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Détail
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1
p. 982-993
Amusemens à la mode, [titre d'après la table]
Début :
Le 21 Avril, les Comédiens Italiens donnerent la premiere Représentation [...]
Mots clefs :
Comédiens-Italiens, Les Amusements à la mode, Romagnesi, Riccoboni, Comédie, Théâtre, Acteurs, Actes, Danse
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texteReconnaissance textuelle : Amusemens à la mode, [titre d'après la table]
SPECTACLES.
L
E 21 Avril , les Comédiens Italiens
donnerent la premiere Représentation
d'une Piece en trois - Actes, intitulée : Les
Amusemens àla mode. Cette Comédie
dont les Sieurs Romagnesy et Riccoboni
sont Auteurs , fut précédée d'un Prologue. Voici l'Extrait de cet Ouvrage , que
le Public a reçu tres- favorablement , en
ayant trouvé le titre bien rempli , a beaucoup d'égards , et heureusement saisi , car
on n'a jamais tant vû de gens de tous
Etats , se faire un amusement de jouer la
Comédie, &c.
Au Prologue , Le Théatre représente le Théatre même. La De Sylvia y
paroît assise dans un Fauteuil. Le St Romagnési vient interrompre sa profonde
rêverie, dont il-lui demande la cause ; elle
lui dit qu'elle pense tres- sérieusement à
la sottise qu'ils vont faire de donner une
si mauvaise Piéce au public ; Piece qu'ils
n'auroient jamais dû recevoir.Romagnesi
lui dit que c'est à juste titre qu'on l'a reçue, et la premiere raison qu'il en donne,
C'est qu'il en est l'Auteur. Sylvia témoigne
MAY. 1732 १६
gnë sa surprise , attendu le peu de bon
sens qui regne dans tout l'Ouvrage, Romagnesi ne croit pas pouvoir mieux imposer silence à sa critique , qu'en ajoûtant , qu'elle est interressée plus qu'elle ne
pense à épargner l'Ouvrage , puisque son
parent Riccoboni ya travaillé conjointement avec lui : La Piece n'est donc pas
mauvaise , répond Sylvia ; elle fait plus
elle se charge de faire un Compliment au
public , pour le prévenir en faveur de
Ouvrage. Ce Compliment a paru tresjoli , aussi bien que le Prologue. La Dile
Silvia restée seule , s'exprime ainsi :
si
MESSIEURS , c'est vainement qu'il
pense ,
Que j'ose me charger du soin
De lasser votre patience ;
Quelle que soit votre indulgence
Ce seroit la pousser trop loin ,
De la mésurer au besoin
Qu'en aura notre insuffisance.
D'ailleurs , je tenterois des efforts superflus
Et c'est en vain qu'on se propose ,
D'adoucir un Public que l'Ouvrage indispose
Il ne le siffle point , mais il n'y revient plus ,
C'est à peu près la même chose.
Il faut pourtant vous demander ,
Car vous sçavez que c'est l'usage ,
G iij Et
984 MERCURE DE FRANCE
Et si vous daignez m'accorder
Le bien dont je me fais la plus fateuse image
Tout autre sort au nôtre doit ceder;
C'est d'être convainca de notre ardent hom
mage
De croire , que le soin qui peut seul nous guider
but que votre suffrage ,
Que dis je il est notre unique partage ;
N'a
pour
In douter un moment , c'est nous déposseder
Des droits d'un si juste héritage.
Acteurs de la Piece.
Mr Oronte, pere de Lucile,le sieur Pagheti.
MmeOronte , mere de Lucile , la Dille Belmont.
1102 5
Eraste, Amant de Lucile, le St Theveneau.
Lucile , fille de Met de Mme Oronte , la
Dlla Sylvia.
Rigolet , amoureux de Lucile , le sieur
Sticotti.
Lisidor et Coqueluche , amis de Rigolet,
joüans la Comédie de même que Ri
golet , les sieurs Mario et Romagnesi.
Valentin , Valet d'Eraste , le sieur Lelio.
Spinette , suivante de Lucile,la Dile Lelio.
La Scene est dans la Maison de Monsieur Oronte.
Acte
M AY. 17327 98
Acte Scene ; Oronte veut marier sa fille à Mr
Rigolet , parce qu'il déclame bien ; Mate
Oronté qui a autánt d'aversion pour le
talent de déclamer, que son mari ya de
panchant, s'oppose à son choix; Mr Oronte lui dit qu'elle seroit d'accord avec lui ,
s'il panchoit du côté d'Eraste , pár la seule raison qu'il chante bien , parce qu'elle
aime le chant. Made Oronte lui répond
qu'elle ne donnera sa fille ni à lun, ni à
l'autre , et s'en va.
