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1
p. 201-210
MORTS.
Début :
Jacques-Claude-Marie-Vincent, Seigneur de Gournay, Conseiller honoraire au Grand Conseil, [...]
Mots clefs :
Seigneur de Gournay, Décès, Vertueux, Qualités, Voyageur, Commerce, Marine, Mémoires, Observation, Étude, Écrits, Éloquence, Principes de commerce, Royaume de France, Réformes, Éloge
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texteReconnaissance textuelle : MORTS.
M ORTS.
ACQUES-Claude-Marie - Vincent , Seigneur
de Gournay , Confeiller honoraire au Grand'
Confeil İntendant honoraire du Commerce
mourut à Paris le 27 Juin , âgé de 47 ans.
?L'Hiftoire qui
fe
glorifie
de
célébrer
les
Hom-
mes
illuftres
,
néglige trop les
hommes
vertueux
:
La
V
202
MERCURE
DE FRANCE
elle
prodigue fouvent
aux
qualités éclatantes
l'en
cens qui
eft
dû aux
qualités
utiles
;
&
l'humanité
gémit
de
voir
des
trophées
élevés
à
la
mémoire
de
je
ne
fçai
quels
Héros
qui
lui
ont
été
au
moins-
inutiles
,
tandis
qu'on
foule
avec
une
dédaigneuſe
ingratitude
la
cendre
des
bons
Citoyens
.
De
ce
nombre
fut
M.
Vincent de
Gournai
.
Il étoit
né
à
S.
Malo
,
au
mois
de
Mai
1712
,
de Claude
Vincent
,
l'un des plus
confidérables
Négocians de
cette
Ville
&
Secrétaire
du Roi
.
Le
jeune Vincent
def
→
tiné
au
Commerce
,
fut
envoyé à Cadix
dès
l'âge
de
dix
-
fept
ans
.
L'étude
,
les
travaux
de fon
état
firent
dès
lors
tous
les
plaifirs
.
L'activité
de
fon
efprit
le
dirigea vers
le
commerce
.
Tout occupé de fon objet il parcourut l'Efpagne
en obfervateur Philofophe. De retour en France
en 1744 ilfutconnu de M. le Comte de Maurepas,
alors Miniftre de la Marine , qui fentit tout ce
qu'il valoit. Pour étendre les lumières qu'il avoit
recueillies en Espagne , il employa quelques an
nées à voyager en Hollande , en Allemagne , en
Angleterre. Partout il recueilloit des Obferva
tions , des Mémoires fur l'état du Commerce &
de la Marine. Ce n'étoit point un Négociant ,
c'étoit un homme d'Etat qui étudioit le génie
les facultés , les befoins , les relations des diffé
rens peuples de l'Europe.
Comparer
entr'elles les
productions
de
la
Na-
ture
&
des
Arts
dans
les
différens
climats
,
leur
valeur
refpective
,
les frais
d'exportation
&
les
moyens
d'échange
;
embraffer
dans toute
fon
étendue
&
fuivre
dans
fes
révolutions
l'état
desproductions
naturelles
, celui
de
l'induftrie
,
de
la population
,
des
richeffes
,
des finances
,
desbefoins
&
des
caprices
mêmes
de
la
mode
chez
toutes
les
Nations que
le
commerce
réunit ,
pourappuyer
fur la
connoiffance approfondie de tous
AOUST
.
1759.
203
ces détails des fpéculations lucratives ; c'est étu-
dier le commerce en Négociant. Mais découvrir
les cauſes & les effets cachés de cette multitude
de révolutions ; remonter aux refforts fimples
dont l'action toujours combinée , & quelquefois
déguilée par des circonftances locales , dirige tou
tes les opérations du commerce ; s'élever juſqu'à
ces loix uniques & primitives fondées ſur la na-
ture même , par lesquelles toutes les valeurs
exiſtantes dans le commerce fe balancent entre
elles & ſe fixent à une valeur déterminée , faifir
ces rapports compliqués par lefquels le com-
merce s'enchaîne avec toutes les branches de l'c-
conomie politique ; appercevoir la dépendance
réciproque du commerce & de l'agriculture , l'in-
fluence de l'un & de l'autre fur les ticheſſes , fur
la population & fur la force des Etats , fa liaifon
intime avec les loix , les mœurs & toutes les opé-
rations du Gouvernement , furtout avec la dif-
penfation des finances , les fecours qu'il reçoit de
la Marine Militaire & ceux qu'il leur rend , le
changement qu'il produit dans les intérêts ref-
pectifs des Etats , & le poids qu'il met dans la
balance politique ; enfin démêler dans les hazards
des événemens & dans les principes d'adminiſ-
ration adoptés par les différentes Nations de-
l'Europe , les véritables cauſes de leur progrès &
de leur décadence dans le commerce : c'eſt envi-
fager le commerce en Philoſophe & en homme
d'Etat.
