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p. 73-106
Relation de l'entrée de M. le Duc d'Aumont, Ambassadeur extraordinaire de France, à Londres le 20. Juillet 1713.
Début :
LETTRE DE LONDRES. J'ai reçû, Monsieur, vos deux lettres [...]
Mots clefs :
Duc d'Aumont, Londres, Reine, Ambassadeur, Honneurs, Réception, Magnificence, Festivités, Protocole , Couronnement, Voitures
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texteReconnaissance textuelle : Relation de l'entrée de M. le Duc d'Aumont, Ambassadeur extraordinaire de France, à Londres le 20. Juillet 1713.
Comme on n'avoit
pas dans le Mercure precedent
une relation exacte
ni étenduë de cctte
if , A cntree, on n'en a pu
dire que deux mots en
attendant celle-ci.
Relation de fentréede M. le
Ducd'Aamont, /fmbdfiach ur
extraordinaire de Francey à
Londres lelO. JuilLt 1713.
LETTRE DE LONDRES.
J'ai reçu, Monsieur,vos
deux lettres du 2. & du 9.
Juillet; & pour satisfaire
avant toutes choses à vôtre
curiosité sur l'entrée publique
de Monsieur le Duc
d'Aumont ,
j'aurail'honneur
de vous dire que ce
fut Mercredi IL. de ce mois,
& le premier du vieux stile.
Nous nous étions tous rendus
à Grenwich
,
dans la
maison de MonsieurRobinfon,
Capitaine du yacth
qui nous a amenez de France.
Monsieur le Duc y avoit
envoyé dés la veille
tous ses Officiers pour y
preparer un magnifique déjeuner.
Entre midi & une
heure Milord Comte de
Skardel, accompagné de
six Gentilshommes de la
Chambre privée de la Reine,
vint faire à Son Excellence
compliment sur son
heureuse arrivée dans le
Royaume.Monsieur le Duc
descendit trois marches de
l'escalier pour le recevoir,
& lui donna la droite jusqu'à
la chambre,où il y
avoit deux fauteüils, six
chaises pour les six GentilsbOiTImes,
&une autre chaise
à main gauche, & un peu
derriere le fateüil de M.le
Duc, pour M. le Chevalier
Cotherel Maître des Ceremonies.
LeComte eut la
place d'honneur, & se couvrit
avec sa suite. Il n'y eut
de nôtre part que M. le
Duc & le Maître des Ceremonies
qui furent assis &
couverts.
D'abord aprés le compliment
Son Excellence proposa
à Messieurs les Anglois
d'aller déjeûner, & leur
donna toûjours la droite
jusqu'à la salle de l'ambigu,
qui fut des plus somptueux,
sur deux tables de quarante
couverts, où l'on ne s'assit
pas, chacun mangeant debout&
àla placeoù il [e
trouva. Sur les trois heures
on sortit de la maison de
M. Robinson, & depuis ce
moment-làles François eurent
toujours la droite. On
traversa
, pour gagner le
port, plusieurs rues parsemées
de fleurs & lacour de
l'Hôtel desInvalides,oùl'on
trouvalessoldats sous les
armes,les tambours battant
aux champs
,
le Gouverneur
à la premiere porte
avec tous les Officiers, qui
vinrent faire cortege à M.
l'Ambassadeur. Toutes les
berges de la Reine étoient
la à nous attendre. Rien
n'est plus propre, ni plus
galant; ce n'est en dehors
que sculpture & dorure, &
le dedans est tapissé de velours.
Celle où entra M. le
Duc, avec le Milord qui le
conduisoit, étoit superbe ôc
doréejusqual'eau:ellen'avoit
jamais servi à aucun
Ambassadeur. Tous les
yacths de la Reine, moüillez
prés de Grenvvich
, avoient
arboré tous leurs
pavillons;il y en avoit tout
le long des cordages, &
j'en comptai à un seul plus
de cinquante qui jouent au
gré des vents. Ils saluerent
de tous leurs canons la bergede
Son Excellence, &
tous les autres bâtimens
dont la Tamise est couverteétoient
pleins de monde
jusqu'au haut des mats:
ce n'étoient que chapeaux
en Tair, & que cris reÏrerez
de hous,.boufàyJ hou.
J&y.
- On arriva vers les qua- treheures au pied de la
Tour de Londres. Milord
Comte de Northampton,
Connêtable de la Tour,fiiivi
du Commandant Se des
principaux,Officiers, se
trouva au bas de l'escalier
du gay pour recevoir M.le
Duc, & lui presenter la
main au sortir de sa berge.
Il lui fit compliment de la
part de la Reine, & le conduisit
au carosse de Sa Majesté.
