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p. 121-151
RELATION envoyée à Monsieur le Comte de Pontchartrin.
Début :
Ayant eu le malheur d'estre du nombre de ceux qui [...]
Mots clefs :
Portugais, Troupes, Rio de Janeiro, Monsieur du Clerc, Bataille, Magasins
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texteReconnaissance textuelle : RELATION envoyée à Monsieur le Comte de Pontchartrin.
RELATIO N
envoyée à Monfieur
Le Comte de Pontchartrin.
MONSEIGNEUR,
A
I
Yant eu le malheur
d'eftre du nombre de
ceux qui ont efté faits prifonniers dans la defcente de
Mr du Clerc à Rio deJaneiro ; je crois qu'il eft de
mon devoir de rendre
Juin 1712.
L •
122 MERCURE
compte à Voftre Grandeur
de mon retour en France
auffi bien que de ce qui
s'eft paffé de plus remarquable dans cette occafion.
Le Samedy 6 Aouſt
1710. On commença à voir
la terre à huit heures du
matin , d'un vent affez frais .
on n'eut pas courru deffus
trois heures , qu'on découvrit le pain de fucre; c'est
une Montagne fort élevéc
qui eft à l'entrée de la Baye
de Rio de Janeiro , & qui
fert de marque pour la ret
connoiftre : elle cft ainfi
GALANT. 123
nommée à caufe de fa
figure.
.
Amidy le Commandant
fit fon fignal, pour apelles
rousles Gardes de la Marine,
& tous les Grenadiers de
l'Eſcadre à fon bord, afin
d'entrer ce jour- là nean
moinsil étoit déja 3 heures
qu'on eftoit encore à plus
d'une lieuë de l'entrée : ainfi
on pritleparti de moüiller,
pour ne pas s'engager la
nuit dans un pays qu'on ne
connoift pas.
La Brife que l'on s'étoit
flatté d'avoir le lendemain
Lij
114 MERGURE
huit heures du matin , ne
commença qu'à deux heures
aprés midy, on leva d'abord l'Ancre pour en pro
fiter , & chacun étant bien
difpofé par l'ordre que tous
avoient receu de Mr du
Clerc de fe tenir prefts à
faire la defcente, nous nous
preſentâmes à la Barre de
Rio de Janeiro pour entrer
dans le Port avecdes Navires
du Roy, le Dimanche 17
Aouft 1710. entre trois &
quatre heures du foir; mais
le vent nous ayant manqué,
Tout à coup, dés que nous
GALANT 125
fumes à l'abry des terres, on
fut contraint de mouiller à
une grande portée de canon
du grand Fort de S, Croix
Nous n'eumes pas pluſtoſt
jetté l'Ancre, qu'il le pre5 fenta une Soumaque , petit
Baftiment venant de la Baye
de tous les Saints , qui në
balança point d'entrer fur
la foy de nos Pavillons An
glois , qu'elle nous vit à
tous : mais Mr du Clerc
jugea à propos de l'arrefter,
en paffant, afin de tirer s'il
fe pouvoit quelque éclaircif.
fement pour fon entreprife,
A
Liij
126 MERCURE
Le grand Fort , qui depuis
que nous étions moüillez ,
paroiffoit fufpendre fon jugement, & nefçavoir encore
fi nous cftions amis on ennemis , ne douta plus que
nous ne fuflions François ,
lorfquil vit arrefter le petit
Baſtiment. Il commença
déflors à tirer du canon fur
les Vaiffeaux, ce qui étoit
affez mal fervi , mettant une
intervalle confiderable entre chaque coup qu'il tiroits
enfin lorfque la nuit furvint,
& qu'il fut obligé de ceffer ,
il n'avoit pas tiré plus de
GALANT 127
1
quinze ou vinge coups de
canon qui n'avoient incommodé aucun Navire.
Mr du Clerc aprés avoir
interrogé les Portuguais
qu'il venoit de prendre, af
fembla pendant la nuit le
confeil de fes Officiers pour
fçavoir ce qu'il étoit le plus
à propos de faire , quoyque
fon avis fut de faire la def
cente cette nuit meſme qui
étoit fort obfcure , & trespropre à favorifer l'entreprife , les Chaloupes pouvant paffer à la faveur des
tenebres devant tous les
1
Liiij
128 MERCURE
Forts fans avoir rien à crain
dre,cequiauroit fans doute
furpris les ennemis qui ne
pourroient pas encore eftre
rous raffemblez , il fut ce
pendant refolu de l'avis de
fon confeil d'aller à l'IfleGrande fe rafraichir , &
qu'enfuite on iroit furpren
dre la Ville , par terre.
