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1
p. 5-15
LE RUISSEAU AMANT, A LA PRAIRIE.
Début :
Quant à vos Amies qui trouvent mauvais que dans les / J'ay fait pour vous trouver un assez long voyage, [...]
Mots clefs :
Ruisseau, Prairie, Torrents, Source, Trésors
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texteReconnaissance textuelle : LE RUISSEAU AMANT, A LA PRAIRIE.
uant à
A
GALANT. 5
vos Amies qui trouvent mau- vais que dans les Fléches de l'A-- mour on ait pretendu que l'Or euſt une vertu infaillible pour adoucir la fierté desBelles , voicy une declaration en forme qui leur fera connoiſtre qu'on ne ſe fert pas toûjours des meſmes moyens pour réüſſir. Elle est d'un Amantqui pour gagner les bonnes graces de ſa Maîtreſſe,
ne trouve que de l'eau à luy of- frir. Comme l'offre eſt fort extraordinaire , le genre d'Amant l'eſt de meſme. C'est un Ruiffeau qui est devenu amoureux d'une Prairie. Unpeud'audian- ce, je vous conjure. Tout froid qu'il eſt ( car les Ruiſſeaux le font naturellement ) il debite ſes raiſons d'aſſez bonne gracepour meriter que vous l'écoutiez. Si quelqu'un dans voſtre Province
A iij
6 LE MERCVRE
(
-eſt embarraffé de l'Allégorie ,
-dites-luyqu'elle ne luy doit fai- re aucune peine , & que par ces Torrens qui font du fracas &dont les eaux ſe tariffent in- continent , il eſt aiſé d'enten- dre ces Amans qui fontd'abord de fi ardentes proteftations , &
qui ne ſçavent ce quec'eſtque d'aimer avec conſtance.
નોરલ
LE RVISSEAU
ΑΜΑΝΤ ,
A LA PRAIRIE.
J'Aylongfaitvoyage pour,vous trouver un affez.
Mon aimable Prairie , enfin je viens àvous ,
Recevezun Ruiffean dont lefort leplus doux
GALANT.
Serade voirſes eaux couler pourvostre usage.
C'est dans ceſeul espoir quesans aucun
repos, :
,
Depuis quej'ayquitéma Source ,
L'ay toûjours jusqu'icy continué ma course,
Toûjours roulé mespetits flots.
D'un coursprécipitéj'ay paſſé des Prai- ries
Où tout autre Ruiſſeau s'amuse avec
plaifir ;
Jen'ay point serpenté dansles Routes fleuries ,
Ien'enavois pas le loiſir.
Tel que vous me voyez , sçachez, ne vous déplaiſe,
(Car il est bon desefaire valoir )
Queplus d'une Prairie auroit esté bienaife De me donner paſſage,&de me rece- voir.
A iij
8 LE MERCVRE
Mais ce n'estoit pas là mon compte,
P'en fuſſe un peuplus tard arrivé dans
ceLien,
Etpar unefuite affez prompte ,
Gazoüillantfierement ,je leur diſoisadien.. :
Ilfautvousdire tout,lafeinte est inutile
I'en trouvois la plupart dignes de mes -refus;
Les unes entre nous,ſont d'accésfifacile,,
Que tous Ruisseaux y font les bien:
ورية
venus.
Ellesveulent toûjours en avoirun grand nombre ,
Etmay dans le grand nombre aussi - tost
je me pers ;
D'autresfont dans des lieux un peu trop
découverts ,
Et moy j'aime à couler à l'ombre.
L'estois bien inspiré de megarder pour
vons ;
GALANT.
:
9
Vous eſtes bien monfait ,jeſuis affez le voſtre ;
Mais aussi ,moy reçen ,n'en recevez
こ
point d'autre ,
Car jesuis un Ruiſſean jaloux.
Acela pres, qui n'estpas un grand vice,
l'ay d'affez bonnes qualitez
Ne craignez pas que jamais je tariffe,
Iepuis défier les Etez.
Ieſcay que certaines Prairies D'un Ruiffeau comme moy ne s'accom modent pas ; Ad Illeur faut ces Torrens quifont tant de fracas,
Mais fort ſouvent on voit leurs eaux
taries.
Mon cours entout temps est égal ,
Ieſuis tranquille &doux,nefais point
de ravage ;
Deplus ,je viens vousfaire hommage D'une eau pure comme cristal....
Il est telle Prairie,&peut-eſtre affez belle دو
A V
10 LE MERCVRE
د
Aqui leplus petit Ruiffean ,
Suivantſapente naturelle N'iroit jamais porterdeux goutes d'eau,
Amoins que détournépar un chemin
nouveau ,
Elle n'en amenaſt quelqu'un juſque chez
elle.
Mais pour vous ,sans vous mettre en frais ,
Sans vousfervir d'un pareil artifice ,
Vous voyez des Ruiſſeaux qui viennent
tout exprés Vous faire ofre de leur ſervice ,
Et le toutpourvos intéreſts.
Apreſent ,je l'avonë , on vous trouve agreable ,
Vous donnezduplaisir auxyeux;
Mais avecun Ruiſſeau ,rien n'est plus véritable ,
Que vous en vaudrez beaucoup mieux.
Decent Fleur, qui naiſtront vous vous
verrez ornée,
Ievous enrichiray deces nouveauxTré- fors,
GALANT. II
Et voustenant environnée ,
Avec mes eauxje munirayvos bords.
Reposez-vous sur moyduſoin de lesdé.
fendre;
Aquoyplus fortement puis-je m'inte.
reffer ?
Déja meſme en deux Bras iem'apreste àmefendre,
Pour tâcher de vous embraffer.
Mes ondes lentement de toutesparts errantes
Nepourrontde ce Lieu se résoudre à
partir;
Etquand i'aurayformé cent Routes di- férentes ,
Ie meperdray chez vous,plutoſt que d'enfortir.
Iesens, iesens mes eauxqui boüillonnentde ioye ,
Deles tantreteniràlafin ieſuis las ,
Ellesvontse répandre , & se faire une
voye,
Iln'estplus tempsàvous den'y conſentirpas.
4
Avj
A
GALANT. 5
vos Amies qui trouvent mau- vais que dans les Fléches de l'A-- mour on ait pretendu que l'Or euſt une vertu infaillible pour adoucir la fierté desBelles , voicy une declaration en forme qui leur fera connoiſtre qu'on ne ſe fert pas toûjours des meſmes moyens pour réüſſir. Elle est d'un Amantqui pour gagner les bonnes graces de ſa Maîtreſſe,
ne trouve que de l'eau à luy of- frir. Comme l'offre eſt fort extraordinaire , le genre d'Amant l'eſt de meſme. C'est un Ruiffeau qui est devenu amoureux d'une Prairie. Unpeud'audian- ce, je vous conjure. Tout froid qu'il eſt ( car les Ruiſſeaux le font naturellement ) il debite ſes raiſons d'aſſez bonne gracepour meriter que vous l'écoutiez. Si quelqu'un dans voſtre Province
A iij
6 LE MERCVRE
(
-eſt embarraffé de l'Allégorie ,
-dites-luyqu'elle ne luy doit fai- re aucune peine , & que par ces Torrens qui font du fracas &dont les eaux ſe tariffent in- continent , il eſt aiſé d'enten- dre ces Amans qui fontd'abord de fi ardentes proteftations , &
qui ne ſçavent ce quec'eſtque d'aimer avec conſtance.
નોરલ
LE RVISSEAU
ΑΜΑΝΤ ,
A LA PRAIRIE.
J'Aylongfaitvoyage pour,vous trouver un affez.
Mon aimable Prairie , enfin je viens àvous ,
Recevezun Ruiffean dont lefort leplus doux
GALANT.
Serade voirſes eaux couler pourvostre usage.
C'est dans ceſeul espoir quesans aucun
repos, :
,
Depuis quej'ayquitéma Source ,
L'ay toûjours jusqu'icy continué ma course,
Toûjours roulé mespetits flots.
D'un coursprécipitéj'ay paſſé des Prai- ries
Où tout autre Ruiſſeau s'amuse avec
plaifir ;
Jen'ay point serpenté dansles Routes fleuries ,
Ien'enavois pas le loiſir.
Tel que vous me voyez , sçachez, ne vous déplaiſe,
(Car il est bon desefaire valoir )
Queplus d'une Prairie auroit esté bienaife De me donner paſſage,&de me rece- voir.
A iij
8 LE MERCVRE
Mais ce n'estoit pas là mon compte,
P'en fuſſe un peuplus tard arrivé dans
ceLien,
Etpar unefuite affez prompte ,
Gazoüillantfierement ,je leur diſoisadien.. :
Ilfautvousdire tout,lafeinte est inutile
I'en trouvois la plupart dignes de mes -refus;
Les unes entre nous,ſont d'accésfifacile,,
Que tous Ruisseaux y font les bien:
ورية
venus.
Ellesveulent toûjours en avoirun grand nombre ,
Etmay dans le grand nombre aussi - tost
je me pers ;
D'autresfont dans des lieux un peu trop
découverts ,
Et moy j'aime à couler à l'ombre.
L'estois bien inspiré de megarder pour
vons ;
GALANT.
:
9
Vous eſtes bien monfait ,jeſuis affez le voſtre ;
Mais aussi ,moy reçen ,n'en recevez
こ
point d'autre ,
Car jesuis un Ruiſſean jaloux.
Acela pres, qui n'estpas un grand vice,
l'ay d'affez bonnes qualitez
Ne craignez pas que jamais je tariffe,
Iepuis défier les Etez.
Ieſcay que certaines Prairies D'un Ruiffeau comme moy ne s'accom modent pas ; Ad Illeur faut ces Torrens quifont tant de fracas,
Mais fort ſouvent on voit leurs eaux
taries.
