Reconnaissance textuelle : LETTRE à l'Auteur anonyme d'une Lettre en date de Montauban du 12 Février 1760, insérée au Mercure d'Avril.
LETTRE à l'Auteur anonyme d'une Lettre
en date de Montauban du 12 Fevrier
1760 , inférée au Mercure d'Avril.
ONSIEUR ,
Permettez -moi de prendre la défenſe du Compilateur
des Piéces fugitives &c. Vous le blâmez
Monfieur , d'avoir inféré dans fon Recueil les jugemens
de M. de Bezons , dont il compare ,
dites-vous, ( ou lui faites-vous dire ) les opérations
à celles de M. de Caumartin .
>> On donne ici ( je copie ayant le livre fous les
> yeux ) les généalogies dreflées d'après les jugemens
rendus par M. de Bezons , Intendant de
cette Province ( le Languedoc. ) Les articles J
font faits avec le même foin que ceux du No-
>>biliaire de Champagne , & y font réduits d'après
>> leurs bornes effentieiles . Le Compilateur , ce
me femble , ne prétend pas dire que M. de Bezons
ait apporté,dans fes jugemens,le même ſoin & le
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même fcrupule que l'intendant de Champagne
dans les fiens . J'entens que lui , Compilateur , a
donné aux extraits qu'il a faits des jugemens la
forme de ceux du Nobiliaire de Champagne. Je
ferois bien tro pé fi ce n'eſt là ſa penſée.
» Ces jugemens , qui font des piéces périodi-
" ques , affurent l'état de la Nobleffe de Langue-
> doc , & la font connoître d'une maniere qui
>> n'eft ni douteufe ni équivoque.
Il y a vraiment quelque chofe de trop dans
ces dernieres expreffions , furtout après le jufte
reproche de M. de Bafville , fur la facilité de fes
prédéceffeurs. Le Compilateur eft excufable de
n'avoir lu le Mémoire de ce grand Intendant,
rapporté par extrait dans l'état de la France , par
le Comte de Boulainvilliers ,ou, s'il l'a lu, le trait lui
a échappé. Il n'a pas mérité , à mon avis , le reproche
que vous lui faites d'avoir rerni une ſeconde
fois l'éclat de la vraie Nobleſſe , en faisant
revivre un ouvrage que le mépris le plus fondé
fembloit avoir anéanti . Le Public , qui n'a que
des idées confules fur les filiations & fur les allian
ces des vrais Nobles , furtout de ceux dont les
familles font tranfplantées , s'éclaircit au moyen
de ces jugemens ; & les gens verfés dans la partie
généalogique , peuvent , à l'aide des connoiffances
qu'ils ont , juger fi le relaxe eſt de grace
´ou de juſtice.
Tout le monde fait , dites- vous , Monfieur , que
la bonne Nobleffe de Languedoc ne fe fert jamais
du relaxe de M. de Bezons ; elle fait bien.
Moi-même je me cite , parce que je garderai
l'Anonyme bien décidément ) moi- même dans
l'occafion je me fuis fervi de mes titres de préférence
au jugement de M. de Bafville , lequel
rappelle une Ordonnance que j'ai auffi de MM.
les Commiffaires à la recherche des francs-fiefs,
JUILLET. 1760 .
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Il y a des Gentilshommes , ajoutez-vous , qui
n'ayant pas été recherchés , ne font pas infcrits
fur ce prétendu Catalogue des Nobles ( le terme
deprétendu me paroît un peu hazardé ) il faudroit,
pour qu'il fût un terme propre , que les deux tiers
au moins des jugemens de M. de Befons , fuffent
de faveur , ce que vous auriez peine à prouver
Monfieur. Mais n'arrêtons pas fur un mot : permettez-
moi , Monfieur , d'obſerver que l'oubli des
traitans , à moins d'être , ou d'avoir été dans le
cas des exemptions portées par l'édit , n'eft pas
avantageux aux familles dont les titres n'ont été
ni vérifiés , ni difcutés , & qui ont quitté le berceau
de leurs peres.
Il en eft d'autres ( Gentilshommes ) qui , dites
vous Monfieur , n'ont produit que les preuves de
quatre générations & qui remontent par de bons
actes , jufqu'en 1100 .