Mr et Mme Oronte ouvrent la
Oronte se plaint de l'indocilité de sa femme, Lucile vient,suivie de Spinette; elle demande à son pere, d'où peut venir sa có
lere: M'Oronte lui dit que ce n'est rien,
qu'il vient de quereller avec sa femme ,
qui , selon sa coûtume , n'est pas , de son
sentiment ; qu'il s'agit d'un mariage qu'il
vient de lui proposer. Lucile lui demande quel choix il a proposé à sa mere ; l'éloge que M'Oronte fait de l'époux qu'il
veut lui donner, persuadant à Lucile que
ce'ne peut être qu'Eraste ; elle y donne
un plein consentement ; mais dès qu'elle
est mieux éclaircie , elle lui fait entendre
qu'elle ne sçauroit aimer Rigolet. Oronte
fait valoir l'authorité de pere , et prétend
absolument qu'elle épouse celui qu'elle
fui destine.
Fiiij Lucile
986 MERCURE DE FRANCE
:
Lucile témoigne sa douleur à Spinette,
qui lui conseille de ne point obéir à son
Pere. Eraste survient. Lucile lui apprend
son malheur Valentin , Valet d'Eraste,
leur promet de parer ce coup fatal par un
stratagême qu'il vient d'imaginer.
Eraste , pour remercier Lucile des bontez qu'elle a pour lui , se jette à ses pieds,
Valentin se jette à son tour aux pieds de
Spinette.Oronte rentre et surprend le Maî
tre et le Valet dans cette posture tendre et
suppliante. Valentin lui veut persuader
que c'est une Scene de Tragedie que Lucile et Eraste répetent , et qu'il vient lui
même d'y ajouter un troisiéme personnage; c'est-à-dire , celui de César , surprenant Antoine aux pieds de Cléopatre. Ce
faux -fuyant plaît d'abord à M. Oronte
par rapport au panchant qu'il a pour le
Théatre , mais il ne change pas de résolution ; il dit à Madame Öronte qui survient , la situation où il a trouvé Eraste.
Madame Oronte trouve tres - mauvais
qu'Eraste soit entré sans se faire annoncer. Valentin lui répond que M. Oronte
vient de faire de même. Madame Oronte
les congédie tous.
Valentin reste et fait entendre à Mad.
Oronte que la victoire qu'elle prétend
remporter sur son mari n'est pas assez
com-
MAY. 17328 987
complette , si elle ne fait voir qu'elle est
la maîtresse absoluë , en mariant sa fille à
Eraste dont il rejette le choix. Madame.
Oronte lui dit qu'elle n'acceptera jamais
pour gendre un homme qui sçachant
qu'elle aime le chant , va chanter autre
part que chez elle. Valentin jugeant parlà que Madame Oronte est picquée de la
préférence qu'Eraste donne à une autre ,
Tui fait entendre que si son Maître chante chez sa tante, plutôt que chez elle, c'est
parce qu'elle l'a menace de le deshériter ,
S'il ne lui consacre tous ses Concerts ; il
ajoute que le péril de l'exhérédation néne l'a
pas empêché de se livrer enfin à son inelination , et qu'il étoit venu chez elle
pour la prier de vouloir entendre un Ope-
-ra qu'il vouloit faire représenter chez elle.
Au nom d'Opera, Mad. Oronte est transportée et dit à Valentin d'aller faire revenir son Maître ; Valentin qui ne croyoit
pas être pris au mot , paroît très embarrassé; il fait entendre à Mad. Oronte qu'il
craint qu'Eraste au désespoir n'ait déja
contremandé tous les Acteurs. Madame
Oronte le presse de les aller rassembler ;
Valentin enrage de s'être embarqué si
avant , mais il se détermine enfin à s'en
tirer comme il pourra , &c.
Ce premier Acte a paru un peu froid .
Gv mais
988 MERCURE DE FRANCES
maisil ne laisse pas d'être dans les regles ,.
et de promette du plaisir aux Spectateurs.
Les Auteurs leur tiendront parole dans le second.
3
Eraste et Valentin commencent ce se--
cond Acte : le Maître est fort irrité contre le Valet,de ce qu'il a promis un Opéra
à Mad. Oronte, et lui dit que puisquec'est
lui qui l'a mis dans cet embarras ; ce sera
lui-même qui l'en tirera ; Valentin convient de tout et sort avec son Maître,
pour aller chercher des Musiciens qu'il
compte de trouver tous assemblez chezDupuy; c'est un celebre Caffé. M. Oron--
te vient , suivi de son gendre futur pré--
tendu , de Lisidor , et de Coqueluche , l'un
Comédien , l'autre Auteur, Il se promet
beaucoup de plaisir à entendre déclamer
par Rigolet des Stances de Coqueluche.
