Résultats : 1 texte(s)
Accéder à la liste des genres littéraires.
Détail
Liste
1
p. 184-211
AVANTURE Tragi-comique, écrite par un Suisse de Soleure.
Début :
Ces jours-cy dans notre Ville Capitale, est mort de [...]
Mots clefs :
Mort de chagrin, Veuve, Amour, Suisse, Brutal, Vieillard, Épouser, Venger, Goutte, Billet, Pistolet, Disputer, Rage
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AVANTURE Tragi-comique, écrite par un Suisse de Soleure.
A VA NT U R E
Tragi-comique, écrite
par un Suisede SoImre.
CEsjours-cy dans nostreVille Capitale,est mort
de chagrin un homme de
quatre-vingt huit ans,
voicy l'avanture qui lui
causa l'an passé un fond
de melancolie, où il n'a
pû resister, quoy qu'avec
l'âge on doiveavoir acquis la force de l'esprit,
par
par habitude de surmonter les chagrins, & sur
tout ceux de l'amour;
cest pourtant un chagrin
d'amour, qui joint à quatre-vingt huit années, a
fait perdre patience
,,
Be
vie, àundes plus braves
Suisses de nos Cantons.
Voicyl'origine de ce
malheur.
Une Veuve François
estimée de tous nous autres pour sa rare, bonne
conduite & vertu, avoit
chez elle quantité de gens
d'esprit
,
de l'un & de
l'autre sexe
,comme il en
est beaucoup chez nous.
quoi qu'en dire les sots
cette Veuve approchoit
vers les trente ans,c'est
jeunesse encore en nos
pays, non comme en
France; en effet cette Veuvebrilloit tellement, que personne ne
pouvoit s'empescher de.
l'aimer, & elle menageoit tous ces
amours là
pour faire revivre la fortune
,
morte pour elle
avec feu son mary; entre
tous ceux qui l'aimoient
il n'en estoit que trois qui
eussent pour but le mariage, & tous les autres
qui avoient des veuës je
ne sçay quelles, furent
congediez
,
par cette
vertueuse Veuve.
Voici donc les trois restants. Le premier c'estoit
un jeune homme fait à
peindre, &C d'un esprit
aimable plein de raison,
maisn'ayant point de
bien, non plus que la
Veuve; ilsavoient resolu
tous deux de ne se plus,
voir, tous les jours ilsse
disoient adieu pour jamais
,
& le lendemain,
c'estoit à
recommencer~
maisle second amant qui,
estoit nostre homme de.
quatre-vingt tant d'années voulut un jour que.
leur adieu ne recomençast.
plus;& cela fut resolu.
fermement en sa presence, car il estoit revesche.
& brutal, ce vieil amant
resta seul à la Veuve pendant quelque temps, il
ne tenoitquasià rien qu'il
n'épousast, il n'attendoit
pourfaire la nopce que
quelqu'un de ses bons
jours où la goute & la
gravelle lui donnoient du
relasche, &. il lui venoit
presque tous les mois,
quelqu'un de ces bons.
jours où il souffoit;
moins
,
c'est ce qu'il attendoit pour Ce donner la
consolation du mariage.
Un autre Vieillard, à
peu prés du mesme âge,4
mais qui ne pouvoit plus
marcher, & qui se faisoit
porter tous les jours dans
l'Egliseen chaise à gouteux
,
y
avoit veu cette
belle personne
,
& en devint encore plus amoureux que n'estoitl'autre,
celuy-cy voyoit quelquefois le jeune hOlnlne, il
s'adressa à lui, le priant,
comme il connoissoit cete Veuve,d'obtenird'elle
qu'ill'allât visiter en chaise, & qu'elle permit que
sa chaise entrait jusques
danssachambre,pourl'inconvenient de ce qu'il
souffroit, & des cris qu'il
faisoit quand il l'enfalloit
tirer; cette proposition
fut accompagnée d'un
offre deviiilyt mille écus
d'abord à la Veuve, pour
souffrir l'incommodité de
cette visite, &C condition
offerte de luy livrer les
vingt mille écus francs,
si l'ayant veuë, il ne jugeoit par convenable de
l'épouser, mais que sielle
luy convenoit., ilvouloit
au lieu des vingt mille
écus, lui donner tout Ton
bien par un contrat de
mariage.