Mon cours entout temps est égal ,
Ieſuis tranquille &doux,nefais point
de ravage ;
Deplus ,je viens vousfaire hommage D'une eau pure comme cristal....
Il est telle Prairie,&peut-eſtre affez belle دو
A V
10 LE MERCVRE
د
Aqui leplus petit Ruiffean ,
Suivantſapente naturelle N'iroit jamais porterdeux goutes d'eau,
Amoins que détournépar un chemin
nouveau ,
Elle n'en amenaſt quelqu'un juſque chez
elle.
Mais pour vous ,sans vous mettre en frais ,
Sans vousfervir d'un pareil artifice ,
Vous voyez des Ruiſſeaux qui viennent
tout exprés Vous faire ofre de leur ſervice ,
Et le toutpourvos intéreſts.
Apreſent ,je l'avonë , on vous trouve agreable ,
Vous donnezduplaisir auxyeux;
Mais avecun Ruiſſeau ,rien n'est plus véritable ,
Que vous en vaudrez beaucoup mieux.
Decent Fleur, qui naiſtront vous vous
verrez ornée,
Ievous enrichiray deces nouveauxTré- fors,
GALANT. II
Et voustenant environnée ,
Avec mes eauxje munirayvos bords.
Reposez-vous sur moyduſoin de lesdé.
fendre;
Aquoyplus fortement puis-je m'inte.
reffer ?
Déja meſme en deux Bras iem'apreste àmefendre,
Pour tâcher de vous embraffer.
Mes ondes lentement de toutesparts errantes
Nepourrontde ce Lieu se résoudre à
partir;
Etquand i'aurayformé cent Routes di- férentes ,
Ie meperdray chez vous,plutoſt que d'enfortir.
Iesens, iesens mes eauxqui boüillonnentde ioye ,
Deles tantreteniràlafin ieſuis las ,
Ellesvontse répandre , & se faire une
voye,
Iln'estplus tempsàvous den'y conſentirpas.
4
Avj
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Résumé : LE RUISSEAU AMANT, A LA PRAIRIE.
Le texte est une lettre poétique dans laquelle un ruisseau s'adresse à une prairie qu'il aime. Le ruisseau se décrit comme un amant déterminé à atteindre la prairie, soulignant sa constance et sa persévérance. Il mentionne avoir refusé d'autres prairies, soit parce qu'elles étaient trop faciles d'accès, soit parce qu'elles étaient trop exposées. Le ruisseau se distingue par ses qualités : il est constant, doux et ne tarit jamais, contrairement aux torrents qui, bien que bruyants, finissent souvent par se tarir. Il promet à la prairie de l'enrichir et de l'ornementer avec ses eaux pures, et de protéger ses bords. Le ruisseau exprime son désir de se répandre et de se perdre dans la prairie, manifestant ainsi sa passion et sa dévotion.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
s. p.
LA PRAIRIE AU RUISSEAU.
Début :
Je vous sçay bon gré, Madame, de l'amitié que vous / Que vostre éloignement m'a fait souffrir de peine ! [...]
Mots clefs :
Ruisseau, Mérite, Prairie, Amour, Fleuve, Mourir, Fleurs, Eaux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA PRAIRIE AU RUISSEAU.
E vous ſçay bon gré ,
Madame , de l'amitié
que vous témoignez avoir priſe pour le Ruiflſeau.
Elle ne me furprend point.
Vous avez l'eſprit délicat , &
j'eſtois perfuade en vous l'en- voyant , qu'il ſeroit favorable- ment reçeu. Comme le meri- te fait effet par tout , ce RuifTome X. A
12 LE MERCVRE
ſeau que vous appellez le plus galant des Ruiſſeaux, avoit fait un ſi grand bruit par les avan- tages que promettoit l'égalité de fon cours , que toutes les Prairies qui pouvoient préten- dre à ſes complaiſances, étoient charmées de ſa reputation.
Ainfi, quoyque ce foit quelque choſe d'aſſez fingulier qu'un Ruiſſeau Amant , celle qui euit la gloire de s'attirer ſon hom- mage , avoit déja entendu par- lerde ce qu'il valoit , & vous pouvez croire que l'offre de ſes ſoins ne luy déplût pas.
Vous en jugerez par cette Ré- ponſe qu'elle luy fit , aprés l'a- voir écouté ſans l'interrompre.
GALANT. 3
LA PRAIRIE
AU RUISSEAU.
Ve voſtre éloignement Q fouffrir de peine m'a fait
IeSéchoisſur lepied de me voir loin de
vous,
le n'avois plus de Fleurs , &j'estois
entre nous ,
Semblable à ces guérets que l'on voit dansles Plaines;
Mais puisque je vous voy , je m'en vay refleurir ,
Etfeûre de vos Eaux , je nesçaurois
perir.
Mais puis-je me flaterque ces Eaux fi cheries,
Ne coulent quepourmoy ? n'est- il point dePrairies
Dont l'émail éclatant puiſſe arreſter
Iecrainstout , mais enfin ie ne lepen- vos pas?
Sepas.
٤٠
A ij
4 LE MERCVRE
Vous estes décendu d'une Source trop
pure,
Pourternirparcette action Vostre crystal, &vostre nom ;
Etsi j'en croy voſtre murmure,
Vous ne ferez jamais inconstant ny parjure.
Cependant la rapidité Dont je vous voy courir le longdece rivage,
Estde vostre infidelité
Vnaffezfuneste préſage.
Ah, fi pour mon malheur , commeun Ruiſſeau volage ,
Aprèsavoir ſçeu m'engager,
Ie voyois voſtre cours ailleurs se parDe
3
tager,
combien de Soucis
remplie?
me verrois-je
Mais quand onva fi viſte,il fautqu'on
foit leger ;
Etfi ie m'en rapporte à ce qu'on en publie,
Vous estessujet àchanger.
GALANT.
Iefuisjalouſeenfin , &quand l'Ocean mesme ,
Richede tant de flots qu'il reçoit dans
Sonfein,
Anroitpourmoy quelque deſſein ,
Si ſon amourn'estoit extrême ,
J'aimerois cent fois mieux un fidelle Ruiffean Qui pourThétis , ny pourfon Diadéme ,
Ne voudroit pas ailleurs puiſer deux
goutes d'eau ;
Voilacomme ie fuis , &c'est ainsi que
j'aime.
Neme voir qu'en courant ! ah ien'ofe ypenser,
LeSens àce discours mes Fleurs se hé- riffer,
Et le Cruel Hyver me donne moins d'aLarmes:
Helas, où courez-vous ? coulez plus lentement ,
LeLitque je vous offre a- t-ilfi peu de charmes,
Qu'il ne puiſſe fixer la courſe d'un Amant ? A iij
6 LE MERCVRE
Venez vous égayer au bord de nos Fontaines ,
Leurs ondesparvostre moyen Se trouveront en moinsde rien
DesHélicons,desHippocrenes ,
Car ie n'ignore pas au bruit que vous
menez
Quevous boüillez de vousy rendre,
C'estvainement que vous tournez,
Ieſçayque c'est làvoſtretendre.
Quevous diray-jeplus ? jaydes tapis deFleurs
Surquivouspourezvous étendre,
L'Aurorechaque jour lesbaigne de
Sespleurs Quicompofent undouxmélange Quifaithonte à la fleur d'Orange.
Ah laiſſez- voustenter ! au nomde nos
amours
Faitesfurvousquelques retours,
Et coulez tout au moins avecplus de
pareſſe :
Sivous n'arrestez vostre cours,
Vous allez dans la Mer vous perdre Pour toûjours,
GALANT. 7
7
Et ieneSeray plus qu'un objet ſteſſe ;
de triMais c'est envainque ie vouspreſſe Deretarder un peu vostre extréme vi teffe ,
Etqu'un vent opposé seconde mes fou- haits;
L'Amour &lesRuiffeauxne remontens
-jamais.
Iene demande point que vous veniez Sans ceffe M'arroser nuit &iour fechereffe
non , quelque
Qui puiſſe me brûler, ie nem'en plain- draypas,
Pourven qu'en d'antres lieux, toûjours fidelle &tendre ,
VosEaux , vos cheres Eaux ,n'aillent
point se répandre ;
le ne me fonde point sur mes foibles
appas ,
Quoy qu'un Fleuve pompeux ſuivy de
cent Rivieres,
Quifont ſes humbles Tributaires,
En ſuperbe appareil me vienne tous les
ans
A ij
8 LE MERCVRE
Apporter sur mes bords cent liquides prefens.
Mais ilfaut dire tont , c'est un Fleuve volage Dont les débordemens Sans mesure ny choix
S'étendent dans les Champs ainsi que dansles Bois.
Qui peut s'accommoder d'un ſemblable
partage,
Ne me reſſemble pas : Euffiez- vous plus d'attraits
Que l'on ne voit d'Epis chez la blonde Cerés,
Si vous alliez ainsi de rivage en ri
vage,
Ie vous préfererois le moindre Maré
cage,
Et deuſſay-je en mourir, je romprois
Madame , de l'amitié
que vous témoignez avoir priſe pour le Ruiflſeau.
Elle ne me furprend point.
Vous avez l'eſprit délicat , &
j'eſtois perfuade en vous l'en- voyant , qu'il ſeroit favorable- ment reçeu. Comme le meri- te fait effet par tout , ce RuifTome X. A
12 LE MERCVRE
ſeau que vous appellez le plus galant des Ruiſſeaux, avoit fait un ſi grand bruit par les avan- tages que promettoit l'égalité de fon cours , que toutes les Prairies qui pouvoient préten- dre à ſes complaiſances, étoient charmées de ſa reputation.
Ainfi, quoyque ce foit quelque choſe d'aſſez fingulier qu'un Ruiſſeau Amant , celle qui euit la gloire de s'attirer ſon hom- mage , avoit déja entendu par- lerde ce qu'il valoit , & vous pouvez croire que l'offre de ſes ſoins ne luy déplût pas.