Si la fituation où fe trouvoit M. Vincent lę
déterminoit à s'occuper de la ſcience du com-
merce fous le premier de ces deux points de
vue , l'étendue & la pénétration de fon efprit ne
lui permettoient pas de s'y borner. Aux lumières
de l'expérience & de la réflexion il joignit celles.
de la lecture. Les Traités du célébre Jofas Child
I vi
204
MERCURE
DE
FRANCE
.
qu'il a depuis traduits en François , & les Me
moires du grand Penfionnaire Jean de Wit,
faifoient fon étude affidue. On fçait que ces deux
grands hommes font regardés ,, l'un en Angle
terre , l'autre en Hollande , comme les légifla-
teurs du commerce ; que leurs principes font
devenus des principes nationaux , & que l'ob-
fervation de ces principes eft regardée comme
une des fources de la prodigieufe ſupériorité que
Ces deux Nations ont acquile dans le commerce.
M. Vincent plein de ces fpéculations s'occupoit'
à les vérifier dans la pratique d'un commerce
étendu , fans prévoir qu'il étoit deftiné à en ré-
pandre un jour la lumière en France , & à mê-
riter de fa Patrie le même tribut de reconnoif
fance que l'Angleterre & la Hollande rendent à
la mémoire de ces deux bienfaicteurs de leur
nation & de l'humanité. Mais comme fés talens
& fa probité lui avoient concilié l'eftime de tous
les Négocians de l'Europe , ils lui acquirent bien-
tôt la confiance du Gouvernement. M Jamets de
Villebare fon affocié & fon ami, mourut en 1746,
& le fit fon légataire univerfel : alors M. Vincent
quitta le commerce , & prit le nom de la terre
de Gournai qui faifoit partie de cette fucceffioni
M. de Maurepas lui confeilla de tourner les vues
du côté d'une place d'Intendant du Commerce!
M. de Machault à qui le mérite de M. de Gournai
étoit aufli très - connu , lui fit donner celle qui
vacqua en 1751 par la mort de M. le Tourneur.
Ce fut dès- lors que fa vie devint celle d'un hom-
me public. Son entrée au Bureau du Commerce
parut être l'époque d'une révolution. Il ne put
voir fans étonnement les entraves qu'on avoit
données au commerce & à l'induftrie ; par exem-
ple , que le travail d'un Ouvrier fût exposé à des
rifques & à des frais dont l'homine oifi éroir
AOUST
.
1759
.
205
exempt qu'une
piéce
d'étoffe
fabriquée
fit
un
procès
entre
un
Fabriquant
qui
ne
fçait
pas
lire
&
un
Infpecteur
qui
ne
fçait
pas fabriquer
;
que
l'Infpecteur
fût
cependant
l'arbitre
fouverain
de
la
fortune
du
Fabriquant
.
Ces Statuts qui déterminent jufqu'au nombre
des fils d'une étoffe , qui interdifent aux femmes
le travail de la fabrication , &c ; ces Statues
dont la rigueur ne tend qu'à décourager l'in-
duſtrie , & à lier les mains à des malheureux
qui ne demandent qu'à travailler , lui parurent
auffi oppofés aux principes de la juſtice & de
T'humanité qu'à ceux de l'adminiſtration œco-
nomique.
Il n'étoit pas moins étonné de voir le Gou-
vernement s'occuper à régler le cours de chaque
denrée , interdire un genre d'induſtrie pour en
faire fleurir un autre , affujettir à des gênes par-
ticulières la vente des provifions les plus nécef
faires à la vie , défendre de faire des magasins
d'une denrée dont la récolte varie tous les ans ,
& dont la confommation eft toujours à- peu-près
égale , défendre la fortie d'une denrée fujette à
tomber dans l'aviliffement , & croire s'affurer
Pabondance du bled en rendant la condition du
laboureur plus incertaine & plus malheureuſe
que celle de tous les autres citoyens.
M.
de Gournai ne
prévoyoit pas qu'on
le
pren-
droit
pour un
homme
à ſyſtême
,
lorſqu'il
ne
feroit
que
développer
les
principes
que
l'expé-
rience lui avoit enfeignés
,
&
qu'il
ne
regardoit
que
comme
les
maximes
les
plus fimples
du
fens
commun
:
ils
fe réduifoient tous à celui-
ci
,
Que
dans
le
commerce abandonné
à
lui
-
même
,
il
n'eft
pas
poflible
que
l'intérêt particulier
ne con-
coure pas avec
l'intéret
général
,
&
que
le
Gou-
vernement ne
doit s'en
mêler que pour
lui
ac-
206
MERCURE
DE
FRANCE
.
corder au befoin fa protection & fes fecours. Tel
eft le fyftême qu'il a développé dans les écrits,
& qu'il a foutenu avec la fermeté la plus coura
geufe jufqu'à la fin de fa vie ; mais ce fyftême
tout inconteftable qu'il eft , au moins à l'égard
des productions intérieures & de l'induftrie qui
les met en valeur , n'a jamais été fans contra-
diction.
Le haut intérêt de l'argent , la multiplicité des
taxes & des droits impolés fur le commerce , lyi
fembloient des obftacles pernicieux à fes pro-
grès ; & de ces idées lumineuſes développées par
les circonstances , il s'étoit fait un plan d'admi
niſtration politique dont il ne s'écarta jamais.