Cette proposition rendit attentif ce jeune
Amant,d'abord le desir
de se vanger du vieux
DON-
brutal qui l'avoitcbaftè
d'auprès de sa Maistresse
,
luy fit escouter ce rivalcy, & deplus, il vit un
avantage seur, pour celle
qu'il aimoit
)
il alla d'abord luy faire la proposition
,
à quoy elle respondit aprèsavoir un peu rêvé : mon Dieu que de
Vieillards; à quoy repartit lejeune,béc'est tant
mieux, jesouhaite que
celuy-cy vive long-temps
avec vous, maisenfin de
compte, vousJèreZj ricke:
la Veuve ne répondit
qu'en soupirant,elleregarda le jeune hoxnnjc^
& après un silence fort
tendre elle dit seulement,
hé bien faites venir le
Gouteuxenchaise.
Le jeune Amant fut
trouver le Gouteuxqu'il
réjouir fort par la bonne
nouvelle, laVeuve avoit
"- dit à sa servante unique,
de faire monter une chaise qui viendroit lavoir
cette aprèsmidy. Notez
que l'autre vieux Amant
n'estoit point venu depuis quelques jours,retenu au lit par gotfte&C
gravelle; maiss'enennuyant
,
il se fit, empaqueter chaudement dans
une chaise
,
& porter
chez samaistresse qui le
sçavoit au lit, &voulant
la surprendre agréablement parcettevisite inopinée fitouvrirla porté
d'en bas. dont il avoit le
passe-par-tout
,
& sans
estre veu dela servante
qui estoit dans sa chambre en haut, il entra tout
brandi jusqu'auprés du
feu de la Veuve où elle
revassoit aux vingt mille
écus de l'autre gouteux.
- Dans sa surprise la
Veuve (e levé en sursaut
de son fauteuil, & fait
des compliments à celuicy tels qu'elle les croyoit
faire à l'autre, jusqu'à ce
que s'appercevant de sa
mpric, elle se troubla.
Le bonhomme brutal aurait pris ce compliment
pour resverie, ayant veu
en entrant la Veuve comme endormie prés de son
feu. Mais le second gouteux dans la féconde chaise suivoit de prés, ayant
trouvé la porte ouverte,
ses porteurs en quatre enjambéesl'eurenttransporté dans la chambre. Enfin les deux chaises se
trouverent placées aux.
costez dela cheminée, &c
---.k Veuve
au milieu, les
porteurs évadez elle resta
entre ces deux vieillards.
Lorsaussi embarasséeque
le fut jadisSusanne, le premierprétendant brutal Se
emporté commença la
querelle, comme il n'avoit que la langue de libre aussi s'en servit
-
il de
merveilles, Se conclut
par des reproches, accusant la Veuve d'inconstance & d'ingratitude,
envers un amant premier
en date, dont elle trahiffoit l'amour. Il n'est point
tquçftion
,
reprit l'autre,
qui estoitpluscensé,ny
d'amour, ny de primauté
en date,ny d'inconstance,
avec de vieux gouteux
comme nous, & vous
,
avez tort de mettre vostre amour en ligne de
comptesiln'y a qu'une
chose à sçavoir, & qu'un
mot qui serve
3
j'apporte
vingt mille escus pour
ma premiere visite ,en
avez vous là trente? elle
vous preferera, & je ne
m'en plaindray point,
qu'elle me
-
congedie.
L'autre ne répondit à cela
qu'en appellant ses porteurs )
ôc menaçant furieusementsonrival, &l
jurant qu'il auroit de ses
nouvelles avant le soir.
On le remporta, Se l'autre après une visite trés
longue, promit d'époufer le lcpdenlain, mais
en arrivant chez luy le
[air, il trouva un billet
du brutal, qui luy escrivoit que la rage l'avoit
gueri de la goute, &C
qu'il avoit des pieds pour
aller hors les portes de la
Ville, &C une main pour
se battre,& qu'il ne manquait pas de sy trouver
dés la pointe du jour:
celuy-cy luy manda qu'il
n'avoir qu'une main, &
point de jambes
,
mais
qu'il vint le voir, ou qu'il
l'attendist chez luy, &C
qu'ils conviendraient de.
la forme du combat, l'autre y
vint une heure aprés.
