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p. 25-70
LETTRE A M. le Marquis de *** Sur un Livre intitulé, Les Soûpirs de l'Europe.
Début :
Vous croyez, Monsieur, que tous les soûpirs sont reservez pour [...]
Mots clefs :
Soupirs, Europe, France, Couronne, Empereur, Guerre, Paix, Monarchie, Puissances, Autriche, Hollande, Espagne, États du Royaume, Renonciations, Alliance, Projet, Intérêts, Testament, Tranquilité, Malheurs
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE A M. le Marquis de *** Sur un Livre intitulé, Les Soûpirs de l'Europe.
LETTREA M.
-
le Marquis de***
Sur un Livre intitulé, Les
Soûpirs de l'Europe.
VOus croyez,Monsieur,
que tous les soûpirs sont
reservez pour l'amour, &
qu'il n'y a que le beau sexe
qui ait droit d'en exiger.
Je vous envoye un livre
nouveau qui vous apprendra que l'Europe loûfirc
aprésd'autres objets. Cest
a vous, Monsieur, à juger
si l'auteur est bien fondé à
faire joüer le personnage
d'Heraclite à la plus belle
partie du monde: mais prenez garde de rire dans le
temps que les autres sont
affligez; ce seroit un manque de charité de ne se pas
conformer au precepte de
saint Paul, qui veut qu'on
pleure avec ceux qui pleurent.
L'objet qui excite les [où.
pirs de l'Europe, est la Harangue de la Reine d'Angleterre à son Parlement
sur le projet d'une paix génerale. Vous ferez surpris,
Monsieur, qu'on fasse soûpirer l'Europe à rafpeél:
d'un projet de paix, dans
le temps que tous les peuples concourent par leurs
vœux à obtenir du Ciel ce
qui fait le bonheur de la
terre.
La Reine de la Grande
Bretagne, plus sensible aux
vrais malheurs de l'Europe
qu'à ses pretendus soûpirs,
ayant enfin ouvert les yeux
sur les motifs qui ont, mis
la Chrétienté en combus-
tion, a reconnu que les desfeins ambitieux de deux
Puissances ont produit cet
embrasèmenr, ceux de la
Maison d'Autriche d'un côté
y
& ceux des Etats Generaux des Provinces Unies
de l'autre.
L'habileté de ces deux
Puissances avoir trouvé le
fecrer d'armer pour leur
querelle une partie desPrinces de l'Europe, pour combattre le chimérique projet de la Monarchie universelle dont elles accufoienr
la France,pendanr que dans
leurs trairez publics & secrets elles ne pensoient
qu'à leur agrandissement
particulier
,
aux dépens du
bien des autres Princes qui
s'étoientliguez avec elles.
Bien des années s'étoient
écoulées, sans que le voile
qui cachoit cet artifice eût
été tiré. Deux grands Capitaines en tenoient les
deux bouts, & empêchoient
par leurs soins que la PuiC
sance qui fournissoit leplus
à l'entretien de la guerre,
& qui y
prositoit le moins,
ne pût découvrir le myC.
tere de l'Empereur & des
Hollandois.
Ce n'est pas une chose
nouvelle de voir la Maison
d'Autriche attentive à son
agrandissement
:
mais c'en
est une de voir les principaux membres de l'Empire
travailler à leur propre deftruction.
Les Hollandois n'ont pas
moins manifesté leur ambition, quoy qu'ils l'ayent
conduite d'une maniere
plus couverte. Personne n'ignore que depuis l'établissement de leur Souverai-
netéparles secours des Rois
de France Henry IV. Louis
XIII. & LouisXIV.il n'y a
pas de partie dans le monde
où ils ne soient parvenus à
fonder leur domination,
fous pretexte de leur commerce
,
& même aux dépens de ceux qui sont aujourd'hui leurs plus grands
amis ôc leurs plus chers alliez.
e Pendant que l'Espagne a
été comme en brassiere sous
le regne de Charles II. les
Hollandois ont profité d-e
cet état d'impuissance pour
augmenter leur barriere-,
& tirer avantage du négoce des Indes Occidentales. Depuis ce temps-là il
ne paroît aucun traité, soit
de commerce, foit de guerre, danslequel les Etats Géneraux n'ayent glisse des
clauses nouvelles à leur
avantage ;
& c'estsapolitique dangereuse qui vient
d'êtredémarquée, c'est ce
manege qui vient d'engager la Reine d'Angleterre
& le nouveau Ministere a
ouvrir les yeux sur les véritables intérêts de leur na-
tion, en écoutant avec plus
de sagesse que ceux qui
gouvernent la Hollande,
les proportions du Roy de
France, quoique beaucoup
inférieures à celles que ce
Prince avoit fait presenter
à la Haye en 1709. &à Gertruidemberg en 1710.
Le systême de la grande
alliance n'a étéque d'en,
gager la Maison d'Autriche dans de si grandes entreprises, afin qu'après la
paix demeurant Titulaire
des Pays-Bas, & ne se trouvant pas en état de rem-
bourser les avances de la
Hollande,ilsalûtlaisser à
cette République, par engagemenr, les meilleures
places de ces Provinces qui
auroient eu le même fort
que la ville de Mastricht
& qui jointes à la barriere,
qu'on pretendoit de la France
,
auroit rendu dans la
fuite lesHollandoisSouverains des dix-sept Provinces. Ajoutez à cela que si
l'Empereur etoit devenu
maître de l'Espagne & des
Indes, ce Prince n'étant pas
en etat de faire le com-
merce de la mer, il auroit
étécontraint de s'enrapporter à eux, & par ce
moyen ils auroient éloigné
toute autre nation du com.
merce de l'Amerique.
Voila, Monsieur, la découverte que laReine d'Angleterre & son nouveau Ministere ont faite, qui devient pour les Hollandois
un veritable sujet de soûpirer.
L'Auteur du livre des
soûpirs de l'Europe auroit
parlé plus juste s'il avoit intitulé son ouvrage, les soû-
pirs de la Hollande, en
comparant les négociations d'Utrecht avec celles
de la Haye & deGertruidemberg
,
& en reflechissant sur les suites sacheuses
de la victoire de IJenain)
la prise de Marchiennes,
magasin de toute leur campagne, de la levée du siege
de Landreci, de la conquête de Douay
,
de celle
du Quesnoy, du renversement de toutes leurs grandes esperances, ôc de n'être pas en sûreté au milieu
de leur domination; eux qui
deux mois auparavant se
vantoient de mettre Paris
fous contribution, & de
faire hyverner leurs troupes au milieu de la France.
