LETTRE écrite de S. Ouin en Picardie,
Le 20. Novembre 1730. sur les Perceoreilles.
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Ous avez bien voulu , Messieurs ,
inserer dans les Mercures les lettres.
que je me suis donné l'honneur de vous
écrire au sujet du fils du sieur Lafitte
Chirurgien , demeurant au Bourg de Domart-
les-Ponthieu. Ce jeune homme qui
a été incommodé pendant cinq à six ans
par le grand nombre de Perce -oreilles
qui se sont engendrés successivement dans
sa tête , et qui sortoient par ses oreilles et
en partie par le nez , se trouve aujourd'hui
gueri parfaitement , et cela par l'effet
du pur hazard ensorte qu'on peut
dire que sa guerison est aussi surprenante
la maladie même , si toutefois on
que
peut qualifier cette incommodité de maladie.
Voici comme la chose est arrivée.
,
Etant chez un des amis de son pere ,
au mois de Janvier dernier , où on buvoit
de l'Eau de vie , boisson trop familiere
dans notre Province , sur tout parmi
les petites gens , on lui en fit boire
plusieurs verres dont il s'est trouvé yvre,
et cette boisson meurtriere ayant porté
sa fumée à la tête , on en vit sortir une
quantité
JANVIER. 1731. 59
quantité prodigieuse de ces insectes , ce
qui surprit étrangement les personnes
qui étoient présentes , et depuis ce tems
jusqu'à la fin d'Avril il ne ressentit aucun
des piquottemens qui lui faisoient souffrir
de très vives douleurs ; mais enfin il
en restoit un seul qui sortit alors , et depuis
il n'en a plus paru . Son teint devient
beaucoup meilleur , et ses cheveux qui
étoient bruns , et par les extrémités à demi
blancs , reprennent une couleur égale,
J'ai crû , Messieurs , vous faire plaisir de
vous informer de cet évenement. Je suis
toujours etc.
De Savoye , Curé de S. Ouin et Doyen
Rural de Vinacourt.