Le plus raisonnable des
deux dit au brutal que
n'étant point en estat de
tirer l'espée ,ilne doutoit point qu'il ne consentist à se battre au pistolet.
Ils convinrent pour cela
que sous prétexte d'aller
prendre l'air,ils se feroient porter l'un & l'autre dans une maison de
campagne fort proche de
la Ville, & qu'ils emprunterent à un de leurs
amis sans luy dire pourquoy;ils se firent dresser
deux lits dans la mesme
chambre,& après y
avoir
couché la premiere nuit
fort tranquilles, ils foupercnt le soir ensemble
,
se
firent coucher par leurs
valets qui se retirerent ensuite, &C le lendemain htost que le jour fut assez
grand pour ce qu'ils
avoient à faire, ils s'accommoderent & se cantonnerent chacun sur son
lit ,& tinrent chacun
deux pistolets en évidence, à condition de les tirer alternativement. Ce
fut une cérémonie un peu
longue à qui tireroit le
premier, le brutal commença& manqua le premier coup, l'autre tira cC
manqua aussi le lien,
maisle brutal recommença & perça la poitrine à
l'autre; alors voyant celuy cy qui estoit fort mal,
illuy dit:tu ne feras plus
en estat de me disputer
ma belle Veuve. Ce dernier mot redoublant la jalousie du blessé,iltire (on
second coup, qui blessa
l'autreau bras, pendant
ce combat les valets accoururent aux coups, &
le brutal bravant tousjours l'autre sur ce qu'il
auroit la Veuve; celuycy demanda une plume
& de l'ancre; & pendant
qu'on alloitquérir du secoursil écrivit quelques
lignes & fit cacheter le
billetpar un valet affidé,
à qui il recommanda de
le donnerà la Veuve. Le
brutal cependant continuoit ses bravades, vous
faites bien luy dit-il, de
luy escrire un tendre
adieu, car je la possederay bien-tost. Une heure
aprés
,
le blessé à mort
mourut, les valets cache-
rent ce duel, ils estoient
seuls dans la maison, on
emporta le brutal chez
luy, & on fit croire que
l'autre s'estoit tué luymesme.
Quelques jours après
la Veuveayant receu le
billet, & le jeune homme
l'estantallé trouver pour
se plaindre avec elle de ce
que le riche vieillard la
devant espouser le lendemain
,
estoit mort trop
tost de quelques jours, le
brutal victorieux se fit
porter chez elle, estant
beaucoup mieux & se
voyant en estat de jouïr
du fruit de sa victoire ; en
arrivant il fulmina d'abord contre la Veuve &c
contre le jeune homme
à qui la jalousie luy fit
dire mille injures, mais
la Veuveluirépondit
tranquillementqu'ilavoit
eu tort d'insulter celuy
qu'il avoit tué, &quele
mourant justement irrité
avoit
avoit voulu du moins en
expirant luy oster les
moyens de triompher de
lui après sa mort en possedant sa maistresse, &C
qu'illui avoit envoyé un
billet qui estoit un testament par lequel il lui laissoit tout son bien, à elle
Se au jeune homme,à
condition qu'ils s'espouferoient, & qu'ainsi il
n'avoir qu'à se faire reporter chez lui. Jugez
qu'elle fut la rage de nos-
tre brutal, elle finit par
un appel à coup de pistolet qu'il fit au jeune hom- -
me,quiluidit qu'il lui
prefteroit volontiers le
colet l'espée à la main.
Levieuxappellants'écria
qu'iln'estoit pas en estat
de mettre l'espée à la
main, ne pouvant se tenir
sur les jambes, Se que la
partie n'estoit pas esgale;
puisque - vous voulez de
l'égalité répliqua la jeune
homme, attendez donc
que j'aye quatre-vingt
ans, & les goutes
,
car de
risquer à présent ma vie
contre la vostre
3
ce seroit
joiier trente contre un.
Tragi-comique, écrite
par un Suisede SoImre.
CEsjours-cy dans nostreVille Capitale,est mort
de chagrin un homme de
quatre-vingt huit ans,
voicy l'avanture qui lui
causa l'an passé un fond
de melancolie, où il n'a
pû resister, quoy qu'avec
l'âge on doiveavoir acquis la force de l'esprit,
par
par habitude de surmonter les chagrins, & sur
tout ceux de l'amour;
cest pourtant un chagrin
d'amour, qui joint à quatre-vingt huit années, a
fait perdre patience
,,
Be
vie, àundes plus braves
Suisses de nos Cantons.
