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1
p. 70-82
L'ADIEU AUX MUSES. DISCOURS.
Début :
Quand on dit adieu au monde par la mort, c'est / Muses c'est trop resver au bord de vos Fontaines, [...]
Mots clefs :
Adieu, Muses, Vers, Poète, Auteurs, Arts, Chansons, Libraire, Livres
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texteReconnaissance textuelle : L'ADIEU AUX MUSES. DISCOURS.
té.
Quand on dit adieu au mon- de par la mort , c'eſt ſans reſource. Iln'en est pas de meſme du ſpirituel Inconnu qui pré- tend l'avoir dit aux Muſes. Il a
un ſi beautalent pour la Poëfie,
qu'il ſe réfoudra difficilement à
tenir parole. Voyez ſi j'ay raiſon dele croire.
A
L'ADIEU
AVX MVSES.
DISCOURS.
MUses, c'esttrop rever, anbordde
Pour unfoible plaisir vouscaufezmil tepeines :
48 LE MERCVRE
Vousn'avezplus pour moy vos premie- res beautez ,
Et je renonce aux biens que vous me
prometez.
Iadis avechonneur vos charmantes retraites
Retentiſſoient du bruit des tranquiles
Poëtes ,
Quand les Maistres du Monde apres degrands exploits Concertoient avec eux àl'ombre de vos
Bois ,
Etqu'un mesme Laurier cueilly sur le Parnaffe Couronnoit tout ensemble Auguste
SonHorace.
Mais belas ,dans ce Siecle un iniuste
mépris Estde nos tristes Vers &lefruit & le
prix!
Quoy,lors quefans rien faire il m'est
permis de vivre ,
Dois-je mal- à-proposfecher àfaire un
Livre,
Quandje n'auray pourfruit de mes tra
vaux ingrats
:
Que
GALANT. 49 Que le mépris du Peuple , &la haine desFats?
Maisquandde vos attraits on a l'ame
ravie,
Qui vousfuit une fois , vousfait toute
Savie.
On a beau remontrer au Poëte Damon
Qu'on n'entendit jamais son barbare
jargon ;
Envainpourleguerir deſa fureurd'é- crire.
Onmépriſeſes Vers que luy ſeul il ad
mire,
Ases propres dépens il se fait imprimer,
Ettoûjours malgré vous il s'obſtineà
rimer.
Moy-mesme mille fois à vos ardeurs rebelle,
I'aytenté vainement de vous eſtre infidelle.
Tous les jours , dés que l'Aube anonce le Soleil,
Apollon par ces mots interrompt mon Sommeil.
Quitte, quitte du Litles delicesvulgai
res,
Tom. VIII. C
50 LE MERCVRE
Cen'estpas en dormant que se font les
Homeres,
Debout. Il n'estpas jour ,que faire fi matin ?
Vad' Horace &de Perſe éclaircir le
Latin,
Lis
gile,
relis encore &Terence &VirEtfur leurstyle heureux tâche àformer
-toastyle.
lesçay tous ces Auteurs. Les peut-on trop sçavoir?
Il i'y faut appliquer du matin jusqu'au
foir,
Tefeurerdes plaisirs où l'âge teconvie ,
Et me facrifier les beaux jours de ta
vie.
C'est ainsi,doctes Sœurs , que vos chers
Nourriffons Aleur tranquilité préferent vos Chan- fons,
On pourroitde vostre Artſoufrir l'in
quiétude ,
Sile gain balançoit l'ennuy de fon étu
des
MaisentretouslesArts qui demandens
nosfoins,
GALAN T. SI
↓
ش
Vostre Art couste le plus , &profite le moins.
Nocardqui tuë un Homme avec une
Ordonnance ,
Deſonafſaffinat reçoit la récompense,
Ettoy qui t'enrichis d'un argent fi mal du,
Paulin,je t'aypayé pour un Procés perdu.
Cependantqui ne sçait la réponse bar- bare
Quefit àl'Arioste un Mecenas avare ,
Quand cet Auteur Comique autant qu'ingénieux ,
Allaluy preſenterſon Roland Furieux?
LaGloire , direz-vous , qui vousfuit d'ordinaire,
Doitàvos Favoris tenir lieu deſalaire.
Oledigneloyerd'un pénible Métier ,
Oûfans compter letemps ,on perdjus qu'aupapier!
CetteGloirequi dupe &le Sot &l'Ha bite ,
Qwest elle que duvent quandelle est in- fertile?