C'est un honneur qui
n'avoit pas encore eu d'exemple,
& nul Ambassadeur
n'avoit été reçu jusqu'apresentque
par le
Commandant de la Tour.
Tout le quay étoit bordé
par les gardes de la Reine,
la bayonnette au bout du
fil11
,
les enseignes déployées,
les tambours battant
aux champs, tous les
Officiers à leurs places &
saluant de l'esponton:autre
distinction sans exemple.
&qui n'a été accordée qu'à
M. le Duc d'Aumont.
Quand on sortit de la
Tour, tout le canon nous
falua au nombre de cent
quatre pieces. Voici l'ordreque
l'on garda.
Ilyavoit à la tête une
trentaine d'Anglois parfaitement
bien montez; ce
sont les marchands & les
ouvriers qui fournissent
l'Hôtel de Son Excellence.
Ils étoient suivis des gardes
de M. le Chevalier Maréchal
de la Maison de la Reine,
qu'ils precedoient,
M. le Chevalier Englich,
Maréchal des Ceremonies
lequel étoit dans le carossey
de Milord Comte de Skardel,
par où commençoit la
marche.
Ensuite les quatre Suisses
de M. le Duc sur des che,-
vaux,& aprés eux les trente
valets de pied de M. le
Duc,qui n'a voulu que si
feule Maison, & n'a pas
pris un seul homme de parade.
Ensuite deux écuyers sur
les plus beaux chevaux
d'Angleterre, à la tête de
douze pages, tous Gentilshoninles,
parmi lesquels il
y ades Chevaliers de Malte.
Entre les deux files de
leurs chevaux il y avoit un
Ecuyer à cheval pour les
conduire.
Six palfreniers à cheval,
qui menoient des chevaux
de main;deux autres Gentilshommes
de Son Excellence
marchoient à cheval
immédiatement devant le
carosse de la Reine, dans
lequel étoit M. l'Ambassadcur
, Milord Comte de
Skardel,nommé Ambassadeur
à la Cour de Vienne,
le Secretaire de nôtreambassade,
& le Maître des
Ceremonies.
Un second carosse de la
Reine pour les six Gentilshommes
de sa Chambre, le
carosse du corps de Son Excellence,
attelé de huit chevaux
gris- pommelez, couverts
de harnois dorez, les
crins tressez de rubans cramoisy
, avec des aigrettes
de plume sur la tête. Ce carosse
était vuide,toutes les
glaces levées, suivi de quatre
carosses à huitchevaux,
appartenans à Son Excellence,
& de cinq auti es carossesàsix
chevaux appartenans
à des Gentilshommes
de sa fuite, dont les cochers
& portillons avoienc
la livrée de M.le Duc. Tous
les domestiques de ces
Gentilshommes accompagnoient
à pied ces dix carosses
:
ils étoient habillez
de surtous rouges, uniformes,
& formoient une
nombreuse livrée.
Aprés toute cette pompe
suivoient les carosses à six
chevaux des SeigneursTorris
qui y avoient envoyé
tous leurs gens, & je crois
qu'il y avoit bien cinquante
carosses.
En arrivant à Sommerset
House Son Excellence trouva
dans la cour unecompagnie
des Gardes de la Reine
fous les armes, comme
à la Tour, & toutes les
trompettes de Sa Majesté,
qui avec les timbales &
tambours sonnoientdes
fanfares sur la retraiTe. Il
ne fut plus permis à qui que
ce soit de nôtre livrée d'entrer
dans les appartemens,
& Son Excellence n'eut
plus d'autres Officiers que
ceux de la Reine. La salle
des Gardes se trouva bordée
de trente ou quarante
Hoquetons en toque & en
habits de ceremonie,lahalebardc
à la main, & ils
n'en font pas fortis jusqu'à
Samedi après l'audience.
Le Comte de Skardel
conduisit M. le Duc dans
son appartement, & l'en
mit en possession; & après
lui avoir fait un second
compliment au nom de la
Reine, M. l'Ambassadeur
le reconduisit jusqua sa
chaise à porteurs, en lui
donnant à son tour la main.
Un moment aprés arriva
Milord Comte de Vvindfor,
que Son Excellence
alla recevoir jusques dans
la
la première salle, en lui
donnant la droite ôc la place
dhonneur dans la chambre
d'audience. Le Comte
s'assît, & se couvrit en même
temps que M. le Duc,
à qui il fit compliment de
la part de Sa Majeste
;
aprés
quoy Son Excellence, en
lui donnant toujours la
main, l'alla reconduire jusqu'à
sa chaise.