Il fit embarquer rout fon
monde dans les deux Fregat
tes, la Diane & l'Attalante;
* C'eft une Iſle qui eft à zo lieues
de Rio de Janeiro , où les Vaiffeaux
ont coûtume d'aller faire de l'Eau ,
& du Bois.
GALANT 125
qu'il choifir pour le tranft
port des Troupes , & ceux
qui ne purene y trouver
place fuivirent dans les Cha
loupes , & dans deux Bri
gantins.
Les trois Vaiffeaux du
Roy , l'Oriflame , la Valeur
&la Venus, refterent à l'IleGrande , fous le comman
dement de Mr de Champagnu , Lieutenant de Vaif.
feaux; & nous en partîmes
dans l'ordre que je viens de
dire le Samedy 6. Septembre, fous la conduite de
trois Noirs qui s'étant écha
M
130 MERCURE
"T
pez de la maifon de leur
Maiftres , s'étoient venus
rendre à Mr du Clerc: ils
affuroient qu'il n'y avoit à
Ja Ville que cinq à fix cens
hommes de Troupes à
combattre , & s'offrirent de
nous y conduire par terre
fans aucun obftacle.
Nousmines pied à terre
un petit Village, à douze
ou quinze lieues de Rio de
Jineiro , ce fut là que nous
scommençames la deſcenté,
Je Dimanche au foir 14. du
mois, &le Lundy matin le
refte des Troupes étant auffi
i
GALANT. 131
S
FAD
3
#
deſcendu , nous marchâmes
droit à la Ville , au nombre
de prés dehuiccens hommes
fur la bonne foy des trois
Noirs qui nous y conduifi,
fent. 20 N
Les trois premiers jours
de marche ne furent trou
blez par aucun ennemy,
ayant trouvé dans les Campagnes toutes les habita
tions defertes ; foit que les
habitans fe fuffent retirez à
la Ville comme dans un lieude feureté, foit qu'ils s'y
fuffent affemblez pour la
mieux deffendre , mais le
132 MERGURE
quatrième jour qui fut le
Jeudy 18. du mefme mois
étant arrivez avec beaucoup
de peine fur le fommet
d'une Montagne fort éle véc, peu de temps avant
midy nous y trouvâmes un
abbatis d'arbres confidera
ble, ce qui barroit entiere
ment tout le chemin , qui
étoit de luy mefme fort
étroit , mais nous étant aperceus qu'il n'y avoit perfonne derriere qui s'oppoſat
à noftre paffage , comme
nous l'avions crû d'abord ,
nousnousenfimes bien toft
GALANT. 133
un autre dans le bois à la
faveur des haches d'armes
L'aprés
que portoit la Compagnie
des Canonniers.
midy environ les deux
heures à peine la moitié des
Troupes avoit defcendu la
Montagne que la Compa
gnie des Gardes de la Marine
marchoit à la tefte fut falüée
5 de quelques coups de fuzils
qui partirent in opinement
du Bois dont , trois Gardes
de la Marine furent bleſſez
fans qu'on pût découvrir
cenx qui les venoient de
tirer. L'on fit grand feu fur
# 34 MERCURE
Pendroit d'où on avoit veu
fortir celuy des ennemis , &
l'on doubla le pas pour
pouvoir pluftaft trouver la
fin du Bois qui avoit encore
demie- lieue , & où l'on ne
pouvoit marcher au plus
que deux depfront: les
Troupes qui fuivirent ef
fuyerent encore plufieurs
coups de fuzils , dont il n'y
eut cependant que deux
Soldats bleffez , car les déb
charges continuelles que
l'on faifoit à droit & à la
gauche, par tout où l'on
paffoit , impoferent biens
GALANT. 135
toft filence à ceux qui
étoient cachez , & les ren-.
dirent bien plus mal adroits
à tirer qu'ils n'avoient eſté
dens fe commencement, ou
ils choifirent leurs objets
fans qu'on fe deffiat d'eux.
Erantenfin arrivez, caw
deboucher , &n'ayant point
trouvé d'ennemis qui nous
difputaffent l'entrée dans la
Plaine , nous nous y mîmes
en bataille à mefurd que
nous fortions du Bois , &
nous marchâmes roûjours
en bon ordre , autant que
les chemins & les lieux par
136 MERCURE
où nous paffames enfuite
nous le peurent permettre.
Sur le foir le Soleil étant
preft de fe coucher , on
apperceut de loin une Compagnie de Cavalerie qui
fembloit nous attendre dans
une grande prairie prés
d'une des maiſon des Je
fuites , qui eft à une grande
demie lieuë de la Ville : l'on
marcha droit à elle croyant
que les Portuguais avoient
toutes leurs forces prés de
cet endroit à deffein de
nous combattre ; mais
voyant ces Cavaliers ſe reM
i
GALANT. 137
tirer à mesure que nous
avancions, on jugea bien
qu'ils étoient là pour nous
obferver feulement , & non
pas pour nous engager à au.
cune affaire. Mr du Clerc
ayant jugé àpropos de faire
prendre quelque repos aux
Troupes qui étoient extre
mement fatiguées , l'on s'ar
3 refta à cette maifon des Jfuires , & l'on y paffà la
nuit.