Le livre auquel jerépons
n'a pour fondement que la
renonciation de MarieTherese d'Autriche à la
Couronne d'Espagne. C'est
une piece produite au procés après l'arrêt rendu.
L'affaireestdecidée, Philippe V. restera sur le Trône d'Espagne, l'Angleterre
le reconnoît.
Tous ceux qui liront la
Harangue de la Reine à
son Parlement sans prévention, feront surpris du
mauvais sens que les alliez
donnent à cette déclaration
:
mais ils le feront encore davantage des efforts
que fait l'Auteur des Soûpirs, pour persuader au Public que les alliez n'ont jamais eu la moindre connoissance des projets de la
Reine touchant la paix generale.
Cet auteur a
oublié que
le livre de la conduite des
alliez a
désavoue son dis-
cours, puisque depuis un
an ils n'ont pas cessé de faire
agir leurs émissaires en Angleterre.
Si après toutes ces tentatives instructueuses on
veut faire semblant d'ignorer un fait rendu public
par des communications (ï
solemnelles, on veut prendre le monde pour dupe; il
est permis de ne les pas approuver: maisil est honceux de soûtenir qu'on ne
l'a pas sçû.
Dans les principes de
l'Empereur & des Etats Ge-
neraux le droit sur les Couronnes ne doit plus être réglé ni sur la proximité du
sang, ni sur lestitres les plus
autentiques, mais seulement sur ce qui peut convenir à l'intérêt de la Cour
de Vienne & des Hollandois:il leur suffira de craindre ragrandissement d'une
Puissance, pour armer toute
l'Europe contre un Prince
que la nature declare, &
que la Providence établit
héritier de ses ancêtres.
Dans une justice reglée
où l'équité decide, & non
la
la violence, il seroit aisé de
faire connoître que les Couronnes d'Espagne appartiennent légitimement à
Philippe V. & dans un pays
sensé où la raison gouverne, & non la passion, il ieroit aisé de démontrer qu'-
on ne peur les lui arracher.
La premiere se prouve,
parce que ses droits sont
fondez sur la nature, sur la
loy du pays, sur la coûtume
,
& sur le testament de
Charles II. confirmé par le
suffrage de tous les Etats
de la Monarchie, à qui,
selon l'auteur des Soûpirs,
il appartient de confirmer,
ou d'infirmer toutes disposrtions faites par les Rois
d'Espagne.L'Empereurn'opose à de si justes titres que
Ia- renonciation de MarieTherese d'Autriche,filleaînée de Philippe IV. maisil
y a
long-temps qu'on afait
toucher au doigt la nullité
de cet acte, & il suffit de
renvoyer aux livres imprimez celui qui voudra sçavoir & approfondir cette
matiere.Pourmoy, qui n'en
veux dire qu'un mot, mais
unmot peremptoire, je me
,
contenterai des mêmes argumens que l'auteur des
Soupirsemployepour prouver que si la renonciation
de MarieTheresed'Autriche est bonne, le testament deCharles II.estbon,
& que si le testament est
nul, la renonciation est encore plus nulle; par consequent ledroit naturel, le
droit du fang étant du côté
de Philippe V.la Couronne
d'Espagne lui appartient incontestablement
-,
donc la
guerre qu'on lui faitest injuste. - Dij
Car si par les remarques
de l'auteur des Soûpirs, p.
1 26. les Rois d'Espagne ne
possedant point le Royaume ex domino, ne peuvent
ni vendre, ni donner, ni
aliener leurs peuples comme un troupeau de moutons, par une même consequence les Rois d'Espagne peuvent encore moins
obliger leurs enfans à vendre, a
ceder,&àfaire quelque alienation que ce soit
des droits naturels qu'ils
ont sur la Couronne.
L'auteur rapporte plu-
sieurs exemples qui prouvent que tous actes qui
n', ., 1 ont point été approuvez
par les Etats du Royaume
n'ont jamais eu leur effet.
L'Empereur ne peut disconvenir ( & toute l'Europe
en est témoin) que le sesia..
ment de Charles II. n'ait
été approuve par tous les
Etats du Royaume d'Espagne,puisque d'abord après
la mort de Charles II. il y
eut une deputation solemnelle enFrance, pour prier
le Roy d'accorderà FEfpagne le Ducd'Anjou, fuu
vant la derniere volonté de
Charles II.
L'Empereur doit avouer
encore qu'avec toutes les
forces des alliez, & toutes
les profperitez imaginables,
il n'a jamais pu se faire reconnoîtreRoyparces peuples, quoyqu'il ait été deux
fois maître de Madrid.
Je voudrois donc bien
que l'auteur des Soûpirs
nous dît quel titre il fautavoir pour être legitimement Roy d'Espagne. Est-,
ce la loy du pays ?
elleest.
pour nous. Est-cel'usage ?
ilest pour nous. Est-ce un
testament ? nous l'avons.
Est-ce l'acclamation des
peuples? certainement nul
autreque Philippe V. ne
s'en peut vanter; elle a
été
universelle a son avenement, elle a
duré trois ans
entiers sans aucune contradiction. Cen'est qu'à force
d'intrigues qu'on lui a
débauché dans la fuite quelques sujets, convaincus par
là derébellion manifeste,
puis qu'ils ont violé leurs
premiers sermens.
Mais pourquoy l'auteur,
dans sa vaste érudition, ôc
dans le reüeil des pieces
qu'il rapporte
,
ne dit-il pas
un seul mot des testamens
fameux de Charles-Quint
& de Philippe second ? C'est
qu'ils l'égorgent, & qu'il
n'est pas payé pour alleguer
la vérité contre l'intention
de ceux qui le font écrire.