Son éloquence fimple , & animée de cette
chaleur intéreſſante que donne aux difcours d'un
homme vertueux la perfuafion intime qu'il foy
tient la caufe du bien public , n'ôtoit jamais rien
à la folidité de la difcuffion ; quelquefois elle
étoit affaifonnée par une plaifanterie fans amer
tume , & d'autant plus agréable qu'elle étoit
toujours une raiſon. Auffi incapable de prendre
un ton dominant que de parler contre la pensée,
la manière dont il propoſoit ſon ſentiment n'é-
toit impérieufe que par la force des preuves. S:
quelquefois il étoit contredit , il écoutoit avec
patience , répondoit avec politeffe , & difcutoit
avec le fang froid & la candeur d'un homme
qui ne cherche que le vrai. Si quelquefois il
changeoit d'avis , fa première opinion ne fem-
bloit jamais retarder ni affoiblir l'imprellion fubire
que la vérité offerte fait naturellement fur un
efprit jufte.
C'eft à la chaleur avec laquelle il cherchoit
à tourner du côté du commerce & de l'œcono-
mie politique tous les talens qui l'approchoient
c'eft-lurtout à la facilité avec laquelle il con
AOUST
.
1759
.
107
muniquoit toutes les lumières qu'il avoit acquifes,
qu'on doit attribuer cette heureufe fermentation
qui s'eft excitée depuis quelques années fur ces
objets importans , & qui nous a déja procuré
plufieurs Ouvrages remplis de recherches labo-
rieufes & de vmes profondes.
Quelque peine qu'on eût à adopter fes principes
dans toute leur étendue , fes lumières , fon expé
rience , l'eftime générale de tous les Négocians,
pour perfonne , la pureté de fes vues au- deſſus
de tout foupçon , lui attiroient néceſſairement la
confiance du Ministère , & le refpect de ceux-
mêmes qui s'obftinoient à combattre fon opinion,
Son zéle lui infpira le deffein de vifiter le
Royaume , pour y voir par lui-même l'état du
commerce & des fabriques ; & depuis le mois de
Juillet jufqu'au mois de Décembre 1753 , il par
courut la Bourgogne , le Lyonnois , le Dauphiné,
la Provence , le haut & bas Languedoc. En 1755
il vifita la Rochelle , Bordeaux , Montauban , le
reſte de la Guienne jufqu'à Bayonne. En 1756 il
fuivit le cours de la Loire depuis Orléans juſqu'à
Nantes. Il vit auſſi le Maine & l'Anjou , ſuivit la
côte de Bretagne depuis Nantes jufqu'à S. Malo ,
& s'arrêta à Rennes pendant la tenue des Etats
de 1756. Par tout il trouva de nouveaux motifs
de fe confirmer dans ſes principes , & de nouvel-
les armes contre les préjugés qui lui réſiſtoient.
Les fruits des voyages de M. de Gournai furent
la réforme d'une infinité d'abus , une connoiſſance
de l'état des Provinces plus füre & plus capable
de diriger les opérations du Miniſtère , une ap¬
préciation plus exacte des plaintes & des de-
mandes , la facilité procurée au peuple & au
ſimple artiſan de faire entendre leurs voix fou-
vent étouffées par des hommes intéreſſés , de qui
ces malheureux dépendent ; enfin l'émulation
nouvelle que M. de Gournai fçavoit répandre par
268
MERCURE
DE
FRANCE
.
1
fon
éloquence
perfuafive
,
par
la
netteté
avec
laquelle
il
rendoit
fes
idées
,
&
par
l'heureuſe
influence
de
fon
zéle
patriotique
.
C'eſt à fon féjour à Rennes en 1756 qu'on doit en
partie l'existence de la Société établie en Bretagne
de l'autorité des Etats , & fous les aufpices de M.
le Duc d'Eguillon , pour la perfection de l'agri-
culture , du commerce & de l'induftrie ; Société
qui eft la première de ce genre dans le Royaume ,
& qui mérite bien de fervir de modèle. Mais un
talent fans lequel fon zéle eût été infructueux ,
étoit celui de ménager l'orgueil & les prétentions
des autres , d'écarter tous les ombrages de la
rivalité & tous les dégoûts d'une inftruction hu-
miliante. Il lui eft arrivé fouvent de faire hon-
neur à des hommes en place des vues qu'il leur
avoit communiquées. Il lui étoit égal que le bien
qui s'opéroit vint de lui ou d'un autre.
(
Il
a
eu
le
même
défintéreffement
pour
les
Manufcrits qui font
reftés
de
lui
,
&
l'on
y
voir
fon
indifférence
pour
toute réputation
littéraire
;
mais
ils
n'en font pas
moins
précieux
,
même
à
ne
les
regarder
que
du
côté
de
la
compofition
.
Une
éloquence
naturelle
,
une
précifion lami-
neufe dans
l'expofition
des principes
,
un
art
fin-
gulier
de
les
préfenter fous toutes
les faces
&
de
fes
rendre
fenfibles
par
des
applications
juftes
,
&
fouvent piquantes par
leur
jufteffe
même
,
une
politeffe
toujours égale
,
&
une
logique
pleine
de
fagacité
,
enfin
un
ton
de
patriotilme
&
d'he-
manité
qu'il
ne
cherchoit point à prendre
&
qu'il
n'en avoit
que mieux
,
caractérifoient
fes
écrits
comme
la
converſation
.