Le lendemain toutes les
Troupes furent en bataille
à la pointe dujour, & aprés
les Prieres accoutumées on
Juin 1712 M
138 MERCURE
fe miten marche . La Com
pagnie de Cavalerie Portugaife que nousavions veuë le
Loir, fembloit nous vouloir
enfeigner les chemins qui
conduifoient à la ville &
marcha longtemps devant
nous à grande portée de canon, nous obfervant toû
jours à veuëde, moment en
moment, ilfe détachoit un
Cavalier d'entr'eux pour aller annoncer au Gouverneur
notreaproche , &l'informer
autant qu'ils en pourroient
juger du nombre que nous
étions, & des routes par lef
GALANT. 139
1
I
quelles nous marchions à lui.
Mr du Clerc ayant veu
fur une hauteur une Eglife ,
nommée Notre- Dame des
Elton , où il aprit que les
ennemis étoient retranchez,
y enuoya deux Compagnies
de Grenadiers qui s'en rendirent bien-toft Maitres
malgré le grand nombre
de ceux qui la gardoient
la plupart des Portuguais ,
s'en étant enfuys dans le
Bois aprés leur premiere
décharge ; ceux qui refterent
furent faits prifonniers. On
apprit depuis qu'ils y étoient
Mij-
140 MERCURE
retranchez, au nombre de
deux cens hommes ; onper
dit dans cette action un
Capitaine de Grenadiers , &
cinq ou fix Soldats qui y
furent tuez.
Un gros de Portugais
étant fortis de la Ville , ils
parurent le longde quelques
arcades qui n'en font qu'à
demic portée du fuzil , &
firent mine d'en vouloir
difputer l'entrée à nos
Troupes qui s'avançoient à
grands pas ; mais ils ne fou
tinrent pas long temps la
furcur Françoife; car ils
"1
GALANT 147.
1
lacherent le pied aprés leur
feconde décharge , & ren.
trerent auffi-toft en defor
dre.
Jamais Troupes ne montrerent un courage plus in
trepide que ceux qui fuivi
rent Mr du Clerc dans cette
•
entrepife ; malgré le feu
continuel des ennemis qui
faifoit tomber nos gens de
rous coſtez, ayant du monde
caché dans tous les endroits "
par où nous paffions nous
entrâmes dans la Ville avec
autant d'ardeur & d'audace
que fi le peril n'eut pas efte
142 MERCURE
pour nous, & que nous
fuffions venus dans nos propres maifons; toutfuyoit devant nous par tout où nous
nous prefentions : Cependant nous n'y marchames
pas longtemps fans êrre fort
incommodez du feu qui
nous venoit des coins de ruës
dont nos gens étoient affaf,
finez fans que nous viffions
perfonne , contre qui nous
puiffions prendre noftre revanche. Dans cette fituation
on crut devoir chercher
quelque endroit favorable
pour le mettre à couvert,
2
GALANT. 43
1
& où l'on ſe pût retrancher,
ce ne fut pas fans peine , &
fans qu'il en coûtat beaucoup, que Mr du Clerc fe
rendit Maiſtre d'un Magaſin
àfucre proche de la Merque
l'on nommele Trepiche , &
où il y avoit quantité de
Portugais retranchez qu'il
fallut forcer , on y trouva
quatre pieces de canon avec
lefquels onfit bonfeu ; mais
ne s'y érant rencontré que
fort peu de munitions , on
ne s'en pût pas fervir long
temps.at
Pendant que ces chofes
144 MERCURE
fe paffoient dans la Ville ; la
Compagnie des Canonniers
qui avoient refté derriere ,
fe trouvant féparée du gros
des Troupes; parce qu'elle
n'avoit pas pû fuivre, tomba entreles mains des ennemis, qui aprés leur avoir
fait mettre bas les armes en
་
leur promettant bon quar
tier ; par la plus lâche per
fidic , dont on ait guère
vû d'exemple , furent affez
barbares pour leur arracher
à tous la vie. Ils en firent
un horrible carnage & leur
firent fouffrir les tourmens
less
GALANT 145
les plus rigoureux que leur
eruauté leur pûr faire
inventer.
En ce moment quelques
Officiers bleffez du nombre
: defquels étoit Mr de Ruys
Lieutenant de Vailleaux
Commandant de la Colon.
nelle, s'étant retitez dans
une maison pour le faire
pånfer , y furent furpris par
les Portugais , & furent em
menez prifonniers dans une
Chapelle qui eft au dehors
de la Ville nommée Noftre
Damedu Rozaire, oùétoient
les autres François que l'or
Juin 1712.