3
Mad. Oronte survient avec Lucile. et
Spinette elles se préparent bien toutes &
trois à rire deces Originaux qu'elles trouvent avec M. Oronte. Rigolet fait son
compliment à Lucile , qui loin d'y prêter
attention , écoute l'éloge que Coquelu
che fait de son sçavoir. Rigolet déclame
les Stances de Coqueluche , dont le sujet
est Marius , se plaignant du sort qui l'a
abandonné , pour se ranger du parti de
Sylla; mais il gesticule si mal , que Coqueluche
M A Y. 1732. 989
fuche ne pouvant souffrir qu'on gâte son
ouvrage , se met en état de faire les gestes
à mesure que Rigolet ne fera que prononcer. Cette Scene a paru originale au Théatre , et a excité de grands éclats de rire.
Valentin vient donner un plat de son
métier , déguisé en Comédien; il embrasse Rigolet, comme étant un de ses plus
chers camarades ; il contrefait si-bien un
des meilleurs Acteurs de la Comédie Françoise , qu'on croit le voir lui- même ;
cette imitation a fait un honneur infini
au jeune Lélio , qui fait tous les jours de
nouveaux progrès dans sa profession ;
Rigolet passant pour Comédien , malgré
tout ce qu'il dit , pour détruire l'imposture , est congédié non seulement par
Mad. Oronte , mais par mári même
qui dit qu'il est si faché que sa femme
ait raison , qu'il ne veut plus désormais se
mêler de marier sa fille. Mad. Oronte se
charge de ce soin , et se déclaré pour Eraste. La Piece paroît dénoüée par cet inci- "
dent , et Valentin qui se fait connoître
pour ce qu'il est en effet, pourroit se dispenser de donner à Mad. Oronte l'Opéra
qu'il lui a promis; mais elle s'y attend et
il faut la satisfaire ; nous allons dire en
peu de mots de quoi il s'agit dans ce troisiéme Acte , qui à pour titre: Les Catasson
*
Gvj rophes
990 MERCURE DE FRANCE
trophes Lyri-tragi - Comiques. C'est une espece de Parodie de l'Opéra de Jephié , et
de la Tragédie d'Eryphile.
Acteurs
Le Roy, amoureux de Buquemeque , le
sieur Theveneau.
Amphigourie , fille du Roy , la De Sylvia.
Buquemeque , mere d'Albumazar , la D'leBelmont.
Albumazar , amant d'Amphigourie , le
sieur Romagnesi.
Venus , la Chanteuse.
Troupe de Guerriers , de Démons , &c.
Les noms Burlesques qu'on a pris soin
de donner aux Héros de cette Parodie ,
Lyri-tragi-Comique , n'ont pas fait prendre le change sur les deux sujets qui y
ont donné lieu ; on n'a pas osé nommer
les principaux personnages , mais on les
a trop bien indiquez , pour donner lieu
aux Spectateurs de s'y méprendre : En
voici un petit Extrait..
Buquemeque et Amphigourie se font
une confidence réciproque de leurs sentimens ; la premiere,destinée à épouser le
Roy, craint qu'il ne devienne volage après
'Hymen, et s'exprime ainsi :
&
Le
MAY. 17320 991
Le plus fidelle Amant ,
Du nœud le plus charmant ,
Quelquefois se dégage ;
Et le plus tendre Epoux ,
Dans un lieu moins doux,
Peut devenir volage.
La seconde fait entendre qu'elle craint
d'avoir fait une folie , en donnant son
cœur au Fils de cette même Buquemeque
à qui elle parle ; elle assaisonne ce petit aveu de cette maxime :
Quand l'Amour de sestraits nous blesse,
Nous ne sentons que son poison ;
S'il pouvoit suivre la raison
Auroit- il le com de foiblesse
Un bruit de Trompettes annonce le retour et la victoire du Roy et d'Albumazar ; ce sont les deu Héros pour lesquels
ces deux Amantes s'interessent ; après la
fetele Roy ordonne à tout le monde de "
se retirer , comme au commencement du
troisiéme Acte de Jephré , le seul Albumazar reste ; autre confidence réciproque
de sentimens , ils sont tous deux consternez ; l'un par un serment indiscret , a
promis aux Dieux de leur immoler sa
fille Buquemeque; voilà Jephté et Iphise 3
l'autre par l'ordre de l'ombre de son pere
}
doit
991 MERCURE DE FRANCE
doit donner la mort à sa mere ; voilà Alcméon et Eryphile ; un bruit infernal leur
fait dire à tous deux
C'est l'Enfer qui vient en ces lieux ,
Nous prier d'obéir aux Dieux. ·
Cette Entrée de Démons et l'arrivée de
Vénus n'ayant plus rien qu'on puisse ap--
peller Parodie , nous en épargnons le déTail aux Lecteurs, et nous nous contentons
de dire , que Buquemeque et Amphigourie en sont quittes pour la peur,parce que·
l'Amour combat pour elle's.
