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1
p. 850-861
LETTRE de M. Billecocq, Lieutenant Particulièr au Bailliage de Roye, pour servir de Réponse aux Remarques de M. Dauvergne, inserée dans le Mercure de Janvier 1730.
Début :
Vous avez, sans doute, lû, Monsieur, dans le Mercure du mois de Janvier [...]
Mots clefs :
Coutumes, Fiefs, Vassal, Seigneur, Recueil, Maximes
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. Billecocq, Lieutenant Particulièr au Bailliage de Roye, pour servir de Réponse aux Remarques de M. Dauvergne, inserée dans le Mercure de Janvier 1730.
LETTRE de M. Billecocq , Lieutenant
Particulièr au Bailliage de Roye , pour
Servir de Réponse aux Remarques de
M. Dauvergne , inferée dans le Mercure
de Fanvier 1730.
V
" Ous avez , fans doute , lû, Monfieur,
dans le Mercure du mois de Janvier
dernier , les Remarques de M. Dauvergne
de Beauvais , fur le Livre des Principes
du Droit François fur les Fiefs , dont j'ai
eu l'honneur de vous prefenter un Exemplaire
, & même la fatisfaction de vous
entendre dire depuis , que vous l'avez
trouvé bon, & qu'il feroit utile au Public.
Comme M. Dauvergne paffe pour homme
d'efprit & habile dans fa Profeffion ,
j'efperois trouver dans fes Remarques des
inftructions que je pourrois mettre à profit
, pour rétracter ou corriger les erreurs
dans lesquelles j'aurois pû être tombé ,
mais , je vous avoie , Monfieur , que je
n'y ai rien trouvé dont ma docilité puiffe
faire ufage.
Il porte d'abord fa critique fur le titre
du Livre , il argue la méthode que je
me fuis faite en compofant mon Recueil,
il me reproche d'avoir obmis les autoritez
MAY. 1730. 85 %
tez oppofées aux principes que j'ai établis
, & parmi le grand nombre de Maximes
dont le Livre eft rempli , il ne
s'en prend qu'à trois ou quatre.
Le titre du Livre, dit- il , paroît impofant ;
Auteur promet plus qu'il ne donne , & Sou
vent moins que le Texte de la Coûtume à
laquelle il rapporte les principes de fon Recueil.
J'aurois fouhaité pouvoir trouver à ce
Livre un titre plus modefte , & en mê
me-temps convenable; mais ne pensezvous
pas , Monfieur , qu'un Livre qui
renferme les notions les plus communes
des matieres feodales , les définitions &
les divifions des chofes , avec les princi ,
pales maximes établies par les Textes des
Coûtumes & par les décifions de nos meil
leurs Auteurs modernes , péut porter , à
bon droit , le Titre de Principes du Droit
François fur les Fiefs .
Comme je n'avois travaillé à ce Recueil
que pour mon inftruction particuliere ,
je me fuis contenté d'une expofition fimple
, facile & méthodique des principes
que je m'étois formez ; & en le faifant
imprimer , par le confeil de perfonnes jus
dicieufes , qui ont eftimé qu'il pourroit
être utile au Public , je l'ai prefenté tel
qu'il étoit , & je n'ai pas crû devoir l'embarraffer
de maximes controverfées qui
A iiij
m'au-
1
852 MERCURE DE FRANCE
m'auroient mené trop loin , perfuadé que
fi les regles que j'ai pofées étoient juftes ,
elles pourroient fervir à les éclaircir ou
à les décider.
C'eft dans cette idée que j'ai dit que
ce Livre pourroit fervir de Commentaire
aux Coûtumes de Peronne, Montdidier &
Roye , & à celles qui fur les Fiefs n'ont
point de difpofitions contraires .
Je conviens , Monfieur , qu'on ne peut
pas regarder mon Livre comme un veritable
Commentaire , il n'en a ni la forme
ni l'étendue , comme le remarque
M. Dauvergne , qui enfeigne avec tant
d'exactitude la maniere de faire un bon
Commentaire , qu'il feroit à fouhaiter
qu'il voulût donner au Public un Ouvrage
en ce genre de fa façon. Il rempliroit
, fans doute , toutes les idées qu'il
donne d'un excellent Commentaire de
Coûtume .
Pour moi qui n'ai point prétendu écrire
pour les fçavans , ni pour ceux qui font
initiez dans la connoiffance des matieres
des Fiefs , à qui je laiffe le mérite de les
traiter à fond par des raifonnemens , des
Differtations & des autoritez multipliéés ;
ma feule vûë a été , en faifant imprimer
mon Recueil fur les Fiefs , d'en rendre
la matiere intelligible , & de la mettre à
la portée des Seigneurs de Fiefs , de leurs
Officiers
MAY. 1730.
