A LA REINE ,
SUR LA NAISSANCE
DE MONSEIGNEUR
LE DAUPHIN.
O DE.
Imable fils de Calliope ,
A qui fis admirer autrefois
Aux Chênes émus du Rhodape
Les divins charmes de ta voix ;
Prête-moi ton efprit fublime ;
L'orgueilleux projet qui m'anime
Veut les accords les plus touchans ;
Soutien ma mufe qui s'égare ,
Et dans l'yvreffe de Pindare
Infpire-moi de nobles chants,
鹚
Quel éclat foudain m'environne ?
Tout furprend , tout ravit mes yeux , '
Où fuis-je ? ... l'Univers s'étonne …….
Le Ciel s'ouvre ... je vois les Dieux !
Quelle pompe ! quelle harmonie !
La Cour celefte réunie
B iiij Deſerte
876 MERCURE DE FRANCE
Déferte l'Olympe jaloux ;
Apprenez-moi , chafte Lucine ,
Quelle illuftre & chere origine
Vous fait defcendre parmi nous.
France , fçais - tu ta deſtinée ?
Tes plus doux voeux font accomplis
Le fruit d'un auguſte Hymenée ,
En naiffant , les a tous remplis.
Ton Peuple impatient , avide ,
D'une feconde Adélaïde
Voit fortir l'amour des Humains
La Nature en fes yeux fe mire ,
Et furprife s'aime , s'admire ,
Dans le Chef-d'oeuvre de fes mains,
A
Si deux fois la Couche Royale
paru lente à te charmer ,
Le Ciel dans ce long intervale
Se préparoit à le former ;
Sans que le Peuple le fatigue ,
A chaque instant il lui prodigue
Mille vulgaires rejettons ,
Mais fa main qui nous donne l'être
Eft plus lente à faire renaître
L'Héroïque Sang des Bourbons.
Vous
MAY. 877 1730 .
Vous qui de la Grandeur fuprême
Faites le Trône des Vertus ,
Riche ornement du Diadême ,
Heureufe Epoufe d'un Titus ;
Qui tendre aux pleurs du miferable ;
D'une main promte & favorable ,
Arrêtez les triftes ſanglots ;
Pour prix d'un mérite fi rare ,
Forcez fouvent ce Ciel avare
A produire de tels Héros.
Les Faunes , les Nymphes folâtres
Refpectent cet Aftre nouveau ,
Et les Dieux mêmes idolâtres
L'e careffent dans fon Berceau ;
L'Amour , Venus offre fes graces ;
Minerve veut fuivre fes traces ;
Et dans leurs prophetiques Vers
Les Mufes annoncent fa Gloire ,
Mars lui confacre la Victoire ,
Neptune , l'Empire des mers. -
M
Quel Dieu de fon foufle m'agite
D'où naît cette fubite horreur ?
Je fens dans mon ame interdite
L'accès d'une fainte fureur
Apollon m'éclaire & m'enflame ;
By Elpris
878 MERCURE DE FRANCE
Epris de fa divine flamme,
Je lis dans le fombre Avenir ;
C'eft lui ; je le fens ; il s'avance ;
Loin , vulgaire , de fa préſence ;
Ton oeil ne peut la foûtenir.
Long- tems de la Terre exilées ;
Par l'injuftice des mortels ,
Thémis & fa foeur rappellées
Relevent leurs communs Autels.
L'homme à leur voix n'eft plus rebelle ;
L'innocence.Le renouvelle ;
Siecle admiré , je te revois.
Oui , dans une équité profonde
Janus aux Habitans du monde .
Fait encore adorer ſes Loix.
Eft-ce un vain fonge qui me flatte
Quelle longue Pofterité !
Dans le Sang dé Louis éclatte
Ce qu'eut de Grand l'Antiquité.
Sortez de vos fuperbes cendres.
Achilles , Céfars , Alexandres ,
Ce Roi va vous remettre au jour.`
Dans vos défauts loin de vous fuivre ,
Ses Fils dans eux feront revivre
Ce qui dans vous eut notre amour.
Vos
MAY. 1730. 879
Vos mains n'ont porté que la foudre ;
Vos coups vous rendirent fameux ;
Sans mettre l'Univers en poudre ,
Louis eft plus grand , plus heureux ;
Tout l'aime & le craint ; fans tonnere
Il fçait tranquilifer la Terre ,
Il fait le fort des Potențats ;
Et dans fa faine politique
Toûjours fa fageffe s'applique
Au feul bonheur de fes Etats.
沁
Mais quoi fans force & fans haleine
?
Où vais-je m'élever encor ;
Nouvel Icare , dans ma veine
J'ofe prendre un rapide effor ;
D'une aveugle & vague penſée
Arrête la courſe infenfée
Muſe , tes Vers font impuiffans ;
Réprime une ardeur teméraire ;
Et dans un refpect neceffaire
Laiffe murir ton foible encens
Vous , que la gloire ſeule inſpire
Honneur d'un Regne précieux ,
Cher objet des voeux de l'Empire ,
REINE , digne préfent des Cieux ,
Tendre , facile , bienfaiſantë , -
BL
Souffrez
880 MERCURE DE FRANCE
Souffrez d'une plume naiffante
L'hommage long-tems fufpendu ;
Je fçais quelle eft mon imprudence ;
Mais peut-on garder le filence
Lorſque l'on voit tant de vertu ?
Pyrrho de Varille.