Les mêmes Comédiens doivent jouer
dans peu une Piece nouvelle , en 3 Actès,
avec un Divertissement, elle a pour titre :
LeTuteur Genereux , ou l' Amour trompé par
Papparence, dont on parlera plus au long. -
Le 1 May , le S Roland , originaire de
Provence , cy-devant premier Danseur du
feu Duc de Mantouë , qui l'avoit amené -
à Paris en 1704. et la De Roland sa fille,
née à Venise , âgée de 17 ans , parurent
pour la premiere fois sur le Theatre de
l'Hôtel de Bourgogne ; le premier exécuta une Danse comique et grotesque en
Païsan , qui fut applaudie du public. La Dile Roland dansa à la fin de la Pièce les
caracteres de la Danse , avec beaucoup . '
din
MAY 17323 9935
d'intelligence et de vivacité ; les Cabrioles et les Entrechats ne lui coutent rien ;
et quoiqu'elle ait encore bien des perfections à acquerir , le public qui la regarde
comme un tres-bon sujet, l'a fort applau
die. Il n'y a pas long-tems qu'elle a dansé
à l'Opéra de Londres et dans ceux des
Provinces de France. Outre ses talenspour la Danse , elle est encore bonne
Comédienne , ayant joué différens Rôles en François et en Italien dans diverses
Troupes.
L
E 21 Avril , les Comédiens Italiens
donnerent la premiere Représentation
d'une Piece en trois - Actes, intitulée : Les
Amusemens àla mode. Cette Comédie
dont les Sieurs Romagnesy et Riccoboni
sont Auteurs , fut précédée d'un Prologue. Voici l'Extrait de cet Ouvrage , que
le Public a reçu tres- favorablement , en
ayant trouvé le titre bien rempli , a beaucoup d'égards , et heureusement saisi , car
on n'a jamais tant vû de gens de tous
Etats , se faire un amusement de jouer la
Comédie, &c.
Au Prologue , Le Théatre représente le Théatre même. La De Sylvia y
paroît assise dans un Fauteuil. Le St Romagnési vient interrompre sa profonde
rêverie, dont il-lui demande la cause ; elle
lui dit qu'elle pense tres- sérieusement à
la sottise qu'ils vont faire de donner une
si mauvaise Piéce au public ; Piece qu'ils
n'auroient jamais dû recevoir.Romagnesi
lui dit que c'est à juste titre qu'on l'a reçue, et la premiere raison qu'il en donne,
C'est qu'il en est l'Auteur. Sylvia témoigne
MAY. 1732 १६
gnë sa surprise , attendu le peu de bon
sens qui regne dans tout l'Ouvrage, Romagnesi ne croit pas pouvoir mieux imposer silence à sa critique , qu'en ajoûtant , qu'elle est interressée plus qu'elle ne
pense à épargner l'Ouvrage , puisque son
parent Riccoboni ya travaillé conjointement avec lui : La Piece n'est donc pas
mauvaise , répond Sylvia ; elle fait plus
elle se charge de faire un Compliment au
public , pour le prévenir en faveur de
Ouvrage. Ce Compliment a paru tresjoli , aussi bien que le Prologue. La Dile
Silvia restée seule , s'exprime ainsi :
si
MESSIEURS , c'est vainement qu'il
pense ,
Que j'ose me charger du soin
De lasser votre patience ;
Quelle que soit votre indulgence
Ce seroit la pousser trop loin ,
De la mésurer au besoin
Qu'en aura notre insuffisance.
D'ailleurs , je tenterois des efforts superflus
Et c'est en vain qu'on se propose ,
D'adoucir un Public que l'Ouvrage indispose
Il ne le siffle point , mais il n'y revient plus ,
C'est à peu près la même chose.
Il faut pourtant vous demander ,
Car vous sçavez que c'est l'usage ,
G iij Et
984 MERCURE DE FRANCE
Et si vous daignez m'accorder
Le bien dont je me fais la plus fateuse image
Tout autre sort au nôtre doit ceder;
C'est d'être convainca de notre ardent hom
mage
De croire , que le soin qui peut seul nous guider
but que votre suffrage ,
Que dis je il est notre unique partage ;
N'a
pour
In douter un moment , c'est nous déposseder
Des droits d'un si juste héritage.
Acteurs de la Piece.
Mr Oronte, pere de Lucile,le sieur Pagheti.
MmeOronte , mere de Lucile , la Dille Belmont.
1102 5
Eraste, Amant de Lucile, le St Theveneau.
Lucile , fille de Met de Mme Oronte , la
Dlla Sylvia.
Rigolet , amoureux de Lucile , le sieur
Sticotti.
