement & par
conféquent dans la mélancolie , puifqu'il
eft vrai que la mauvaiſe fituation
du corps influe toujours fur celle
de l'âme.
,
134 MERCURE DE FRANCE.
Il auroit également pu arriver que
dans ce Sujet déja débile par l'âge &
fa mauvaiſe nourriture habituelle , on
eût encore diminué l'action du coeur
& celle des vaiffeaux ; qu'alors le fluide
artériel n'étant plus pouffé avec force
fuffifante pour pénétrer les plus petits
vaiffeaux , du nombre defquels font
ceux de la veffie , ces derniers n'euffent
point reçu affez de fang pour la nourrir
& revivifier les fluides , qui y féjournoient
par les contufions qui avoient
été les effets de l'opération & qu'en
cet état la veffie s'étant gangrénée le
malade eût péri.
Ce raifonnement fait bien voir qu'il
eft des cas où on peut s'éloigner de la
regle générale avec prudence ; on fçait
d'ailleurs qu'il faut des fucs nourriciers
pour la réunion d'une playe ; auffi celle
en queſtion étoit-elle baveufe dans les
commencemens : mais peu- à - peu & à
mefure des reftaurans que j'ai fait prendre
, elle eft devenue d'une bonne couleur
& la fuppuration s'y eft établie
parfaitement ; l'abondance des fucs &
leur bonne qualité ont même été
telles , que la réunion de la playe , ainſi
que je l'ai dit , s'eft faite en vingt -cinq
ours
FEVRIER. 1763. 135
Toutes ces circonftances annoncent
évidemment qu'outre la main , le Chirurgien
doit avoir une connoiffance
éxacte de l'oeconomie animale ; & lorfqu'il
ne la point , c'eft un navigateur
fans bouffole , incapable de prévoir aucun
danger.
Ce qu'il y a de certain , l'opération
dont je viens de rendre compte , n'eft
devenue laborieufe que par l'infuffifance
des inftrumens ordinaires ; fi je me
trouvois dans le même cas , je n'aurois
pas les mêmes embarras , au moyen de
ce que j'ai imaginé depuis un inftrument
qui forme une efpèce de cuillier de
plombier courbée & d'une grandeur à
pouvoir être introduite dans la veffie ,
& par fa courbure pouvoir auffi être
portée dans tous les endroits de la veffie :
ce qui donnera la facilité d'avoir la
pierre lorfqu'elle ne fera pas groffe fans
le fecours des pinces ; & ce qui peut être
avantageux non-feulement lorfque la
pierre eft molle , mais pour en avoir les
fragmens , en fuppofant qu'on n'eût pas
prévu cet inconvénient.
Par M. DEJEAN , Maître en Chirurgie
de Paris.
Opération de la Taille.
NICOLAS Moutier, agé de 67 ans,
demeurant à Guitrancourt près de Mantes
fur Seine , fouffroit beaucoup depuis
longtemps d'une pierre qu'il avoit dans
la veffie ; les douleurs devenant chaque
jour plus aigues , il fe détermina
à venir à Paris ; m'ayant confulté für
fon état , je lui dis qu'il ne pouvoit
efpérer de foulagement que par l'opération
de la taille . S'y étant réfolu , il
entra chez moi le premier Août 1762.
Je le difpofai par quelques préparatifs.
J'en retranchai les faignées comme préjudiciables
à fon tempérament & à
fon âge ; je m'en tins à deux purgations
pour vuider les gros boyaux ; cette précaution
étant utile , parce qu'il pourroit
arriver que le rectum faifant faillie
par la préfence de quelques matières
fécales, on l'ouvrît ; dans la même
vue d'obvier à cet inconvénient , je
lui fis prendre également deux lavemens
quelques heures avant l'opération .
En cet état je la lui fis le cinquiéme
jour. Voici ce qui fe paffa de parFEVRIER.