853
que
Officiers , des Vaffaux , & de tous ceux
la connoiffance des matieres féodales
peut intereffer. Ce Livre m'a paru d'autant
plus commode , qu'on le peut porter
dans fa poche ; en cela bien different
d'un Commentaire de Coûtume en forme ,
& tel que le voudroit l'Auteur des Remarques
, qui rempliroit un ou plufieurs
gros volumes.
Si je n'ai pas cité les Auteurs qui ont
écrit fur les Fiefs en Latin , ni ceux qui
en ont fait des Traitez particuliers , c'eſt
que je n'ai pas voulu charger les marges
de mon Livre d'un trop grand nombre
de Citations , qui feroient d'autant plus
inutiles , que les modernes , aufquels je
me fuis attaché , ont puiſé leurs déciſions
dans les anciens Feudiftes.
J'ofe affurer , Monfieur , qu'il n'y a
pas un feul article dans le titre des Fiefs
de la Coûtume de Peronne , Mondidier
& Roye , dont je me fuis particulierement
fervi pour former mes Principes , qui n'y
trouve fon explication; cependant M.Dauvergne
avance dans fes Obfervations ,
comme le défaut dominant de mon Livre,
que les Principes que je donne pour interpreter
les Articles de cette Coûtume ,
fourniffent auffi peu & quelquefois moins
que le Texte , que je dois expliquer.
Ce reproche eft trop vague pour que
Αν A v je
854 MERCURE DE FRANCE
je fois en état de m'en juftifier . Si j'ofois
efperer , Monfieur , que vous vouluffiez
bien prendre la peine d'en faire l'analyſe
vous- même , pouvant en juger plus fainement
qu'un autre, & m'en écrire votre
fentiment , je vous en aurois une fenfible
obligation , auffi - bien que de me mander
ce que vous penfez au fujet de la cenfure
de quelques Principes de mon Livre , que
M. Dauvergne prétend n'être pas juftes.
Permettez - moi de les reprendre ici l'un
après l'autre.
Voici les termes dont je me fuis fervi,
Liv . 2. Chap . 4. Sect. 6. En l'absence du
mari ou à fon refus , la femme peut fe faire
autorifer par fuftice , pour faire la foi &
hommage , & payer les droits.
M. Dauvergne dit que cet Axiome eft
faux , & que Dupleffis a fuffifamment fait
entendre le contraire.
Ma furpriſe a été d'autant plus grande,.
lorfque j'ai vû ce point de critique , qu'on
veut appuyer du fentiment de Dupleffis ,
que je ne puis m'empêcher de vous tranfcrire
ici les propres termes de cet Auteur,,
qui fe trouvent au Liv . I. des Fiefs , Ch . 3.-
vers la fin. Si la femme n'étoit point feparée
, mais que fon mari fût abſent , & que·
cependant le délai fatal preffat , j'eftime
qu'elle fe peut faire autorifer par Juftice
pour porter la foi..
31
Après
MAY. 1730 . 858
Après
cela peut-on dire que Dupleffis
penſe autrement que le Commentateur
de la Coûtume d'Amiens , que j'ai cité?
Si M. Dauvergne, avoit lû les Auteurs ,
& principalement Dumoulin , fur Paris §.
37. Glofe 1. N. 12. Brod. Art. 36. N. 14.
Le Grand , fur Troye , Art. 40. N. 13 .
& Ferriere , dans fon Traité des Fiefs ,
Ch . 2. Art. 2. N. 64. il auroit reconnu
que le principe que j'ai établi , loin d'être
faux , comme il le dit , eft inconteftable.
En effet , y a-t -il une autre reffource pour:
une femme dont le Fief eft faifi , par l'abfence
, la négligence , le caprice ou la
collufion du mari , que de fe faire autorifer
par Juftice , à l'effet de porter pour
lui la foi & hommage au Seigneur ? Eſtil
un parti plus équitable pour fauver la
perte des fruits qui font deftinez pour
foutenir les charges du mariage ? Vous
concevrez aisément , Monfieur , que cette
Remarque eft mal imaginée , & qu'elle
ne fait pas juger avantageufement de celles
qui fuivent.
J'ai dit au Liv . 2. Ch. 5. Sect. 7. Que
quand les puinez relevent de leur aîné , ils :
doivent lui faire la foi & hommage , &
payer le même droit de Chambellage , qu'ils
auroient payé au Seigneur.