N
1
46 MERGURE
avoit arreltez. Le Gouver
neur y vint auffi toft avec
quantité d'Officiers Portugais ; il interrogea ces nouyeaux priſonniers avec le
moins de douceur qu'il luy
fur poffible. Enfin apres
bien des façons , les Officiers
François pour éviter le fuplice de la mort, dont on
les menaçoit, furent obligez
dedéclarer que le nombrede
Troupes qui étoient defcendues à terre étoit d'environ
huit cens hommes, le Gouverneur s'étant fait rendre
compte des morts à peu
M
GALANT 47
prés autant que l'on en pourroit juger , & de tous les
prifonniers qu'il avoit déja
faits , n'eut pasde peine à
deviner que le nombre de
ceux qui étoient encore avec Mr du Clerc ne pouvoit
pas eftre bien confiderable
alors 7 ou 8 mille hommes
de Troupes Portugaifes
& qui n'avoient pas ofez
venir à noftre rencontre
pour nous empefcher d'entrer dans leut Ville ', commencerent à fe fentir quelque courage.
Mais ne fe confiants pas
Nij
148 MERCURE
encore tout à fait à ce qu'ils,
venoient d'entendre de la
bouche des prifonniers; le
Gouverneur engagea Mr de
Ruys d'écrire à Mr du
Clerc , pour luy aprendre,
combien les forces Portu
gaifes étoient confiderables , & pour le foliciter de
fe rendre.
Mr du Clerc répondit
qu'il avoit encore de la poudre & des balles , & que
tandis qu'elles dureroient ,
il ne fe rendroit point; cependant il n'étoit point fans
affaires & fans embarras
GALANT. 149
dans le Trepiche depuis que
nous l'y avions laiffe , étant
obligé d'effuyer le feu continuel de deux Fregattes qui
s'étant avancées fort prés du
Magafin où nous étions ,
firent de grandes bréches ,
à l'aide de leur canon qu'elles
tiroient fans ceffe , & qui
nousfaifoit perdre toûjours
du monde, & en incommodoit beaucoup par les éclats.
Fevvous pafferay icy un long
détail d'une defenfe qui coûta
aux Portugais dixfoldats pour
un des noſtres ; mais ils
eftoient encore en trop grand
"
N iij
150 MERCURE
nombre pour leur reſiſter. On
leur fit pourtant fignifier qu'on
alloitfortirfur euxlabayonette
au bout dufufil, ce qu'ils crait
gnirent tant qu'ils firent une
Capitulation tres-vantageufe:
mais ils la rompirent enfuite
avec une perfidie dont il n'y a
jamais eu d'exemples , en fai
fans fauffrir avec des crùautez
inoüies à leurs Prifonniers tous
les indignitez
C
Les tourmens
imaginables.
Voila en peu de mors
ane legere peinture de ce
qui s'eſt paſſé à Rio de Janeiro entre les François &
GALANT 156
les Portugais , le Vendredy
19. Septembre 17.no) val
Cette action qui dura
depuis les dix heures du matin , jufqu'à cinq heures du
foir , à été de plus chaudes ,
& des plus fanglantes done
on ait our parler, depuis
fort longtemps : il refta
deux cens hommes de tuez
fur la place , huic Officiers
Be trois Gardesde la Marine ;
deux cens autres furent
Bleffez , avec quinze Officiers & deux Gardes de la
Marine.
envoyée à Monfieur
Le Comte de Pontchartrin.
MONSEIGNEUR,
A
I
Yant eu le malheur
d'eftre du nombre de
ceux qui ont efté faits prifonniers dans la defcente de
Mr du Clerc à Rio deJaneiro ; je crois qu'il eft de
mon devoir de rendre
Juin 1712.
L •
122 MERCURE
compte à Voftre Grandeur
de mon retour en France
auffi bien que de ce qui
s'eft paffé de plus remarquable dans cette occafion.
Le Samedy 6 Aouſt
1710. On commença à voir
la terre à huit heures du
matin , d'un vent affez frais .
on n'eut pas courru deffus
trois heures , qu'on découvrit le pain de fucre; c'est
une Montagne fort élevéc
qui eft à l'entrée de la Baye
de Rio de Janeiro , & qui
fert de marque pour la ret
connoiftre : elle cft ainfi
GALANT. 123
nommée à caufe de fa
figure.
.
Amidy le Commandant
fit fon fignal, pour apelles
rousles Gardes de la Marine,
& tous les Grenadiers de
l'Eſcadre à fon bord, afin
d'entrer ce jour- là nean
moinsil étoit déja 3 heures
qu'on eftoit encore à plus
d'une lieuë de l'entrée : ainfi
on pritleparti de moüiller,
pour ne pas s'engager la
nuit dans un pays qu'on ne
connoift pas.