Or ces deux testamens renferment une substitution
graduelle lX. perpétuelle de
la Couronne d'Espagne, en
preferant les mâles aux
femelles, & au défaut des
mâles, les fillesaînées aux
cadet-
cadettes dans toute leur
posterité. Je dis donc: Ou
la successiond'Espagne doit
être reglée par les dispositions des Rois, ou elle ne
peut l'être que par le droit
du sang;enunmot oucette
Couronne elt alienable, ou
elle ne l'est pas: si elle effc
alienable, lasubstitution étant faite par les anciens
Rois de la Maison d'Autriche, leurs descendans n'ont
pû la changer; par consequent ni testamens posterieurs, ni renonciations, ni
autres dispositions quelcon-
ques ne peuvenc la détruire.
L'aureur est tropgrandJurisconsulte pour ignorer les
premiers élemens du Droit.
Si laCouronne n'estpasalienable, les testamens de
Charles-Quint & de Philippe II. ajoutez.y, si vous
voulez, celui deCharles Il
etoient inutiles, puis qu'ils
ne disent que ce que la loy
disoit avant eux: mais les
rciramens de Philippe III.
&de Philippe IV. contraires à la loy, sont nuls de
plein droit, & les renonciations d'Anne & deMarie.
Therese, contraires à la
loy,sont nulles de plein,
droit auili"; par consequent
les testamens des trois Monarques, par lesquels Philippe V. est appellé, ne sont
bons& respectables qu'autantqu'ils sont conformes
à laloyfondamentale de
TEcac: d'oùil s'enfuit que
-il Philippe IV. & MarieTherese safille avoient eu
la moindre autorité pour
exclure quelqu'un de leurs
descendans
,
contre toute
forte de justice, Charles II.
n'enavoit pas moins pour
les rétablir dansl'ordre de
la justicemême. Si le pere
a
ptt faire un mal
,
le fils à
plus forte raison a
pu le reparer;& voila precisément
en quoy la disposition de
Charles11. a
été legitime,
c'cft qu'elle a
remis les cho-
* ses dans leur état naturel;
c'est qu'elle a marqué en
quoy les renonciations étoient valables, je veux dire
dans le point d'incompatibilité de deux Couronnes:
& en quoy elles ne l'étoient
pas, je veux dire dans l'ex..
clusion du scul & veritable
,
héritier.
Ainsi Philippe V. ne vient
pas à la Couronne du droit
de la grandmere, ni du
droit de son bisayeul maternel
,
mais du sien propre. Il ne les represente
point pour être tenu de leurs
faits
;
il vient comme ap,
pellé par les loix,par le sang,
par la nature. CharlesII.
ne l'a pas proprement institué
;
il n'a fait que le désigner encre les vrais successeurs, parce que les autres
étoient destinez à porter la
Couronne de France, &c
qu'il convenoitpour le bien
des deux Royaumes, qu'ils
cussent deux Rois separez.
Voila ce qui s'appelle des
raisons ausquelles je défie
l'auteur en question de répondre autrement que par
des soûpirs: mais ce qu'il y
a
de plus curieux dans foii»
livre,c'est qu'après être
convenu des principes, il;
nie toutesles conséquences.
Les dispositions personnelles, selon lui, sont des chansons:mais les renonciations.
font des loix fondamental
les, comme si les renonciationsnetoient pas des dis-
goûtions personnelles.
Je voudrois bien lui de^
mander si les Cortes en 1618.
avoient plus d'autorité pour
renverserles anciennes, que
les Cortes en 1709. en avoient pour s'y conformer.
Les premieres ont exclules
enfans d'Anne, les fecondes ontjuré que Philippe V.
&[on filsétaient les veritables Rois. Si les premieres
ont pû faire une loy ,les lecondes en ont pu faire une
aussi. Quelle différence y
at-il donc entrç les deux?
C'estque la loy pretendue
de 1618. etoitcontradictoire
aux loix irrevocables de la
Monarchie, & que celles
de 1709. n'en croient que le
renouvellement & l'application. Remarquez en paffane) je vous prie
,
avec
quelle affectation les PrincesAurtrichiensont prissoin
de faire toujours renoncer
les Princesses qui pouvoient
porter ailleurs des droitssur
l'EÍpagne) Anne, MarieTherese
,
l'Archiduchesse
Electrice de Baviere; & jamais celles qui pouvoient la
porter dansla branche d'Al..
lemagne. Ne voit-on pas
que c'étoit uniquement
pourfixer ce patrimoine
chez eux,3malgréOles regles
qu'ilsleur avoient données,
la reconnoissant feminine
pour leur Maison
,
&masculine pourle reste du monde. C'étoir faire violence à
la nature ôc forcer la Providence
;
aussi, comme
vous voyez, la Providence
s'en est moquée, & la nature a
repris le dessus. Rien
n'est donc plus solidement
établi que le droit de Philippe V. & rien de plus mal
fondé que la prétention de
l'Empereur. Ilme reste à
prouver que laplus folle de
toutesles chimeresferoit de
s'obstiner au détrônement
de ce Roy,
Que n'a-t- on point fait
pour en venir à bout?combien de fang répandu?combien de trésors dissipezpour.
arriver à
ce but tant desiré,
par toutes les Puissances liguées?Esperet-on de plus
grandssuccés que ceux qui
nont servià rien? Tant que lesEspagnols feront fideles,
on gagneroit vingt batailles!.
de Sarragosse, on prendroit
vingt fois Madrid
,
qu'il
faudroir se retirer & s'enfuir.
Les alliez ont été sur
l'Espagne, comme les Chymisses sur la pierre philo-,
sophale;ilsonttoûjourscrû
la tenir, elle leur a
toûjours
échapé;la premiere matiere leur manquoit, c'est;
le cœur des peuples.
Mais, me dira l'auteur
des Soûpirs, vous accusez
donc laReine de s'être flatée mal à propos, lors qu'-
ellea déclarétantdefois
à son Parlement qu'il faloit
continuer la guerre jusqu'à
ce qu'on eût mis laMaison
d'Autriche en possession del'Espagne & des Indes?
Je répons à cela qn'il faut
distinguer.
1. Pendant que
l'Empereur Joseph étoit encore plein de vie, on pouvoirregarder les deux branches de cette Maison comme separées,de la même
façon qu'on regardeaujourd'hui celle de Bourbon: mais depuis sa mort,
sansensans mâles, tout eflr
sur unemême tête; & quoy
qu'en dise l'auteur avec ses
calculs frivoles, tant de
puissance entre les mains
d'un seul Prince, pour le
moins aussi fier & aussi ambitieux qu'aucun de ses predecesseurs, seroit enorme.