M. Dauvergne , fans contefter ce Principe
, fe contente de dire que j'aurois dû
A vj avertir
856 MERCURE DE FRANCE
avertir que Dargentré a tenu le contraire,
& que fon fentiment a été en cela ſuivi
par plufieurs autres.
Il fe feroit épargné cette objection ,
s'il avoit bien voulu faire attention que
mon Systême eft de pofer uniment les
maximes quej'ay crûës les meilleures & les
plus fuivies , fans entrer dans le détail
des opinions oppofées de quelques Auteurs
, qui ont traité la même matiere .
Ainfi, quoique je n'aye pas ignoré le fentiment
de Dargentré , contraire à ma
propofition , il m'a paru que le texte de
la Coûtume de Vermandois , qui contient
dans une infinité d'articles , les mêmes
difpofitions que la Coûtume de Peronne
& de Roye, dont les appellations reffortiffent
au Préfidial de Laon , devoit prévaloir
à l'opinion de Dargentré , quelque
eftimé & quelque habile qu'il fût.
C'eſt par cette même raison , qu'en traitant
de la foi & hommage conteſtée entre
plufieurs perfonnes , Liv. 2. Chap. 4.
Sect. 4. j'ai tiré mes Principes des Textes,
des Coûtumes de Laon , Reims , & Châlons
, aurois-je pû puifer dans de meilleu
res fources que dans les Coûtumes voifines
de celles que j'avois fuivies , pour fervir
de baſe & de fondement à mes Principes
? Des Coûtumes qui ont été rédigées
& réformées par les plus fçavans Magiftrats
MAY. 1730. 857
trats du Royaume , de l'avis des perfonnes
les plus éclairées des Provinces , n'ontelles
pas plus de poids & d'autorité que
les fentimens de quelques Particuliers ?
Auffi nos meilleurs Auteurs ont-ils fuivi
cette Méthode d'appuyer leurs réfolutions
des Textes de Coûtumes , qui font
répandus dans leurs Ouvrages.
J'ay avancé pour maxime au Liv. 14.
Ch. 15. Sect. 1. Que le Seigneur qui veut
retenir un Fief de fa mouvance , lorsqu'il a
été vendu par fon vaffal , eft obligé d'en
rembourferle prix à l'Acquereur , fans pouvoir
précompter ni diminuer aucune chofe
pour les droits que devoit l' Acquereur à caufe
de fon acquifition.
L'Auteur des Remarques fait une diftinction.
Il convient que le Principe eft
jufte dans le cas où l'Acquereur eft chargé
du payement des droits ; mais fi l'on change
l'efpece , dit-il , & fi l'on fuppofe que
le Vendeur en foit tenu , il demande en
ce cas, s'il fera encore vrai que le Seigneur
n'en puiffe faire la déduction fur le prix
qu'il doit rembourfer , & il fe plaint que
je laiffe le Lecteur fur cela dans l'incertitude
du parti qui eft à prendre dans la
contrarieté qui fe rencontre , non-feulement
entre les diverfes Coûtumes , mais
auffi entre les divers Jurifconfultes.
Je vous avouë , Monfieur , que je n'avois
858 MERCURE DE FRANCE
vois garde de faire une pareille diftine
tion , puifqu'en difant que les droits feodaux
étoient incompatibles avec le retrait
feodal , j'avois fuffilamment fait entendret
que dans le cas propofé , le Seigneur étoit
tenu à rendre le prix fans aucune déduction
des droits..
Auffi la Coûtume de Feronne , Mon
didier & Roye , Art. 255. dit- elle , qu'il
faut rembourfer à l'acquereur les deniers
de l'achat , fans diftinguer fi c'eft l'acque
reur ou le vendeur qui eft chargé du
des droits. Ubi lex non diftinpayement
guit , nec nos diftinguere debemus ...
Les Coûtumes qui ont des difpofitions
contraires , font exorbitantes du droit
commun , & ne font fuivies que dans leur
territoire. Elles font même confiderées
par la plupart des Commentateurs , comme
injuftes & trop rigoureufes.
›
En effet le Seigneur exerçant le Retrait
feodal, n'eft-il pas fubrogé au lieu & place
de l'acquereur, & préſumé avoir acheté le
Fief de fon Vaffal ? auquel cas les droits :
fe trouvent confondus en fa perſonne
ne pouvant être créancier & débiteur de
lui-même. C'eft la décifion de l'Art. 22r.
de la Coûtume de Reims ; le fentiment
de Dumoulin , fur l'Art . 17, de la Coû--
tume de Chaumont , & celui de Brodeau ,
fur Paris , Art, 22. N. 4.
M ..