Toute la soirée se passa
à recevoir des visites ou
des complimens. A dixheures
le Maître d'Hôtel de la
Reine vint avertir Son Excellence
que le souper étoÍr
servi. On n'a jamais rien vû
de plus magnifique. C'étoit
une table longue, dont un
bout donnoit fous le dais i
avec un seul couvert b cadenat,
&un fauteüil de velours
pour M. le Duc, qui
étoit seul à ce bout-là. Plus
bas des deux côtez, &à
une assez grandedistance,
etoient vingt-quatre couverts
, où saffirent sur des
chaises de natte à rAn
gloise Milord Skardel à la
droite, &Milord Vvin¥or
à la gauche, d'autres Milords
après eux, le Maître
des Ceremonies, le premier
Controlleur de la Maison
de la Reine, & dans le
reste des places ce qu'il y
put tenir de Gentilshommes
François. Son Excellence
a toujours été servie
à verre couvert & en vermeildoré
par les mêmes
Officiers qui ont l'honneur
de servir la Reine. C'étoient
les Hoquetons qui
portoient les plats couverts,
& les Gentilshommes servans
qui les mettoient sur
la table. Pendant tout le
repas les trompettesnont
pascesse de sonner: on a
bû toutes les fois à la santé
du Roy,& celle de Sa Majessé
Britannique, & celle
du Roy d'Espagne. Ces santez
ont été bûës debout &
à découvert. Ensuite on a
bû les santez de Monseigneur
le Dauphin, de
Monseigneur le Duc de
Berry, de Monsieur le
Duc d'Orléans, & de Milord
Grand Tresorier. Je
vous avouë que toutes ces
santez n'accommodoient
pas lamienne: c'étoit un
vin de Volney très vif, ou
un fin vin de Champagne,
qu'il faloit boire pur & à
plein verre. Il y a eu six
repas servis avec cette magnificence
,
sans compter
une autre table de plus de
quarante couverts pour les
autres Gentilshommes,qui
ne pouvoienr tenir tous à
celle de M. le Duc. Cette
table,dont M.le Maréchal
des Ceremonies faisoit les
honneurs,étoit servie comme
la premiere par lesOfficiers
de Sa Majesté. Cette
grande Princcesse
, qui ne
dédaigne pas d'entrer dans
les moindres détailsen nôtre
faveur; a donné ordre
qu'on servît la plupart des
plats à la Françoise
,
& a
bien voulu envoyer en
France chercher toutes fortes
de vins, de confitures
seches & liquides.
Outre ces deux grandes
tables, il y en a eu une autre
pour les douze pages &
leurs gouverneurs, servie
avec la mêmesomptuosité.
Enfin l'on peut dire
que tout a répondu à la
magnificence d'une si grande
Reine, & que toute la
fête a été veritablement
royale.
Le Samedi l'aprésdînée,
sur les six heures du soir,
Milord Comte de Salisburi
est venu prendre M.l'Ambaffadeur
pour le conduire
à l'audience publique. Il a
été reçu avec les mêmes
honneurs que les deux autres
Comtes, & la pompe
a été la même que celle du
Mercredi, même cortege,
mêmeséquipages,mêmes
carosses, & même foule à
nous voir passer, & même
ardeur à [e battre pour rzmasser
l'argent du gencreux
Ambassadeur.
A la porte de saint James
Son Excellence a été
reçûë par le Chevalier Maréchal
, par le Maréchal
des Ceremonies, ôc par le
Concierge du Palais, avec
leurs bâtons de commandement
à la main, les Gardes
de Sa Majesté fous les
armes,enseignes déployées,
les Officiers saluant
,
&
les tambours battant aux
champs, même dans le Palais
de la Reine.
Les
Lesvalets de pied de Son
Excellence ont été rangez -
en haye tout le long de l'escalier,
les pages ont entré
dans la salle des Gardes.
M. le Duc a été conduit
dans la Chambre du Conseil,
en attendant que toute
sa fuite fût rassemblée:alors
un Chevalier est venu ravertir
que la Reine éroie
sur son trône, c'est à dire
dans un fauteüil
,
sur une
estrade fous son dais. On a
traversé la salle des Hoquetons
, leur Commandant à
leur tête, qui a conduit Son
Excellence jusqu'à la salle
des Gentilshommes Pensionnaires
magnifiquement
vétus, tous en haye, tenant
leurs hallebardes dorées.
Milord Duc de Beaufort,
leur Capitaine
) a reçû
l'Ambassadeur à la porte de
la salle, & l'a conduit jusqu'à
la Chambre de la Reine,
à la porte de laquelle
tous les Gentilshommes
François qui precedoient
Son Excellence se sont ouverts
pour la laisser entrer
la premiere entre le Comte
de Salisbury & M. le Chevalier
Cook, Vicechambellan
,
faisant les fonctions
en l'absence de M. le
Duc de Shrevvsbury grand
Chambellan.