Lisidor et Coqueluche , amis de Rigolet,
joüans la Comédie de même que Ri
golet , les sieurs Mario et Romagnesi.
Valentin , Valet d'Eraste , le sieur Lelio.
Spinette , suivante de Lucile,la Dile Lelio.
La Scene est dans la Maison de Monsieur Oronte.
Acte
M AY. 17327 98
Acte Scene ; Oronte veut marier sa fille à Mr
Rigolet , parce qu'il déclame bien ; Mate
Oronté qui a autánt d'aversion pour le
talent de déclamer, que son mari ya de
panchant, s'oppose à son choix; Mr Oronte lui dit qu'elle seroit d'accord avec lui ,
s'il panchoit du côté d'Eraste , pár la seule raison qu'il chante bien , parce qu'elle
aime le chant. Made Oronte lui répond
qu'elle ne donnera sa fille ni à lun, ni à
l'autre , et s'en va.
Mr et Mme Oronte ouvrent la
Oronte se plaint de l'indocilité de sa femme, Lucile vient,suivie de Spinette; elle demande à son pere, d'où peut venir sa có
lere: M'Oronte lui dit que ce n'est rien,
qu'il vient de quereller avec sa femme ,
qui , selon sa coûtume , n'est pas , de son
sentiment ; qu'il s'agit d'un mariage qu'il
vient de lui proposer. Lucile lui demande quel choix il a proposé à sa mere ; l'éloge que M'Oronte fait de l'époux qu'il
veut lui donner, persuadant à Lucile que
ce'ne peut être qu'Eraste ; elle y donne
un plein consentement ; mais dès qu'elle
est mieux éclaircie , elle lui fait entendre
qu'elle ne sçauroit aimer Rigolet. Oronte
fait valoir l'authorité de pere , et prétend
absolument qu'elle épouse celui qu'elle
fui destine.
Fiiij Lucile
986 MERCURE DE FRANCE
:
Lucile témoigne sa douleur à Spinette,
qui lui conseille de ne point obéir à son
Pere. Eraste survient. Lucile lui apprend
son malheur Valentin , Valet d'Eraste,
leur promet de parer ce coup fatal par un
stratagême qu'il vient d'imaginer.
Eraste , pour remercier Lucile des bontez qu'elle a pour lui , se jette à ses pieds,
Valentin se jette à son tour aux pieds de
Spinette.Oronte rentre et surprend le Maî
tre et le Valet dans cette posture tendre et
suppliante. Valentin lui veut persuader
que c'est une Scene de Tragedie que Lucile et Eraste répetent , et qu'il vient lui
même d'y ajouter un troisiéme personnage; c'est-à-dire , celui de César , surprenant Antoine aux pieds de Cléopatre. Ce
faux -fuyant plaît d'abord à M. Oronte
par rapport au panchant qu'il a pour le
Théatre , mais il ne change pas de résolution ; il dit à Madame Öronte qui survient , la situation où il a trouvé Eraste.
Madame Oronte trouve tres - mauvais
qu'Eraste soit entré sans se faire annoncer. Valentin lui répond que M. Oronte
vient de faire de même. Madame Oronte
les congédie tous.
Valentin reste et fait entendre à Mad.
Oronte que la victoire qu'elle prétend
remporter sur son mari n'est pas assez
com-
MAY. 17328 987
complette , si elle ne fait voir qu'elle est
la maîtresse absoluë , en mariant sa fille à
Eraste dont il rejette le choix. Madame.
Oronte lui dit qu'elle n'acceptera jamais
pour gendre un homme qui sçachant
qu'elle aime le chant , va chanter autre
part que chez elle. Valentin jugeant parlà que Madame Oronte est picquée de la
préférence qu'Eraste donne à une autre ,
Tui fait entendre que si son Maître chante chez sa tante, plutôt que chez elle, c'est
parce qu'elle l'a menace de le deshériter ,
S'il ne lui consacre tous ses Concerts ; il
ajoute que le péril de l'exhérédation néne l'a
pas empêché de se livrer enfin à son inelination , et qu'il étoit venu chez elle
pour la prier de vouloir entendre un Ope-
-ra qu'il vouloit faire représenter chez elle.
Au nom d'Opera, Mad. Oronte est transportée et dit à Valentin d'aller faire revenir son Maître ; Valentin qui ne croyoit
pas être pris au mot , paroît très embarrassé; il fait entendre à Mad. Oronte qu'il
craint qu'Eraste au désespoir n'ait déja
contremandé tous les Acteurs. Madame
Oronte le presse de les aller rassembler ;
Valentin enrage de s'être embarqué si
avant , mais il se détermine enfin à s'en
tirer comme il pourra , &c.
Ce premier Acte a paru un peu froid .
Gv mais
988 MERCURE DE FRANCES
maisil ne laisse pas d'être dans les regles ,.
et de promette du plaisir aux Spectateurs.