La Brife que l'on s'étoit
flatté d'avoir le lendemain
Lij
114 MERGURE
huit heures du matin , ne
commença qu'à deux heures
aprés midy, on leva d'abord l'Ancre pour en pro
fiter , & chacun étant bien
difpofé par l'ordre que tous
avoient receu de Mr du
Clerc de fe tenir prefts à
faire la defcente, nous nous
preſentâmes à la Barre de
Rio de Janeiro pour entrer
dans le Port avecdes Navires
du Roy, le Dimanche 17
Aouft 1710. entre trois &
quatre heures du foir; mais
le vent nous ayant manqué,
Tout à coup, dés que nous
GALANT 125
fumes à l'abry des terres, on
fut contraint de mouiller à
une grande portée de canon
du grand Fort de S, Croix
Nous n'eumes pas pluſtoſt
jetté l'Ancre, qu'il le pre5 fenta une Soumaque , petit
Baftiment venant de la Baye
de tous les Saints , qui në
balança point d'entrer fur
la foy de nos Pavillons An
glois , qu'elle nous vit à
tous : mais Mr du Clerc
jugea à propos de l'arrefter,
en paffant, afin de tirer s'il
fe pouvoit quelque éclaircif.
fement pour fon entreprife,
A
Liij
126 MERCURE
Le grand Fort , qui depuis
que nous étions moüillez ,
paroiffoit fufpendre fon jugement, & nefçavoir encore
fi nous cftions amis on ennemis , ne douta plus que
nous ne fuflions François ,
lorfquil vit arrefter le petit
Baſtiment. Il commença
déflors à tirer du canon fur
les Vaiffeaux, ce qui étoit
affez mal fervi , mettant une
intervalle confiderable entre chaque coup qu'il tiroits
enfin lorfque la nuit furvint,
& qu'il fut obligé de ceffer ,
il n'avoit pas tiré plus de
GALANT 127
1
quinze ou vinge coups de
canon qui n'avoient incommodé aucun Navire.
Mr du Clerc aprés avoir
interrogé les Portuguais
qu'il venoit de prendre, af
fembla pendant la nuit le
confeil de fes Officiers pour
fçavoir ce qu'il étoit le plus
à propos de faire , quoyque
fon avis fut de faire la def
cente cette nuit meſme qui
étoit fort obfcure , & trespropre à favorifer l'entreprife , les Chaloupes pouvant paffer à la faveur des
tenebres devant tous les
1
Liiij
128 MERCURE
Forts fans avoir rien à crain
dre,cequiauroit fans doute
furpris les ennemis qui ne
pourroient pas encore eftre
rous raffemblez , il fut ce
pendant refolu de l'avis de
fon confeil d'aller à l'IfleGrande fe rafraichir , &
qu'enfuite on iroit furpren
dre la Ville , par terre.
Il fit embarquer rout fon
monde dans les deux Fregat
tes, la Diane & l'Attalante;
* C'eft une Iſle qui eft à zo lieues
de Rio de Janeiro , où les Vaiffeaux
ont coûtume d'aller faire de l'Eau ,
& du Bois.
GALANT 125
qu'il choifir pour le tranft
port des Troupes , & ceux
qui ne purene y trouver
place fuivirent dans les Cha
loupes , & dans deux Bri
gantins.
Les trois Vaiffeaux du
Roy , l'Oriflame , la Valeur
&la Venus, refterent à l'IleGrande , fous le comman
dement de Mr de Champagnu , Lieutenant de Vaif.
feaux; & nous en partîmes
dans l'ordre que je viens de
dire le Samedy 6. Septembre, fous la conduite de
trois Noirs qui s'étant écha
M
130 MERCURE
"T
pez de la maifon de leur
Maiftres , s'étoient venus
rendre à Mr du Clerc: ils
affuroient qu'il n'y avoit à
Ja Ville que cinq à fix cens
hommes de Troupes à
combattre , & s'offrirent de
nous y conduire par terre
fans aucun obftacle.