1763 . 131
:
ticulier dès que j'eus faifi la pierre avec
la tenette elle étoit fi molle qu'à la
plus légère preffion que je fis elle s'écrafa
; il s'agiffoit de parvenir à nétoyer
tout-à-fait la veffie des fragmens de
pierre briſée . Ne pouvant le faire avec
des inftruments ordinaires , je fis ufage
des injections ; le fuccès n'ayant point
répondu à mes efpérances , je pris le
parti de faire mettre le malade dans le
it & de le laiffer un peu tranquille.
Pendant ce temps je fongeai à ce qu'il
y auroit à faire ; car fi j'en fuffe refté
là , ce pauvre homme auroit paffé par
une cruelle épreuve , fans en retirer de
grands avantages. Conduit par
nité , & l'honneur de ma profeflion ,
j'examinai d'abord pourquoi les injections
que j'avois faites lors de l'opération
avoient été infructueufes ; la caufe
m'en parut fenfible : c'eft que lorf
que je ceffois de pouffer l'injection, les
parois de la playe fe rapprochant , formoient
un obstacle à l'iffue des graviers ;
& il n'y avoit alors que le fluide qui
pût refortir.
l'huma-
Pour ne rien donner au hazard , je
paffai fcrupuleufement en revue tous
les moyens que l'art offre en pareil
cas ; ce fut la canulle que je crus pro-
F vi
132 MERCURE DE FRANCE .
pre à remplir mon deffein ; pour cela
je penfai qu'il n'étoit queſtion que
de la faire faire affez groffe pour que
les graviers puffent aifément paffer par
fon embouchure. Après que j'eus placé
cette canulle , comme cela ſe pratique
ordinairement , j'eus la fatisfaction
dès la premiere injection que je fis dans
la vente par fon moyen , de voir fortir
beaucoup de graviers;l'ayant répété dans
le même moment jufqu'à trois fois , il
en fortit avec la même abondance. Le
foir il en parut moins ; ayant continué
d'injecter le lendemain matin & le
foir il n'en fortit point du tout , ce qui
me donna lieu de penfer qu'il n'y en
avoit plus. La canulle devenant pour
lors corps inutile & étranger capable
de s'opposer à la réunion de la playe
je l'ôtai & abandonnai le tout à la nature
; il vint en même temps plufieurs
graviers qui s'étoient mis entre fes parois
& celle de la playe ; ils s'y étoient
fans doute gliffés dans le moment de
l'injection , & il n'y a rien d'étonnant ,
parce que je l'avois pouffée avec affez
de force.
,
Quoi qu'il en foit , après avoir enlevé
la canulle en queftion , l'urine commença
à reprendre fon cours par la
FEVRIER . 1763. 133
verge , ce qui alla toujours en aug-
-mentant au point que le douziéme
jour elle ceffa entierement
de paffer
par la playe pour fuivre fa route naturelle
; & le malade fe portant de mieux
en mieux , obtint enfin fa guérifon radicale
au bout de vingt- cinq jours. De
même qu'il n'avoit point été faigné
avant l'opération , il ne le fut point
non plus après , je le mis feulement
pendant quatre jours au fimple bouillon;
& malgré qu'il eût un peu de fiévre
, comme elle n'étoit que l'effet de
l'opération , je ne laiffai pas d'augmen laiſſai
ter promptement
l'ufage des alimens ,
& je lui fis boire de bon vin en quantité
fuffifante . Par cette conduite , je
parvins à tirer mon malade d'affaire ;
j'eus la fatisfaction de lui voir prendre
vigueur , fes forces s'accroître , & la
fiévre difparoître fucceflivement
.
Si j'euffe agi différemment , c'est- àdire
que je lui euffe fait faire plufieurs
faignées , & que je l'euffe privé pendant
trop longtemps d'alimens , je l'au
rois jetté dans l'affaiffement & par
conféquent dans la mélancolie , puifqu'il
eft vrai que la mauvaiſe fituation
du corps influe toujours fur celle
de l'âme.
