LA NATURE ET L'ART .
FABLE.
A Mile de N **
ENAé de ses progrès et fier de sés appas ;
On dit qu'un jour à la Nature ,
L'Art voulut disputer le pas ;
Qui de nous deux ( dit- il ) a de l'Architecture , ]
De l'ingénieuse Peinture
Et de l'agreable Sculpture ,
Reglé les operations.
C'est l'Art , sa science féconde
Do
380 MERCURE DE FRANCE
De nouvelles productions ,
Chaque jour enrichit le Monde.
Au corps le plus matériel ,
L'Art donne un air leger et d'agréables formes
Qu'on s'en tienne au contraire au simple naturel !
Que de confusion et que d'objets informes,
Que l'Art les mette en oeuvre : à peine ils son
polis
Que nous les trouvons embellis.
En un mot , sans cet Art en Beautez si fertile
Tout ce que parmi vous la Nature produit ,
Mortels , deviendroit inutile.
Ton amour propre te séduit ,
Dit la Nature ; ch ! quelle est ta folic,
De vouloir me donner la Loy ?
Mais , là , parlons de bonne foi ,
Ces chef- d'oeuvres fameux que ton orgueil public
Sçais -tu bien qu'ils ne sont jamais de bon alloi
Qu'autant qu'ils approchent de moi
Cette simplicite que ton affecterie ,
Contre moi tourne en raillerie ,
Mon cher , ne va pas t'y tromper ,
Il te faut du travail pour pouvoir l'attraper
Et souvent ta main l'estropie .
Je ris quand je vois l'Art me traiter en Rival ,
Il me semble voir la Copie ,
Se mocquer de l'Original .
ENMAY:
888 1734
ENVO r.
Vous, qui par un noble partage ,
Faites éclater à nos yeux
Le rare et brillant assemblage ,,
Des talens les plus précieux ;
Daignez , charmante Iris , en lisant cette Fable ,
L'honorer d'un regard affable ,
Jadis par ses naïvetez , }
Pleines de graces nouvelles ,
D'instructions et de beautez ,
La Fontaine auprès des Belles
S'ouvrit un favorable accès ;
Je travaille pour vous , comme il rimoit pour
elles ,
Peut-être , je l'avoue , avec moins de succès ,
Vous avez bien reçû des dons de la Nature ;
Mais il n'en est aucun ( tout en vous m'en assure)
Que l'Art n'ait aussi cultivé ;
Un petit differend entre eux s'est élevé ,
La Nature vous fit ce qui dépendit d'elle,
Et l'Art , de son côté , vous favorisa fort ;
Je vous fais aujourd'hui Juge de leur querelle ,
C'est le moyen, je croi , qu'ils soient bien- tôt
d'accord .
Pesselier, de la Ferté sous-Foüars .