M. le Duc a fait une premiere
reverence dés l'entrée
de la chambre, une seconde
au milieu, & une
troisiéme aux pieds de la
Reine. Le ceremonial vouloit
que Sa Majesté se levât
à la seconde
: mais l'incommodité
de la Reine & la foiblesse
de ses jambes ne le
lui a pas permis. Avant l'audience
Sa Majestéavoit fait
écrireàSon Excellencepar
MilordDarmouth premier
Secretaire d'Etat une lettre
d'émeute
,
qui a suppléé
à la rigueur du ceremonial.
M le Duc se couvrit un
moment pour la forme, &
prononça son compliment
en presentant ses lettres de
creance. Sa Majesté y répondit
trés- gracieusement
en Anglois, que le Maître
de Ceremonie interpreta;
après quoy Son Excellence
se retira, en faisant trois
reverences aux mêmes endroits
qu'en entrant, en
marchant en arriere jusqu'à
la sortie de la chambre.
On a été reconduit avec
tous les honneurs qu'on avoit
reçus en entrant,&
l'on est revenu au Palais de
Sommerfet dans le même
ordre qu'on en étoit forci.
Aprés que le Milord Comte
de Salisbury eut ramené
M. le Duc dans son appartement,
Son Excellence lui
donna la main, & le reconduisit
en cortege jusqu'à sa
chaise.
Le lendemaindeson aa
dience étant allé à Kinsinp
on faire sa cour à la Reine
, il lui demanda une grace
, qu'il supplia instamment
Sa Majesté de ne lui
pas refuser. La Reine le lui
promit, & Son Excellence
lui dit qu'ilavoitappris que
SSaaMajestéavoit donné or- ~i !c ité avoir ordre
qu'on achetâtpour elle
enHollandeunattelagede
chevaux gris- pommelez ;
qu'il en avoit neuf qu'on
avoit trouvez passables
; ôc
qu'ilsupplioittrés-humblement
Sa Majesté de les accepter
:
osant lui dire qu'
Elle ne pouvoit s'en défendre
après la parole qu'Elle
lui avoit fait l'honneur de
lui donner. La Reine, qui
ne s'attendoit pas à accorder
une pareille grace, parut
un moment interdite ;
mais d'abord d'un visage riant Elle lui répondiot:
Monfeur le Duc,il n'y a
pas moyen de refuser une offre
faite d'une maniere si engageAnte;
d'un autre j'y pfnJerois
4 deux jots: mais devotre
part je reçois tout avec
grand plaisir. Vousjugez
bien que les neuf chevaux
avec leurs parures n'ont pas
tardé à être conduits à Kinsington.
Ce sont les plus
beaux qu'on ait vûs ici, &
les neuf ont coûté en Hollande
dix mil francs. Vous
reconnoissez là les manieres
de M. le Duc d'Aumont.
Avanthier il y eut à Londres
une fête fort solemnelle
pour le Te Deum en
musique, chanté à S. Paul
en actions de graces de la
paix. La Reine ne put s'y
trouver; ce qui diminua
beaucoup de la beautéde
la cavalcade: mais tous les
Meilleurs du Parlement de
l'une & l'aurre Chambre s'y
ren dirent tous en cortege
dans leurscarosses, que les
Torris avoient rendus fort
brillans. Le soir Se toute la
nuit il y eut des feux dans
la ville, & toutes les fenêtres
éclairées. Ceux qui n'y
mirent pas de lumieress'exposoient
à voirbriser leurs
vitres
,
& il n'yen a gueres
de celles-ci qui ayent echa<
péà la tumultueuse rejoüissance
de la mable: c'est ainsi
qu'onappelle la populace
de Londres, qui ces joursla
est la maîtresse, &' que
nulle puissance n'a le droit
ni la force dereprimer. Il
y eut cette nuit là deux fort
beaux feux d'artifice; l'un
dans Hoborn pour la ville,
& l'autre pour la Reine sur
la Tamise, entre Sommerset
& Vvitheal.
pas dans le Mercure precedent
une relation exacte
ni étenduë de cctte
if , A cntree, on n'en a pu
dire que deux mots en
attendant celle-ci.
Relation de fentréede M. le
Ducd'Aamont, /fmbdfiach ur
extraordinaire de Francey à
Londres lelO. JuilLt 1713.
LETTRE DE LONDRES.
J'ai reçu, Monsieur,vos
deux lettres du 2. & du 9.
Juillet; & pour satisfaire
avant toutes choses à vôtre
curiosité sur l'entrée publique
de Monsieur le Duc
d'Aumont ,
j'aurail'honneur
de vous dire que ce
fut Mercredi IL. de ce mois,
& le premier du vieux stile.