Les Auteurs leur tiendront parole dans le second.
3
Eraste et Valentin commencent ce se--
cond Acte : le Maître est fort irrité contre le Valet,de ce qu'il a promis un Opéra
à Mad. Oronte, et lui dit que puisquec'est
lui qui l'a mis dans cet embarras ; ce sera
lui-même qui l'en tirera ; Valentin convient de tout et sort avec son Maître,
pour aller chercher des Musiciens qu'il
compte de trouver tous assemblez chezDupuy; c'est un celebre Caffé. M. Oron--
te vient , suivi de son gendre futur pré--
tendu , de Lisidor , et de Coqueluche , l'un
Comédien , l'autre Auteur, Il se promet
beaucoup de plaisir à entendre déclamer
par Rigolet des Stances de Coqueluche.
3
Mad. Oronte survient avec Lucile. et
Spinette elles se préparent bien toutes &
trois à rire deces Originaux qu'elles trouvent avec M. Oronte. Rigolet fait son
compliment à Lucile , qui loin d'y prêter
attention , écoute l'éloge que Coquelu
che fait de son sçavoir. Rigolet déclame
les Stances de Coqueluche , dont le sujet
est Marius , se plaignant du sort qui l'a
abandonné , pour se ranger du parti de
Sylla; mais il gesticule si mal , que Coqueluche
M A Y. 1732. 989
fuche ne pouvant souffrir qu'on gâte son
ouvrage , se met en état de faire les gestes
à mesure que Rigolet ne fera que prononcer. Cette Scene a paru originale au Théatre , et a excité de grands éclats de rire.
Valentin vient donner un plat de son
métier , déguisé en Comédien; il embrasse Rigolet, comme étant un de ses plus
chers camarades ; il contrefait si-bien un
des meilleurs Acteurs de la Comédie Françoise , qu'on croit le voir lui- même ;
cette imitation a fait un honneur infini
au jeune Lélio , qui fait tous les jours de
nouveaux progrès dans sa profession ;
Rigolet passant pour Comédien , malgré
tout ce qu'il dit , pour détruire l'imposture , est congédié non seulement par
Mad. Oronte , mais par mári même
qui dit qu'il est si faché que sa femme
ait raison , qu'il ne veut plus désormais se
mêler de marier sa fille. Mad. Oronte se
charge de ce soin , et se déclaré pour Eraste. La Piece paroît dénoüée par cet inci- "
dent , et Valentin qui se fait connoître
pour ce qu'il est en effet, pourroit se dispenser de donner à Mad. Oronte l'Opéra
qu'il lui a promis; mais elle s'y attend et
il faut la satisfaire ; nous allons dire en
peu de mots de quoi il s'agit dans ce troisiéme Acte , qui à pour titre: Les Catasson
*
Gvj rophes
990 MERCURE DE FRANCE
trophes Lyri-tragi - Comiques. C'est une espece de Parodie de l'Opéra de Jephié , et
de la Tragédie d'Eryphile.
Acteurs
Le Roy, amoureux de Buquemeque , le
sieur Theveneau.
Amphigourie , fille du Roy , la De Sylvia.
Buquemeque , mere d'Albumazar , la D'leBelmont.
Albumazar , amant d'Amphigourie , le
sieur Romagnesi.
Venus , la Chanteuse.
Troupe de Guerriers , de Démons , &c.
Les noms Burlesques qu'on a pris soin
de donner aux Héros de cette Parodie ,
Lyri-tragi-Comique , n'ont pas fait prendre le change sur les deux sujets qui y
ont donné lieu ; on n'a pas osé nommer
les principaux personnages , mais on les
a trop bien indiquez , pour donner lieu
aux Spectateurs de s'y méprendre : En
voici un petit Extrait..
Buquemeque et Amphigourie se font
une confidence réciproque de leurs sentimens ; la premiere,destinée à épouser le
Roy, craint qu'il ne devienne volage après
'Hymen, et s'exprime ainsi :
&
Le
MAY. 17320 991
Le plus fidelle Amant ,
Du nœud le plus charmant ,
Quelquefois se dégage ;
Et le plus tendre Epoux ,
Dans un lieu moins doux,
Peut devenir volage.