Nousmines pied à terre
un petit Village, à douze
ou quinze lieues de Rio de
Jineiro , ce fut là que nous
scommençames la deſcenté,
Je Dimanche au foir 14. du
mois, &le Lundy matin le
refte des Troupes étant auffi
i
GALANT. 131
S
FAD
3
#
deſcendu , nous marchâmes
droit à la Ville , au nombre
de prés dehuiccens hommes
fur la bonne foy des trois
Noirs qui nous y conduifi,
fent. 20 N
Les trois premiers jours
de marche ne furent trou
blez par aucun ennemy,
ayant trouvé dans les Campagnes toutes les habita
tions defertes ; foit que les
habitans fe fuffent retirez à
la Ville comme dans un lieude feureté, foit qu'ils s'y
fuffent affemblez pour la
mieux deffendre , mais le
132 MERGURE
quatrième jour qui fut le
Jeudy 18. du mefme mois
étant arrivez avec beaucoup
de peine fur le fommet
d'une Montagne fort éle véc, peu de temps avant
midy nous y trouvâmes un
abbatis d'arbres confidera
ble, ce qui barroit entiere
ment tout le chemin , qui
étoit de luy mefme fort
étroit , mais nous étant aperceus qu'il n'y avoit perfonne derriere qui s'oppoſat
à noftre paffage , comme
nous l'avions crû d'abord ,
nousnousenfimes bien toft
GALANT. 133
un autre dans le bois à la
faveur des haches d'armes
L'aprés
que portoit la Compagnie
des Canonniers.
midy environ les deux
heures à peine la moitié des
Troupes avoit defcendu la
Montagne que la Compa
gnie des Gardes de la Marine
marchoit à la tefte fut falüée
5 de quelques coups de fuzils
qui partirent in opinement
du Bois dont , trois Gardes
de la Marine furent bleſſez
fans qu'on pût découvrir
cenx qui les venoient de
tirer. L'on fit grand feu fur
# 34 MERCURE
Pendroit d'où on avoit veu
fortir celuy des ennemis , &
l'on doubla le pas pour
pouvoir pluftaft trouver la
fin du Bois qui avoit encore
demie- lieue , & où l'on ne
pouvoit marcher au plus
que deux depfront: les
Troupes qui fuivirent ef
fuyerent encore plufieurs
coups de fuzils , dont il n'y
eut cependant que deux
Soldats bleffez , car les déb
charges continuelles que
l'on faifoit à droit & à la
gauche, par tout où l'on
paffoit , impoferent biens
GALANT. 135
toft filence à ceux qui
étoient cachez , & les ren-.
dirent bien plus mal adroits
à tirer qu'ils n'avoient eſté
dens fe commencement, ou
ils choifirent leurs objets
fans qu'on fe deffiat d'eux.
Erantenfin arrivez, caw
deboucher , &n'ayant point
trouvé d'ennemis qui nous
difputaffent l'entrée dans la
Plaine , nous nous y mîmes
en bataille à mefurd que
nous fortions du Bois , &
nous marchâmes roûjours
en bon ordre , autant que
les chemins & les lieux par
136 MERCURE
où nous paffames enfuite
nous le peurent permettre.
Sur le foir le Soleil étant
preft de fe coucher , on
apperceut de loin une Compagnie de Cavalerie qui
fembloit nous attendre dans
une grande prairie prés
d'une des maiſon des Je
fuites , qui eft à une grande
demie lieuë de la Ville : l'on
marcha droit à elle croyant
que les Portuguais avoient
toutes leurs forces prés de
cet endroit à deffein de
nous combattre ; mais
voyant ces Cavaliers ſe reM
i
GALANT. 137
tirer à mesure que nous
avancions, on jugea bien
qu'ils étoient là pour nous
obferver feulement , & non
pas pour nous engager à au.
cune affaire. Mr du Clerc
ayant jugé àpropos de faire
prendre quelque repos aux
Troupes qui étoient extre
mement fatiguées , l'on s'ar
3 refta à cette maifon des Jfuires , & l'on y paffà la
nuit.
Le lendemain toutes les
Troupes furent en bataille
à la pointe dujour, & aprés
les Prieres accoutumées on
Juin 1712 M
138 MERCURE
fe miten marche . La Com
pagnie de Cavalerie Portugaife que nousavions veuë le
Loir, fembloit nous vouloir
enfeigner les chemins qui
conduifoient à la ville &
marcha longtemps devant
nous à grande portée de canon, nous obfervant toû
jours à veuëde, moment en
moment, ilfe détachoit un
Cavalier d'entr'eux pour aller annoncer au Gouverneur
notreaproche , &l'informer
autant qu'ils en pourroient
juger du nombre que nous
étions, & des routes par lef
GALANT. 139
1
I
quelles nous marchions à lui.
Mr du Clerc ayant veu
fur une hauteur une Eglife ,
nommée Notre- Dame des
Elton , où il aprit que les
ennemis étoient retranchez,
y enuoya deux Compagnies
de Grenadiers qui s'en rendirent bien-toft Maitres
malgré le grand nombre
de ceux qui la gardoient
la plupart des Portuguais ,
s'en étant enfuys dans le
Bois aprés leur premiere
décharge ; ceux qui refterent
furent faits prifonniers. On
apprit depuis qu'ils y étoient
Mij-
140 MERCURE
retranchez, au nombre de
deux cens hommes ; onper
dit dans cette action un
Capitaine de Grenadiers , &
cinq ou fix Soldats qui y
furent tuez.