Etpuislors qu'apres elleon court en in- fenfé
Cij
52 LE MERCVRE
Eft-on feur de l'atteindre apres s'estre lassé?
Licidas quife tuë à grimperauParnaſſe,
Etd'un tasde Laquaisfiflédeplace en
C
place;
Etcombien voyons-nous d'Auteurs in
fortunez,
Qu'àd'eternels affrons vous avez condamnez!
Dans un Siecle oùfleurit la puretéparfaite,
Ilfautde grands talenspour former un Poëte;
Il faut qu'au Berceau mesme Apollon
nous ait ry ,
Quedes meilleurs Auteurs wostre esprit foit nourry ,
Etque par le travail d'une longue !eEture,
2
L'Art acheve les traits qu'ébaucha la
Nature.
Aujourd'huy que l'on voit d'aſſez fameux Auteurs
Apauvrir le Libraire, &manquer d'Acheteurs,
Iray-je follemeipourprix de mon étude,
Des Livresinconus groffir la multitude?
GALANT: 53 En vain vous me flatez qu'un fuccés plusheureux
Diſſiperoit ma crainte ,& rempliroit
mes VŒUХ ,
Etque Paris un jour à mes Ocuvres propice
Forceroit la Province à me rendrejusti
ce
Quandlesfons demon Lut presque usé fous mes doigts ,
D'un Cygne agoniſantfurpaſſeroient la voix د
Etque mes Chantspolisparde laſſantes veilles
Auroient d'Apollon mesme enchanté les
oreilles,
Pourroit-je m'aſſurer que le tour de mes
Vers
Sçent plaire également àmille Esprits divers ?
Maissifermant les yeux auxpérils on s'expose
Lagloire on
pofe
lereposdequiconque comIeſuivois pour rimerun aveugle defir ,
Quelgenre de Poëme oftroit-je choi fir ?
Cij
34 LE MERCVRE Faut-il ,Auteur nouveau d'une Piece
tragique ,
Faireplaindre un Hérosfurun ton ma- gnifique,
Ettouchant lefuccés reſveur , triſte inquict ,
D'un chagrin incertain m'affliger en ef fet?
Non, mon ameau repos constamment
attachée,
D'unSentimentpareilne peut estre tou chée.
Dois-je en ſtyle amoureux ,pleurant ,
horsdeſaiſon ,
Me ou de plaindre des rigueursd'Iris , ou
Lifon Helas ! lesplus beaux Vers d'un cœur tendre&fidelle Sontun foible Secours pourvaincre une Cruelle.
Si dans une Satire abondante en bons
mot's
-Jeberneplaiſamment une foule de Sots,
Toute la Ville en cris contre moy dechai
née
Traite mesjeux d'esprit de licence effren née.
GALANT.
1
MesAmis lesplus chers n'ofentqu'avec
terreur
D'un torrent fi rapide arreſter la fureur,
Etfurle bruit qui court mes Parens en alarmes
Amafuture mort donnent déja des larmes.
CesParensennemis devos vieilles Chanfons Mefont à tout moment d'importunes
Leçons.
Quite , me diſent-ils, une étude inutile,
Et va faire au Palais une moiſſon fertile.
Vital,tu le connois, chacun parle de luys Voy ce qu'il fut jadis , ce qu'il est au- jourd'huy.
Tuſçais le peude bien qu'il eutpourſon
partage,
Sesdebtes de beaucoup paſſoient fon heritage.
Cependant qui l'a mis au rangoùtu le
vois!
C'estleBarreau.Voilal'utilité des Loix.
Mets-toy devant les yeux unſemblable
modelle ,
Cij
$6 LE MERCVRE
DesVersqui tefont tort débroüille ta
cervelle ;
Qusi pour t'attirer, le Droit manque d'apas Quite-le , maisdu moins dors , &ne
rimepas.
C'est ainsi qu'oposez au panchant qui m'entraîne ,
De mon cœur contre vous ils foûlevent Lahaine;
Ilfaut leur plaire enfin , & faire un
nouveau choix.
Adieu, Muses , adieu pourla derniere
fois.
Quand on dit adieu au mon- de par la mort , c'eſt ſans reſource. Iln'en est pas de meſme du ſpirituel Inconnu qui pré- tend l'avoir dit aux Muſes. Il a
un ſi beautalent pour la Poëfie,
qu'il ſe réfoudra difficilement à
tenir parole. Voyez ſi j'ay raiſon dele croire.