La Reine a
donc grande
raiion de penser differemment depuis le mois d'Avril 1711.2. L'experienceapprend quelque chose en ce
monde.Pouvoit-on deviner d'abord que Philippe
V. se feroit tellement aimer
de ses sujets, qu'il trouve,
roit toujours en eux des
ressources contre les plus
grands revers de la fortune,& que son rival neseroit
jamais moins maîtrede l'Espagne que lors qu'il en occuperoit la Capitale? Ce
sont des évenemens si merveilleux, qu'il faut les avoir
éprouvez pour les croirez
mais les éprouver deux fois,
sans les croire,c'est un aveuglement.
Nous n'avons plus qu'une choie à examiner,si l'Europe doit plutôt soûpirer
d'une paix
faite
sur le plan
de la Reine, que d'une
guerre éternelle faite sur le
,plan des Imperiaux & des
Hollandois.
Passons le lieu commun, f
qui dit qu'une
mauvaise paix vaut mieux
quunebonne guerre::
mais voyons un moment
avec l'auteur si la paix
qu'on veut faire n'estpas
meilleure que la guerre
qu'on veut continuer.
Mais si elle est mauvaise,
les hautsalliez ont eu
grand tort quand ilsont
fait en 1701. leur traitéde
la grande alliance
; car ils
ont par ce projet de pai:c
tour ce qu'ils souhaitoient
alors, & tout ce qu'ils se
sont propoiez de plus avantageux en prenant les armes. C'est proprement dans
retraite que la Reine de la
Grande Brctagne a
puisé les
articles de la satisfaction.
commune. Si l'Empereur &
les Hollandois n'ont pas eu
foin de leurs intérêts dans
un temps où rien ne les empêchoit de stipuler tout ce
qu'ils voutoient,c'est à
eux
seuls qu'ils doivent s'en
prendre: mais, dit l'auteur,
ils
ont eu depuis bien plus d'apperit,& ils pleureront si, on
ne les contente pas; ils se
sont flatez d'enlever une
Couronne, & de partager
l'autre. Ici je veux lui faire
une derniere question,& le
prier avec tous les écrivains
de libelles contre la France, de vouloir bien me définir,une fois pour tout,
sur quel pied on doit regarder cette Couronne. Ils
entreprennent ordinairement d'établir deux choses
contr'elle. La premiere;
qu'il fautabsolument dé-
truire sa puissance; !a~-
conde, qu'on lepeut facilement. Ces deux suppositions leur paroissent necessaires pour exciteren même temps la haine &,ree..
perancer: mais malheureusement ils tombent dans
une contradiction puerile;
car pour prouver l'une, ils
disent que la France a
des
forces redoutables, des tréfors infinis, & que si l'on n'y
prend garde, elle va tout
engloutir. Pour prouver
l'autre,ils disent que la
France cft aux abois, qu",.,
elle n'a plus qu'un souffle de
vie ,& qu'il ne faut qu'un
coup de collier pour la mettre à bas. Celane s'accorde
point, & il est aisé de leur
répondre.Sielleestsifoible,
pourquoy la craignez-vous
tant? si elleest si forte, comment l'abattrez-vous? Les
sages, qui n'aiment pas l'exaggeration, se contentent
de dire là dessus une chose
qui est vraye; c'est que la
France estassezpuissante
pour resister aux plus
grands effortsde ses ennemis, & qu'elle nel'est pas
assez pour attenter à la Ii.
berté de tout le monde. Si
elle a
songé às'étendre il y
a quarante ou cinquante
ans, c'est que Paris étoit un
peu trop prés de sa frontiere. Le PrinceEugene en
conviendra, puis qu'enassiegeant Landrecy
,
il promettoit à son armée de U
faire hyverner dansl'Isle de
France, & que le Major ge-:-
neral Grovestein avoir déja
marqué les logis. Ce n'est
donc pas avoir une ambition demesurée
,
que de
vouloir couvrir son Royau-
me par le côté qui le serre
le plus: mais c'en est une
que de vouloir posseder en
même temps l'Allemagne,
les Pays-Bas', la Hongrie,
la Boheme, l'Italie, l'Espagne, & les Indes.
Concluons donc, qu'une
guerre qui ne serviroit, en
reüssissant, qu'à doubler le
Domaine des Hollandois,
& qu'à quadrupler celui de
l'Empereur
,
& qui pourroir, en ne reüssissant pas,
donner à la France plus d'Etats qu'elle n'en veut ellemême, est une guerre qu'il
cft temps de finir;qu'au;
contraire une paix qui laisse
les deux grandes Maisons
dans un juste équilibre, &
qui rend àl'Europeaffligée
par tant de. malheurs une
tranquilité parfaire, -
ne peut
faire soûpirer que les perturbateurs durepos public.:
ôcles ennemis du genre hu*
main. Je suis, &c.
De Valenciennes le 8.
d'Oflobrc i711
-
le Marquis de***
Sur un Livre intitulé, Les
Soûpirs de l'Europe.
VOus croyez,Monsieur,
que tous les soûpirs sont
reservez pour l'amour, &
qu'il n'y a que le beau sexe
qui ait droit d'en exiger.
Je vous envoye un livre
nouveau qui vous apprendra que l'Europe loûfirc
aprésd'autres objets. Cest
a vous, Monsieur, à juger
si l'auteur est bien fondé à
faire joüer le personnage
d'Heraclite à la plus belle
partie du monde: mais prenez garde de rire dans le
temps que les autres sont
affligez; ce seroit un manque de charité de ne se pas
conformer au precepte de
saint Paul, qui veut qu'on
pleure avec ceux qui pleurent.
L'objet qui excite les [où.
pirs de l'Europe, est la Harangue de la Reine d'Angleterre à son Parlement
sur le projet d'une paix génerale. Vous ferez surpris,
Monsieur, qu'on fasse soûpirer l'Europe à rafpeél:
d'un projet de paix, dans
le temps que tous les peuples concourent par leurs
vœux à obtenir du Ciel ce
qui fait le bonheur de la
terre.