Un gros de Portugais
étant fortis de la Ville , ils
parurent le longde quelques
arcades qui n'en font qu'à
demic portée du fuzil , &
firent mine d'en vouloir
difputer l'entrée à nos
Troupes qui s'avançoient à
grands pas ; mais ils ne fou
tinrent pas long temps la
furcur Françoife; car ils
"1
GALANT 147.
1
lacherent le pied aprés leur
feconde décharge , & ren.
trerent auffi-toft en defor
dre.
Jamais Troupes ne montrerent un courage plus in
trepide que ceux qui fuivi
rent Mr du Clerc dans cette
•
entrepife ; malgré le feu
continuel des ennemis qui
faifoit tomber nos gens de
rous coſtez, ayant du monde
caché dans tous les endroits "
par où nous paffions nous
entrâmes dans la Ville avec
autant d'ardeur & d'audace
que fi le peril n'eut pas efte
142 MERCURE
pour nous, & que nous
fuffions venus dans nos propres maifons; toutfuyoit devant nous par tout où nous
nous prefentions : Cependant nous n'y marchames
pas longtemps fans êrre fort
incommodez du feu qui
nous venoit des coins de ruës
dont nos gens étoient affaf,
finez fans que nous viffions
perfonne , contre qui nous
puiffions prendre noftre revanche. Dans cette fituation
on crut devoir chercher
quelque endroit favorable
pour le mettre à couvert,
2
GALANT. 43
1
& où l'on ſe pût retrancher,
ce ne fut pas fans peine , &
fans qu'il en coûtat beaucoup, que Mr du Clerc fe
rendit Maiſtre d'un Magaſin
àfucre proche de la Merque
l'on nommele Trepiche , &
où il y avoit quantité de
Portugais retranchez qu'il
fallut forcer , on y trouva
quatre pieces de canon avec
lefquels onfit bonfeu ; mais
ne s'y érant rencontré que
fort peu de munitions , on
ne s'en pût pas fervir long
temps.at
Pendant que ces chofes
144 MERCURE
fe paffoient dans la Ville ; la
Compagnie des Canonniers
qui avoient refté derriere ,
fe trouvant féparée du gros
des Troupes; parce qu'elle
n'avoit pas pû fuivre, tomba entreles mains des ennemis, qui aprés leur avoir
fait mettre bas les armes en
་
leur promettant bon quar
tier ; par la plus lâche per
fidic , dont on ait guère
vû d'exemple , furent affez
barbares pour leur arracher
à tous la vie. Ils en firent
un horrible carnage & leur
firent fouffrir les tourmens
less
GALANT 145
les plus rigoureux que leur
eruauté leur pûr faire
inventer.
En ce moment quelques
Officiers bleffez du nombre
: defquels étoit Mr de Ruys
Lieutenant de Vailleaux
Commandant de la Colon.
nelle, s'étant retitez dans
une maison pour le faire
pånfer , y furent furpris par
les Portugais , & furent em
menez prifonniers dans une
Chapelle qui eft au dehors
de la Ville nommée Noftre
Damedu Rozaire, oùétoient
les autres François que l'or
Juin 1712.
N
1
46 MERGURE
avoit arreltez. Le Gouver
neur y vint auffi toft avec
quantité d'Officiers Portugais ; il interrogea ces nouyeaux priſonniers avec le
moins de douceur qu'il luy
fur poffible. Enfin apres
bien des façons , les Officiers
François pour éviter le fuplice de la mort, dont on
les menaçoit, furent obligez
dedéclarer que le nombrede
Troupes qui étoient defcendues à terre étoit d'environ
huit cens hommes, le Gouverneur s'étant fait rendre
compte des morts à peu
M
GALANT 47
prés autant que l'on en pourroit juger , & de tous les
prifonniers qu'il avoit déja
faits , n'eut pasde peine à
deviner que le nombre de
ceux qui étoient encore avec Mr du Clerc ne pouvoit
pas eftre bien confiderable
alors 7 ou 8 mille hommes
de Troupes Portugaifes
& qui n'avoient pas ofez
venir à noftre rencontre
pour nous empefcher d'entrer dans leut Ville ', commencerent à fe fentir quelque courage.
Mais ne fe confiants pas
Nij
148 MERCURE
encore tout à fait à ce qu'ils,
venoient d'entendre de la
bouche des prifonniers; le
Gouverneur engagea Mr de
Ruys d'écrire à Mr du
Clerc , pour luy aprendre,
combien les forces Portu
gaifes étoient confiderables , & pour le foliciter de
fe rendre.