Prellant jufqu'a l'importunité
lorfqu'il
s'agif-
foit
du
bien public
,
aucun de nos Colons
n'a
loi-
licité
avec autant de
zéle
que
lui la liberté
du
com-
merce
des vailleaux neutres dans nos
Colonies
pendant la guerre
:
fes follicitations étoient d'au
AOUST
.
1759
.
༣༠༡
་
tant plus vives qu'il ne demandoit rien pour lui.
Il est mort fans aucun bienfait de la Cour. Les
pertes qu'il effuya fur les fonds qu'il avoit laillés
en Elpagne ayant dérangé fa fortune , il fe dé-
termina en 1758 à quitter fa charge d'Inten-
dant du Commerce. Des perfonnes en place lui
propoferent de folliciter pour lui les graces du
Roi ; il répondit qu'il avoit toujours regardé de
pareilles graces comme étant d'une conféquence
dangerenfe , furtout dans les circonstances où
l'Etat fe trouvoit , & qu'il ne vouloit pas qu'on
eût à lui reprocher de s'être prêté à des excep-
tions en fa faveur. Il ajouta qu'il ne fe croiroit
pas difpenfé par fa retraite de s'occuper d'objets
utiles , & il demanda de conferver la féance au
Bureau du Commerce avec le titre d'honoraire
qui lui fut accordé.
M. de Silhouette qui avoit pour M. de Gournal
un eftime qui fait l'éloge de l'un & de l'autre ,
ne fut pas plutôt Contrôleur Général , qu'il ré-
folut d'arracher à la retraite un homme dont les
talens & le zéle étoient fi propres à feconder
fes vues mais M. de Gournai étoit déja attaqué
de la maladie dont il eft mort.
Le nom d'homme à fyftéme eft devenu une
efpéce d'arme pour les perfonnes prévenues ou
intéreffées à maintenir quelqu'abus , & l'on n'a
pas manqué de donner ce nom à M. de Gournai ;
mais fi fes principes font jamais pour la France
comme ils l'ont été pour la Hollande & l'An-
gleterre une fource d'abondance & de profpérité ,
nos defcendans fçauront que la reconnoiffance
lui en eft due. Quoiqu'il en foit , une gloire bien
perfonnelle à M. de Gournai eft celle d'une vertu
à toute épreuve l'ombre même du ſoupçon n'en
a jamais terni l'éclat. Appuyée fur un fentiment
profond de juftice & de bienfaifance , elle a fait
de lui un homme doux , modefte , indulgent
210
MERCURE
DE
FRANCE
.
dans
la fociété
;
irréprochable
&
même
auftere
dans
fa
conduite
&
dans
fes
moeurs
;
mais
auf-
tere
pour
lui
feul
,
égal
&
fans
humeur
à
l'égard
des
autres
.
Dans
la vie
privée
,
attentif
à
rendre
heureux
tout
ce
qui
l'environnoit
;
dans
la vie
pu
blique
,
uniquement
occupé
des
profpérités
&
de
la
gloire
de
fa
Patrie
&
du
bonheur de
l'humanité
.
Ce
fentiment
étoit
un
des motifs
qui
l'attachoient
le
plus
fortement à
ce qu'on
appelloit
fon
fyftême
;
&
ce
qu'il
reprochoit
le
plus
vivement
aux
prin
cipes
qu'il
attaquoit
,
étoit
de
favoriler
toujours
la partie
riche
&
oifive
de
la
Société
,
au
préjudice
de
la
partie
pauvre
&
laborieufe
.
Juflitia cultor, rigidi fervator honefti ,
In commune bonus. LUCAN . PHARS. Lib. I.
ACQUES-Claude-Marie - Vincent , Seigneur
de Gournay , Confeiller honoraire au Grand'
Confeil İntendant honoraire du Commerce
mourut à Paris le 27 Juin , âgé de 47 ans.
?L'Hiftoire qui
fe
glorifie
de
célébrer
les
Hom-
mes
illuftres
,
néglige trop les
hommes
vertueux
:
La
V
202
MERCURE
DE FRANCE
elle
prodigue fouvent
aux
qualités éclatantes
l'en
cens qui
eft
dû aux
qualités
utiles
;
&
l'humanité
gémit
de
voir
des
trophées
élevés
à
la
mémoire
de
je
ne
fçai
quels
Héros
qui
lui
ont
été
au
moins-
inutiles
,
tandis
qu'on
foule
avec
une
dédaigneuſe
ingratitude
la
cendre
des
bons
Citoyens
.
De
ce
nombre
fut
M.
Vincent de
Gournai
.
Il étoit
né
à
S.
Malo
,
au
mois
de
Mai
1712
,
de Claude
Vincent
,
l'un des plus
confidérables
Négocians de
cette
Ville
&
Secrétaire
du Roi
.