Nous nous étions tous rendus
à Grenwich
,
dans la
maison de MonsieurRobinfon,
Capitaine du yacth
qui nous a amenez de France.
Monsieur le Duc y avoit
envoyé dés la veille
tous ses Officiers pour y
preparer un magnifique déjeuner.
Entre midi & une
heure Milord Comte de
Skardel, accompagné de
six Gentilshommes de la
Chambre privée de la Reine,
vint faire à Son Excellence
compliment sur son
heureuse arrivée dans le
Royaume.Monsieur le Duc
descendit trois marches de
l'escalier pour le recevoir,
& lui donna la droite jusqu'à
la chambre,où il y
avoit deux fauteüils, six
chaises pour les six GentilsbOiTImes,
&une autre chaise
à main gauche, & un peu
derriere le fateüil de M.le
Duc, pour M. le Chevalier
Cotherel Maître des Ceremonies.
LeComte eut la
place d'honneur, & se couvrit
avec sa suite. Il n'y eut
de nôtre part que M. le
Duc & le Maître des Ceremonies
qui furent assis &
couverts.
D'abord aprés le compliment
Son Excellence proposa
à Messieurs les Anglois
d'aller déjeûner, & leur
donna toûjours la droite
jusqu'à la salle de l'ambigu,
qui fut des plus somptueux,
sur deux tables de quarante
couverts, où l'on ne s'assit
pas, chacun mangeant debout&
àla placeoù il [e
trouva. Sur les trois heures
on sortit de la maison de
M. Robinson, & depuis ce
moment-làles François eurent
toujours la droite. On
traversa
, pour gagner le
port, plusieurs rues parsemées
de fleurs & lacour de
l'Hôtel desInvalides,oùl'on
trouvalessoldats sous les
armes,les tambours battant
aux champs
,
le Gouverneur
à la premiere porte
avec tous les Officiers, qui
vinrent faire cortege à M.
l'Ambassadeur. Toutes les
berges de la Reine étoient
la à nous attendre. Rien
n'est plus propre, ni plus
galant; ce n'est en dehors
que sculpture & dorure, &
le dedans est tapissé de velours.
Celle où entra M. le
Duc, avec le Milord qui le
conduisoit, étoit superbe ôc
doréejusqual'eau:ellen'avoit
jamais servi à aucun
Ambassadeur. Tous les
yacths de la Reine, moüillez
prés de Grenvvich
, avoient
arboré tous leurs
pavillons;il y en avoit tout
le long des cordages, &
j'en comptai à un seul plus
de cinquante qui jouent au
gré des vents. Ils saluerent
de tous leurs canons la bergede
Son Excellence, &
tous les autres bâtimens
dont la Tamise est couverteétoient
pleins de monde
jusqu'au haut des mats:
ce n'étoient que chapeaux
en Tair, & que cris reÏrerez
de hous,.boufàyJ hou.
J&y.
- On arriva vers les qua- treheures au pied de la
Tour de Londres. Milord
Comte de Northampton,
Connêtable de la Tour,fiiivi
du Commandant Se des
principaux,Officiers, se
trouva au bas de l'escalier
du gay pour recevoir M.le
Duc, & lui presenter la
main au sortir de sa berge.
Il lui fit compliment de la
part de la Reine, & le conduisit
au carosse de Sa Majesté.
C'est un honneur qui
n'avoit pas encore eu d'exemple,
& nul Ambassadeur
n'avoit été reçu jusqu'apresentque
par le
Commandant de la Tour.
Tout le quay étoit bordé
par les gardes de la Reine,
la bayonnette au bout du
fil11
,
les enseignes déployées,
les tambours battant
aux champs, tous les
Officiers à leurs places &
saluant de l'esponton:autre
distinction sans exemple.
&qui n'a été accordée qu'à
M. le Duc d'Aumont.
Quand on sortit de la
Tour, tout le canon nous
falua au nombre de cent
quatre pieces. Voici l'ordreque
l'on garda.
Ilyavoit à la tête une
trentaine d'Anglois parfaitement
bien montez; ce
sont les marchands & les
ouvriers qui fournissent
l'Hôtel de Son Excellence.
Ils étoient suivis des gardes
de M. le Chevalier Maréchal
de la Maison de la Reine,
qu'ils precedoient,
M. le Chevalier Englich,
Maréchal des Ceremonies
lequel étoit dans le carossey
de Milord Comte de Skardel,
par où commençoit la
marche.
Ensuite les quatre Suisses
de M. le Duc sur des che,-
vaux,& aprés eux les trente
valets de pied de M. le
Duc,qui n'a voulu que si
feule Maison, & n'a pas
pris un seul homme de parade.
Ensuite deux écuyers sur
les plus beaux chevaux
d'Angleterre, à la tête de
douze pages, tous Gentilshoninles,
parmi lesquels il
y ades Chevaliers de Malte.