Mr du Clerc répondit
qu'il avoit encore de la poudre & des balles , & que
tandis qu'elles dureroient ,
il ne fe rendroit point; cependant il n'étoit point fans
affaires & fans embarras
GALANT. 149
dans le Trepiche depuis que
nous l'y avions laiffe , étant
obligé d'effuyer le feu continuel de deux Fregattes qui
s'étant avancées fort prés du
Magafin où nous étions ,
firent de grandes bréches ,
à l'aide de leur canon qu'elles
tiroient fans ceffe , & qui
nousfaifoit perdre toûjours
du monde, & en incommodoit beaucoup par les éclats.
Fevvous pafferay icy un long
détail d'une defenfe qui coûta
aux Portugais dixfoldats pour
un des noſtres ; mais ils
eftoient encore en trop grand
"
N iij
150 MERCURE
nombre pour leur reſiſter. On
leur fit pourtant fignifier qu'on
alloitfortirfur euxlabayonette
au bout dufufil, ce qu'ils crait
gnirent tant qu'ils firent une
Capitulation tres-vantageufe:
mais ils la rompirent enfuite
avec une perfidie dont il n'y a
jamais eu d'exemples , en fai
fans fauffrir avec des crùautez
inoüies à leurs Prifonniers tous
les indignitez
C
Les tourmens
imaginables.
Voila en peu de mors
ane legere peinture de ce
qui s'eſt paſſé à Rio de Janeiro entre les François &
GALANT 156
les Portugais , le Vendredy
19. Septembre 17.no) val
Cette action qui dura
depuis les dix heures du matin , jufqu'à cinq heures du
foir , à été de plus chaudes ,
& des plus fanglantes done
on ait our parler, depuis
fort longtemps : il refta
deux cens hommes de tuez
fur la place , huic Officiers
Be trois Gardesde la Marine ;
deux cens autres furent
Bleffez , avec quinze Officiers & deux Gardes de la
Marine.
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Résumé : RELATION envoyée à Monsieur le Comte de Pontchartrin.
En juin 1712, un individu capturé lors de la descente de M. du Clerc à Rio de Janeiro en 1710 envoya une relation au Comte de Pontchartrain. Le 6 août 1710, les navires français aperçurent la terre et le Pain de Sucre, repère pour l'entrée de la baie de Rio de Janeiro. Le commandant rassembla les gardes et les grenadiers, mais le vent manqua, obligeant les navires à mouiller loin du fort de Saint-Croix. Une soumaque portugaise fut arrêtée pour obtenir des informations. Le fort ouvrit le feu sans causer de dommages significatifs. M. du Clerc, après avoir interrogé des prisonniers portugais, décida de se rendre à l'île Grande pour se rafraîchir avant d'attaquer la ville. Les troupes furent transportées par des frégates et des chaloupes, guidées par trois Noirs évadés qui affirmèrent que Rio de Janeiro n'avait que cinq à six cents hommes de troupes. Le 14 septembre, les troupes débarquèrent et marchèrent vers Rio de Janeiro. Après trois jours de marche sans encombre, elles rencontrèrent un abattis d'arbres le quatrième jour. Malgré quelques tirs de fusils, les troupes françaises continuèrent leur avancée et se mirent en bataille dans une plaine. Le lendemain, les troupes françaises attaquèrent et prirent une église où étaient retranchés les ennemis, faisant plusieurs prisonniers. Un groupe de Portugais tenta de défendre l'entrée de la ville mais recula après une seconde décharge. Les troupes françaises entrèrent dans la ville malgré le feu ennemi caché dans les coins de rues. M. du Clerc prit un magasin à sucre près de la mer, où il trouva des canons et des munitions. Cependant, la compagnie des canonniers, séparée du gros des troupes, fut capturée et massacrée par les Portugais. Quelques officiers français, blessés, furent faits prisonniers et interrogés par le gouverneur. Ce dernier, informé du nombre réduit de troupes françaises restantes, tenta de négocier avec M. du Clerc, mais ce dernier affirma qu'il avait encore de la poudre et des balles. Le 19 septembre 1710, une bataille intense eut lieu à Rio de Janeiro. Les Français, positionnés dans le Trepiche, subissaient des attaques continues de deux frégates portugaises, causant des pertes humaines et des dommages importants. Malgré les efforts des Français pour se défendre, les Portugais, en surnombre, infligeaient des pertes lourdes. Les Français menacèrent d'attaquer à la baïonnette, poussant les Portugais à accepter une capitulation avantageuse. Cependant, les Portugais violèrent cette capitulation en infligeant des cruautés à leurs prisonniers. La bataille, qui dura de 10 heures du matin à 5 heures du soir, fut particulièrement sanglante, laissant 200 hommes tués sur le champ de bataille, dont huit officiers et trois gardes de la marine, ainsi que 200 autres blessés, dont quinze officiers et deux gardes de la marine.
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