Vous en jugerez par cette Ré- ponſe qu'elle luy fit , aprés l'a- voir écouté ſans l'interrompre.
GALANT. 3
LA PRAIRIE
AU RUISSEAU.
Ve voſtre éloignement Q fouffrir de peine m'a fait
IeSéchoisſur lepied de me voir loin de
vous,
le n'avois plus de Fleurs , &j'estois
entre nous ,
Semblable à ces guérets que l'on voit dansles Plaines;
Mais puisque je vous voy , je m'en vay refleurir ,
Etfeûre de vos Eaux , je nesçaurois
perir.
Mais puis-je me flaterque ces Eaux fi cheries,
Ne coulent quepourmoy ? n'est- il point dePrairies
Dont l'émail éclatant puiſſe arreſter
Iecrainstout , mais enfin ie ne lepen- vos pas?
Sepas.
٤٠
A ij
4 LE MERCVRE
Vous estes décendu d'une Source trop
pure,
Pourternirparcette action Vostre crystal, &vostre nom ;
Etsi j'en croy voſtre murmure,
Vous ne ferez jamais inconstant ny parjure.
Cependant la rapidité Dont je vous voy courir le longdece rivage,
Estde vostre infidelité
Vnaffezfuneste préſage.
Ah, fi pour mon malheur , commeun Ruiſſeau volage ,
Aprèsavoir ſçeu m'engager,
Ie voyois voſtre cours ailleurs se parDe
3
tager,
combien de Soucis
remplie?
me verrois-je
Mais quand onva fi viſte,il fautqu'on
foit leger ;
Etfi ie m'en rapporte à ce qu'on en publie,
Vous estessujet àchanger.
GALANT.
Iefuisjalouſeenfin , &quand l'Ocean mesme ,
Richede tant de flots qu'il reçoit dans
Sonfein,
Anroitpourmoy quelque deſſein ,
Si ſon amourn'estoit extrême ,
J'aimerois cent fois mieux un fidelle Ruiffean Qui pourThétis , ny pourfon Diadéme ,
Ne voudroit pas ailleurs puiſer deux
goutes d'eau ;
Voilacomme ie fuis , &c'est ainsi que
j'aime.
Neme voir qu'en courant ! ah ien'ofe ypenser,
LeSens àce discours mes Fleurs se hé- riffer,
Et le Cruel Hyver me donne moins d'aLarmes:
Helas, où courez-vous ? coulez plus lentement ,
LeLitque je vous offre a- t-ilfi peu de charmes,
Qu'il ne puiſſe fixer la courſe d'un Amant ? A iij
6 LE MERCVRE
Venez vous égayer au bord de nos Fontaines ,
Leurs ondesparvostre moyen Se trouveront en moinsde rien
DesHélicons,desHippocrenes ,
Car ie n'ignore pas au bruit que vous
menez
Quevous boüillez de vousy rendre,
C'estvainement que vous tournez,
Ieſçayque c'est làvoſtretendre.
Quevous diray-jeplus ? jaydes tapis deFleurs
Surquivouspourezvous étendre,
L'Aurorechaque jour lesbaigne de
Sespleurs Quicompofent undouxmélange Quifaithonte à la fleur d'Orange.
Ah laiſſez- voustenter ! au nomde nos
amours
Faitesfurvousquelques retours,
Et coulez tout au moins avecplus de
pareſſe :
Sivous n'arrestez vostre cours,
Vous allez dans la Mer vous perdre Pour toûjours,
GALANT. 7
7
Et ieneSeray plus qu'un objet ſteſſe ;
de triMais c'est envainque ie vouspreſſe Deretarder un peu vostre extréme vi teffe ,
Etqu'un vent opposé seconde mes fou- haits;
L'Amour &lesRuiffeauxne remontens
-jamais.
Iene demande point que vous veniez Sans ceffe M'arroser nuit &iour fechereffe
non , quelque
Qui puiſſe me brûler, ie nem'en plain- draypas,
Pourven qu'en d'antres lieux, toûjours fidelle &tendre ,
VosEaux , vos cheres Eaux ,n'aillent
point se répandre ;
le ne me fonde point sur mes foibles
appas ,
Quoy qu'un Fleuve pompeux ſuivy de
cent Rivieres,
Quifont ſes humbles Tributaires,
En ſuperbe appareil me vienne tous les
ans
A ij
8 LE MERCVRE
Apporter sur mes bords cent liquides prefens.
Mais ilfaut dire tont , c'est un Fleuve volage Dont les débordemens Sans mesure ny choix
S'étendent dans les Champs ainsi que dansles Bois.
Qui peut s'accommoder d'un ſemblable
partage,
Ne me reſſemble pas : Euffiez- vous plus d'attraits
Que l'on ne voit d'Epis chez la blonde Cerés,
Si vous alliez ainsi de rivage en ri
vage,
Ie vous préfererois le moindre Maré
cage,
Et deuſſay-je en mourir, je romprois
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Résumé : LA PRAIRIE AU RUISSEAU.
Le texte présente une correspondance poétique entre un ruisseau et une prairie. L'auteur exprime sa gratitude à une dame pour son amitié envers un ruisseau nommé le Ruisseau, qu'elle décrit comme le 'plus galant des Ruisseaux'. Ce ruisseau est apprécié pour ses avantages et son égalité de cours, ce qui a attiré l'intérêt de nombreuses prairies. La prairie, après avoir entendu les hommages du ruisseau, lui répond en exprimant son désir de refleurir grâce à ses eaux. Cependant, elle craint l'infidélité du ruisseau, symbolisée par sa rapidité et sa tendance à changer de cours. La prairie avoue sa jalousie et préfère un ruisseau fidèle plutôt qu'un océan riche en flots. Elle invite le ruisseau à s'égayer au bord de ses fontaines et à ralentir son cours pour éviter de se perdre dans la mer. Malgré ses supplications, la prairie reconnaît que l'amour et les ruisseaux ne remontent jamais. Elle exprime sa préférence pour la fidélité plutôt que pour les débordements d'un fleuve volage. La prairie souhaite un ruisseau constant et fidèle, capable de rester à ses côtés sans se laisser emporter par d'autres courants.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 25-45
Voyage de Dijon à Paris, fait en 1746.
Début :
Amis, vous attendez sans doute [...]
Mots clefs :
Voyage, Paris, Dijon, Amour, Coeur, Feuillage, Plaisir, Flots, Prairie, Ruisseau, Larmes, Vin, Dieu, Fleurs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Voyage de Dijon à Paris, fait en 1746.
Voyage de Dijon à Paris , fait en 1746.
A Mis , vous attendez fans doute
Que je vous faffe le récit
Bien détaillé , de ce qu'en route
J'ai vu , j'ai fçu , j'ai fait , j'ai dit :
Oui , je m'en vais fur mon hiftoire
De mon mieux vous entretenir ;
Sans peine vous pouvez me croire ,
Vous le fçavez , il eſt notoire
Qu'un Bourguignon ne peut mentir.
D'être par- tout bien véritable ,
Je ne le
promets pourtant pas :
Car bien fouvent il eft des cas ,
Où pour rendre plus agréable
La fatigante vérité ,
Il faut du manteau de la Fable
Couvrir fa trifte nudité.
Vous l'avouerez ; mais que ma Muſe
Et vous inftruiſe & vous amuſe ,
Hélas ! je n'ofe m'en flater ;
N'importe , plein de confiance ,
Pour répondre à votre eſpérance ,
J'oſe tout faire & tout tenter.
Attention , faites filence ;
Je prends la plume , je commence :
II. Vol. B
26 MERCURE DE FRANCE .
Or , vous plaît-il de m'écouter.
Je vous quittai avec tous les fentimens
d'une parfaite reconnoiffance & d'une
amitié fincere. MM ...... me reconduifirent
jufqu'au bas de Talent ; là je reçus
leurs adieux , & je les embraffai le regret
dans le coeur :
Mais nous voilà dans l'équipage ,
Des fouets l'air a retenti :
Santé conftante & bon voyage ;
Allons , cocher ; on eft parti.
Nous nous trouvâmes fept dans la voiture
; mais plaignez-moi avec ce nombre .
Pas un minois qu'on pût baiſer ;
Pas une femme un peu jolie ,
Vers qui tout bas l'on pût jafer ,
Dont je puffe pour m'amufer
Faire en chemin ma bonne amie.
C'étoit d'un côté un homme fort ennuyeux
, qui fe nommoit M. Chufer , avec
le Sr Taillard , dont tout Paris fans doute
connoîtra bientôt les talens fupérieurs qu'il
a pour la flûte. Une femme âgée occupoit
le fond .
A côté de cette vieille ama
JUIN.
27 1755 .
Etoit affis un Provençal ;
Du Provençal & de la Dame
Je ne dirai ni bien ni mal.
Mais fi j'ai mérité l'Enfer ,
Seigneur , modere ta juftice ,
Et ne mets pas pour mon fupplice ,
A mes côtés M. Chufer.
Sur ce qui refte il faut fe taire ;
Car nous ne sommes plus que trois ,
Qui font B ....moi , mon frere ,
Que bien vous connoiffez , je crois .
Arrivés au Val- de- Suzon , on nous fervit
à déjeûner.
Des écreviffes & des truites :
En ce pays , quoique petites ,
Cela fait un mets excellent ,
Quand dans du vin rouge ou du blanc
Au petit lard elles font cuites :
Nous allâmes dîner à Saint- Seine .
C'eſt-là que coule cette fource
Qui , répandant au loin fes flots,
Porte fes ondes aux Badauts ,
Et dans la mer finit la courfe.