La seconde fait entendre qu'elle craint
d'avoir fait une folie , en donnant son
cœur au Fils de cette même Buquemeque
à qui elle parle ; elle assaisonne ce petit aveu de cette maxime :
Quand l'Amour de sestraits nous blesse,
Nous ne sentons que son poison ;
S'il pouvoit suivre la raison
Auroit- il le com de foiblesse
Un bruit de Trompettes annonce le retour et la victoire du Roy et d'Albumazar ; ce sont les deu Héros pour lesquels
ces deux Amantes s'interessent ; après la
fetele Roy ordonne à tout le monde de "
se retirer , comme au commencement du
troisiéme Acte de Jephré , le seul Albumazar reste ; autre confidence réciproque
de sentimens , ils sont tous deux consternez ; l'un par un serment indiscret , a
promis aux Dieux de leur immoler sa
fille Buquemeque; voilà Jephté et Iphise 3
l'autre par l'ordre de l'ombre de son pere
}
doit
991 MERCURE DE FRANCE
doit donner la mort à sa mere ; voilà Alcméon et Eryphile ; un bruit infernal leur
fait dire à tous deux
C'est l'Enfer qui vient en ces lieux ,
Nous prier d'obéir aux Dieux. ·
Cette Entrée de Démons et l'arrivée de
Vénus n'ayant plus rien qu'on puisse ap--
peller Parodie , nous en épargnons le déTail aux Lecteurs, et nous nous contentons
de dire , que Buquemeque et Amphigourie en sont quittes pour la peur,parce que·
l'Amour combat pour elle's.
Les mêmes Comédiens doivent jouer
dans peu une Piece nouvelle , en 3 Actès,
avec un Divertissement, elle a pour titre :
LeTuteur Genereux , ou l' Amour trompé par
Papparence, dont on parlera plus au long. -
Le 1 May , le S Roland , originaire de
Provence , cy-devant premier Danseur du
feu Duc de Mantouë , qui l'avoit amené -
à Paris en 1704. et la De Roland sa fille,
née à Venise , âgée de 17 ans , parurent
pour la premiere fois sur le Theatre de
l'Hôtel de Bourgogne ; le premier exécuta une Danse comique et grotesque en
Païsan , qui fut applaudie du public. La Dile Roland dansa à la fin de la Pièce les
caracteres de la Danse , avec beaucoup . '
din
MAY 17323 9935
d'intelligence et de vivacité ; les Cabrioles et les Entrechats ne lui coutent rien ;
et quoiqu'elle ait encore bien des perfections à acquerir , le public qui la regarde
comme un tres-bon sujet, l'a fort applau
die. Il n'y a pas long-tems qu'elle a dansé
à l'Opéra de Londres et dans ceux des
Provinces de France. Outre ses talenspour la Danse , elle est encore bonne
Comédienne , ayant joué différens Rôles en François et en Italien dans diverses
Troupes.
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Résumé : Amusemens à la mode, [titre d'après la table]
Le 21 avril, les Comédiens Italiens ont présenté pour la première fois la pièce en trois actes intitulée 'Les Amusemens à la mode', écrite par les sieurs Romagnesy et Riccoboni. Cette comédie, précédée d'un prologue, a été bien accueillie par le public, qui a trouvé le titre approprié et a noté l'engouement général pour le théâtre. Dans le prologue, Sylvia exprime ses doutes sur la qualité de la pièce, mais Romagnesy la rassure en affirmant qu'il en est l'auteur et que Riccoboni y a également contribué. Sylvia décide alors de complimenter le public pour les prévenir en faveur de l'œuvre. La pièce met en scène plusieurs personnages, dont Oronte, père de Lucile, qui souhaite marier sa fille à Rigolet en raison de ses talents de déclamateur. Mme Oronte, qui préfère le chant, s'oppose à ce mariage. Lucile, amoureuse d'Eraste, refuse également Rigolet. Valentin, valet d'Eraste, imagine un stratagème pour résoudre la situation. Le premier acte est jugé un peu froid mais prometteur. Le second acte voit Valentin promettre un opéra à Mme Oronte, ce qui conduit à des quiproquos et des révélations. La pièce se termine par une parodie lyrique et tragique, intitulée 'Les Catastrophes Lyri-tragi-comiques', qui parodie des œuvres célèbres. Les Comédiens Italiens doivent également jouer prochainement une nouvelle pièce intitulée 'Le Tuteur Généreux, ou l'Amour trompé par l'apparence'. Le 1er mai, le sieur Roland et sa fille, tous deux danseurs, ont fait leurs débuts sur la scène de l'Hôtel de Bourgogne, recevant des applaudissements pour leurs performances.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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p. 993-994
« Au commencement de ce mois, les Comédiens François ont remis [...] »
Début :
Au commencement de ce mois, les Comédiens François ont remis [...]
Mots clefs :
Comédiens-Français, Opéra, Jepthé, Ballet des sens
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texteReconnaissance textuelle : « Au commencement de ce mois, les Comédiens François ont remis [...] »
Au commencement de ce mois , les Co---
médiens François ont remis au Théatre la
Comédie en Vers et en 5 Actes , du Cu--
rieux Impertinent , de MrDestouches , que
le Public revoit avec beaucoup de plaisir."