MAY. 1730 859
M. Dauvergne , me fait encore un reproche
de ce qu'en parlant au Liv. 4.
Ch. 35. Sect. 7. de la récompenfe que
l'aîné doit faire à fes puînez , lorfqu'il
retire leur part des Fiefs , je n'ai point
donné de Principes fur les difficultez qui
naiffent de la difpofition de la Coûtume
dont il fait l'énumeration .
Je vous avouerai franchement , Monfieur
,que je n'ai parlé du droit qu'a l'aîné:
de récompenfer fa foeur , qu'en paffant ,
& parce que ce droit a rapport à la matiere
des Fiefs ; mais comme il regarde
plus particulierement celle des fucceffions,.
où la Coûtume parle de la récompenfe ,
je me fuis réfervé den traiter plus amplement,
lorfqu'en expliquant le Titre des
Succeffions , je parlerai du partage des Fiefs
entre l'aîné & les puînez.
Enfin , pour pouffer la critique jufqu'au
bout, M. Dauvergne finit fes Remarques
par une Reflexion , qui certainement ne
me fait pas honneur ; je laiffe au Public
à juger fi elle doit lui en faire beaucoup..
Il infinuë que non -feulement il fe trouve
dans mon Livre des omiffions effentielles
, mais encore que les axiomes qu'on
prefente comme indubitables & non conteftés
peuvent produire des effets d'au--
tant plus dangereux par la réticence des
autoritez qui y font oppofées ; qu'il fuffit:
qu'un
866 MERCURE DE FRANCE
A qu'un Livre foit imprimé pour qu'il foit
regardé , fur tout après la mort de fon
Auteur , comme un Oracle , par une infinité
de gens ; que l'Avocat , dans les
confultations , le prend pour la regle de
fes réfolutions , & fouvent le Magiſtrat ,
pour celle de fes jugemens. Crédulité fatale
, continue- t-il , qui produit la ruine
des familles , dont un Livre de Principes
que l'Auteur a publiez comme vrais , eft la
cauſe.
Mais ne fuis- je pas en droit de demander
à M. Dauvergne , à quoi aboutit tout
ce raifonnement , & de lui propofer ce
Dilemme ? Ou mes Principes font bons ,
ou ils font vicieux ; fi vous les trouvez
mauvais , rendez témoignage de leur défectuofité
; mais s'ils font juftes & autorifez
par l'ufage & par les meilleurs Auteurs
, pourquoi les cenfurez -vous ? Vous
voudriez , direz - vous , que ces Principes
fuffent difcutez , approfondis , que j'euſſe
rapporté les exceptions , les objections
les applications , les diftinctions & les dé- .
cifions des Auteurs qui ont écrit fur la
matiere. A cela vous répondrai - je , je ne
pourrois que louer votre circonfpection;
fi j'avois entendu de donner au Public
un Traité en forme fur les Fiefs ; mais
confiderez que ce petit Livre n'eft qu'un
précis , un abregé des maximes les plus
>
communes
MAY. 1730 . 86r
communes & les plus fuivies , juftifiées
par les autoritez qui font à la marge , &
vous conviendrez que fi mes Principes
ne font
pas de votre gout , parce que
vous ne les trouvez pas affez démontrez,
ils peuvent convenir à une infinité de
gens , qui feront bien contens de trouver
d'un coup d'oeil dans ce Livre , la décifion
des difficultez qui fe prefentent.
Je laiffe au Public à juger fi votre Cri
tique eft judicieuſe.
Au refte , je ferai toûjours difpofé à
profiter des lumieres & des reflexions que
des perfonnes équitables voudront bien
me communiquer fur les deffauts qu'ils
auront pû remarquer dans mon Livre.
Je fuis , Monfieur , &c.
A Roye , ce 22. Mars 1730.
Particulièr au Bailliage de Roye , pour
Servir de Réponse aux Remarques de
M. Dauvergne , inferée dans le Mercure
de Fanvier 1730.
V
" Ous avez , fans doute , lû, Monfieur,
dans le Mercure du mois de Janvier
dernier , les Remarques de M. Dauvergne
de Beauvais , fur le Livre des Principes
du Droit François fur les Fiefs , dont j'ai
eu l'honneur de vous prefenter un Exemplaire
, & même la fatisfaction de vous
entendre dire depuis , que vous l'avez
trouvé bon, & qu'il feroit utile au Public.
Comme M. Dauvergne paffe pour homme
d'efprit & habile dans fa Profeffion ,
j'efperois trouver dans fes Remarques des
inftructions que je pourrois mettre à profit
, pour rétracter ou corriger les erreurs
dans lesquelles j'aurois pû être tombé ,
mais , je vous avoie , Monfieur , que je
n'y ai rien trouvé dont ma docilité puiffe
faire ufage.