La Reine de la Grande
Bretagne, plus sensible aux
vrais malheurs de l'Europe
qu'à ses pretendus soûpirs,
ayant enfin ouvert les yeux
sur les motifs qui ont, mis
la Chrétienté en combus-
tion, a reconnu que les desfeins ambitieux de deux
Puissances ont produit cet
embrasèmenr, ceux de la
Maison d'Autriche d'un côté
y
& ceux des Etats Generaux des Provinces Unies
de l'autre.
L'habileté de ces deux
Puissances avoir trouvé le
fecrer d'armer pour leur
querelle une partie desPrinces de l'Europe, pour combattre le chimérique projet de la Monarchie universelle dont elles accufoienr
la France,pendanr que dans
leurs trairez publics & secrets elles ne pensoient
qu'à leur agrandissement
particulier
,
aux dépens du
bien des autres Princes qui
s'étoientliguez avec elles.
Bien des années s'étoient
écoulées, sans que le voile
qui cachoit cet artifice eût
été tiré. Deux grands Capitaines en tenoient les
deux bouts, & empêchoient
par leurs soins que la PuiC
sance qui fournissoit leplus
à l'entretien de la guerre,
& qui y
prositoit le moins,
ne pût découvrir le myC.
tere de l'Empereur & des
Hollandois.
Ce n'est pas une chose
nouvelle de voir la Maison
d'Autriche attentive à son
agrandissement
:
mais c'en
est une de voir les principaux membres de l'Empire
travailler à leur propre deftruction.
Les Hollandois n'ont pas
moins manifesté leur ambition, quoy qu'ils l'ayent
conduite d'une maniere
plus couverte. Personne n'ignore que depuis l'établissement de leur Souverai-
netéparles secours des Rois
de France Henry IV. Louis
XIII. & LouisXIV.il n'y a
pas de partie dans le monde
où ils ne soient parvenus à
fonder leur domination,
fous pretexte de leur commerce
,
& même aux dépens de ceux qui sont aujourd'hui leurs plus grands
amis ôc leurs plus chers alliez.
e Pendant que l'Espagne a
été comme en brassiere sous
le regne de Charles II. les
Hollandois ont profité d-e
cet état d'impuissance pour
augmenter leur barriere-,
& tirer avantage du négoce des Indes Occidentales. Depuis ce temps-là il
ne paroît aucun traité, soit
de commerce, foit de guerre, danslequel les Etats Géneraux n'ayent glisse des
clauses nouvelles à leur
avantage ;
& c'estsapolitique dangereuse qui vient
d'êtredémarquée, c'est ce
manege qui vient d'engager la Reine d'Angleterre
& le nouveau Ministere a
ouvrir les yeux sur les véritables intérêts de leur na-
tion, en écoutant avec plus
de sagesse que ceux qui
gouvernent la Hollande,
les proportions du Roy de
France, quoique beaucoup
inférieures à celles que ce
Prince avoit fait presenter
à la Haye en 1709. &à Gertruidemberg en 1710.
Le systême de la grande
alliance n'a étéque d'en,
gager la Maison d'Autriche dans de si grandes entreprises, afin qu'après la
paix demeurant Titulaire
des Pays-Bas, & ne se trouvant pas en état de rem-
bourser les avances de la
Hollande,ilsalûtlaisser à
cette République, par engagemenr, les meilleures
places de ces Provinces qui
auroient eu le même fort
que la ville de Mastricht
& qui jointes à la barriere,
qu'on pretendoit de la France
,
auroit rendu dans la
fuite lesHollandoisSouverains des dix-sept Provinces. Ajoutez à cela que si
l'Empereur etoit devenu
maître de l'Espagne & des
Indes, ce Prince n'étant pas
en etat de faire le com-
merce de la mer, il auroit
étécontraint de s'enrapporter à eux, & par ce
moyen ils auroient éloigné
toute autre nation du com.
merce de l'Amerique.
Voila, Monsieur, la découverte que laReine d'Angleterre & son nouveau Ministere ont faite, qui devient pour les Hollandois
un veritable sujet de soûpirer.
L'Auteur du livre des
soûpirs de l'Europe auroit
parlé plus juste s'il avoit intitulé son ouvrage, les soû-
pirs de la Hollande, en
comparant les négociations d'Utrecht avec celles
de la Haye & deGertruidemberg
,
& en reflechissant sur les suites sacheuses
de la victoire de IJenain)
la prise de Marchiennes,
magasin de toute leur campagne, de la levée du siege
de Landreci, de la conquête de Douay
,
de celle
du Quesnoy, du renversement de toutes leurs grandes esperances, ôc de n'être pas en sûreté au milieu
de leur domination; eux qui
deux mois auparavant se
vantoient de mettre Paris
fous contribution, & de
faire hyverner leurs troupes au milieu de la France.
Le livre auquel jerépons
n'a pour fondement que la
renonciation de MarieTherese d'Autriche à la
Couronne d'Espagne. C'est
une piece produite au procés après l'arrêt rendu.
L'affaireestdecidée, Philippe V. restera sur le Trône d'Espagne, l'Angleterre
le reconnoît.
Tous ceux qui liront la
Harangue de la Reine à
son Parlement sans prévention, feront surpris du
mauvais sens que les alliez
donnent à cette déclaration
:
mais ils le feront encore davantage des efforts
que fait l'Auteur des Soûpirs, pour persuader au Public que les alliez n'ont jamais eu la moindre connoissance des projets de la
Reine touchant la paix generale.
Cet auteur a
oublié que
le livre de la conduite des
alliez a
désavoue son dis-
cours, puisque depuis un
an ils n'ont pas cessé de faire
agir leurs émissaires en Angleterre.
Si après toutes ces tentatives instructueuses on
veut faire semblant d'ignorer un fait rendu public
par des communications (ï
solemnelles, on veut prendre le monde pour dupe; il
est permis de ne les pas approuver: maisil est honceux de soûtenir qu'on ne
l'a pas sçû.