Le filence du Compilateur eft légitime : il igno
roit ces actes , & en eût-il été inftruit , il fe feroit
bien donné de garde de les confondre dans fes
extraits . Mais pour les diftinguer , il les eût fans
doute placés dans des notes léparées du corps de
Pouvrage , ou marginales.
Tout le monde fait ( ce font vos termes ) que
la plupart des Gentilshommes fe faifoient décharger
fur le premier titre qui leur tomboit
fous la main. De là vient que des meilleures
Maiſons de la Province ne remontent qu'au pre
mier , deuxième ou troifiéme degré.
Oh pour le coup , Monfieur , vous prenez vo
tre opinion pour celle du Public. Il vous fera difficile
, peut-être même impoſſible , de le ramener
à la vôtre. Quoi la fureur des ennoblis fera -t - elle
de n'avoir jamais commencé leur nobleffe , &
d'en cacher le titre primordial jufqu'à l'extrême
néceffité ? tandis que des Gentilshommes de Race
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auront négligé la production des titres qui la
leur affurent. Cela eft infoutenable , Monfieur . Je
fuis convaincu que la plûpart fe font bornés aux
termes de l'Edit . Mais je n'en connois point qui
n'y ayent pas voulu fatisfaire ; & certainement
la peine d'affembler des titres fuffifans étoit fi légère
, leur recherche fi peu difpendieufe , qu'il
n'y avoit lors de la recherche, qu'un fiécle à remplir
pour être confirmé dans la poffeffion d'une
Noblent de Race
Je me flatte , Monfieur , que l'Auteur du Mercure
aura a mon égard , la même complaifance
qu'il a eue pour vous . J'ofe croire , que vous
n'improuverez point oppofition de mes fentimens
aux vôtres , pénétré des louables motifs
(je euque ici vos expreffions & m'en honore ]
qui femblent vous nimer , je crois devoir détruire
la confiance que le Public pourroit prendre à
vos opinions. Elle m'ont féduit d'abord ; l'examen
en a enfuite éffacé l'impulfion . Vous me
par lennerez cet aveu & la liberté que je prends
de vous l'écrire. J'ai l'honneur d'être , &c .
Résumé : LETTRE à l'Auteur anonyme d'une Lettre en date de Montauban du 12 Février 1760, insérée au Mercure d'Avril.
La lettre, datée du 12 février 1760, répond à un auteur anonyme qui a critiqué le compilateur des 'Pièces fugitives'. L'auteur de la lettre défend ce compilateur, accusé d'avoir inclus les jugements de M. de Bezons, Intendant du Languedoc, dans son recueil. Il explique que ces jugements sont des pièces périodiques qui attestent de l'état de la noblesse du Languedoc de manière claire et non équivoque. Le compilateur n'a pas nécessairement comparé les opérations de M. de Bezons à celles de M. de Caumartin, mais a simplement donné aux extraits des jugements la forme de ceux du Nobiliaire de Champagne. L'auteur conteste également l'affirmation selon laquelle la bonne noblesse du Languedoc ne se sert jamais du relaxe de M. de Bezons. Il mentionne que certains gentilshommes n'ont pas été recherchés et ne sont donc pas inscrits dans le catalogue des nobles, mais estime que cela ne prouve pas que les jugements de M. de Bezons soient principalement de faveur. Il souligne que l'oubli des traitants peut être préjudiciable aux familles dont les titres n'ont pas été vérifiés. La lettre aborde aussi le cas des gentilshommes qui n'ont produit que les preuves de quatre générations, remontant parfois jusqu'à l'an 1100. L'auteur suggère que ces actes auraient dû être distingués dans des notes séparées ou marginales. Il critique l'opinion de l'auteur anonyme selon laquelle les gentilshommes se faisaient décharger sur le premier titre disponible, affirmant que cela est improbable et que la plupart des gentilshommes ont cherché à satisfaire les termes de l'édit. Enfin, l'auteur exprime son espoir que l'Auteur du Mercure sera complaisant à son égard et qu'il ne désapprouvera pas l'opposition de ses sentiments à ceux de l'auteur anonyme.
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