Entre les deux files de
leurs chevaux il y avoit un
Ecuyer à cheval pour les
conduire.
Six palfreniers à cheval,
qui menoient des chevaux
de main;deux autres Gentilshommes
de Son Excellence
marchoient à cheval
immédiatement devant le
carosse de la Reine, dans
lequel étoit M. l'Ambassadcur
, Milord Comte de
Skardel,nommé Ambassadeur
à la Cour de Vienne,
le Secretaire de nôtreambassade,
& le Maître des
Ceremonies.
Un second carosse de la
Reine pour les six Gentilshommes
de sa Chambre, le
carosse du corps de Son Excellence,
attelé de huit chevaux
gris- pommelez, couverts
de harnois dorez, les
crins tressez de rubans cramoisy
, avec des aigrettes
de plume sur la tête. Ce carosse
était vuide,toutes les
glaces levées, suivi de quatre
carosses à huitchevaux,
appartenans à Son Excellence,
& de cinq auti es carossesàsix
chevaux appartenans
à des Gentilshommes
de sa fuite, dont les cochers
& portillons avoienc
la livrée de M.le Duc. Tous
les domestiques de ces
Gentilshommes accompagnoient
à pied ces dix carosses
:
ils étoient habillez
de surtous rouges, uniformes,
& formoient une
nombreuse livrée.
Aprés toute cette pompe
suivoient les carosses à six
chevaux des SeigneursTorris
qui y avoient envoyé
tous leurs gens, & je crois
qu'il y avoit bien cinquante
carosses.
En arrivant à Sommerset
House Son Excellence trouva
dans la cour unecompagnie
des Gardes de la Reine
fous les armes, comme
à la Tour, & toutes les
trompettes de Sa Majesté,
qui avec les timbales &
tambours sonnoientdes
fanfares sur la retraiTe. Il
ne fut plus permis à qui que
ce soit de nôtre livrée d'entrer
dans les appartemens,
& Son Excellence n'eut
plus d'autres Officiers que
ceux de la Reine. La salle
des Gardes se trouva bordée
de trente ou quarante
Hoquetons en toque & en
habits de ceremonie,lahalebardc
à la main, & ils
n'en font pas fortis jusqu'à
Samedi après l'audience.
Le Comte de Skardel
conduisit M. le Duc dans
son appartement, & l'en
mit en possession; & après
lui avoir fait un second
compliment au nom de la
Reine, M. l'Ambassadeur
le reconduisit jusqua sa
chaise à porteurs, en lui
donnant à son tour la main.
Un moment aprés arriva
Milord Comte de Vvindfor,
que Son Excellence
alla recevoir jusques dans
la
la première salle, en lui
donnant la droite ôc la place
dhonneur dans la chambre
d'audience. Le Comte
s'assît, & se couvrit en même
temps que M. le Duc,
à qui il fit compliment de
la part de Sa Majeste
;
aprés
quoy Son Excellence, en
lui donnant toujours la
main, l'alla reconduire jusqu'à
sa chaise.
Toute la soirée se passa
à recevoir des visites ou
des complimens. A dixheures
le Maître d'Hôtel de la
Reine vint avertir Son Excellence
que le souper étoÍr
servi. On n'a jamais rien vû
de plus magnifique. C'étoit
une table longue, dont un
bout donnoit fous le dais i
avec un seul couvert b cadenat,
&un fauteüil de velours
pour M. le Duc, qui
étoit seul à ce bout-là. Plus
bas des deux côtez, &à
une assez grandedistance,
etoient vingt-quatre couverts
, où saffirent sur des
chaises de natte à rAn
gloise Milord Skardel à la
droite, &Milord Vvin¥or
à la gauche, d'autres Milords
après eux, le Maître
des Ceremonies, le premier
Controlleur de la Maison
de la Reine, & dans le
reste des places ce qu'il y
put tenir de Gentilshommes
François. Son Excellence
a toujours été servie
à verre couvert & en vermeildoré
par les mêmes
Officiers qui ont l'honneur
de servir la Reine. C'étoient
les Hoquetons qui
portoient les plats couverts,
& les Gentilshommes servans
qui les mettoient sur
la table. Pendant tout le
repas les trompettesnont
pascesse de sonner: on a
bû toutes les fois à la santé
du Roy,& celle de Sa Majessé
Britannique, & celle
du Roy d'Espagne. Ces santez
ont été bûës debout &
à découvert. Ensuite on a
bû les santez de Monseigneur
le Dauphin, de
Monseigneur le Duc de
Berry, de Monsieur le
Duc d'Orléans, & de Milord
Grand Tresorier. Je
vous avouë que toutes ces
santez n'accommodoient
pas lamienne: c'étoit un
vin de Volney très vif, ou
un fin vin de Champagne,
qu'il faloit boire pur & à
plein verre. Il y a eu six
repas servis avec cette magnificence
,
sans compter
une autre table de plus de
quarante couverts pour les
autres Gentilshommes,qui
ne pouvoienr tenir tous à
celle de M. le Duc. Cette
table,dont M.le Maréchal
des Ceremonies faisoit les
honneurs,étoit servie comme
la premiere par lesOfficiers
de Sa Majesté. Cette
grande Princcesse
, qui ne
dédaigne pas d'entrer dans
les moindres détailsen nôtre
faveur; a donné ordre
qu'on servît la plupart des
plats à la Françoise
,
& a
bien voulu envoyer en
France chercher toutes fortes
de vins, de confitures
seches & liquides.