Voicyl'origine de ce
malheur.
Une Veuve François
estimée de tous nous autres pour sa rare, bonne
conduite & vertu, avoit
chez elle quantité de gens
d'esprit
,
de l'un & de
l'autre sexe
,comme il en
est beaucoup chez nous.
quoi qu'en dire les sots
cette Veuve approchoit
vers les trente ans,c'est
jeunesse encore en nos
pays, non comme en
France; en effet cette Veuvebrilloit tellement, que personne ne
pouvoit s'empescher de.
l'aimer, & elle menageoit tous ces
amours là
pour faire revivre la fortune
,
morte pour elle
avec feu son mary; entre
tous ceux qui l'aimoient
il n'en estoit que trois qui
eussent pour but le mariage, & tous les autres
qui avoient des veuës je
ne sçay quelles, furent
congediez
,
par cette
vertueuse Veuve.
Voici donc les trois restants. Le premier c'estoit
un jeune homme fait à
peindre, &C d'un esprit
aimable plein de raison,
maisn'ayant point de
bien, non plus que la
Veuve; ilsavoient resolu
tous deux de ne se plus,
voir, tous les jours ilsse
disoient adieu pour jamais
,
& le lendemain,
c'estoit à
recommencer~
maisle second amant qui,
estoit nostre homme de.
quatre-vingt tant d'années voulut un jour que.
leur adieu ne recomençast.
plus;& cela fut resolu.
fermement en sa presence, car il estoit revesche.
& brutal, ce vieil amant
resta seul à la Veuve pendant quelque temps, il
ne tenoitquasià rien qu'il
n'épousast, il n'attendoit
pourfaire la nopce que
quelqu'un de ses bons
jours où la goute & la
gravelle lui donnoient du
relasche, &. il lui venoit
presque tous les mois,
quelqu'un de ces bons.
jours où il souffoit;
moins
,
c'est ce qu'il attendoit pour Ce donner la
consolation du mariage.
Un autre Vieillard, à
peu prés du mesme âge,4
mais qui ne pouvoit plus
marcher, & qui se faisoit
porter tous les jours dans
l'Egliseen chaise à gouteux
,
y
avoit veu cette
belle personne
,
& en devint encore plus amoureux que n'estoitl'autre,
celuy-cy voyoit quelquefois le jeune hOlnlne, il
s'adressa à lui, le priant,
comme il connoissoit cete Veuve,d'obtenird'elle
qu'ill'allât visiter en chaise, & qu'elle permit que
sa chaise entrait jusques
danssachambre,pourl'inconvenient de ce qu'il
souffroit, & des cris qu'il
faisoit quand il l'enfalloit
tirer; cette proposition
fut accompagnée d'un
offre deviiilyt mille écus
d'abord à la Veuve, pour
souffrir l'incommodité de
cette visite, &C condition
offerte de luy livrer les
vingt mille écus francs,
si l'ayant veuë, il ne jugeoit par convenable de
l'épouser, mais que sielle
luy convenoit., ilvouloit
au lieu des vingt mille
écus, lui donner tout Ton
bien par un contrat de
mariage.
Cette proposition rendit attentif ce jeune
Amant,d'abord le desir
de se vanger du vieux
DON-
brutal qui l'avoitcbaftè
d'auprès de sa Maistresse
,
luy fit escouter ce rivalcy, & deplus, il vit un
avantage seur, pour celle
qu'il aimoit
)
il alla d'abord luy faire la proposition
,
à quoy elle respondit aprèsavoir un peu rêvé : mon Dieu que de
Vieillards; à quoy repartit lejeune,béc'est tant
mieux, jesouhaite que
celuy-cy vive long-temps
avec vous, maisenfin de
compte, vousJèreZj ricke:
la Veuve ne répondit
qu'en soupirant,elleregarda le jeune hoxnnjc^
& après un silence fort
tendre elle dit seulement,
hé bien faites venir le
Gouteuxenchaise.