Il porte d'abord fa critique fur le titre
du Livre , il argue la méthode que je
me fuis faite en compofant mon Recueil,
il me reproche d'avoir obmis les autoritez
MAY. 1730. 85 %
tez oppofées aux principes que j'ai établis
, & parmi le grand nombre de Maximes
dont le Livre eft rempli , il ne
s'en prend qu'à trois ou quatre.
Le titre du Livre, dit- il , paroît impofant ;
Auteur promet plus qu'il ne donne , & Sou
vent moins que le Texte de la Coûtume à
laquelle il rapporte les principes de fon Recueil.
J'aurois fouhaité pouvoir trouver à ce
Livre un titre plus modefte , & en mê
me-temps convenable; mais ne pensezvous
pas , Monfieur , qu'un Livre qui
renferme les notions les plus communes
des matieres feodales , les définitions &
les divifions des chofes , avec les princi ,
pales maximes établies par les Textes des
Coûtumes & par les décifions de nos meil
leurs Auteurs modernes , péut porter , à
bon droit , le Titre de Principes du Droit
François fur les Fiefs .
Comme je n'avois travaillé à ce Recueil
que pour mon inftruction particuliere ,
je me fuis contenté d'une expofition fimple
, facile & méthodique des principes
que je m'étois formez ; & en le faifant
imprimer , par le confeil de perfonnes jus
dicieufes , qui ont eftimé qu'il pourroit
être utile au Public , je l'ai prefenté tel
qu'il étoit , & je n'ai pas crû devoir l'embarraffer
de maximes controverfées qui
A iiij
m'au-
1
852 MERCURE DE FRANCE
m'auroient mené trop loin , perfuadé que
fi les regles que j'ai pofées étoient juftes ,
elles pourroient fervir à les éclaircir ou
à les décider.
C'eft dans cette idée que j'ai dit que
ce Livre pourroit fervir de Commentaire
aux Coûtumes de Peronne, Montdidier &
Roye , & à celles qui fur les Fiefs n'ont
point de difpofitions contraires .
Je conviens , Monfieur , qu'on ne peut
pas regarder mon Livre comme un veritable
Commentaire , il n'en a ni la forme
ni l'étendue , comme le remarque
M. Dauvergne , qui enfeigne avec tant
d'exactitude la maniere de faire un bon
Commentaire , qu'il feroit à fouhaiter
qu'il voulût donner au Public un Ouvrage
en ce genre de fa façon. Il rempliroit
, fans doute , toutes les idées qu'il
donne d'un excellent Commentaire de
Coûtume .
Pour moi qui n'ai point prétendu écrire
pour les fçavans , ni pour ceux qui font
initiez dans la connoiffance des matieres
des Fiefs , à qui je laiffe le mérite de les
traiter à fond par des raifonnemens , des
Differtations & des autoritez multipliéés ;
ma feule vûë a été , en faifant imprimer
mon Recueil fur les Fiefs , d'en rendre
la matiere intelligible , & de la mettre à
la portée des Seigneurs de Fiefs , de leurs
Officiers
MAY. 1730.
853
que
Officiers , des Vaffaux , & de tous ceux
la connoiffance des matieres féodales
peut intereffer. Ce Livre m'a paru d'autant
plus commode , qu'on le peut porter
dans fa poche ; en cela bien different
d'un Commentaire de Coûtume en forme ,
& tel que le voudroit l'Auteur des Remarques
, qui rempliroit un ou plufieurs
gros volumes.
Si je n'ai pas cité les Auteurs qui ont
écrit fur les Fiefs en Latin , ni ceux qui
en ont fait des Traitez particuliers , c'eſt
que je n'ai pas voulu charger les marges
de mon Livre d'un trop grand nombre
de Citations , qui feroient d'autant plus
inutiles , que les modernes , aufquels je
me fuis attaché , ont puiſé leurs déciſions
dans les anciens Feudiftes.
J'ofe affurer , Monfieur , qu'il n'y a
pas un feul article dans le titre des Fiefs
de la Coûtume de Peronne , Mondidier
& Roye , dont je me fuis particulierement
fervi pour former mes Principes , qui n'y
trouve fon explication; cependant M.Dauvergne
avance dans fes Obfervations ,
comme le défaut dominant de mon Livre,
que les Principes que je donne pour interpreter
les Articles de cette Coûtume ,
fourniffent auffi peu & quelquefois moins
que le Texte , que je dois expliquer.