Le foir nous arrivâmes à Chanceaux, ou
Bij
28 MERCURE DE FRANCE .
nous foupâmes de bon appétit : nous fumes
un peu furpris de voir notre hôte malade
d'une fievre maligne , chercher à la guérir
avec du vin qu'il buvoit avec une confiance
dont il devoit tout appréhender . Comme
nous lui en marquions notre étonnement ,
il nous répondit avec naïveté que ce qui
* faifor du bé ne pòvor fare du man ; & en
effet
Un Bourguignon peut-il penfer
Qu'un demi- Dieu , comme Efculape ;
En pouvoir puiffe ſurpaſſer
Le Dieu qui fait naître la grappe ?
Non , non ,
dans vos heureux climats
Le vin , cette liqueur divine
Préferve un homme du trépas ,
Lorfqu'en ceux-ci la Médecine
Les jette tous entre les bras
De la cruelle Libitine.
Je cheminois paifiblement , laiffant errer
avec volupté mes yeux fur les objets qui ,
à mesure que nous avancions , fe découvroient
à ma vûe : vous fçavez comme j'aime
la campagne , & combien je fuis touché
de fes agrémens . Qu'avec bien du
plaifir je promenai mes regards fur cette
* Patois Bourguignon , que ce qui faiſoit dų
bien ne pouvoit faire du mal,
JUIN. 1755 29
belle vallée qui s'offre fur la gauche en arrivant
à Montbard ! la variété des objets
en fait un très -beau lieu : on voit une chaî
ne de montagnes qui bornent l'horizon
mais qui s'étendant au loin & fe perdant
dans l'éloignement , font douter à l'azur
qui colore leur cîme n'eft point celui dont
s'embellit le firmament , tant les plus lointaines
extrêmités femblent fe confondre
avec le ciel. En revenant de fi loin , la vûe
fe ramene fur les collines , que les regards
avoient d'abord faifies . Sur leur penchant
on voit plufieurs maifons de Laboureurs
qui dominent une prairie riche de tout ce
qui rend une campagne belle & fertile.
Tout cela mériteroit fans doute les honneurs
de la Poëfie ; mais je n'ofe me croire
capable de peindre ces beautés d'une maniere
neuve & originale.
La Peinture , la Poëfie
Dans leurs payſages rians ,
Les miracles de la fêrie
N'ont pas des lieux auffi charmans,
O beaux vallons , où le Penée
Paifiblement roule fes eaux !
M'offririez -vous tous les tableaux
De cette rive fortunée ?
Quelle aimable diverfité !
Fontaines , bois , côteaux , montagnes ,
Biij
30 MERCURE DE FRANCE.
Tout ce qu'ont d'attraits les campagnes
S'offroit à mon cel enchanté.
Une fi douce rêverie
Vint furprendre tous mes efprits :
Je fus fi tendrement épris
Des charmes de la bergerie ,
Qu'en vérité dans ma folie
J'eufle donné tout ce Paris
Pour un hameau dans la prairie
Qu'en Peintre vrai je vous décris .
Au milieu de ces idées j'eus la fantaiſie ,
malgré l'extrême chaleur , de voir de plus
près cette belle vallée : je deſcendis du car-
∙roffe , & après avoir adoré les Divinités du
pays , je m'avançai fous leurs aufpices vers
un petit bois , d'où pouvant confiderer tout
le champêtre des environs , je goûtai encore
la fraîcheur d'unefontaine qui y couloit
: ah ! dis- je , en me couchant fur l'herbe
qui tapiffoit fes bords ,
Ici Phoebus ne porte point ſes traits ;
Que je chéris cette humide fontaine ,
Où le tilleul fous un feuillage épais ,
Contre les feux m'offre une ombre certaine !
Ces bois , ces eaux ont pour moi mille attraits ;
Mais des vallons il s'éleve un vent frais
Qui fur les fleurs le joue & fe promene ;
Venez , Zéphir , je vous ouvre mon fein ,
JUIN. 1755. 31
.
Pénétrez-moi de vos fraiches haleines ,
Calmez l'ardeur qu'allume dans mes veines
De Syrius l'aftre aride & mal fain.
*
Si je chéris les bois & les prairies ,
Léger Zéphir , je n'y cherche que vous ;
Vous réparez mes forces affoiblies ,
1
Et je vous dois un repos qui m'eſt doux ;
En ce moment vous feul me rendez chere
Cette retraite obfcure & folitaire :
Loin des cités , dans le calme & la paix ,
Parmi les fleurs , la mouffe & la fougere ,
Pour refpirer votre vapeur légere ,
Toujours puiffai -je errer dans ces bofquets .
J'eus à peine achevé cette priere qu'un
air plus vif s'éleva autour de moi en frémiffant
légerement ; mais je fus bien furpris
, quand après quelques momens de repos
voulant m'éloigner & reprendre ma
route , je me fentis enveloppé par un tourbillon
& emporté dans les airs ,
d'où je
defcendis doucement près de la voiture ,
qui déja s'étoit fort éloignée ; je ne doupas
que Zéphyr par une faveur particuliere
, ne m'eût enlevé fur fes aîles , afin
de m'éviter un trajet que rendoit pénible
l'extrême chaleur.
tai
Je repris ma place dans la voiture en
* Etoile qui eft à la tête de la canicule.
Biv
32 MERCURE DE FRANCE.
regrettant un fi beau lieu , & j'arrivai à
Montbard. Si vous prenez garde aux deux
mots qui compofent le nom de cette ville ,
vous préfumerez comme moi qu'elle étoit
jadis une retraite des anciens Bardes . Les
Bardes étoient tous Poëtes , & ils étoient
appellés Sages parmi les Gaulois : il y a
aujourd'hui bien du déchet ; mais avançons.
>
Pendant qu'on nous apprêtoit à dîner
nous allâmes voir la maifon de M. de B...
Gouverneur de Montbard . Tout y paroît
appartenir à un Philoſophe aimable ; des
appartemens nous montâmes à la terraffe ,
où nous vîmes à l'extrêmité d'un petit jardin
un joli fallon tout en coquilles de diverfes
couleurs ; il eft tout fimple d'imaginer
que c'eft la grotte de quelques Nymphes
du voisinage.
Oui , par ce tiffu de coquilles
Qui forme ce fallon charmant ,
On croit que c'est l'appartement
De quelques Nayades gentilles ,
Qui laffes de refter dans l'eau
Et de courir dans la prairie ,
Viennent par fois dans ce château
Egayer leur mélancolie .
Le lendemain nous arrivâmes à Auxerre
JUIN. 7755
33
où nous couchâmes , & qui me parut une
ville peu agréable ; Villeneuve- le - Roi où l'on
ne compte qu'une belle rue , me plairoit
mieux nous y foupâmes le lendemain ;
il faifoit extrêmement chaud . Dès que je
fus arrivé , je me fentis une envie preffante
de m'aller baigner ; je me rendis fur
les bords de l'Yonne , je vis le Dieu du
Aleuve qui fe promenoit avec une pompe
& un appareil qui m'en impoferent : je
craignis de trouver du danger où je
voyois tant de majeſté ; je me retirai &
je fus m'affeoir vers un petit ruiffeau ombragé
de faules qui venoit s'y rendre . Je
m'affis ; bientôt j'éprouvai ce calme & ce
filence intérieur où nous livre la folitude ;
mais comme l'idée de la galanterie vient
naturellement s'unir aux impreffions que
laiffe un lieu agréable , je me mis à rêver
à une volage , & de la fouhaiter à mes côtés
: je difois ,
Je viens m'affeoir fur le rivage
De ce ruiffeau lympide & frais ;
Recevez-moi , faules épais ,
Sous votre agréable feuillage :
Dans ce beau lieu je veux en paix
Goûter le charme de l'ombrage
Que ce lit de mouffe à d'attraits
Pour mon coeur né fenfible & tendre !
~
BV
34 MERCURE DE FRANCE.
Pour le plaifir qu'il eft bien fait !
D'un doux tranfport , à cet objet ,
Mes fens ne peuvent fe défendre.
Je rêve ! .... &pouffe des foupirs ! ....
Et pourquoi cette inquiétude ? .
Délicieufe folitude ,
Manque-t - il rien à vos plaifirs ? ....
Foulant tous deux cette herbe épaiffe ,
Je voudrois lire mon bonheur ,
Dans les beaux yeux de ma maîtreffe.
Amour !... fixe pour moi fon coeur.
Mais enfin , continuai - je , pourquoi
nourrir plus long- tems une paffion inutile
qui me caufe du trouble ? profitons plutôt
& fans diftraction des plaifirs fimples &
tranquilles que la nature me préfente.
Je m'entretenois ainfi ,
Quand j'apperçus à mes côtés
Une Nymphe , dont le corfage
Offroit aux yeux plus de beautés
Que n'en avoit fon beau vifage :
Avec de grands cheveux nattés ,
Des fleurs diverfes qu'on moiffonne
Sur ces rivages enchantés ,
Elle portoit une couronne.
Je regrettois une friponne ;
Une Nymphe offroit à mes fens
Ces appas qu'amour abandonne
JUIN.
35 1755.
Aux feux libertins des amans :
Pouvois- je donc pleurer long- tems ?
Cédant aux erreurs de mon âge ,
J'oubliai tout en les voyant ,
Et je goûtai cet avantage
D'aimer enfin moins triftement.
Pardonnez ce libertinage :
Mais au récit où je m'engage
De conter tout ingénument ,
Vous m'avouerez qu'il eft plus fage ,
Plus doux auffi , plus confolant ,
Quand une ingrate nous outrage
D'échapper à l'amour conſtant
Pour courir à l'amour volage .
Je vous connois ; oui , je le gage ,
Vous en auriez fait tout autant .