A
L'ADIEU
AVX MVSES.
DISCOURS.
MUses, c'esttrop rever, anbordde
Pour unfoible plaisir vouscaufezmil tepeines :
48 LE MERCVRE
Vousn'avezplus pour moy vos premie- res beautez ,
Et je renonce aux biens que vous me
prometez.
Iadis avechonneur vos charmantes retraites
Retentiſſoient du bruit des tranquiles
Poëtes ,
Quand les Maistres du Monde apres degrands exploits Concertoient avec eux àl'ombre de vos
Bois ,
Etqu'un mesme Laurier cueilly sur le Parnaffe Couronnoit tout ensemble Auguste
SonHorace.
Mais belas ,dans ce Siecle un iniuste
mépris Estde nos tristes Vers &lefruit & le
prix!
Quoy,lors quefans rien faire il m'est
permis de vivre ,
Dois-je mal- à-proposfecher àfaire un
Livre,
Quandje n'auray pourfruit de mes tra
vaux ingrats
:
Que
GALANT. 49 Que le mépris du Peuple , &la haine desFats?
Maisquandde vos attraits on a l'ame
ravie,
Qui vousfuit une fois , vousfait toute
Savie.
On a beau remontrer au Poëte Damon
Qu'on n'entendit jamais son barbare
jargon ;
Envainpourleguerir deſa fureurd'é- crire.
Onmépriſeſes Vers que luy ſeul il ad
mire,
Ases propres dépens il se fait imprimer,
Ettoûjours malgré vous il s'obſtineà
rimer.
Moy-mesme mille fois à vos ardeurs rebelle,
I'aytenté vainement de vous eſtre infidelle.
Tous les jours , dés que l'Aube anonce le Soleil,
Apollon par ces mots interrompt mon Sommeil.
Quitte, quitte du Litles delicesvulgai
res,
Tom. VIII. C
50 LE MERCVRE
Cen'estpas en dormant que se font les
Homeres,
Debout. Il n'estpas jour ,que faire fi matin ?
Vad' Horace &de Perſe éclaircir le
Latin,
Lis
gile,
relis encore &Terence &VirEtfur leurstyle heureux tâche àformer
-toastyle.
lesçay tous ces Auteurs. Les peut-on trop sçavoir?
Il i'y faut appliquer du matin jusqu'au
foir,
Tefeurerdes plaisirs où l'âge teconvie ,
Et me facrifier les beaux jours de ta
vie.
C'est ainsi,doctes Sœurs , que vos chers
Nourriffons Aleur tranquilité préferent vos Chan- fons,
On pourroitde vostre Artſoufrir l'in
quiétude ,
Sile gain balançoit l'ennuy de fon étu
des
MaisentretouslesArts qui demandens
nosfoins,
GALAN T. SI
↓
ش
Vostre Art couste le plus , &profite le moins.
Nocardqui tuë un Homme avec une
Ordonnance ,
Deſonafſaffinat reçoit la récompense,
Ettoy qui t'enrichis d'un argent fi mal du,
Paulin,je t'aypayé pour un Procés perdu.
Cependantqui ne sçait la réponse bar- bare
Quefit àl'Arioste un Mecenas avare ,
Quand cet Auteur Comique autant qu'ingénieux ,
Allaluy preſenterſon Roland Furieux?
LaGloire , direz-vous , qui vousfuit d'ordinaire,
Doitàvos Favoris tenir lieu deſalaire.
Oledigneloyerd'un pénible Métier ,
Oûfans compter letemps ,on perdjus qu'aupapier!
CetteGloirequi dupe &le Sot &l'Ha bite ,
Qwest elle que duvent quandelle est in- fertile?
Etpuislors qu'apres elleon court en in- fenfé
Cij
52 LE MERCVRE
Eft-on feur de l'atteindre apres s'estre lassé?
Licidas quife tuë à grimperauParnaſſe,
Etd'un tasde Laquaisfiflédeplace en
C
place;
Etcombien voyons-nous d'Auteurs in
fortunez,
Qu'àd'eternels affrons vous avez condamnez!
Dans un Siecle oùfleurit la puretéparfaite,
Ilfautde grands talenspour former un Poëte;
Il faut qu'au Berceau mesme Apollon
nous ait ry ,
Quedes meilleurs Auteurs wostre esprit foit nourry ,
Etque par le travail d'une longue !eEture,
2
L'Art acheve les traits qu'ébaucha la
Nature.