Dans les principes de
l'Empereur & des Etats Ge-
neraux le droit sur les Couronnes ne doit plus être réglé ni sur la proximité du
sang, ni sur lestitres les plus
autentiques, mais seulement sur ce qui peut convenir à l'intérêt de la Cour
de Vienne & des Hollandois:il leur suffira de craindre ragrandissement d'une
Puissance, pour armer toute
l'Europe contre un Prince
que la nature declare, &
que la Providence établit
héritier de ses ancêtres.
Dans une justice reglée
où l'équité decide, & non
la
la violence, il seroit aisé de
faire connoître que les Couronnes d'Espagne appartiennent légitimement à
Philippe V. & dans un pays
sensé où la raison gouverne, & non la passion, il ieroit aisé de démontrer qu'-
on ne peur les lui arracher.
La premiere se prouve,
parce que ses droits sont
fondez sur la nature, sur la
loy du pays, sur la coûtume
,
& sur le testament de
Charles II. confirmé par le
suffrage de tous les Etats
de la Monarchie, à qui,
selon l'auteur des Soûpirs,
il appartient de confirmer,
ou d'infirmer toutes disposrtions faites par les Rois
d'Espagne.L'Empereurn'opose à de si justes titres que
Ia- renonciation de MarieTherese d'Autriche,filleaînée de Philippe IV. maisil
y a
long-temps qu'on afait
toucher au doigt la nullité
de cet acte, & il suffit de
renvoyer aux livres imprimez celui qui voudra sçavoir & approfondir cette
matiere.Pourmoy, qui n'en
veux dire qu'un mot, mais
unmot peremptoire, je me
,
contenterai des mêmes argumens que l'auteur des
Soupirsemployepour prouver que si la renonciation
de MarieTheresed'Autriche est bonne, le testament deCharles II.estbon,
& que si le testament est
nul, la renonciation est encore plus nulle; par consequent ledroit naturel, le
droit du fang étant du côté
de Philippe V.la Couronne
d'Espagne lui appartient incontestablement
-,
donc la
guerre qu'on lui faitest injuste. - Dij
Car si par les remarques
de l'auteur des Soûpirs, p.
1 26. les Rois d'Espagne ne
possedant point le Royaume ex domino, ne peuvent
ni vendre, ni donner, ni
aliener leurs peuples comme un troupeau de moutons, par une même consequence les Rois d'Espagne peuvent encore moins
obliger leurs enfans à vendre, a
ceder,&àfaire quelque alienation que ce soit
des droits naturels qu'ils
ont sur la Couronne.
L'auteur rapporte plu-
sieurs exemples qui prouvent que tous actes qui
n', ., 1 ont point été approuvez
par les Etats du Royaume
n'ont jamais eu leur effet.
L'Empereur ne peut disconvenir ( & toute l'Europe
en est témoin) que le sesia..
ment de Charles II. n'ait
été approuve par tous les
Etats du Royaume d'Espagne,puisque d'abord après
la mort de Charles II. il y
eut une deputation solemnelle enFrance, pour prier
le Roy d'accorderà FEfpagne le Ducd'Anjou, fuu
vant la derniere volonté de
Charles II.
L'Empereur doit avouer
encore qu'avec toutes les
forces des alliez, & toutes
les profperitez imaginables,
il n'a jamais pu se faire reconnoîtreRoyparces peuples, quoyqu'il ait été deux
fois maître de Madrid.
Je voudrois donc bien
que l'auteur des Soûpirs
nous dît quel titre il fautavoir pour être legitimement Roy d'Espagne. Est-,
ce la loy du pays ?
elleest.
pour nous. Est-cel'usage ?
ilest pour nous. Est-ce un
testament ? nous l'avons.
Est-ce l'acclamation des
peuples? certainement nul
autreque Philippe V. ne
s'en peut vanter; elle a
été
universelle a son avenement, elle a
duré trois ans
entiers sans aucune contradiction. Cen'est qu'à force
d'intrigues qu'on lui a
débauché dans la fuite quelques sujets, convaincus par
là derébellion manifeste,
puis qu'ils ont violé leurs
premiers sermens.
Mais pourquoy l'auteur,
dans sa vaste érudition, ôc
dans le reüeil des pieces
qu'il rapporte
,
ne dit-il pas
un seul mot des testamens
fameux de Charles-Quint
& de Philippe second ? C'est
qu'ils l'égorgent, & qu'il
n'est pas payé pour alleguer
la vérité contre l'intention
de ceux qui le font écrire.
Or ces deux testamens renferment une substitution
graduelle lX. perpétuelle de
la Couronne d'Espagne, en
preferant les mâles aux
femelles, & au défaut des
mâles, les fillesaînées aux
cadet-
cadettes dans toute leur
posterité. Je dis donc: Ou
la successiond'Espagne doit
être reglée par les dispositions des Rois, ou elle ne
peut l'être que par le droit
du sang;enunmot oucette
Couronne elt alienable, ou
elle ne l'est pas: si elle effc
alienable, lasubstitution étant faite par les anciens
Rois de la Maison d'Autriche, leurs descendans n'ont
pû la changer; par consequent ni testamens posterieurs, ni renonciations, ni
autres dispositions quelcon-
ques ne peuvenc la détruire.
L'aureur est tropgrandJurisconsulte pour ignorer les
premiers élemens du Droit.
Si laCouronne n'estpasalienable, les testamens de
Charles-Quint & de Philippe II. ajoutez.y, si vous
voulez, celui deCharles Il
etoient inutiles, puis qu'ils
ne disent que ce que la loy
disoit avant eux: mais les
rciramens de Philippe III.
&de Philippe IV. contraires à la loy, sont nuls de
plein droit, & les renonciations d'Anne & deMarie.
Therese, contraires à la
loy,sont nulles de plein,
droit auili"; par consequent
les testamens des trois Monarques, par lesquels Philippe V. est appellé, ne sont
bons& respectables qu'autantqu'ils sont conformes
à laloyfondamentale de
TEcac: d'oùil s'enfuit que
-il Philippe IV. & MarieTherese safille avoient eu
la moindre autorité pour
exclure quelqu'un de leurs
descendans
,
contre toute
forte de justice, Charles II.
n'enavoit pas moins pour
les rétablir dansl'ordre de
la justicemême. Si le pere
a
ptt faire un mal
,
le fils à
plus forte raison a
pu le reparer;& voila precisément
en quoy la disposition de
Charles11. a
été legitime,
c'cft qu'elle a
remis les cho-
* ses dans leur état naturel;
c'est qu'elle a marqué en
quoy les renonciations étoient valables, je veux dire
dans le point d'incompatibilité de deux Couronnes:
& en quoy elles ne l'étoient
pas, je veux dire dans l'ex..
clusion du scul & veritable
,
héritier.