Mais néanmoins à cette vûe ,
Saifi de trouble & l'ame émue ,
Je me cachai dans les rofeaux :
Ne craignez rien , s'écria -t -elle ,
Berger , je fuis une immortelle ,
Fille du fouverain des flots ;
C'est moi qui dans cette prairie
Fais couler ce petit ruiſſeau ;
Venez , la fraîcheur de fon eau
A vous y baigner vous convie.
Rien ne peut-il calmer vos feux ,
Ajoûta-t-elle avec tendreffe ?
B vj
36 MERCURE DE FRANCE
Ah ! queje hais cette maîtreffe
Qui fe refuſe à tous vos voeux.
Ne formez que d'aimables noeuds ;
Comme l'amour ayez des aîles ;
Jeune & difcret , loin des cruelles
Vous méritez d'être un heureux .
Vous le ferez , féchez vos larmes ,
Regnez fur mon coeur , fur ces lieux ;
Je n'ai peut-être pas fes charmes ,
Mais je fçaurai vous aimer mieux.
Qu'une Déeffe eft féduiſante !
Ah ! m'écriai -je , tout m'enchante ,
Tout me captive en ce féjour ;
Tout eft ici , Nymphe charmante ,
Digne de vous & de l'amour .
Vous voyez qu'à fon compliment
Où j'entrevis de la tendreffe ,
Je répondis à la Déeſſe
Par un propos affez galant .
Après ces mots , plein d'affurance
Avec yvreffe je m'élance ,
Et me laiffe aller dans les bras
De mon aimable Néreïde ,
Qui vers la demeure liquide
Elle-même guida mes pas.
Les peupliers fur mon paffage
Sembloient doucement agiter
Et leurs rameaux & leur feuillage ,
JUIN. 37. 1755
Ils paroiffoient nous inviter
Arepofer fous leur ombrage.
D'un mouvement vif & léger
Les cignes avançoient fur l'onde ,
Et fans mourir ils frappoient l'air
Du chant le plus tendre du monde .
Parmi leurs fons mélodieux ,
Mais cependant moins gracieux
Que les accens de Jéliotte ,
Nous arrivâmes à la grotte
Où j'allois voir combler mes voeux.
Je pourrois en dire davantage ; mais ne
feroit ce pas manquer aux Dieux que de
revéler leurs myfteres à des profanes : j'a
joûte pourtant
Que cette jeune Déïté ,
Par fon doux & tendre langage ,
Tint long-tems mon coeur enchanté
Et fçut , quoique je fois né fage ,
Me faire aimer la volupté.
Le moment vint de nous féparer : que
ne fit- elle pas pour me retenir ! Calipfo ne !
mit pas enen ufage plus de charmes pour ar
rêter le fils du vieux Laërte : mais comme
ce héros , je fçus y réfifter ; je lui fis enfin
mes derniers adieux . Ses bras s'ouvrirent
pour m'embraffer : ah , dit - elle en verfant
les plus tendres larmes , je méritois
38 MERCURE DE FRANCE.
que vous euffiez voulu couler avec moi le
refte de vos jours ; fi vous m'avez chérie ,
continua - t- elle , ne me refufez pas ce baifer
; laiffez - moi ravir au fort qui vous
éloigne de moi , cette joie qui pour moi
fera la derniere. Adieu.
Chere Nymphe , m'écriai - je , je la regardois
dans ce moment :
Mais quelles furent mes alarmes
D'appercevoir ce corps fi beau ,
De mes mains s'écouler en larmes ,
Et ne plus être qu'un ruiffeau ;
Dont l'onde tranſparente & pure
Se ramaffant contre mon fein ,
Avec le plus trifte murmure
Autour de moi forme un baffin.
1
Je m'y plongeai avec tranſport , & après
m'y être baigné une heure j'en fortis avec
trifteffe . Que n'étions-nous au fiécle des
métamorphofes !
C Ainfi que
bien des malheureux
Qu'en fes écrits célebre Ovide ,
J'aurois pû demander aux Dieux
De devenir un corps fluide ,
Et j'euffe été fans doute heureux
En mêlant mes flots amoureux
Aux ondes que la Neréide
Epanchoit de fon fein humide ;
JUIN. 39 1755 .
Comme un fleuve majestueux ,
Qui voit croître en fon cours fa gloire & fa fortune
De mes deftins trop glorieux ,
On ne m'eût jamais vû dans le fein de Neptune ,
Porter des flots ambitieux ;
Mais , ruiffeau toujours grácieux ,
D'un cours égal , jamais rapide ,
Avec elle d'une eau lympide
J'euffe arrofé toujours ces lieux.
Mais , comme vous voyez , l'immortalité
me devenoit impoffible.
De maniere qu'en un moment
Je m'éloignai de la fontaine ,
Comme j'étois auparavant ,
Revêtu de ma forme humaine ;
Et P ..... tout uniment.
-
Je retournai à mon auberge , où je mangeai
de très - bonne grace : le fouper étoit
bon ; nous eûmes la précaution de mettre
une couple de poulets entre deux croûtes
pour en déjeûner le lendemain . Effectivement
, après avoir marché quelque tems ,
nous nous écartâmes de la voiture.
Puis fur la molle & tendre herbette ,
Sans nappe mife , fans affiette ,
A l'ombre d'un vieux chêne affis ,
40 MERCURE DE FRANCE.
Des deux croûtes d'un pain raffis
N'ayant que mes doigts pour fourchette ;
Je tirai nos poulets rôtis .
En même tems de ma pochette
Je fis fortir un doux flacon
D'où j'aillit un vin bourguignon ,
Qui nous rafraîchit la luette .
Après avoir bû amplement à votre fanté
, nous regagnâmes le coche. Nous arrivâmes
le foir à Joigny pour en repartir le
lendemain avant le jour : on nous éveilla
à deux heures ; le ciel étoit pur & clair , &
promettoit une belle matinée. Je me propofai
d'examiner fi les defcriptions qu'en
font les Poëtes étoient exactes , d'en étudier
tous les momens & d'en fuivre les accidens
& les circonftances : une heure après
notre départ je me fis ouvrir la portiere ,
& laiffant mes compagnons de voyage
dormir profondément, je continuai la route
à pied.
Un crépuscule encor peu für
Ne laiffoit voir loin du village ,
Que le chaume & le faîte obfcur
Des cabanes du voifinage ,
Que quelques pins , dont le feuillage
S'étoit découpé fur l'azur
D'un ciel ſerein & fans nuage,
JUIN. 41 17558
Je difois , heureux laboureurs ,
Maintenant un fommeil paisible
Sur vous prodigue fes faveurs ;
Et fi l'amour eft dans vos coeurs ,
A l'amour feul il eft poffible
D'en interrompre les douceurs .
En s'éloignant des coeurs profanes
Cet enfant ne dédaigne pas
D'habiter vos humbles cabanes ;
Il aime à voler fur les pas ,
A folâtrer entre les bras
De ces gentilles payſannes ,
Dont lui-même orne les appas.
C'eft aux champs qu'amour prit naiffance ,
Il y lança fes premiers traits ;
Sur les habitans des forêts
Venus exerça fon enfance.
Eh ! qu'il acquit d'expérience !
Bientôt les hommes & les Dieux
Contre lui furent fans défenſe ;
Des bois il vola dans les cieux ;
Mais il chérit toujours les lieux ,
Premiers témoins de fa puiffance.
De l'Hefperus l'aftre brillant
Ne regne plus fur les étoiles ,
L'ombre s'éloigne , & dans fes voiles
Se précipite à l'occident .
Mais un rayon vif de lumiere
42 MERCURE DE FRANCE.
S'eft élancé de l'horizon ;
Voici l'époufe de Titon , •
Qui du jour ouvre la barriere.
Sur un char peint de cent couleurs
Viens , Aurore , avec tous tes charmes ,
Viens & répands de tendres larmes
Sur les gazons & fur les fleurs.
Que ces momens font enchanteurs !
Un verd plus frais , de ce feuillage
A ranimé le doux éclat ;
En reprenant ſon incarnat ,
La jeune fleur , au badinage
Du papillon vif & volage
Ouvre fon vafe délicat ;
Il fuit , & je vois cet ingrat
Porter à toutes fon hommage.
Que l'air eft pur ; quelle fraîcheur !
Du fein humide dés fougeres
S'exhale une fuave odeur ,
Qu'en frémiffant avec douceur ,
Au loin fur fes aîles légeres
Porte & difperfe un vent flateur.
Une langueur délicieuſe
Coule en mes fens .... ah ! quel plaifir !
Je ne fçais quoi vient me faifir
Qui rend mon ame plus heureuſe .
Mais la fauvette à fon reveil
Des bois a rompu le filence :
J'entends fa voix , & du ſoleil
JUIN.
43
1755-
Ses chants m'annoncent la préfence.
Déja brille fur les guerêts
Le fer aigu de la charrue ;
L'adroit chaffeur dans les forêts
Attend qu'épris des doux attraits
De l'herbette fraîche & menue
Le levreau vienne dans ſes rêts
Chercher une mort imprévûe.
Bientôt au fon des chalumeaux
Que les Bergeres font entendre
Les bercails s'ouvrent , les
agneaux
Sous la houlette vont ſe rendre ;
Je les vois fortir des hameaux ,
Et fous les yeux d'un chien fidele .
Couvrir les rives des ruiffeaux ,
Se répandre fur les côteaux
Où croit le thyn qui les appelle ,
Jufqu'au moment où la chaleur
En deffechant les pâturages ,
Les fera fuir dans les bocages
Pour goûter l'ombre & la fraîcheur ,
Cette belle matinée me caufa le plaifir le
plus pur que j'aie reffenti de ma vie . Ce
charme eft inexprimable : qu'avec admiration
mes yeux fe tournerent vers l'orient !
Flambeau du jour , aftre éclatant ,
D'un Dieu caché , viſible image ,
Vous m'avez vû dans ce moment
44 MERCURE DE FRANCE.
>
Par mes tranfports vous rendre hommage.