Ce reproche eft trop vague pour que
Αν A v je
854 MERCURE DE FRANCE
je fois en état de m'en juftifier . Si j'ofois
efperer , Monfieur , que vous vouluffiez
bien prendre la peine d'en faire l'analyſe
vous- même , pouvant en juger plus fainement
qu'un autre, & m'en écrire votre
fentiment , je vous en aurois une fenfible
obligation , auffi - bien que de me mander
ce que vous penfez au fujet de la cenfure
de quelques Principes de mon Livre , que
M. Dauvergne prétend n'être pas juftes.
Permettez - moi de les reprendre ici l'un
après l'autre.
Voici les termes dont je me fuis fervi,
Liv . 2. Chap . 4. Sect. 6. En l'absence du
mari ou à fon refus , la femme peut fe faire
autorifer par fuftice , pour faire la foi &
hommage , & payer les droits.
M. Dauvergne dit que cet Axiome eft
faux , & que Dupleffis a fuffifamment fait
entendre le contraire.
Ma furpriſe a été d'autant plus grande,.
lorfque j'ai vû ce point de critique , qu'on
veut appuyer du fentiment de Dupleffis ,
que je ne puis m'empêcher de vous tranfcrire
ici les propres termes de cet Auteur,,
qui fe trouvent au Liv . I. des Fiefs , Ch . 3.-
vers la fin. Si la femme n'étoit point feparée
, mais que fon mari fût abſent , & que·
cependant le délai fatal preffat , j'eftime
qu'elle fe peut faire autorifer par Juftice
pour porter la foi..
31
Après
MAY. 1730 . 858
Après
cela peut-on dire que Dupleffis
penſe autrement que le Commentateur
de la Coûtume d'Amiens , que j'ai cité?
Si M. Dauvergne, avoit lû les Auteurs ,
& principalement Dumoulin , fur Paris §.
37. Glofe 1. N. 12. Brod. Art. 36. N. 14.
Le Grand , fur Troye , Art. 40. N. 13 .
& Ferriere , dans fon Traité des Fiefs ,
Ch . 2. Art. 2. N. 64. il auroit reconnu
que le principe que j'ai établi , loin d'être
faux , comme il le dit , eft inconteftable.
En effet , y a-t -il une autre reffource pour:
une femme dont le Fief eft faifi , par l'abfence
, la négligence , le caprice ou la
collufion du mari , que de fe faire autorifer
par Juftice , à l'effet de porter pour
lui la foi & hommage au Seigneur ? Eſtil
un parti plus équitable pour fauver la
perte des fruits qui font deftinez pour
foutenir les charges du mariage ? Vous
concevrez aisément , Monfieur , que cette
Remarque eft mal imaginée , & qu'elle
ne fait pas juger avantageufement de celles
qui fuivent.
J'ai dit au Liv . 2. Ch. 5. Sect. 7. Que
quand les puinez relevent de leur aîné , ils :
doivent lui faire la foi & hommage , &
payer le même droit de Chambellage , qu'ils
auroient payé au Seigneur.
M. Dauvergne , fans contefter ce Principe
, fe contente de dire que j'aurois dû
A vj avertir
856 MERCURE DE FRANCE
avertir que Dargentré a tenu le contraire,
& que fon fentiment a été en cela ſuivi
par plufieurs autres.
Il fe feroit épargné cette objection ,
s'il avoit bien voulu faire attention que
mon Systême eft de pofer uniment les
maximes quej'ay crûës les meilleures & les
plus fuivies , fans entrer dans le détail
des opinions oppofées de quelques Auteurs
, qui ont traité la même matiere .
Ainfi, quoique je n'aye pas ignoré le fentiment
de Dargentré , contraire à ma
propofition , il m'a paru que le texte de
la Coûtume de Vermandois , qui contient
dans une infinité d'articles , les mêmes
difpofitions que la Coûtume de Peronne
& de Roye, dont les appellations reffortiffent
au Préfidial de Laon , devoit prévaloir
à l'opinion de Dargentré , quelque
eftimé & quelque habile qu'il fût.
C'eſt par cette même raison , qu'en traitant
de la foi & hommage conteſtée entre
plufieurs perfonnes , Liv. 2. Chap. 4.
Sect. 4. j'ai tiré mes Principes des Textes,
des Coûtumes de Laon , Reims , & Châlons
, aurois-je pû puifer dans de meilleu
res fources que dans les Coûtumes voifines
de celles que j'avois fuivies , pour fervir
de baſe & de fondement à mes Principes
? Des Coûtumes qui ont été rédigées
& réformées par les plus fçavans Magiftrats
MAY. 1730. 857
trats du Royaume , de l'avis des perfonnes
les plus éclairées des Provinces , n'ontelles
pas plus de poids & d'autorité que
les fentimens de quelques Particuliers ?