Outre ces deux grandes
tables, il y en a eu une autre
pour les douze pages &
leurs gouverneurs, servie
avec la mêmesomptuosité.
Enfin l'on peut dire
que tout a répondu à la
magnificence d'une si grande
Reine, & que toute la
fête a été veritablement
royale.
Le Samedi l'aprésdînée,
sur les six heures du soir,
Milord Comte de Salisburi
est venu prendre M.l'Ambaffadeur
pour le conduire
à l'audience publique. Il a
été reçu avec les mêmes
honneurs que les deux autres
Comtes, & la pompe
a été la même que celle du
Mercredi, même cortege,
mêmeséquipages,mêmes
carosses, & même foule à
nous voir passer, & même
ardeur à [e battre pour rzmasser
l'argent du gencreux
Ambassadeur.
A la porte de saint James
Son Excellence a été
reçûë par le Chevalier Maréchal
, par le Maréchal
des Ceremonies, ôc par le
Concierge du Palais, avec
leurs bâtons de commandement
à la main, les Gardes
de Sa Majesté fous les
armes,enseignes déployées,
les Officiers saluant
,
&
les tambours battant aux
champs, même dans le Palais
de la Reine.
Les
Lesvalets de pied de Son
Excellence ont été rangez -
en haye tout le long de l'escalier,
les pages ont entré
dans la salle des Gardes.
M. le Duc a été conduit
dans la Chambre du Conseil,
en attendant que toute
sa fuite fût rassemblée:alors
un Chevalier est venu ravertir
que la Reine éroie
sur son trône, c'est à dire
dans un fauteüil
,
sur une
estrade fous son dais. On a
traversé la salle des Hoquetons
, leur Commandant à
leur tête, qui a conduit Son
Excellence jusqu'à la salle
des Gentilshommes Pensionnaires
magnifiquement
vétus, tous en haye, tenant
leurs hallebardes dorées.
Milord Duc de Beaufort,
leur Capitaine
) a reçû
l'Ambassadeur à la porte de
la salle, & l'a conduit jusqu'à
la Chambre de la Reine,
à la porte de laquelle
tous les Gentilshommes
François qui precedoient
Son Excellence se sont ouverts
pour la laisser entrer
la premiere entre le Comte
de Salisbury & M. le Chevalier
Cook, Vicechambellan
,
faisant les fonctions
en l'absence de M. le
Duc de Shrevvsbury grand
Chambellan.
M. le Duc a fait une premiere
reverence dés l'entrée
de la chambre, une seconde
au milieu, & une
troisiéme aux pieds de la
Reine. Le ceremonial vouloit
que Sa Majesté se levât
à la seconde
: mais l'incommodité
de la Reine & la foiblesse
de ses jambes ne le
lui a pas permis. Avant l'audience
Sa Majestéavoit fait
écrireàSon Excellencepar
MilordDarmouth premier
Secretaire d'Etat une lettre
d'émeute
,
qui a suppléé
à la rigueur du ceremonial.
M le Duc se couvrit un
moment pour la forme, &
prononça son compliment
en presentant ses lettres de
creance. Sa Majesté y répondit
trés- gracieusement
en Anglois, que le Maître
de Ceremonie interpreta;
après quoy Son Excellence
se retira, en faisant trois
reverences aux mêmes endroits
qu'en entrant, en
marchant en arriere jusqu'à
la sortie de la chambre.
On a été reconduit avec
tous les honneurs qu'on avoit
reçus en entrant,&
l'on est revenu au Palais de
Sommerfet dans le même
ordre qu'on en étoit forci.
Aprés que le Milord Comte
de Salisbury eut ramené
M. le Duc dans son appartement,
Son Excellence lui
donna la main, & le reconduisit
en cortege jusqu'à sa
chaise.