Le
jeune Vincent
def
→
tiné
au
Commerce
,
fut
envoyé à Cadix
dès
l'âge
de
dix
-
fept
ans
.
L'étude
,
les
travaux
de fon
état
firent
dès
lors
tous
les
plaifirs
.
L'activité
de
fon
efprit
le
dirigea vers
le
commerce
.
Tout occupé de fon objet il parcourut l'Efpagne
en obfervateur Philofophe. De retour en France
en 1744 ilfutconnu de M. le Comte de Maurepas,
alors Miniftre de la Marine , qui fentit tout ce
qu'il valoit. Pour étendre les lumières qu'il avoit
recueillies en Espagne , il employa quelques an
nées à voyager en Hollande , en Allemagne , en
Angleterre. Partout il recueilloit des Obferva
tions , des Mémoires fur l'état du Commerce &
de la Marine. Ce n'étoit point un Négociant ,
c'étoit un homme d'Etat qui étudioit le génie
les facultés , les befoins , les relations des diffé
rens peuples de l'Europe.
Comparer
entr'elles les
productions
de
la
Na-
ture
&
des
Arts
dans
les
différens
climats
,
leur
valeur
refpective
,
les frais
d'exportation
&
les
moyens
d'échange
;
embraffer
dans toute
fon
étendue
&
fuivre
dans
fes
révolutions
l'état
desproductions
naturelles
, celui
de
l'induftrie
,
de
la population
,
des
richeffes
,
des finances
,
desbefoins
&
des
caprices
mêmes
de
la
mode
chez
toutes
les
Nations que
le
commerce
réunit ,
pourappuyer
fur la
connoiffance approfondie de tous
AOUST
.
1759.
203
ces détails des fpéculations lucratives ; c'est étu-
dier le commerce en Négociant. Mais découvrir
les cauſes & les effets cachés de cette multitude
de révolutions ; remonter aux refforts fimples
dont l'action toujours combinée , & quelquefois
déguilée par des circonftances locales , dirige tou
tes les opérations du commerce ; s'élever juſqu'à
ces loix uniques & primitives fondées ſur la na-
ture même , par lesquelles toutes les valeurs
exiſtantes dans le commerce fe balancent entre
elles & ſe fixent à une valeur déterminée , faifir
ces rapports compliqués par lefquels le com-
merce s'enchaîne avec toutes les branches de l'c-
conomie politique ; appercevoir la dépendance
réciproque du commerce & de l'agriculture , l'in-
fluence de l'un & de l'autre fur les ticheſſes , fur
la population & fur la force des Etats , fa liaifon
intime avec les loix , les mœurs & toutes les opé-
rations du Gouvernement , furtout avec la dif-
penfation des finances , les fecours qu'il reçoit de
la Marine Militaire & ceux qu'il leur rend , le
changement qu'il produit dans les intérêts ref-
pectifs des Etats , & le poids qu'il met dans la
balance politique ; enfin démêler dans les hazards
des événemens & dans les principes d'adminiſ-
ration adoptés par les différentes Nations de-
l'Europe , les véritables cauſes de leur progrès &
de leur décadence dans le commerce : c'eſt envi-
fager le commerce en Philoſophe & en homme
d'Etat.
Si la fituation où fe trouvoit M. Vincent lę
déterminoit à s'occuper de la ſcience du com-
merce fous le premier de ces deux points de
vue , l'étendue & la pénétration de fon efprit ne
lui permettoient pas de s'y borner. Aux lumières
de l'expérience & de la réflexion il joignit celles.
de la lecture. Les Traités du célébre Jofas Child
I vi
204
MERCURE
DE
FRANCE
.
qu'il a depuis traduits en François , & les Me
moires du grand Penfionnaire Jean de Wit,
faifoient fon étude affidue. On fçait que ces deux
grands hommes font regardés ,, l'un en Angle
terre , l'autre en Hollande , comme les légifla-
teurs du commerce ; que leurs principes font
devenus des principes nationaux , & que l'ob-
fervation de ces principes eft regardée comme
une des fources de la prodigieufe ſupériorité que
Ces deux Nations ont acquile dans le commerce.
M. Vincent plein de ces fpéculations s'occupoit'
à les vérifier dans la pratique d'un commerce
étendu , fans prévoir qu'il étoit deftiné à en ré-
pandre un jour la lumière en France , & à mê-
riter de fa Patrie le même tribut de reconnoif
fance que l'Angleterre & la Hollande rendent à
la mémoire de ces deux bienfaicteurs de leur
nation & de l'humanité. Mais comme fés talens
& fa probité lui avoient concilié l'eftime de tous
les Négocians de l'Europe , ils lui acquirent bien-
tôt la confiance du Gouvernement. M Jamets de
Villebare fon affocié & fon ami, mourut en 1746,
& le fit fon légataire univerfel : alors M. Vincent
quitta le commerce , & prit le nom de la terre
de Gournai qui faifoit partie de cette fucceffioni
M. de Maurepas lui confeilla de tourner les vues
du côté d'une place d'Intendant du Commerce!