Auffi nos meilleurs Auteurs ont-ils fuivi
cette Méthode d'appuyer leurs réfolutions
des Textes de Coûtumes , qui font
répandus dans leurs Ouvrages.
J'ay avancé pour maxime au Liv. 14.
Ch. 15. Sect. 1. Que le Seigneur qui veut
retenir un Fief de fa mouvance , lorsqu'il a
été vendu par fon vaffal , eft obligé d'en
rembourferle prix à l'Acquereur , fans pouvoir
précompter ni diminuer aucune chofe
pour les droits que devoit l' Acquereur à caufe
de fon acquifition.
L'Auteur des Remarques fait une diftinction.
Il convient que le Principe eft
jufte dans le cas où l'Acquereur eft chargé
du payement des droits ; mais fi l'on change
l'efpece , dit-il , & fi l'on fuppofe que
le Vendeur en foit tenu , il demande en
ce cas, s'il fera encore vrai que le Seigneur
n'en puiffe faire la déduction fur le prix
qu'il doit rembourfer , & il fe plaint que
je laiffe le Lecteur fur cela dans l'incertitude
du parti qui eft à prendre dans la
contrarieté qui fe rencontre , non-feulement
entre les diverfes Coûtumes , mais
auffi entre les divers Jurifconfultes.
Je vous avouë , Monfieur , que je n'avois
858 MERCURE DE FRANCE
vois garde de faire une pareille diftine
tion , puifqu'en difant que les droits feodaux
étoient incompatibles avec le retrait
feodal , j'avois fuffilamment fait entendret
que dans le cas propofé , le Seigneur étoit
tenu à rendre le prix fans aucune déduction
des droits..
Auffi la Coûtume de Feronne , Mon
didier & Roye , Art. 255. dit- elle , qu'il
faut rembourfer à l'acquereur les deniers
de l'achat , fans diftinguer fi c'eft l'acque
reur ou le vendeur qui eft chargé du
des droits. Ubi lex non diftinpayement
guit , nec nos diftinguere debemus ...
Les Coûtumes qui ont des difpofitions
contraires , font exorbitantes du droit
commun , & ne font fuivies que dans leur
territoire. Elles font même confiderées
par la plupart des Commentateurs , comme
injuftes & trop rigoureufes.
›
En effet le Seigneur exerçant le Retrait
feodal, n'eft-il pas fubrogé au lieu & place
de l'acquereur, & préſumé avoir acheté le
Fief de fon Vaffal ? auquel cas les droits :
fe trouvent confondus en fa perſonne
ne pouvant être créancier & débiteur de
lui-même. C'eft la décifion de l'Art. 22r.
de la Coûtume de Reims ; le fentiment
de Dumoulin , fur l'Art . 17, de la Coû--
tume de Chaumont , & celui de Brodeau ,
fur Paris , Art, 22. N. 4.
M ..
MAY. 1730 859
M. Dauvergne , me fait encore un reproche
de ce qu'en parlant au Liv. 4.
Ch. 35. Sect. 7. de la récompenfe que
l'aîné doit faire à fes puînez , lorfqu'il
retire leur part des Fiefs , je n'ai point
donné de Principes fur les difficultez qui
naiffent de la difpofition de la Coûtume
dont il fait l'énumeration .
Je vous avouerai franchement , Monfieur
,que je n'ai parlé du droit qu'a l'aîné:
de récompenfer fa foeur , qu'en paffant ,
& parce que ce droit a rapport à la matiere
des Fiefs ; mais comme il regarde
plus particulierement celle des fucceffions,.
où la Coûtume parle de la récompenfe ,
je me fuis réfervé den traiter plus amplement,
lorfqu'en expliquant le Titre des
Succeffions , je parlerai du partage des Fiefs
entre l'aîné & les puînez.
Enfin , pour pouffer la critique jufqu'au
bout, M. Dauvergne finit fes Remarques
par une Reflexion , qui certainement ne
me fait pas honneur ; je laiffe au Public
à juger fi elle doit lui en faire beaucoup..