Ainsi Philippe V. ne vient
pas à la Couronne du droit
de la grandmere, ni du
droit de son bisayeul maternel
,
mais du sien propre. Il ne les represente
point pour être tenu de leurs
faits
;
il vient comme ap,
pellé par les loix,par le sang,
par la nature. CharlesII.
ne l'a pas proprement institué
;
il n'a fait que le désigner encre les vrais successeurs, parce que les autres
étoient destinez à porter la
Couronne de France, &c
qu'il convenoitpour le bien
des deux Royaumes, qu'ils
cussent deux Rois separez.
Voila ce qui s'appelle des
raisons ausquelles je défie
l'auteur en question de répondre autrement que par
des soûpirs: mais ce qu'il y
a
de plus curieux dans foii»
livre,c'est qu'après être
convenu des principes, il;
nie toutesles conséquences.
Les dispositions personnelles, selon lui, sont des chansons:mais les renonciations.
font des loix fondamental
les, comme si les renonciationsnetoient pas des dis-
goûtions personnelles.
Je voudrois bien lui de^
mander si les Cortes en 1618.
avoient plus d'autorité pour
renverserles anciennes, que
les Cortes en 1709. en avoient pour s'y conformer.
Les premieres ont exclules
enfans d'Anne, les fecondes ontjuré que Philippe V.
&[on filsétaient les veritables Rois. Si les premieres
ont pû faire une loy ,les lecondes en ont pu faire une
aussi. Quelle différence y
at-il donc entrç les deux?
C'estque la loy pretendue
de 1618. etoitcontradictoire
aux loix irrevocables de la
Monarchie, & que celles
de 1709. n'en croient que le
renouvellement & l'application. Remarquez en paffane) je vous prie
,
avec
quelle affectation les PrincesAurtrichiensont prissoin
de faire toujours renoncer
les Princesses qui pouvoient
porter ailleurs des droitssur
l'EÍpagne) Anne, MarieTherese
,
l'Archiduchesse
Electrice de Baviere; & jamais celles qui pouvoient la
porter dansla branche d'Al..
lemagne. Ne voit-on pas
que c'étoit uniquement
pourfixer ce patrimoine
chez eux,3malgréOles regles
qu'ilsleur avoient données,
la reconnoissant feminine
pour leur Maison
,
&masculine pourle reste du monde. C'étoir faire violence à
la nature ôc forcer la Providence
;
aussi, comme
vous voyez, la Providence
s'en est moquée, & la nature a
repris le dessus. Rien
n'est donc plus solidement
établi que le droit de Philippe V. & rien de plus mal
fondé que la prétention de
l'Empereur. Ilme reste à
prouver que laplus folle de
toutesles chimeresferoit de
s'obstiner au détrônement
de ce Roy,
Que n'a-t- on point fait
pour en venir à bout?combien de fang répandu?combien de trésors dissipezpour.
arriver à
ce but tant desiré,
par toutes les Puissances liguées?Esperet-on de plus
grandssuccés que ceux qui
nont servià rien? Tant que lesEspagnols feront fideles,
on gagneroit vingt batailles!.
de Sarragosse, on prendroit
vingt fois Madrid
,
qu'il
faudroir se retirer & s'enfuir.
Les alliez ont été sur
l'Espagne, comme les Chymisses sur la pierre philo-,
sophale;ilsonttoûjourscrû
la tenir, elle leur a
toûjours
échapé;la premiere matiere leur manquoit, c'est;
le cœur des peuples.
Mais, me dira l'auteur
des Soûpirs, vous accusez
donc laReine de s'être flatée mal à propos, lors qu'-
ellea déclarétantdefois
à son Parlement qu'il faloit
continuer la guerre jusqu'à
ce qu'on eût mis laMaison
d'Autriche en possession del'Espagne & des Indes?
Je répons à cela qn'il faut
distinguer.
1. Pendant que
l'Empereur Joseph étoit encore plein de vie, on pouvoirregarder les deux branches de cette Maison comme separées,de la même
façon qu'on regardeaujourd'hui celle de Bourbon: mais depuis sa mort,
sansensans mâles, tout eflr
sur unemême tête; & quoy
qu'en dise l'auteur avec ses
calculs frivoles, tant de
puissance entre les mains
d'un seul Prince, pour le
moins aussi fier & aussi ambitieux qu'aucun de ses predecesseurs, seroit enorme.
La Reine a
donc grande
raiion de penser differemment depuis le mois d'Avril 1711.2. L'experienceapprend quelque chose en ce
monde.Pouvoit-on deviner d'abord que Philippe
V. se feroit tellement aimer
de ses sujets, qu'il trouve,
roit toujours en eux des
ressources contre les plus
grands revers de la fortune,& que son rival neseroit
jamais moins maîtrede l'Espagne que lors qu'il en occuperoit la Capitale? Ce
sont des évenemens si merveilleux, qu'il faut les avoir
éprouvez pour les croirez
mais les éprouver deux fois,
sans les croire,c'est un aveuglement.
Nous n'avons plus qu'une choie à examiner,si l'Europe doit plutôt soûpirer
d'une paix
faite
sur le plan
de la Reine, que d'une
guerre éternelle faite sur le
,plan des Imperiaux & des
Hollandois.
Passons le lieu commun, f
qui dit qu'une
mauvaise paix vaut mieux
quunebonne guerre::
mais voyons un moment
avec l'auteur si la paix
qu'on veut faire n'estpas
meilleure que la guerre
qu'on veut continuer.