M. de Machault à qui le mérite de M. de Gournai
étoit aufli très - connu , lui fit donner celle qui
vacqua en 1751 par la mort de M. le Tourneur.
Ce fut dès- lors que fa vie devint celle d'un hom-
me public. Son entrée au Bureau du Commerce
parut être l'époque d'une révolution. Il ne put
voir fans étonnement les entraves qu'on avoit
données au commerce & à l'induftrie ; par exem-
ple , que le travail d'un Ouvrier fût exposé à des
rifques & à des frais dont l'homine oifi éroir
AOUST
.
1759
.
205
exempt qu'une
piéce
d'étoffe
fabriquée
fit
un
procès
entre
un
Fabriquant
qui
ne
fçait
pas
lire
&
un
Infpecteur
qui
ne
fçait
pas fabriquer
;
que
l'Infpecteur
fût
cependant
l'arbitre
fouverain
de
la
fortune
du
Fabriquant
.
Ces Statuts qui déterminent jufqu'au nombre
des fils d'une étoffe , qui interdifent aux femmes
le travail de la fabrication , &c ; ces Statues
dont la rigueur ne tend qu'à décourager l'in-
duſtrie , & à lier les mains à des malheureux
qui ne demandent qu'à travailler , lui parurent
auffi oppofés aux principes de la juſtice & de
T'humanité qu'à ceux de l'adminiſtration œco-
nomique.
Il n'étoit pas moins étonné de voir le Gou-
vernement s'occuper à régler le cours de chaque
denrée , interdire un genre d'induſtrie pour en
faire fleurir un autre , affujettir à des gênes par-
ticulières la vente des provifions les plus nécef
faires à la vie , défendre de faire des magasins
d'une denrée dont la récolte varie tous les ans ,
& dont la confommation eft toujours à- peu-près
égale , défendre la fortie d'une denrée fujette à
tomber dans l'aviliffement , & croire s'affurer
Pabondance du bled en rendant la condition du
laboureur plus incertaine & plus malheureuſe
que celle de tous les autres citoyens.
M.
de Gournai ne
prévoyoit pas qu'on
le
pren-
droit
pour un
homme
à ſyſtême
,
lorſqu'il
ne
feroit
que
développer
les
principes
que
l'expé-
rience lui avoit enfeignés
,
&
qu'il
ne
regardoit
que
comme
les
maximes
les
plus fimples
du
fens
commun
:
ils
fe réduifoient tous à celui-
ci
,
Que
dans
le
commerce abandonné
à
lui
-
même
,
il
n'eft
pas
poflible
que
l'intérêt particulier
ne con-
coure pas avec
l'intéret
général
,
&
que
le
Gou-
vernement ne
doit s'en
mêler que pour
lui
ac-
206
MERCURE
DE
FRANCE
.
corder au befoin fa protection & fes fecours. Tel
eft le fyftême qu'il a développé dans les écrits,
& qu'il a foutenu avec la fermeté la plus coura
geufe jufqu'à la fin de fa vie ; mais ce fyftême
tout inconteftable qu'il eft , au moins à l'égard
des productions intérieures & de l'induftrie qui
les met en valeur , n'a jamais été fans contra-
diction.
Le haut intérêt de l'argent , la multiplicité des
taxes & des droits impolés fur le commerce , lyi
fembloient des obftacles pernicieux à fes pro-
grès ; & de ces idées lumineuſes développées par
les circonstances , il s'étoit fait un plan d'admi
niſtration politique dont il ne s'écarta jamais.
Son éloquence fimple , & animée de cette
chaleur intéreſſante que donne aux difcours d'un
homme vertueux la perfuafion intime qu'il foy
tient la caufe du bien public , n'ôtoit jamais rien
à la folidité de la difcuffion ; quelquefois elle
étoit affaifonnée par une plaifanterie fans amer
tume , & d'autant plus agréable qu'elle étoit
toujours une raiſon. Auffi incapable de prendre
un ton dominant que de parler contre la pensée,
la manière dont il propoſoit ſon ſentiment n'é-
toit impérieufe que par la force des preuves. S:
quelquefois il étoit contredit , il écoutoit avec
patience , répondoit avec politeffe , & difcutoit
avec le fang froid & la candeur d'un homme
qui ne cherche que le vrai. Si quelquefois il
changeoit d'avis , fa première opinion ne fem-
bloit jamais retarder ni affoiblir l'imprellion fubire
que la vérité offerte fait naturellement fur un
efprit jufte.
C'eft à la chaleur avec laquelle il cherchoit
à tourner du côté du commerce & de l'œcono-
mie politique tous les talens qui l'approchoient
c'eft-lurtout à la facilité avec laquelle il con
AOUST
.
1759
.
107
muniquoit toutes les lumières qu'il avoit acquifes,
qu'on doit attribuer cette heureufe fermentation
qui s'eft excitée depuis quelques années fur ces
objets importans , & qui nous a déja procuré
plufieurs Ouvrages remplis de recherches labo-
rieufes & de vmes profondes.
