E PITR E
A Mad. de ***
Je voudrois , gentille Femelle ,
A qui d'étroite parentelle ,
Le Ciel favorable m'unit,
Chantea
NOVEMBRE. 1733. 2498
Chanter la longue kirielle ,
Des trésors que Nature mit
En ton coeur , ton corps , ta cervelle ,
Alors que de Dame Immortelle ,
Tu reçûs la clarté du jour.
C'est , dit- on , la Mere d'Amour ,
Qui seroit-ce, si ce n'est-elle ?
Ainsi que Venus elle est belle ,
Mille Amours volent à l'entour ;
On dit pourtant qu'elle est cruelle ;
Sans doute c'est pour se cacher ;
Mais peut-on long-temps la chercher !
Le feu dont son oeil étincelle ,
Et sa grace sur - naturelle
Son immortalité décele.
De ta naissance l'autre soir ,
Ma Muse , qui le doit sçavoir ;
Me fit le récit très-fidele ,"
Je te le rends en peu de mots.
N'aurai-je jamais de repos ?
Dit Vénus , rongeant sa dentélle ;
Faut il toujours qu'on me harcelle ,
Par mille impertinens propos ?
Une multitude de sots •
A tous momens me fait querelle ;
Des Dieux la nombreuse sequelle
Jupin , Mars , Diane , Cybelle ,
Sont sans honneurs et sans Chapelles ;
B
1494 MERCURE DE FRANCE
Et la Déesse des Amans ,
Eternue à force d'encens !
Je veux , ce n'est point bagatelle ,
Me relever de sentinelle ,
Et produire une fille telle ,
Qu'elle me puisse soulager ,
Des soins dont je veux m'alleger :
Je veux que cette Jouvencelle ,
Que je ferai sur mon modelle ,
Puisse me servir de Miroir ,
Ma grace en elle je veux voir.
Aussi-tôt la Déesse appelle ,
Et fait entrer dans sa ruelle
Charite , des trois Graces , celle
Que Paphos honore le plus ;
Tu vins au monde , et puis Venuš
Te donne à la Grace fidelle ,
Disant , je remets à ton zele
Ces appas tout nouveaux venus :
Soigne ces petits Membres nus ,
Nourris cette gente pucelle ,
Du plus pur lait de ta mamelle ;
D'agrémens puisse- tu l'orner ,
Et sçaches si bien façonner
En tout sa beauté naturelle ,
Qu'on voye en tous lieux all umer
Encensoir , Autel et Chandelle ;
Mais chaste comme Tourterelle ,
Qu'elle
NOVEMBRE. 1733. 2495
Qu'elle ait sur son front respecté,
De la Vertu la majesté ;
Qu'au desir le plus effronté
Son air modeste coupe l'aîle..
Mais enfin je suis arrêté ,
J'ai beau foüiller dans l'escarcelle
Je n'ai plus de Rimes en elle ,
Si mon hommage est accepté ,
Après ce trait de ta bonté ,
Je dois ma foi tirer l'échelle .