A ce fpectacle encor nouveau
O foleil ! je te fis entendre
Cet hymne digne de Rameau ,
Où fur leurs temples mis en cendre ,
Les Incas chantent leurs regrets ,
Et rendent grace à tes bienfaits
Toujours fur eux prêts à defcendre.
Bientôt je remontai dans le coche mieux
inftruit par la nature elle- même que par
tout ce que j'avois vû , & chez les anciens
& chez les modernes , & dans les Poëtes
& chez les Peintres.
Jufqu'à Melun il ne nous arriva rien
de particulier , finon qu'à Villeneuve - la-
Guyard nous vîmes arriver une chaife de
pofte , d'où fortirent un jeune homme de
fort bonne mine , & un autre qui paroiffoit
plus jeune ; mais le tein délicat de celui-
ci & le ton de fa voix nous firent deviner
que l'un étoit une jeune fille déguifée
, & l'autre fon amant.
C'étoit fans doute un féducteur ,
Qui loin du toît trifte & grondeur
D'une maman toujours mauvaiſe ,
De fa maîtreffe amant vainqueur ,
Avec elle fuyoit en chaife ,
Afin qu'il pût tout à fon aiſe
JUIN.
45 1755.
En poffeder le petit coeur.
Le lendemain nous dînâmes à Moret
d'où nous partîmes pour aller coucher ,
Melun. Nous traverfâmes la forêt de Fontainebleau
: qu'elle est belle ! Nous arrivâmes
de bonne heure à Melun , où ne fçachant
que faire nous allâmes voir les marionettes.
Polichinelle & Gigogne fa mie
Avoient l'heur de nous divertir :
Je l'avouerai , je pris quelque plaifir
A voir dans fa bouffonnerie
Un automate amufer mon loifir
Mieux qu'un trifte mortel dont le bon fens m'en
nuie.
Le lendemain nous arrivâmes fains &
gais à Paris.
Et c'eft de ce même Paris
Qu'imitant le gentil Chapelle ,
En profe , en vers je vous écris.
Adieu , je gagne ma ruelle ;
Bon foir , adieu , mes chers amis.
Je me fens flaté de ce titre ;
Et fuis , ma foi , par fentiment ,
Meffieurs , ce qu'au bout d'une épitre
On dit être par compliment.
P .....
A Mis , vous attendez fans doute
Que je vous faffe le récit
Bien détaillé , de ce qu'en route
J'ai vu , j'ai fçu , j'ai fait , j'ai dit :
Oui , je m'en vais fur mon hiftoire
De mon mieux vous entretenir ;
Sans peine vous pouvez me croire ,
Vous le fçavez , il eſt notoire
Qu'un Bourguignon ne peut mentir.
D'être par- tout bien véritable ,
Je ne le
promets pourtant pas :
Car bien fouvent il eft des cas ,
Où pour rendre plus agréable
La fatigante vérité ,
Il faut du manteau de la Fable
Couvrir fa trifte nudité.
Vous l'avouerez ; mais que ma Muſe
Et vous inftruiſe & vous amuſe ,
Hélas ! je n'ofe m'en flater ;
N'importe , plein de confiance ,
Pour répondre à votre eſpérance ,
J'oſe tout faire & tout tenter.
Attention , faites filence ;
Je prends la plume , je commence :
II. Vol. B
26 MERCURE DE FRANCE .
Or , vous plaît-il de m'écouter.
Je vous quittai avec tous les fentimens
d'une parfaite reconnoiffance & d'une
amitié fincere. MM ...... me reconduifirent
jufqu'au bas de Talent ; là je reçus
leurs adieux , & je les embraffai le regret
dans le coeur :
Mais nous voilà dans l'équipage ,
Des fouets l'air a retenti :
Santé conftante & bon voyage ;
Allons , cocher ; on eft parti.
Nous nous trouvâmes fept dans la voiture
; mais plaignez-moi avec ce nombre .
Pas un minois qu'on pût baiſer ;
Pas une femme un peu jolie ,
Vers qui tout bas l'on pût jafer ,
Dont je puffe pour m'amufer
Faire en chemin ma bonne amie.
C'étoit d'un côté un homme fort ennuyeux
, qui fe nommoit M. Chufer , avec
le Sr Taillard , dont tout Paris fans doute
connoîtra bientôt les talens fupérieurs qu'il
a pour la flûte. Une femme âgée occupoit
le fond .
A côté de cette vieille ama
JUIN.
27 1755 .
Etoit affis un Provençal ;
Du Provençal & de la Dame
Je ne dirai ni bien ni mal.
Mais fi j'ai mérité l'Enfer ,
Seigneur , modere ta juftice ,
Et ne mets pas pour mon fupplice ,
A mes côtés M. Chufer.
Sur ce qui refte il faut fe taire ;
Car nous ne sommes plus que trois ,
Qui font B ....moi , mon frere ,
Que bien vous connoiffez , je crois .
Arrivés au Val- de- Suzon , on nous fervit
à déjeûner.
Des écreviffes & des truites :
En ce pays , quoique petites ,
Cela fait un mets excellent ,
Quand dans du vin rouge ou du blanc
Au petit lard elles font cuites :
Nous allâmes dîner à Saint- Seine .
C'eſt-là que coule cette fource
Qui , répandant au loin fes flots,
Porte fes ondes aux Badauts ,
Et dans la mer finit la courfe.
Le foir nous arrivâmes à Chanceaux, ou
Bij
28 MERCURE DE FRANCE .
nous foupâmes de bon appétit : nous fumes
un peu furpris de voir notre hôte malade
d'une fievre maligne , chercher à la guérir
avec du vin qu'il buvoit avec une confiance
dont il devoit tout appréhender . Comme
nous lui en marquions notre étonnement ,
il nous répondit avec naïveté que ce qui
* faifor du bé ne pòvor fare du man ; & en
effet
Un Bourguignon peut-il penfer
Qu'un demi- Dieu , comme Efculape ;
En pouvoir puiffe ſurpaſſer
Le Dieu qui fait naître la grappe ?
Non , non ,
dans vos heureux climats
Le vin , cette liqueur divine
Préferve un homme du trépas ,
Lorfqu'en ceux-ci la Médecine
Les jette tous entre les bras
De la cruelle Libitine.
Je cheminois paifiblement , laiffant errer
avec volupté mes yeux fur les objets qui ,
à mesure que nous avancions , fe découvroient
à ma vûe : vous fçavez comme j'aime
la campagne , & combien je fuis touché
de fes agrémens . Qu'avec bien du
plaifir je promenai mes regards fur cette
* Patois Bourguignon , que ce qui faiſoit dų
bien ne pouvoit faire du mal,
JUIN. 1755 29
belle vallée qui s'offre fur la gauche en arrivant
à Montbard ! la variété des objets
en fait un très -beau lieu : on voit une chaî
ne de montagnes qui bornent l'horizon
mais qui s'étendant au loin & fe perdant
dans l'éloignement , font douter à l'azur
qui colore leur cîme n'eft point celui dont
s'embellit le firmament , tant les plus lointaines
extrêmités femblent fe confondre
avec le ciel. En revenant de fi loin , la vûe
fe ramene fur les collines , que les regards
avoient d'abord faifies . Sur leur penchant
on voit plufieurs maifons de Laboureurs
qui dominent une prairie riche de tout ce
qui rend une campagne belle & fertile.
Tout cela mériteroit fans doute les honneurs
de la Poëfie ; mais je n'ofe me croire
capable de peindre ces beautés d'une maniere
neuve & originale.
La Peinture , la Poëfie
Dans leurs payſages rians ,
Les miracles de la fêrie
N'ont pas des lieux auffi charmans,
O beaux vallons , où le Penée
Paifiblement roule fes eaux !
M'offririez -vous tous les tableaux
De cette rive fortunée ?
Quelle aimable diverfité !
Fontaines , bois , côteaux , montagnes ,
Biij
30 MERCURE DE FRANCE.
Tout ce qu'ont d'attraits les campagnes
S'offroit à mon cel enchanté.
Une fi douce rêverie
Vint furprendre tous mes efprits :
Je fus fi tendrement épris
Des charmes de la bergerie ,
Qu'en vérité dans ma folie
J'eufle donné tout ce Paris
Pour un hameau dans la prairie
Qu'en Peintre vrai je vous décris .
Au milieu de ces idées j'eus la fantaiſie ,
malgré l'extrême chaleur , de voir de plus
près cette belle vallée : je deſcendis du car-
∙roffe , & après avoir adoré les Divinités du
pays , je m'avançai fous leurs aufpices vers
un petit bois , d'où pouvant confiderer tout
le champêtre des environs , je goûtai encore
la fraîcheur d'unefontaine qui y couloit
: ah ! dis- je , en me couchant fur l'herbe
qui tapiffoit fes bords ,
Ici Phoebus ne porte point ſes traits ;
Que je chéris cette humide fontaine ,
Où le tilleul fous un feuillage épais ,
Contre les feux m'offre une ombre certaine !
Ces bois , ces eaux ont pour moi mille attraits ;
Mais des vallons il s'éleve un vent frais
Qui fur les fleurs le joue & fe promene ;
Venez , Zéphir , je vous ouvre mon fein ,
JUIN. 1755. 31
.
Pénétrez-moi de vos fraiches haleines ,
Calmez l'ardeur qu'allume dans mes veines
De Syrius l'aftre aride & mal fain.
*
Si je chéris les bois & les prairies ,
Léger Zéphir , je n'y cherche que vous ;
Vous réparez mes forces affoiblies ,
1
Et je vous dois un repos qui m'eſt doux ;
En ce moment vous feul me rendez chere
Cette retraite obfcure & folitaire :
Loin des cités , dans le calme & la paix ,
Parmi les fleurs , la mouffe & la fougere ,
Pour refpirer votre vapeur légere ,
Toujours puiffai -je errer dans ces bofquets .