Le jeune Amant fut
trouver le Gouteuxqu'il
réjouir fort par la bonne
nouvelle, laVeuve avoit
"- dit à sa servante unique,
de faire monter une chaise qui viendroit lavoir
cette aprèsmidy. Notez
que l'autre vieux Amant
n'estoit point venu depuis quelques jours,retenu au lit par gotfte&C
gravelle; maiss'enennuyant
,
il se fit, empaqueter chaudement dans
une chaise
,
& porter
chez samaistresse qui le
sçavoit au lit, &voulant
la surprendre agréablement parcettevisite inopinée fitouvrirla porté
d'en bas. dont il avoit le
passe-par-tout
,
& sans
estre veu dela servante
qui estoit dans sa chambre en haut, il entra tout
brandi jusqu'auprés du
feu de la Veuve où elle
revassoit aux vingt mille
écus de l'autre gouteux.
- Dans sa surprise la
Veuve (e levé en sursaut
de son fauteuil, & fait
des compliments à celuicy tels qu'elle les croyoit
faire à l'autre, jusqu'à ce
que s'appercevant de sa
mpric, elle se troubla.
Le bonhomme brutal aurait pris ce compliment
pour resverie, ayant veu
en entrant la Veuve comme endormie prés de son
feu. Mais le second gouteux dans la féconde chaise suivoit de prés, ayant
trouvé la porte ouverte,
ses porteurs en quatre enjambéesl'eurenttransporté dans la chambre. Enfin les deux chaises se
trouverent placées aux.
costez dela cheminée, &c
---.k Veuve
au milieu, les
porteurs évadez elle resta
entre ces deux vieillards.
Lorsaussi embarasséeque
le fut jadisSusanne, le premierprétendant brutal Se
emporté commença la
querelle, comme il n'avoit que la langue de libre aussi s'en servit
-
il de
merveilles, Se conclut
par des reproches, accusant la Veuve d'inconstance & d'ingratitude,
envers un amant premier
en date, dont elle trahiffoit l'amour. Il n'est point
tquçftion
,
reprit l'autre,
qui estoitpluscensé,ny
d'amour, ny de primauté
en date,ny d'inconstance,
avec de vieux gouteux
comme nous, & vous
,
avez tort de mettre vostre amour en ligne de
comptesiln'y a qu'une
chose à sçavoir, & qu'un
mot qui serve
3
j'apporte
vingt mille escus pour
ma premiere visite ,en
avez vous là trente? elle
vous preferera, & je ne
m'en plaindray point,
qu'elle me
-
congedie.
L'autre ne répondit à cela
qu'en appellant ses porteurs )
ôc menaçant furieusementsonrival, &l
jurant qu'il auroit de ses
nouvelles avant le soir.
On le remporta, Se l'autre après une visite trés
longue, promit d'époufer le lcpdenlain, mais
en arrivant chez luy le
[air, il trouva un billet
du brutal, qui luy escrivoit que la rage l'avoit
gueri de la goute, &C
qu'il avoit des pieds pour
aller hors les portes de la
Ville, &C une main pour
se battre,& qu'il ne manquait pas de sy trouver
dés la pointe du jour:
celuy-cy luy manda qu'il
n'avoir qu'une main, &
point de jambes
,
mais
qu'il vint le voir, ou qu'il
l'attendist chez luy, &C
qu'ils conviendraient de.
la forme du combat, l'autre y
vint une heure aprés.
Le plus raisonnable des
deux dit au brutal que
n'étant point en estat de
tirer l'espée ,ilne doutoit point qu'il ne consentist à se battre au pistolet.