Il infinuë que non -feulement il fe trouve
dans mon Livre des omiffions effentielles
, mais encore que les axiomes qu'on
prefente comme indubitables & non conteftés
peuvent produire des effets d'au--
tant plus dangereux par la réticence des
autoritez qui y font oppofées ; qu'il fuffit:
qu'un
866 MERCURE DE FRANCE
A qu'un Livre foit imprimé pour qu'il foit
regardé , fur tout après la mort de fon
Auteur , comme un Oracle , par une infinité
de gens ; que l'Avocat , dans les
confultations , le prend pour la regle de
fes réfolutions , & fouvent le Magiſtrat ,
pour celle de fes jugemens. Crédulité fatale
, continue- t-il , qui produit la ruine
des familles , dont un Livre de Principes
que l'Auteur a publiez comme vrais , eft la
cauſe.
Mais ne fuis- je pas en droit de demander
à M. Dauvergne , à quoi aboutit tout
ce raifonnement , & de lui propofer ce
Dilemme ? Ou mes Principes font bons ,
ou ils font vicieux ; fi vous les trouvez
mauvais , rendez témoignage de leur défectuofité
; mais s'ils font juftes & autorifez
par l'ufage & par les meilleurs Auteurs
, pourquoi les cenfurez -vous ? Vous
voudriez , direz - vous , que ces Principes
fuffent difcutez , approfondis , que j'euſſe
rapporté les exceptions , les objections
les applications , les diftinctions & les dé- .
cifions des Auteurs qui ont écrit fur la
matiere. A cela vous répondrai - je , je ne
pourrois que louer votre circonfpection;
fi j'avois entendu de donner au Public
un Traité en forme fur les Fiefs ; mais
confiderez que ce petit Livre n'eft qu'un
précis , un abregé des maximes les plus
>
communes
MAY. 1730 . 86r
communes & les plus fuivies , juftifiées
par les autoritez qui font à la marge , &
vous conviendrez que fi mes Principes
ne font
pas de votre gout , parce que
vous ne les trouvez pas affez démontrez,
ils peuvent convenir à une infinité de
gens , qui feront bien contens de trouver
d'un coup d'oeil dans ce Livre , la décifion
des difficultez qui fe prefentent.
Je laiffe au Public à juger fi votre Cri
tique eft judicieuſe.
Au refte , je ferai toûjours difpofé à
profiter des lumieres & des reflexions que
des perfonnes équitables voudront bien
me communiquer fur les deffauts qu'ils
auront pû remarquer dans mon Livre.
Je fuis , Monfieur , &c.
A Roye , ce 22. Mars 1730.
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Résumé : LETTRE de M. Billecocq, Lieutenant Particulièr au Bailliage de Roye, pour servir de Réponse aux Remarques de M. Dauvergne, inserée dans le Mercure de Janvier 1730.
M. Billecocq, lieutenant particulier au bailliage de Roye, répond aux critiques de M. Dauvergne de Beauvais, publiées dans le Mercure de janvier 1730, concernant son livre 'Principes du Droit Français sur les Fiefs'. Billecocq reconnaît la réputation de Dauvergne mais affirme que ses remarques ne contiennent aucune critique utile. Dauvergne critique le titre du livre, la méthode de composition et l'omission des autorités opposées aux principes établis. Billecocq défend le titre de son ouvrage, soulignant qu'il contient des notions essentielles sur les matières féodales. Il explique avoir simplifié l'exposition pour rendre la matière accessible aux seigneurs de fiefs, leurs officiers et autres intéressés. Billecocq rejette également les critiques sur l'absence de citations d'auteurs latins ou de traités particuliers, justifiant cela par la modernité de ses sources. Il conteste les reproches sur l'insuffisance des principes pour interpréter les articles de la coutume de Peronne, Montdidier et Roye, et invite Dauvergne à analyser lui-même le livre. Billecocq répond point par point aux critiques spécifiques sur certains principes, comme celui concernant l'autorisation judiciaire pour les femmes en l'absence de leur mari, et celui sur les droits de chambellage entre puînés et aînés. Il conclut en rejetant les accusations d'omissions essentielles et de dangers potentiels de son ouvrage, affirmant que ses principes sont justes et bien fondés. L'auteur reconnaît que certains principes peuvent sembler défectueux, mais il argue que ceux qui sont justes et autorisés par l'usage et les meilleurs auteurs devraient être acceptés. Il admet que les principes auraient pu être discutés et approfondis, mais précise que son livre est un précis des maximes les plus communes et suivies, justifiées par les autorités citées en marge. Il concède que ses principes peuvent ne pas convenir à tous, mais ils peuvent satisfaire ceux qui cherchent des décisions rapides sur les difficultés rencontrées. L'auteur laisse au public le soin de juger la critique et se déclare prêt à bénéficier des lumières et réflexions des personnes équitables sur les défauts éventuels de son livre. Le texte est daté du 22 mars 1730 à Roye.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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