J'eus à peine achevé cette priere qu'un
air plus vif s'éleva autour de moi en frémiffant
légerement ; mais je fus bien furpris
, quand après quelques momens de repos
voulant m'éloigner & reprendre ma
route , je me fentis enveloppé par un tourbillon
& emporté dans les airs ,
d'où je
defcendis doucement près de la voiture ,
qui déja s'étoit fort éloignée ; je ne doupas
que Zéphyr par une faveur particuliere
, ne m'eût enlevé fur fes aîles , afin
de m'éviter un trajet que rendoit pénible
l'extrême chaleur.
tai
Je repris ma place dans la voiture en
* Etoile qui eft à la tête de la canicule.
Biv
32 MERCURE DE FRANCE.
regrettant un fi beau lieu , & j'arrivai à
Montbard. Si vous prenez garde aux deux
mots qui compofent le nom de cette ville ,
vous préfumerez comme moi qu'elle étoit
jadis une retraite des anciens Bardes . Les
Bardes étoient tous Poëtes , & ils étoient
appellés Sages parmi les Gaulois : il y a
aujourd'hui bien du déchet ; mais avançons.
>
Pendant qu'on nous apprêtoit à dîner
nous allâmes voir la maifon de M. de B...
Gouverneur de Montbard . Tout y paroît
appartenir à un Philoſophe aimable ; des
appartemens nous montâmes à la terraffe ,
où nous vîmes à l'extrêmité d'un petit jardin
un joli fallon tout en coquilles de diverfes
couleurs ; il eft tout fimple d'imaginer
que c'eft la grotte de quelques Nymphes
du voisinage.
Oui , par ce tiffu de coquilles
Qui forme ce fallon charmant ,
On croit que c'est l'appartement
De quelques Nayades gentilles ,
Qui laffes de refter dans l'eau
Et de courir dans la prairie ,
Viennent par fois dans ce château
Egayer leur mélancolie .
Le lendemain nous arrivâmes à Auxerre
JUIN. 7755
33
où nous couchâmes , & qui me parut une
ville peu agréable ; Villeneuve- le - Roi où l'on
ne compte qu'une belle rue , me plairoit
mieux nous y foupâmes le lendemain ;
il faifoit extrêmement chaud . Dès que je
fus arrivé , je me fentis une envie preffante
de m'aller baigner ; je me rendis fur
les bords de l'Yonne , je vis le Dieu du
Aleuve qui fe promenoit avec une pompe
& un appareil qui m'en impoferent : je
craignis de trouver du danger où je
voyois tant de majeſté ; je me retirai &
je fus m'affeoir vers un petit ruiffeau ombragé
de faules qui venoit s'y rendre . Je
m'affis ; bientôt j'éprouvai ce calme & ce
filence intérieur où nous livre la folitude ;
mais comme l'idée de la galanterie vient
naturellement s'unir aux impreffions que
laiffe un lieu agréable , je me mis à rêver
à une volage , & de la fouhaiter à mes côtés
: je difois ,
Je viens m'affeoir fur le rivage
De ce ruiffeau lympide & frais ;
Recevez-moi , faules épais ,
Sous votre agréable feuillage :
Dans ce beau lieu je veux en paix
Goûter le charme de l'ombrage
Que ce lit de mouffe à d'attraits
Pour mon coeur né fenfible & tendre !
~
BV
34 MERCURE DE FRANCE.
Pour le plaifir qu'il eft bien fait !
D'un doux tranfport , à cet objet ,
Mes fens ne peuvent fe défendre.
Je rêve ! .... &pouffe des foupirs ! ....
Et pourquoi cette inquiétude ? .
Délicieufe folitude ,
Manque-t - il rien à vos plaifirs ? ....
Foulant tous deux cette herbe épaiffe ,
Je voudrois lire mon bonheur ,
Dans les beaux yeux de ma maîtreffe.
Amour !... fixe pour moi fon coeur.
Mais enfin , continuai - je , pourquoi
nourrir plus long- tems une paffion inutile
qui me caufe du trouble ? profitons plutôt
& fans diftraction des plaifirs fimples &
tranquilles que la nature me préfente.
Je m'entretenois ainfi ,
Quand j'apperçus à mes côtés
Une Nymphe , dont le corfage
Offroit aux yeux plus de beautés
Que n'en avoit fon beau vifage :
Avec de grands cheveux nattés ,
Des fleurs diverfes qu'on moiffonne
Sur ces rivages enchantés ,
Elle portoit une couronne.
Je regrettois une friponne ;
Une Nymphe offroit à mes fens
Ces appas qu'amour abandonne
JUIN.
35 1755.
Aux feux libertins des amans :
Pouvois- je donc pleurer long- tems ?
Cédant aux erreurs de mon âge ,
J'oubliai tout en les voyant ,
Et je goûtai cet avantage
D'aimer enfin moins triftement.
Pardonnez ce libertinage :
Mais au récit où je m'engage
De conter tout ingénument ,
Vous m'avouerez qu'il eft plus fage ,
Plus doux auffi , plus confolant ,
Quand une ingrate nous outrage
D'échapper à l'amour conſtant
Pour courir à l'amour volage .
Je vous connois ; oui , je le gage ,
Vous en auriez fait tout autant .
Mais néanmoins à cette vûe ,
Saifi de trouble & l'ame émue ,
Je me cachai dans les rofeaux :
Ne craignez rien , s'écria -t -elle ,
Berger , je fuis une immortelle ,
Fille du fouverain des flots ;
C'est moi qui dans cette prairie
Fais couler ce petit ruiſſeau ;
Venez , la fraîcheur de fon eau
A vous y baigner vous convie.
Rien ne peut-il calmer vos feux ,
Ajoûta-t-elle avec tendreffe ?
B vj
36 MERCURE DE FRANCE
Ah ! queje hais cette maîtreffe
Qui fe refuſe à tous vos voeux.
Ne formez que d'aimables noeuds ;
Comme l'amour ayez des aîles ;
Jeune & difcret , loin des cruelles
Vous méritez d'être un heureux .
Vous le ferez , féchez vos larmes ,
Regnez fur mon coeur , fur ces lieux ;
Je n'ai peut-être pas fes charmes ,
Mais je fçaurai vous aimer mieux.
Qu'une Déeffe eft féduiſante !
Ah ! m'écriai -je , tout m'enchante ,
Tout me captive en ce féjour ;
Tout eft ici , Nymphe charmante ,
Digne de vous & de l'amour .
Vous voyez qu'à fon compliment
Où j'entrevis de la tendreffe ,
Je répondis à la Déeſſe
Par un propos affez galant .
Après ces mots , plein d'affurance
Avec yvreffe je m'élance ,
Et me laiffe aller dans les bras
De mon aimable Néreïde ,
Qui vers la demeure liquide
Elle-même guida mes pas.
Les peupliers fur mon paffage
Sembloient doucement agiter
Et leurs rameaux & leur feuillage ,
JUIN. 37. 1755
Ils paroiffoient nous inviter
Arepofer fous leur ombrage.
D'un mouvement vif & léger
Les cignes avançoient fur l'onde ,
Et fans mourir ils frappoient l'air
Du chant le plus tendre du monde .
Parmi leurs fons mélodieux ,
Mais cependant moins gracieux
Que les accens de Jéliotte ,
Nous arrivâmes à la grotte
Où j'allois voir combler mes voeux.
Je pourrois en dire davantage ; mais ne
feroit ce pas manquer aux Dieux que de
revéler leurs myfteres à des profanes : j'a
joûte pourtant
Que cette jeune Déïté ,
Par fon doux & tendre langage ,
Tint long-tems mon coeur enchanté
Et fçut , quoique je fois né fage ,
Me faire aimer la volupté.
Le moment vint de nous féparer : que
ne fit- elle pas pour me retenir ! Calipfo ne !
mit pas enen ufage plus de charmes pour ar
rêter le fils du vieux Laërte : mais comme
ce héros , je fçus y réfifter ; je lui fis enfin
mes derniers adieux . Ses bras s'ouvrirent
pour m'embraffer : ah , dit - elle en verfant
les plus tendres larmes , je méritois
38 MERCURE DE FRANCE.
que vous euffiez voulu couler avec moi le
refte de vos jours ; fi vous m'avez chérie ,
continua - t- elle , ne me refufez pas ce baifer
; laiffez - moi ravir au fort qui vous
éloigne de moi , cette joie qui pour moi
fera la derniere. Adieu.
Chere Nymphe , m'écriai - je , je la regardois
dans ce moment :
Mais quelles furent mes alarmes
D'appercevoir ce corps fi beau ,
De mes mains s'écouler en larmes ,
Et ne plus être qu'un ruiffeau ;
Dont l'onde tranſparente & pure
Se ramaffant contre mon fein ,
Avec le plus trifte murmure
Autour de moi forme un baffin.
1
Je m'y plongeai avec tranſport , & après
m'y être baigné une heure j'en fortis avec
trifteffe . Que n'étions-nous au fiécle des
métamorphofes !
C Ainfi que
bien des malheureux
Qu'en fes écrits célebre Ovide ,
J'aurois pû demander aux Dieux
De devenir un corps fluide ,
Et j'euffe été fans doute heureux
En mêlant mes flots amoureux
Aux ondes que la Neréide
Epanchoit de fon fein humide ;
JUIN. 39 1755 .
Comme un fleuve majestueux ,
Qui voit croître en fon cours fa gloire & fa fortune
De mes deftins trop glorieux ,
On ne m'eût jamais vû dans le fein de Neptune ,
Porter des flots ambitieux ;
Mais , ruiffeau toujours grácieux ,
D'un cours égal , jamais rapide ,
Avec elle d'une eau lympide
J'euffe arrofé toujours ces lieux.