Ils convinrent pour cela
que sous prétexte d'aller
prendre l'air,ils se feroient porter l'un & l'autre dans une maison de
campagne fort proche de
la Ville, & qu'ils emprunterent à un de leurs
amis sans luy dire pourquoy;ils se firent dresser
deux lits dans la mesme
chambre,& après y
avoir
couché la premiere nuit
fort tranquilles, ils foupercnt le soir ensemble
,
se
firent coucher par leurs
valets qui se retirerent ensuite, &C le lendemain htost que le jour fut assez
grand pour ce qu'ils
avoient à faire, ils s'accommoderent & se cantonnerent chacun sur son
lit ,& tinrent chacun
deux pistolets en évidence, à condition de les tirer alternativement. Ce
fut une cérémonie un peu
longue à qui tireroit le
premier, le brutal commença& manqua le premier coup, l'autre tira cC
manqua aussi le lien,
maisle brutal recommença & perça la poitrine à
l'autre; alors voyant celuy cy qui estoit fort mal,
illuy dit:tu ne feras plus
en estat de me disputer
ma belle Veuve. Ce dernier mot redoublant la jalousie du blessé,iltire (on
second coup, qui blessa
l'autreau bras, pendant
ce combat les valets accoururent aux coups, &
le brutal bravant tousjours l'autre sur ce qu'il
auroit la Veuve; celuycy demanda une plume
& de l'ancre; & pendant
qu'on alloitquérir du secoursil écrivit quelques
lignes & fit cacheter le
billetpar un valet affidé,
à qui il recommanda de
le donnerà la Veuve. Le
brutal cependant continuoit ses bravades, vous
faites bien luy dit-il, de
luy escrire un tendre
adieu, car je la possederay bien-tost. Une heure
aprés
,
le blessé à mort
mourut, les valets cache-
rent ce duel, ils estoient
seuls dans la maison, on
emporta le brutal chez
luy, & on fit croire que
l'autre s'estoit tué luymesme.
Quelques jours après
la Veuveayant receu le
billet, & le jeune homme
l'estantallé trouver pour
se plaindre avec elle de ce
que le riche vieillard la
devant espouser le lendemain
,
estoit mort trop
tost de quelques jours, le
brutal victorieux se fit
porter chez elle, estant
beaucoup mieux & se
voyant en estat de jouïr
du fruit de sa victoire ; en
arrivant il fulmina d'abord contre la Veuve &c
contre le jeune homme
à qui la jalousie luy fit
dire mille injures, mais
la Veuveluirépondit
tranquillementqu'ilavoit
eu tort d'insulter celuy
qu'il avoit tué, &quele
mourant justement irrité
avoit
avoit voulu du moins en
expirant luy oster les
moyens de triompher de
lui après sa mort en possedant sa maistresse, &C
qu'illui avoit envoyé un
billet qui estoit un testament par lequel il lui laissoit tout son bien, à elle
Se au jeune homme,à
condition qu'ils s'espouferoient, & qu'ainsi il
n'avoir qu'à se faire reporter chez lui. Jugez
qu'elle fut la rage de nos-
tre brutal, elle finit par
un appel à coup de pistolet qu'il fit au jeune hom- -
me,quiluidit qu'il lui
prefteroit volontiers le
colet l'espée à la main.
Levieuxappellants'écria
qu'iln'estoit pas en estat
de mettre l'espée à la
main, ne pouvant se tenir
sur les jambes, Se que la
partie n'estoit pas esgale;
puisque - vous voulez de
l'égalité répliqua la jeune
homme, attendez donc
que j'aye quatre-vingt
ans, & les goutes
,
car de
risquer à présent ma vie
contre la vostre
3
ce seroit
joiier trente contre un.
Fermer
Résumé : AVANTURE Tragi-comique, écrite par un Suisse de Soleure.
Le texte décrit une tragi-comédie écrite par un Suisse nommé SoImre. L'intrigue commence avec la mort d'un homme suisse de 88 ans, victime d'un chagrin d'amour. Cet homme était épris d'une veuve française, âgée d'environ 30 ans, respectée pour sa vertu et sa bonne conduite. Plusieurs hommes souhaitaient l'épouser, notamment un jeune homme sans fortune, l'homme de 88 ans, et un autre vieillard impotent. Le vieillard impotent proposa à la veuve de lui rendre visite en chaise à porteurs et offrit une somme d'argent pour obtenir sa main. Le jeune homme, jaloux du vieillard brutal qui l'avait chassé, accepta la proposition du vieillard impotent. Ce dernier se fit porter chez la veuve, mais le vieillard brutal, se croyant invité, arriva également. Une querelle éclata entre les deux vieillards, chacun accusant la veuve d'inconstance. Le vieillard impotent proposa un duel au pistolet, auquel le vieillard brutal accepta. Lors du duel, le vieillard brutal blessa mortellement son rival. Avant de mourir, le vieillard impotent écrivit un testament laissant toute sa fortune à la veuve et au jeune homme, à condition qu'ils se marient. Le vieillard brutal, furieux, défia le jeune homme en duel, mais ce dernier refusa, arguant que la partie n'était pas égale.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer