Lettre à l'Auteur du Mercure.
M
quelle
ONSIEUR , il eft indifférent de
quelle façon l'on enrichit la Répu
blique des Lettres , foir par des ouvrages
fuivis , foit par des morceaux détachés
foit même par des Almanachs , nous avons
toujours obligation à ceux qui cherchent
à nous inftruire ; mais dans quelqu'ouvrage
que ce foit , il faut être vrai : c'eft ce qui
manque dans la lettre de M. l'Abbé Jacquîn
fur les pétrifications d'Albert . *
L'eau du puits du fieur de Calogne eft
effectivement à trente- cinq pieds jufques
à fon niveau , mais la carriere n'en a pas
tant ; elle n'a , comme on l'a dit dans l'almanach
d'Amiens , que vingt à vingt- deux
pieds de profondeur. Il y a de la contradiction
dans ce que dit M. l'Abbé Jacquin.
L'eau du puits eft à trente - cinq pieds , & il
donne quarante- huit à cinquante pieds de
profondeur à la carriere ; or comment auroit-
on pû creufer quinze pieds au - deffous
de l'eau fans en être inondé ? cepen-
* Premier Mercure de Juin 1755 , pag. 19
114 MERCURE DE FRANCE.
dant toute la carriere eft totalement féche ,
& ce puits la traverſe dans le milieu ; c'eft
par lui que le fieur de Calogne a monté
les pierres qu'il a tirées.
Il eft à remarquer que les ponts qui ſe
fe
trouvent fur la riviere d'Albert , n'ont pas
à vûe d'oeil plus de dix pieds fous voûte ,
& que cette riviere eft pleine de fources.
Les terres font de différentes nuances→
brunes dans la carriere , ainfi que les pétrifications
, mais il eft vrai qu'elles blanchiffent
à l'air.
Il fembleroit , fuivant M. Jacquin , que
les coquillages qui fe trouvent dans cette
carriere font pétrifiés ; ils ne le font nullement
, ils font au naturel.
M. Jacquin n'a pas bien vifité les marais
; s'il l'avoit fait avec atention , il y
auroit trouvé des fougeres , fur- tout lorfqu'il
y a des arbres , & que le fol eft ſablonneux
.
Il faut fçavoir exagérer pour donner
foixante pieds à la cafcade ; quand M.
Jacquin reviendra dans fa patrie qu'il
prenne la peine de retourner fur les lieux
la toife à la main , qu'il prenne fes mefures
perpendiculaires , alors il pourra
donner des dimenſions juftes .
Comme je crois que ces réflexions peuvent
être de quelque utilité pour les cuJUILLET
. 1755. 115
rieux , je crois auffi devoir vous les envoyer
, Monfieur , pour être inférées dans
votre Mercure du mois prochain.
Je n'ai ici que l'intérêt du vrai , c'eft
pourquoi il eft inntile de me nommer.
J'ai l'honneur d'être , & c.
A Peronne , ce 15 Juin 1753.