Aujourd'huy que l'on voit d'aſſez fameux Auteurs
Apauvrir le Libraire, &manquer d'Acheteurs,
Iray-je follemeipourprix de mon étude,
Des Livresinconus groffir la multitude?
GALANT: 53 En vain vous me flatez qu'un fuccés plusheureux
Diſſiperoit ma crainte ,& rempliroit
mes VŒUХ ,
Etque Paris un jour à mes Ocuvres propice
Forceroit la Province à me rendrejusti
ce
Quandlesfons demon Lut presque usé fous mes doigts ,
D'un Cygne agoniſantfurpaſſeroient la voix د
Etque mes Chantspolisparde laſſantes veilles
Auroient d'Apollon mesme enchanté les
oreilles,
Pourroit-je m'aſſurer que le tour de mes
Vers
Sçent plaire également àmille Esprits divers ?
Maissifermant les yeux auxpérils on s'expose
Lagloire on
pofe
lereposdequiconque comIeſuivois pour rimerun aveugle defir ,
Quelgenre de Poëme oftroit-je choi fir ?
Cij
34 LE MERCVRE Faut-il ,Auteur nouveau d'une Piece
tragique ,
Faireplaindre un Hérosfurun ton ma- gnifique,
Ettouchant lefuccés reſveur , triſte inquict ,
D'un chagrin incertain m'affliger en ef fet?
Non, mon ameau repos constamment
attachée,
D'unSentimentpareilne peut estre tou chée.
Dois-je en ſtyle amoureux ,pleurant ,
horsdeſaiſon ,
Me ou de plaindre des rigueursd'Iris , ou
Lifon Helas ! lesplus beaux Vers d'un cœur tendre&fidelle Sontun foible Secours pourvaincre une Cruelle.
Si dans une Satire abondante en bons
mot's
-Jeberneplaiſamment une foule de Sots,
Toute la Ville en cris contre moy dechai
née
Traite mesjeux d'esprit de licence effren née.
GALANT.
1
MesAmis lesplus chers n'ofentqu'avec
terreur
D'un torrent fi rapide arreſter la fureur,
Etfurle bruit qui court mes Parens en alarmes
Amafuture mort donnent déja des larmes.
CesParensennemis devos vieilles Chanfons Mefont à tout moment d'importunes
Leçons.
Quite , me diſent-ils, une étude inutile,
Et va faire au Palais une moiſſon fertile.
Vital,tu le connois, chacun parle de luys Voy ce qu'il fut jadis , ce qu'il est au- jourd'huy.
Tuſçais le peude bien qu'il eutpourſon
partage,
Sesdebtes de beaucoup paſſoient fon heritage.
Cependant qui l'a mis au rangoùtu le
vois!
C'estleBarreau.Voilal'utilité des Loix.
Mets-toy devant les yeux unſemblable
modelle ,
Cij
$6 LE MERCVRE
DesVersqui tefont tort débroüille ta
cervelle ;
Qusi pour t'attirer, le Droit manque d'apas Quite-le , maisdu moins dors , &ne
rimepas.
C'est ainsi qu'oposez au panchant qui m'entraîne ,
De mon cœur contre vous ils foûlevent Lahaine;
Ilfaut leur plaire enfin , & faire un
nouveau choix.
Adieu, Muses , adieu pourla derniere
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Résumé : L'ADIEU AUX MUSES. DISCOURS.
Dans ce discours d'adieu aux Muses, l'auteur exprime son désarroi face à la poésie et aux difficultés qu'elle engendre. Il commence par souligner que, contrairement à la mort, l'abandon de la poésie n'est pas définitif. L'auteur regrette les peines causées par les Muses et renonce aux biens qu'elles promettent. Il évoque une époque où les poètes étaient honorés et couronnés pour leurs œuvres, contrairement à son siècle où les vers sont méprisés. L'auteur décrit la passion inévitable pour la poésie, malgré les critiques et le mépris. Il mentionne les efforts constants nécessaires pour maîtriser les auteurs classiques et les sacrifices personnels que cela implique. Il critique également la gloire poétique, la qualifiant de dupe et d'infertile, et souligne les difficultés financières des poètes. Le texte se termine par une réflexion sur les genres poétiques : tragédie, amour, satire. L'auteur exprime son désir de repos et les pressions familiales pour abandonner la poésie au profit d'une carrière juridique. Finalement, il décide de dire adieu aux Muses pour la dernière fois.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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