ECLAIRCISSEMENT au sujet de
deux Theses de Medecine.Extrait d'une
Lettre , du 11 Mars 1733 .
J
E ne doute point que vous ne receviez
favorablement les Eclaircissemens
que je vous envoye , et qu'on semble
demander dans le Journal des Sçavans
, du mois de Février dernier. Il s'agit
d'une Question de Medecine.
Tout ce qui regarde cet Art est de consequence
, sur tout dans les points de
pratique. Dans le Journal on trouve deux
Théses , soutenues dans les Ecoles de Médecine
de Paris sur le Kermès Mineral ;
quoiqu'on les ait mises en parallele, nous
répondrons simplement à ce que la seconde
peut avoir d'obscur. A l'égard de
la premiere nous ne cherchons point à la
détruire. La nôtre n'a point été faite contr'elle
, on ne doit point être surpris de la
diversité de la conclusion. Les principes
ne sont point les mêmes.
I.Vtl. La
JUIN. 1733. 1065
La premiere , conseille le Kermès dans
les inflammations , parce que le Kermès
est Analogue , c'est - à - dire , a du rapport
avec l'humeur vitiée dans l'inflammation.
La nôtre le deffend , parce qu'il augmente
l'inflammation , poussant le sang
dans les vaisseaux Capillaires et Limphatiques
; Source unique des Inflammations
.
le
Mais on nous demande deux choses
la premiere est ,que puisque nous accor
dons que le Kermès atténue la Limphe ,
nous devrions l'employer , parce que la
Limphe attenuée et divisée peut agir
sur le sang , embarassé et poussé dans les
petits vaisseaux. Nous convenons que
Kermès atténue la Limphe , et que l'atténuer
c'est la mettte en état de dégluer et
débarrasser le sang ; mais comment le
Kermès atténue- t- il la Limphe d'une maniere
bien opposée à nos vûës ; il l'atténuë
comme sudorifique , il l'allume , il
l'embrase , il la met en fureur ; la Limphe
armée des parties sulphureuses er inflammables
du Kermès , donne au sang
une vivacité , une ardeur plus capable
d'augmenter l'embarras que de le diminuer
; il faut calmer , ne rien exciter ,
brider le mal , ne le point irriter , le Kermès
convient- il ?
1. Vol. Le
1c65 MERCURE DE FRANCE
Le second éclaircissement qu'on paroît
attendre de nous , est sur l'exemple dont
nous avons voulu fortifier notre These.
Nous proposons un cas où nous faisons
beaucoup briller les succès du Kermès ;
cet exemple paroît être une inflammation.
Il est vrai que c'est par où la maladie
a commencé ; mais le septième toute
la maladie change de face ; il y avoit
avant cela grande douleur de côté , fiévre
aiguë , crachement de sang .
›
Le poux dans le septiéme ne se sent
plus , l'expectoration ne se fait point , le
ventre se boursoufle ; sont- ce là les signes
de l'inflammation ? ou plutôt , n'est - ce
pas là une Métastase , c'est - à - dire , un
transport de l'humeur de la maladie dans
un autre ? Dans cet état il faut reveiller
ranimer ; on donne le Kerinès , nous en
attendons de grands succès, nous ne sommes
point trompez ; prouver qu'il convient
dans ce cas où il n'y a ni poux , ni
force , ni douleur de côté , &c. certainement
c'est prouver qu'il ne convient
point du tout dans les inflammations ;
l'expérience nous est donc fávorable¸
car nous ne sommes point du tout d'avis
de bannir le Kermès de la Medecine ,
soit parce que , comme quelques uns ont
dit , c'est un Remede nouveau , ou parce
I. Vol qu'il
JUIN. 1733
1067
qu'il a fait fortune par le moïen d'un
Frere Chartreux. Nous applaudissons à
son entrée dans la Médecine , pourvû
qu'il convienne quelquefois. Un Médecin
ne méprise rien , tout lui plaît , tout
lui sert dans l'unique but qu'il a de guérir
; nous n'avons que voulu faire voir
les cas où le Kermès ne convenoit pas ,
et ceux où il convenoit en general , pour
montrer aux jeunes Médecins de Province
à ne se point trop laisser entraîner par
le bruit des Conquêtes que l'on attribue
au Kermès minéral.