Quelque peine qu'on eût à adopter fes principes
dans toute leur étendue , fes lumières , fon expé
rience , l'eftime générale de tous les Négocians,
pour perfonne , la pureté de fes vues au- deſſus
de tout foupçon , lui attiroient néceſſairement la
confiance du Ministère , & le refpect de ceux-
mêmes qui s'obftinoient à combattre fon opinion,
Son zéle lui infpira le deffein de vifiter le
Royaume , pour y voir par lui-même l'état du
commerce & des fabriques ; & depuis le mois de
Juillet jufqu'au mois de Décembre 1753 , il par
courut la Bourgogne , le Lyonnois , le Dauphiné,
la Provence , le haut & bas Languedoc. En 1755
il vifita la Rochelle , Bordeaux , Montauban , le
reſte de la Guienne jufqu'à Bayonne. En 1756 il
fuivit le cours de la Loire depuis Orléans juſqu'à
Nantes. Il vit auſſi le Maine & l'Anjou , ſuivit la
côte de Bretagne depuis Nantes jufqu'à S. Malo ,
& s'arrêta à Rennes pendant la tenue des Etats
de 1756. Par tout il trouva de nouveaux motifs
de fe confirmer dans ſes principes , & de nouvel-
les armes contre les préjugés qui lui réſiſtoient.
Les fruits des voyages de M. de Gournai furent
la réforme d'une infinité d'abus , une connoiſſance
de l'état des Provinces plus füre & plus capable
de diriger les opérations du Miniſtère , une ap¬
préciation plus exacte des plaintes & des de-
mandes , la facilité procurée au peuple & au
ſimple artiſan de faire entendre leurs voix fou-
vent étouffées par des hommes intéreſſés , de qui
ces malheureux dépendent ; enfin l'émulation
nouvelle que M. de Gournai fçavoit répandre par
268
MERCURE
DE
FRANCE
.
1
fon
éloquence
perfuafive
,
par
la
netteté
avec
laquelle
il
rendoit
fes
idées
,
&
par
l'heureuſe
influence
de
fon
zéle
patriotique
.
C'eſt à fon féjour à Rennes en 1756 qu'on doit en
partie l'existence de la Société établie en Bretagne
de l'autorité des Etats , & fous les aufpices de M.
le Duc d'Eguillon , pour la perfection de l'agri-
culture , du commerce & de l'induftrie ; Société
qui eft la première de ce genre dans le Royaume ,
& qui mérite bien de fervir de modèle. Mais un
talent fans lequel fon zéle eût été infructueux ,
étoit celui de ménager l'orgueil & les prétentions
des autres , d'écarter tous les ombrages de la
rivalité & tous les dégoûts d'une inftruction hu-
miliante. Il lui eft arrivé fouvent de faire hon-
neur à des hommes en place des vues qu'il leur
avoit communiquées. Il lui étoit égal que le bien
qui s'opéroit vint de lui ou d'un autre.
(
Il
a
eu
le
même
défintéreffement
pour
les
Manufcrits qui font
reftés
de
lui
,
&
l'on
y
voir
fon
indifférence
pour
toute réputation
littéraire
;
mais
ils
n'en font pas
moins
précieux
,
même
à
ne
les
regarder
que
du
côté
de
la
compofition
.
Une
éloquence
naturelle
,
une
précifion lami-
neufe dans
l'expofition
des principes
,
un
art
fin-
gulier
de
les
préfenter fous toutes
les faces
&
de
fes
rendre
fenfibles
par
des
applications
juftes
,
&
fouvent piquantes par
leur
jufteffe
même
,
une
politeffe
toujours égale
,
&
une
logique
pleine
de
fagacité
,
enfin
un
ton
de
patriotilme
&
d'he-
manité
qu'il
ne
cherchoit point à prendre
&
qu'il
n'en avoit
que mieux
,
caractérifoient
fes
écrits
comme
la
converſation
.
Prellant jufqu'a l'importunité
lorfqu'il
s'agif-
foit
du
bien public
,
aucun de nos Colons
n'a
loi-
licité
avec autant de
zéle
que
lui la liberté
du
com-
merce
des vailleaux neutres dans nos
Colonies
pendant la guerre
:
fes follicitations étoient d'au
AOUST
.
1759
.
༣༠༡
་
tant plus vives qu'il ne demandoit rien pour lui.
Il est mort fans aucun bienfait de la Cour. Les
pertes qu'il effuya fur les fonds qu'il avoit laillés
en Elpagne ayant dérangé fa fortune , il fe dé-
termina en 1758 à quitter fa charge d'Inten-
dant du Commerce. Des perfonnes en place lui
propoferent de folliciter pour lui les graces du
Roi ; il répondit qu'il avoit toujours regardé de
pareilles graces comme étant d'une conféquence
dangerenfe , furtout dans les circonstances où
l'Etat fe trouvoit , & qu'il ne vouloit pas qu'on
eût à lui reprocher de s'être prêté à des excep-
tions en fa faveur. Il ajouta qu'il ne fe croiroit
pas difpenfé par fa retraite de s'occuper d'objets
utiles , & il demanda de conferver la féance au
Bureau du Commerce avec le titre d'honoraire
qui lui fut accordé.