Mais , comme vous voyez , l'immortalité
me devenoit impoffible.
De maniere qu'en un moment
Je m'éloignai de la fontaine ,
Comme j'étois auparavant ,
Revêtu de ma forme humaine ;
Et P ..... tout uniment.
-
Je retournai à mon auberge , où je mangeai
de très - bonne grace : le fouper étoit
bon ; nous eûmes la précaution de mettre
une couple de poulets entre deux croûtes
pour en déjeûner le lendemain . Effectivement
, après avoir marché quelque tems ,
nous nous écartâmes de la voiture.
Puis fur la molle & tendre herbette ,
Sans nappe mife , fans affiette ,
A l'ombre d'un vieux chêne affis ,
40 MERCURE DE FRANCE.
Des deux croûtes d'un pain raffis
N'ayant que mes doigts pour fourchette ;
Je tirai nos poulets rôtis .
En même tems de ma pochette
Je fis fortir un doux flacon
D'où j'aillit un vin bourguignon ,
Qui nous rafraîchit la luette .
Après avoir bû amplement à votre fanté
, nous regagnâmes le coche. Nous arrivâmes
le foir à Joigny pour en repartir le
lendemain avant le jour : on nous éveilla
à deux heures ; le ciel étoit pur & clair , &
promettoit une belle matinée. Je me propofai
d'examiner fi les defcriptions qu'en
font les Poëtes étoient exactes , d'en étudier
tous les momens & d'en fuivre les accidens
& les circonftances : une heure après
notre départ je me fis ouvrir la portiere ,
& laiffant mes compagnons de voyage
dormir profondément, je continuai la route
à pied.
Un crépuscule encor peu für
Ne laiffoit voir loin du village ,
Que le chaume & le faîte obfcur
Des cabanes du voifinage ,
Que quelques pins , dont le feuillage
S'étoit découpé fur l'azur
D'un ciel ſerein & fans nuage,
JUIN. 41 17558
Je difois , heureux laboureurs ,
Maintenant un fommeil paisible
Sur vous prodigue fes faveurs ;
Et fi l'amour eft dans vos coeurs ,
A l'amour feul il eft poffible
D'en interrompre les douceurs .
En s'éloignant des coeurs profanes
Cet enfant ne dédaigne pas
D'habiter vos humbles cabanes ;
Il aime à voler fur les pas ,
A folâtrer entre les bras
De ces gentilles payſannes ,
Dont lui-même orne les appas.
C'eft aux champs qu'amour prit naiffance ,
Il y lança fes premiers traits ;
Sur les habitans des forêts
Venus exerça fon enfance.
Eh ! qu'il acquit d'expérience !
Bientôt les hommes & les Dieux
Contre lui furent fans défenſe ;
Des bois il vola dans les cieux ;
Mais il chérit toujours les lieux ,
Premiers témoins de fa puiffance.
De l'Hefperus l'aftre brillant
Ne regne plus fur les étoiles ,
L'ombre s'éloigne , & dans fes voiles
Se précipite à l'occident .
Mais un rayon vif de lumiere
42 MERCURE DE FRANCE.
S'eft élancé de l'horizon ;
Voici l'époufe de Titon , •
Qui du jour ouvre la barriere.
Sur un char peint de cent couleurs
Viens , Aurore , avec tous tes charmes ,
Viens & répands de tendres larmes
Sur les gazons & fur les fleurs.
Que ces momens font enchanteurs !
Un verd plus frais , de ce feuillage
A ranimé le doux éclat ;
En reprenant ſon incarnat ,
La jeune fleur , au badinage
Du papillon vif & volage
Ouvre fon vafe délicat ;
Il fuit , & je vois cet ingrat
Porter à toutes fon hommage.
Que l'air eft pur ; quelle fraîcheur !
Du fein humide dés fougeres
S'exhale une fuave odeur ,
Qu'en frémiffant avec douceur ,
Au loin fur fes aîles légeres
Porte & difperfe un vent flateur.
Une langueur délicieuſe
Coule en mes fens .... ah ! quel plaifir !
Je ne fçais quoi vient me faifir
Qui rend mon ame plus heureuſe .
Mais la fauvette à fon reveil
Des bois a rompu le filence :
J'entends fa voix , & du ſoleil
JUIN.
43
1755-
Ses chants m'annoncent la préfence.
Déja brille fur les guerêts
Le fer aigu de la charrue ;
L'adroit chaffeur dans les forêts
Attend qu'épris des doux attraits
De l'herbette fraîche & menue
Le levreau vienne dans ſes rêts
Chercher une mort imprévûe.
Bientôt au fon des chalumeaux
Que les Bergeres font entendre
Les bercails s'ouvrent , les
agneaux
Sous la houlette vont ſe rendre ;
Je les vois fortir des hameaux ,
Et fous les yeux d'un chien fidele .
Couvrir les rives des ruiffeaux ,
Se répandre fur les côteaux
Où croit le thyn qui les appelle ,
Jufqu'au moment où la chaleur
En deffechant les pâturages ,
Les fera fuir dans les bocages
Pour goûter l'ombre & la fraîcheur ,
Cette belle matinée me caufa le plaifir le
plus pur que j'aie reffenti de ma vie . Ce
charme eft inexprimable : qu'avec admiration
mes yeux fe tournerent vers l'orient !
Flambeau du jour , aftre éclatant ,
D'un Dieu caché , viſible image ,
Vous m'avez vû dans ce moment
44 MERCURE DE FRANCE.
>
Par mes tranfports vous rendre hommage.
A ce fpectacle encor nouveau
O foleil ! je te fis entendre
Cet hymne digne de Rameau ,
Où fur leurs temples mis en cendre ,
Les Incas chantent leurs regrets ,
Et rendent grace à tes bienfaits
Toujours fur eux prêts à defcendre.
Bientôt je remontai dans le coche mieux
inftruit par la nature elle- même que par
tout ce que j'avois vû , & chez les anciens
& chez les modernes , & dans les Poëtes
& chez les Peintres.
Jufqu'à Melun il ne nous arriva rien
de particulier , finon qu'à Villeneuve - la-
Guyard nous vîmes arriver une chaife de
pofte , d'où fortirent un jeune homme de
fort bonne mine , & un autre qui paroiffoit
plus jeune ; mais le tein délicat de celui-
ci & le ton de fa voix nous firent deviner
que l'un étoit une jeune fille déguifée
, & l'autre fon amant.
C'étoit fans doute un féducteur ,
Qui loin du toît trifte & grondeur
D'une maman toujours mauvaiſe ,
De fa maîtreffe amant vainqueur ,
Avec elle fuyoit en chaife ,
Afin qu'il pût tout à fon aiſe
JUIN.
45 1755.
En poffeder le petit coeur.
Le lendemain nous dînâmes à Moret
d'où nous partîmes pour aller coucher ,
Melun. Nous traverfâmes la forêt de Fontainebleau
: qu'elle est belle ! Nous arrivâmes
de bonne heure à Melun , où ne fçachant
que faire nous allâmes voir les marionettes.
Polichinelle & Gigogne fa mie
Avoient l'heur de nous divertir :
Je l'avouerai , je pris quelque plaifir
A voir dans fa bouffonnerie
Un automate amufer mon loifir
Mieux qu'un trifte mortel dont le bon fens m'en
nuie.
Le lendemain nous arrivâmes fains &
gais à Paris.
Et c'eft de ce même Paris
Qu'imitant le gentil Chapelle ,
En profe , en vers je vous écris.
Adieu , je gagne ma ruelle ;
Bon foir , adieu , mes chers amis.
Je me fens flaté de ce titre ;
Et fuis , ma foi , par fentiment ,
Meffieurs , ce qu'au bout d'une épitre
On dit être par compliment.
P .....
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Résumé : Voyage de Dijon à Paris, fait en 1746.
En 1746, un Bourguignon entreprend un voyage de Dijon à Paris. L'auteur s'engage à narrer ses aventures avec sincérité, tout en reconnaissant que la vérité peut être embellie par la fable. Il quitte Dijon avec gratitude et amitié, accompagné de sept personnes, dont un homme ennuyeux nommé M. Chufer et un musicien talentueux, le Sr Taillard. Le groupe fait plusieurs arrêts, notamment au Val-de-Suzon où ils déjeunent d'écrevisses et de truites, et à Saint-Seine où ils dînent près d'une source célèbre. L'auteur admire la beauté des paysages, notamment la vallée de Montbard, et exprime son amour pour la campagne. Il décrit une expérience mystique où il est emporté par le vent et retrouve la voiture plus loin. À Montbard, il visite la maison du gouverneur et admire une grotte artificielle. Le voyage se poursuit à Auxerre, une ville qu'il trouve peu agréable, et à Villeneuve-le-Roi. À Villeneuve-le-Roi, l'auteur se baigne dans l'Yonne et rencontre une nymphe qui l'invite à se baigner dans son ruisseau. La nymphe se révèle être une déesse des flots, qui l'emmène dans sa grotte aquatique. L'auteur passe un moment enchanteur avec elle avant de devoir se séparer. La déesse tente de le retenir, mais il résiste et lui fait ses adieux. Le texte relate également une profonde tristesse face à une séparation imminente, imaginant une métamorphose en fluide pour rester près de la personne aimée. L'auteur décrit un repas champêtre et une promenade matinale, admirant la beauté de la nature et les activités des paysans. Il observe les préparatifs agricoles et les premiers rayons du soleil, ressentant une langueur délicieuse. Il compose un hymne au soleil, inspiré par les Incas. Plus tard, il remarque un jeune couple fuyant ensemble dans une chaise de poste. Le voyage se poursuit jusqu'à Paris, où l'auteur assiste à un spectacle de marionnettes avant de regagner la ville. Le texte se conclut par des adieux amicaux et des compliments.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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