Cette Piece, quoique la premiere de l'Au--
teur, n'est pas , à beaucoup près, la moin- ·
dre. Elle est parfaitement bien représen
tée par le S Quinaut , qui y jouë le principal Rôle , par les Diles Gossin et Quinaut, et par les S" la Thorilliere , Gran--
val, Poisson et Armand.
Le 14 les mêmes
Comédiens
remirent
au Théatre
la Tragédie
d'Habits
de Ma--
dame
Gomez
, qui
eut un fort
grand
suc
cès dans
sa nouveauté
en 1713.
Elle
n'avoit
jamais
été reprise
. Elle
est fort
ap
plaudie
994 MERCURE DE FRANCE
plaudie , sur tout aux situations interessantes du se Acte. Le S Granval yjouë
le principal Rôle ; le S Sarrazin y remplit celui du Roy , et les Des Duclos et Gossin ceux de la Reine et de la Princesse.
On continue à l'Opera les Representations deJephté, que le Public ne se lasse
pas de voir. Celle du Mardy , 13 Avril ,
fut honorée de la présence du Roy Stanislas , dont S. M. parut extrêmement satisfaite.
On répete actuellement le Balet des
Sens , Piece nouvelle , dont la Musique
est de M. Mouret , et le Poëme de M ....
On a appris de Londres , que le 8 de
ce mois au soir , plusieurs jeunes Gentils- Hommes du premier rang , dont le plus
âgé n'a pas 14 ans , représenterent dans
la Sale du Bal , au Palais de S. James , la
Tragédie de l'Empereur des Indes , ou la
Conquête du Méxique , par les Espagnols ,
en présence de L. M. et des Princes et
Princesses de la Famille Royale.
médiens François ont remis au Théatre la
Comédie en Vers et en 5 Actes , du Cu--
rieux Impertinent , de MrDestouches , que
le Public revoit avec beaucoup de plaisir."
Cette Piece, quoique la premiere de l'Au--
teur, n'est pas , à beaucoup près, la moin- ·
dre. Elle est parfaitement bien représen
tée par le S Quinaut , qui y jouë le principal Rôle , par les Diles Gossin et Quinaut, et par les S" la Thorilliere , Gran--
val, Poisson et Armand.
Le 14 les mêmes
Comédiens
remirent
au Théatre
la Tragédie
d'Habits
de Ma--
dame
Gomez
, qui
eut un fort
grand
suc
cès dans
sa nouveauté
en 1713.
Elle
n'avoit
jamais
été reprise
. Elle
est fort
ap
plaudie
994 MERCURE DE FRANCE
plaudie , sur tout aux situations interessantes du se Acte. Le S Granval yjouë
le principal Rôle ; le S Sarrazin y remplit celui du Roy , et les Des Duclos et Gossin ceux de la Reine et de la Princesse.
On continue à l'Opera les Representations deJephté, que le Public ne se lasse
pas de voir. Celle du Mardy , 13 Avril ,
fut honorée de la présence du Roy Stanislas , dont S. M. parut extrêmement satisfaite.
On répete actuellement le Balet des
Sens , Piece nouvelle , dont la Musique
est de M. Mouret , et le Poëme de M ....
On a appris de Londres , que le 8 de
ce mois au soir , plusieurs jeunes Gentils- Hommes du premier rang , dont le plus
âgé n'a pas 14 ans , représenterent dans
la Sale du Bal , au Palais de S. James , la
Tragédie de l'Empereur des Indes , ou la
Conquête du Méxique , par les Espagnols ,
en présence de L. M. et des Princes et
Princesses de la Famille Royale.
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Résumé : « Au commencement de ce mois, les Comédiens François ont remis [...] »
Au début du mois, les comédiens François ont présenté la comédie 'Le Curieux Impertinent' de Monsieur Destouches, bien accueillie par le public. Cette pièce en vers et en cinq actes, interprétée par des acteurs tels que Quinaut, Gossin, la Thorilliere, Granval, Poisson et Armand, est la première œuvre de l'auteur. Le 14 du même mois, ils ont joué la tragédie 'd'Habits' de Madame Gomez, qui avait connu un grand succès en 1713 et n'avait jamais été reprise depuis. Cette représentation a été particulièrement applaudie pour les situations intéressantes du cinquième acte, avec Granval, Sarrazin, Duclos et Gossin dans les rôles principaux. À l'Opéra, les représentations de 'Jephté' continuent de rencontrer un grand succès, avec la présence du roi Stanislas le 13 avril. Les répétitions du ballet 'Les Sens', avec une musique de Monsieur Mouret et un poème de Monsieur M., sont en cours. À Londres, le 8 du mois, plusieurs jeunes gentilshommes ont représenté la tragédie 'L'Empereur des Indes' au Palais de Saint James, en présence du roi et des membres de la famille royale.
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