Le lendemaindeson aa
dience étant allé à Kinsinp
on faire sa cour à la Reine
, il lui demanda une grace
, qu'il supplia instamment
Sa Majesté de ne lui
pas refuser. La Reine le lui
promit, & Son Excellence
lui dit qu'ilavoitappris que
SSaaMajestéavoit donné or- ~i !c ité avoir ordre
qu'on achetâtpour elle
enHollandeunattelagede
chevaux gris- pommelez ;
qu'il en avoit neuf qu'on
avoit trouvez passables
; ôc
qu'ilsupplioittrés-humblement
Sa Majesté de les accepter
:
osant lui dire qu'
Elle ne pouvoit s'en défendre
après la parole qu'Elle
lui avoit fait l'honneur de
lui donner. La Reine, qui
ne s'attendoit pas à accorder
une pareille grace, parut
un moment interdite ;
mais d'abord d'un visage riant Elle lui répondiot:
Monfeur le Duc,il n'y a
pas moyen de refuser une offre
faite d'une maniere si engageAnte;
d'un autre j'y pfnJerois
4 deux jots: mais devotre
part je reçois tout avec
grand plaisir. Vousjugez
bien que les neuf chevaux
avec leurs parures n'ont pas
tardé à être conduits à Kinsington.
Ce sont les plus
beaux qu'on ait vûs ici, &
les neuf ont coûté en Hollande
dix mil francs. Vous
reconnoissez là les manieres
de M. le Duc d'Aumont.
Avanthier il y eut à Londres
une fête fort solemnelle
pour le Te Deum en
musique, chanté à S. Paul
en actions de graces de la
paix. La Reine ne put s'y
trouver; ce qui diminua
beaucoup de la beautéde
la cavalcade: mais tous les
Meilleurs du Parlement de
l'une & l'aurre Chambre s'y
ren dirent tous en cortege
dans leurscarosses, que les
Torris avoient rendus fort
brillans. Le soir Se toute la
nuit il y eut des feux dans
la ville, & toutes les fenêtres
éclairées. Ceux qui n'y
mirent pas de lumieress'exposoient
à voirbriser leurs
vitres
,
& il n'yen a gueres
de celles-ci qui ayent echa<
péà la tumultueuse rejoüissance
de la mable: c'est ainsi
qu'onappelle la populace
de Londres, qui ces joursla
est la maîtresse, &' que
nulle puissance n'a le droit
ni la force dereprimer. Il
y eut cette nuit là deux fort
beaux feux d'artifice; l'un
dans Hoborn pour la ville,
& l'autre pour la Reine sur
la Tamise, entre Sommerset
& Vvitheal.
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Résumé : Relation de l'entrée de M. le Duc d'Aumont, Ambassadeur extraordinaire de France, à Londres le 20. Juillet 1713.
Le texte décrit plusieurs événements liés à la visite du Duc d'Aumont, ambassadeur extraordinaire de France à Londres, en juillet 1713. Le 10 juillet, le Duc d'Aumont arrive à Greenwich où il est accueilli par Milord Comte de Skardel et six gentilshommes de la Chambre privée de la Reine. Après un déjeuner somptueux, ils se rendent à la Tour de Londres, où le Duc est reçu par Milord Comte de Northampton. La procession inclut des gardes, des valets de pied, des pages, et des carrosses ornés. À Somerset House, le Duc est accueilli par une compagnie des Gardes de la Reine et reçoit des visites toute la soirée. Un souper magnifique est servi, et des santés sont portées au Roi de France, à la Reine Britannique, et à d'autres personnalités. Le lendemain, le Duc assiste à une audience publique avec la Reine, qui est reçue dans un fauteuil sur une estrade sous son dais. Le Duc prononce son compliment avant de se retirer. La Reine, en raison de son incommodité, ne se lève pas mais répond gracieusement. Le Duc retourne ensuite à Somerset House avec les mêmes honneurs. Le texte mentionne également deux autres événements. Premièrement, le Duc d'Aumont offre neuf chevaux gris-pommelés à la Reine, estimés à dix mille francs en Hollande. La Reine accepte l'offre en raison de la manière engageante dont elle est faite. Les chevaux, jugés parmi les plus beaux, sont conduits à Kensington. Deuxièmement, une fête solennelle est organisée à Londres pour célébrer la paix par un Te Deum à l'église Saint-Paul. La Reine ne peut y assister, ce qui diminue la splendeur de la cavalcade. Cependant, les membres du Parlement des deux chambres y participent en cortège dans des carrosses brillamment décorés. La nuit est marquée par des feux d'artifice et des illuminations obligatoires. La populace londonienne, appelée la 'mable', profite de l'occasion pour se livrer à des réjouissances tumultueuses. Deux feux d'artifice sont tirés, l'un pour la ville à Hoborn et l'autre pour la Reine sur la Tamise.
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