,
134 MERCURE DE FRANCE.
Il auroit également pu arriver que
dans ce Sujet déja débile par l'âge &
fa mauvaiſe nourriture habituelle , on
eût encore diminué l'action du coeur
& celle des vaiffeaux ; qu'alors le fluide
artériel n'étant plus pouffé avec force
fuffifante pour pénétrer les plus petits
vaiffeaux , du nombre defquels font
ceux de la veffie , ces derniers n'euffent
point reçu affez de fang pour la nourrir
& revivifier les fluides , qui y féjournoient
par les contufions qui avoient
été les effets de l'opération & qu'en
cet état la veffie s'étant gangrénée le
malade eût péri.
Ce raifonnement fait bien voir qu'il
eft des cas où on peut s'éloigner de la
regle générale avec prudence ; on fçait
d'ailleurs qu'il faut des fucs nourriciers
pour la réunion d'une playe ; auffi celle
en queſtion étoit-elle baveufe dans les
commencemens : mais peu- à - peu & à
mefure des reftaurans que j'ai fait prendre
, elle eft devenue d'une bonne couleur
& la fuppuration s'y eft établie
parfaitement ; l'abondance des fucs &
leur bonne qualité ont même été
telles , que la réunion de la playe , ainſi
que je l'ai dit , s'eft faite en vingt -cinq
ours
FEVRIER. 1763. 135
Toutes ces circonftances annoncent
évidemment qu'outre la main , le Chirurgien
doit avoir une connoiffance
éxacte de l'oeconomie animale ; & lorfqu'il
ne la point , c'eft un navigateur
fans bouffole , incapable de prévoir aucun
danger.
Ce qu'il y a de certain , l'opération
dont je viens de rendre compte , n'eft
devenue laborieufe que par l'infuffifance
des inftrumens ordinaires ; fi je me
trouvois dans le même cas , je n'aurois
pas les mêmes embarras , au moyen de
ce que j'ai imaginé depuis un inftrument
qui forme une efpèce de cuillier de
plombier courbée & d'une grandeur à
pouvoir être introduite dans la veffie ,
& par fa courbure pouvoir auffi être
portée dans tous les endroits de la veffie :
ce qui donnera la facilité d'avoir la
pierre lorfqu'elle ne fera pas groffe fans
le fecours des pinces ; & ce qui peut être
avantageux non-feulement lorfque la
pierre eft molle , mais pour en avoir les
fragmens , en fuppofant qu'on n'eût pas
prévu cet inconvénient.
Par M. DEJEAN , Maître en Chirurgie
de Paris.
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Résumé : AUTRES OBSERVATIONS sur une Opération de la Taille.
Le texte décrit l'opération d'un patient nommé Nicolas Moutier, âgé de 67 ans, souffrant d'une pierre dans la vessie. Les douleurs intenses l'ont poussé à consulter un chirurgien à Paris. Après évaluation, le chirurgien a recommandé une intervention chirurgicale. Moutier a été préparé par des purgations et des lavements avant l'opération, qui a eu lieu le 5 août 1762. Lors de l'intervention, la pierre s'est révélée molle et s'est brisée facilement, mais des fragments sont restés dans la vessie. Les injections initiales n'ont pas réussi à nettoyer complètement la vessie, obligeant le chirurgien à utiliser une canule pour extraire les graviers. Après plusieurs injections, la vessie a été nettoyée et la canule retirée. La guérison s'est achevée en vingt-cinq jours sans complications majeures. Le chirurgien a souligné l'importance de la nutrition et de l'hydratation pour éviter l'affaiblissement et la mélancolie du patient. Il a également insisté sur la nécessité pour un chirurgien de posséder une connaissance approfondie de l'anatomie et des techniques adaptées pour éviter les dangers. Enfin, il a mentionné l'invention d'un nouvel instrument destiné à faciliter les opérations futures.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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