M. de Silhouette qui avoit pour M. de Gournal
un eftime qui fait l'éloge de l'un & de l'autre ,
ne fut pas plutôt Contrôleur Général , qu'il ré-
folut d'arracher à la retraite un homme dont les
talens & le zéle étoient fi propres à feconder
fes vues mais M. de Gournai étoit déja attaqué
de la maladie dont il eft mort.
Le nom d'homme à fyftéme eft devenu une
efpéce d'arme pour les perfonnes prévenues ou
intéreffées à maintenir quelqu'abus , & l'on n'a
pas manqué de donner ce nom à M. de Gournai ;
mais fi fes principes font jamais pour la France
comme ils l'ont été pour la Hollande & l'An-
gleterre une fource d'abondance & de profpérité ,
nos defcendans fçauront que la reconnoiffance
lui en eft due. Quoiqu'il en foit , une gloire bien
perfonnelle à M. de Gournai eft celle d'une vertu
à toute épreuve l'ombre même du ſoupçon n'en
a jamais terni l'éclat. Appuyée fur un fentiment
profond de juftice & de bienfaifance , elle a fait
de lui un homme doux , modefte , indulgent
210
MERCURE
DE
FRANCE
.
dans
la fociété
;
irréprochable
&
même
auftere
dans
fa
conduite
&
dans
fes
moeurs
;
mais
auf-
tere
pour
lui
feul
,
égal
&
fans
humeur
à
l'égard
des
autres
.
Dans
la vie
privée
,
attentif
à
rendre
heureux
tout
ce
qui
l'environnoit
;
dans
la vie
pu
blique
,
uniquement
occupé
des
profpérités
&
de
la
gloire
de
fa
Patrie
&
du
bonheur de
l'humanité
.
Ce
fentiment
étoit
un
des motifs
qui
l'attachoient
le
plus
fortement à
ce qu'on
appelloit
fon
fyftême
;
&
ce
qu'il
reprochoit
le
plus
vivement
aux
prin
cipes
qu'il
attaquoit
,
étoit
de
favoriler
toujours
la partie
riche
&
oifive
de
la
Société
,
au
préjudice
de
la
partie
pauvre
&
laborieufe
.
Juflitia cultor, rigidi fervator honefti ,
In commune bonus. LUCAN . PHARS. Lib. I.
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Résumé : MORTS.
Jacques-Claude-Marie Vincent, seigneur de Gournay, conseiller honoraire au Grand Conseil et intendant honoraire du Commerce, est décédé à Paris le 27 juin 1759 à l'âge de 47 ans. Né à Saint-Malo en mai 1712, fils d'un négociant influent et secrétaire du Roi, Vincent de Gournay a été envoyé à Cadix à l'âge de dix-sept ans pour se destiner au commerce. Il a parcouru l'Espagne en observateur philosophe et, de retour en France en 1744, a été remarqué par le comte de Maurepas, ministre de la Marine. Il a ensuite voyagé en Hollande, en Allemagne et en Angleterre pour recueillir des observations sur le commerce et la marine. Vincent de Gournay avait une approche du commerce à la fois pratique et philosophique. Il comparait les productions naturelles et artisanales dans différents climats, analysait leur valeur respective, les frais d'exportation et les moyens d'échange. Il étudiait également les révolutions des productions naturelles, de l'industrie, de la population, des richesses, des finances et des modes chez les nations commerçantes. Il a traduit en français les traités de Josias Child et les mémoires de Jean de Wit, deux figures emblématiques du commerce en Angleterre et en Hollande. En 1746, à la mort de son associé Jamets de Villebare, Vincent de Gournay a quitté le commerce pour devenir intendant du Commerce en 1751. Il a réformé de nombreux abus et promu l'économie politique. Ses voyages à travers la France lui ont permis de constater l'état du commerce et des fabriques, confirmant ses principes économiques. Il a fondé la Société de Bretagne pour la perfection de l'agriculture, du commerce et de l'industrie. Ses écrits et discours étaient marqués par une éloquence naturelle, une précision dans l'exposition des principes et une logique sagace. En août 1759, Vincent de Gournay a sollicité la liberté du commerce des vaisseaux neutres dans les colonies pendant la guerre, sans demander de bénéfices personnels. Ayant subi des pertes financières, il a quitté sa charge d'Intendant du Commerce en 1758, refusant toute grâce du Roi pour éviter les reproches. Il a demandé à conserver un rôle honorifique au Bureau du Commerce. M. de Silhouette, Contrôleur Général, a tenté de le rappeler, mais Vincent de Gournay était déjà malade. Critiqué sous le nom d'« homme à système », ses principes pourraient bénéficier à la France comme ils l'ont fait pour la Hollande et l'Angleterre. Sa vertu est louée, marquée par la justice et la bienfaisance, le rendant doux, modeste et indulgent en société, et irréprochable dans sa conduite. Dans la vie privée, il était attentif au bonheur de son entourage, et dans la vie publique, il se consacrait aux prospérités et à la gloire de la patrie ainsi qu'au bonheur de l'humanité. Il critiquait les principes qui favorisaient la partie riche et oisive de la société au détriment de la partie pauvre et laborieuse.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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