Mais si elle est mauvaise,
les hautsalliez ont eu
grand tort quand ilsont
fait en 1701. leur traitéde
la grande alliance
; car ils
ont par ce projet de pai:c
tour ce qu'ils souhaitoient
alors, & tout ce qu'ils se
sont propoiez de plus avantageux en prenant les armes. C'est proprement dans
retraite que la Reine de la
Grande Brctagne a
puisé les
articles de la satisfaction.
commune. Si l'Empereur &
les Hollandois n'ont pas eu
foin de leurs intérêts dans
un temps où rien ne les empêchoit de stipuler tout ce
qu'ils voutoient,c'est à
eux
seuls qu'ils doivent s'en
prendre: mais, dit l'auteur,
ils
ont eu depuis bien plus d'apperit,& ils pleureront si, on
ne les contente pas; ils se
sont flatez d'enlever une
Couronne, & de partager
l'autre. Ici je veux lui faire
une derniere question,& le
prier avec tous les écrivains
de libelles contre la France, de vouloir bien me définir,une fois pour tout,
sur quel pied on doit regarder cette Couronne. Ils
entreprennent ordinairement d'établir deux choses
contr'elle. La premiere;
qu'il fautabsolument dé-
truire sa puissance; !a~-
conde, qu'on lepeut facilement. Ces deux suppositions leur paroissent necessaires pour exciteren même temps la haine &,ree..
perancer: mais malheureusement ils tombent dans
une contradiction puerile;
car pour prouver l'une, ils
disent que la France a
des
forces redoutables, des tréfors infinis, & que si l'on n'y
prend garde, elle va tout
engloutir. Pour prouver
l'autre,ils disent que la
France cft aux abois, qu",.,
elle n'a plus qu'un souffle de
vie ,& qu'il ne faut qu'un
coup de collier pour la mettre à bas. Celane s'accorde
point, & il est aisé de leur
répondre.Sielleestsifoible,
pourquoy la craignez-vous
tant? si elleest si forte, comment l'abattrez-vous? Les
sages, qui n'aiment pas l'exaggeration, se contentent
de dire là dessus une chose
qui est vraye; c'est que la
France estassezpuissante
pour resister aux plus
grands effortsde ses ennemis, & qu'elle nel'est pas
assez pour attenter à la Ii.
berté de tout le monde. Si
elle a
songé às'étendre il y
a quarante ou cinquante
ans, c'est que Paris étoit un
peu trop prés de sa frontiere. Le PrinceEugene en
conviendra, puis qu'enassiegeant Landrecy
,
il promettoit à son armée de U
faire hyverner dansl'Isle de
France, & que le Major ge-:-
neral Grovestein avoir déja
marqué les logis. Ce n'est
donc pas avoir une ambition demesurée
,
que de
vouloir couvrir son Royau-
me par le côté qui le serre
le plus: mais c'en est une
que de vouloir posseder en
même temps l'Allemagne,
les Pays-Bas', la Hongrie,
la Boheme, l'Italie, l'Espagne, & les Indes.
Concluons donc, qu'une
guerre qui ne serviroit, en
reüssissant, qu'à doubler le
Domaine des Hollandois,
& qu'à quadrupler celui de
l'Empereur
,
& qui pourroir, en ne reüssissant pas,
donner à la France plus d'Etats qu'elle n'en veut ellemême, est une guerre qu'il
cft temps de finir;qu'au;
contraire une paix qui laisse
les deux grandes Maisons
dans un juste équilibre, &
qui rend àl'Europeaffligée
par tant de. malheurs une
tranquilité parfaire, -
ne peut
faire soûpirer que les perturbateurs durepos public.:
ôcles ennemis du genre hu*
main. Je suis, &c.
De Valenciennes le 8.
d'Oflobrc i711
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Résumé : LETTRE A M. le Marquis de *** Sur un Livre intitulé, Les Soûpirs de l'Europe.
La lettre du Marquis de*** examine les tensions politiques en Europe, telles que décrites dans le livre 'Les Soupirs de l'Europe'. L'auteur de la lettre réfute l'idée que les 'soupirs' de l'Europe soient uniquement dus à l'amour, affirmant qu'ils résultent des ambitions des grandes puissances. La Reine d'Angleterre a reconnu que les guerres en Europe sont le fruit des ambitions de la Maison d'Autriche et des États Généraux des Provinces Unies, qui cherchent à étendre leur influence au détriment des autres princes. La lettre critique la politique de la Maison d'Autriche et des Hollandais, soulignant leur ambition et leur manipulation des autres nations. Elle révèle que la Reine d'Angleterre et son nouveau ministère ont découvert les véritables intérêts des Hollandais, qui visent à dominer les Pays-Bas et le commerce des Indes. La lettre conteste la guerre contre Philippe V pour le trône d'Espagne, affirmant que ses droits sont légitimes et fondés sur la loi du pays, la coutume et le testament de Charles II. L'auteur de la lettre argue que les testaments de Charles-Quint et Philippe II établissent une succession masculine, et que les renonciations d'Anne et de Marie-Thérèse sont nulles. Il conclut que Philippe V est le légitime héritier du trône d'Espagne, appelé par les lois, le sang et la nature. Le texte discute également des conflits dynastiques et des droits successoraux en Espagne, mettant en lumière les contradictions dans les arguments de l'auteur des 'Soupirs'. Il critique les renonciations personnelles et les lois fondamentales, soulignant que les Cortes de 1618 et de 1709 ont toutes deux légitimé leurs décisions, bien que contradictoires. Il souligne également les manœuvres des Princes Autrichiens pour maintenir leur influence en Espagne, malgré les règles de succession. Le texte défend le droit de Philippe V au trône d'Espagne, affirmant que les efforts des puissances alliées pour le détrôner ont échoué en raison du soutien des Espagnols. Il compare les alliances européennes à des Chimères, incapables de contrôler l'Espagne sans le soutien des peuples. L'auteur distingue les périodes avant et après la mort de l'Empereur Joseph, notant que la concentration de pouvoir entre les mains d'un seul prince est dangereuse. Il critique les calculs frivoles de l'auteur des 'Soupirs' et souligne l'importance de l'expérience et du soutien populaire. Enfin, le texte examine la question de la paix versus la guerre, affirmant que la paix proposée par la Reine est préférable à une guerre éternelle. Il critique les contradictions dans les arguments des ennemis de la France, qui la décrivent tour à tour comme faible et puissante. L'auteur conclut que la guerre ne servirait qu'à augmenter les domaines de l'Empereur et des Hollandais, tandis qu'une paix équilibrée apporterait la tranquillité à l'Europe.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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