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1
p. 257-274
Mariage de M. le Marquis de Beringhen, & de Mademoiselle d'Aumont. [titre d'après la table]
Début :
Je quite la Cour pour la Cour. En effet, Madame, [...]
Mots clefs :
Mademoiselle d'Aumont, Marquis de Beringhen, Cour, Mariage, Ordre, Chevalier de Malthe, Maison, Boulogne, Parure, Souper, Table, Dames, Opéra, Monsieur Le Tellier
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texteReconnaissance textuelle : Mariage de M. le Marquis de Beringhen, & de Mademoiselle d'Aumont. [titre d'après la table]
Je quite la Cour pour la Cour.. En effet , Madame , je croy ne m'en éloigner pas , en vous par- lant d'un Mariage qui a donné lieu icy depuis peu à une Feſte tres-magnifique. M. le Marquis de Beringhen a épousé Made- moifelled'Aumont. Je croy,Ma
GALANT. 165 dame , que vous ne demanderez pas d'autres preuves de ſa No- bleſſe , que celles qu'il a don- nées en ſe faiſant recevoir Chevalier de Malte; elles font affez
rigoureuſes pour tenir lieu de Titre de Nobleſſe. Peut- eftre
ferez-vous ſurpriſe qu'un Che- valier de Malte ſe marie ; mais
les Chevaliers de cet Ordre ne
font leurs Vœux qu'à vingt- cinq ans , & il ne les avoit pas.
Ce Marquis eſt d'une des plus anciennes Familles des Païs- Bas .
Son Grand-Pere eſtoit fort conſideré de Henry I V. qui l'em- -ploya en pluſieurs Négotiations .importantes aupres des Princes d'Allemagne. M. le Comte de Beringhen ſon Pereeſt Premier Ecuyer du Roy ( dont ilala fur- vivance)Gouverneur des Citadelles de Marseille, & Chevalier
166 LE MERCVRE
د
une
des Ordres du Roy. C'eſt un parfaitement honneſte - Hom- me , à qui une grande modeſtie en toutes chofes , une fidelité éprouvée , une exactitude de probité qui ne ſe rencontre pas en tout le monde prudence reconnuë , &une fa- geſſe qu'on admire , ont acquis l'eſtime de toute la Cour. Madame de Beringhen ſa Fem- me eſtoit Fille de feu Monfieur
le marquis d'Uxelles , Gouver- neurde Châlons. Cette Famille
originaire de Bourgogne , eſt affez connuë par ſes ſervices &
fon ancienneté. Le nomd'Uxelles afaitbruit dansles Armées.
Pluſieurs qui le portoient , en ont commandé , &pluſieurs y
font morts l'Epée àlamain pour le ſervice de leur Prince. Le
Marié eſt bien fait , de belle
GALAN T. 167
taille , il a de l'eſprit & du me- rite ;&dans pluſieurs rencon-- tres qui ont fait paroiſtre ſon courage, il s'eſt montré digne Heritierde celuy de feu M. le Marquisde Beringhen fon Fre- re , qui fut tué devant Beſan- çon. Comme il eſt demeuré Chefde ſa Famille , le Roy qui le confidere , luy a défendu de s'expoſer davantage , & par cet- te marque d'eſtime il a voulu faire connoiſtre à Monfieur le
Premier la bienveillance parti- culiere dont il l'honore. La Mariée eſt Fillede M. le Ducd'Aumont , Premier Gentilhomme
de la Chambre , Gouverneur
de Boulogne & du Païs Boulo- nois. Il avoit épousé enpremie- res Nopces une Fille de Mon- fieur le Tellier , Chevalier &
Tréſorier des Ordres duRoy,
168 LE MERCVRE
Marquis de Louvois , Seigneur de Chaville , Miniſtre & Secretaire d'Etat ; & c'eſt de ce Mariage qu'eſt mademoiselled'Au- mont dont je vous parle. Elle
eſt bien faite , a une fortgran- de jeuneſſe , &c'eſt un Charme qu'elle ſoûtient par beaucoup d'autres qui la rendent toute ai- mable. J'aurois beaucoup àvous
dire , madame , fur ce qui regar- de la Maiſon d'Aumont. Elle eſt
remplie d'un nombre infiny de grands Perſonnages , Cheva- liers des Ordres , mareſchaux
de France , Gouverneurs de
Provinces , & autres qui ont *poffedé les plus belles Charges del'Etat. Avant l'an 1381.Pier- re d'Aumont fut Chambellan
des Roys Jean & CharlesV. Et Pierre II. fi renommé dans l'Hiſtoire , le fut de Charles VI. &
Garde
GALANT. 169
Garde de l'Oriflame de France.
Jean Sire d'Aumont , qui vivoit - avant l'an 1595. reçeut le Ba- ſton de Mareſchal , qu'il merita par quantité degrandes Actions qu'il fit à une infinité de Sieges &de Batailles. Je ne vousdiray
rien de celles de feu M. le Ма-
_reſchal d'Aumont , Pere du
Duc qui porte aujourd'huy ce nom. Comme ila veſcu de nos
jours , il n'y a perſonne qui ne les ſcache. Il eſt mort Gouver neurde Paris , & l'eſtoit encor
de Boulogne &du Païs Boulonois. C'eſt un Gouvernement
attaché des lõgtemps à leur Fa- mille , qui eſt entrée dans les plusgrandes Alliaces.Vous n'en douterez pas , quand je vous ✓ auray dit que Jean VI. d'Au- mont avoit épousé Antoinette Chabot ſeconde Fille de Philip- Tome VIII. H
170 LE MERCVRE
pe Chabot Comte de Garny &
de Buzançois , Sieur de Brion ,
Admiral de France , & Gouverneur de Bourgogne , & de Françoiſe LonguyDamedePai- gny , Sœur aifnée de Jaqueline de Longuy Ducheſſe de Mont- penfier , Trifayeule maternelle d'Anne Marie Loüiſe d'Orleans,
Souveraine de Dombes , Princeffe de la Roche-fur-Yon, &
Ducheſſe de Montpenfier. Le jourdu mariage eſtant arreſté ,
on prit les ordres de Monfieur le
Ducd'Aumont. Comme il s'entend admirablement àtout, c'eſt
un des premiers Hommes du monde à n'en donner quede ju- ſtes ſur les grandes choſes. Sa prévoyance en facilite l'execu- tion , &il explique toûjours ſi.
bien ce qu'il penſe , qu'on entre ans peinedans tout ce qu'ils'eſt
GALAN T. 171
imaginé. La Nopce ſe fit dans fon Hoſtel. Il eſt d'une beauté
ſurprenante ; rien n'égale celle des Apartemens, ils font &di- féremment conſtruits , & diféremment ornez. Touty eſt d'u- ne magnificence achevée ; la propreté ſemble y difputer de prix avec la ſomptuoſité des Meubles ; Raretez partout , par tout Tableaux admirables &des
plusgrands maiſtres ; & ce qui frape furtoutes choſes, ce font pluſieurs Portraits antiques des Deſcendans de cette maiſon,qui marquentje ne-ſçay-quoy de fi noble &de fi grand , qu'il fuf- firoient preſque pour en perfua- derl'ancienneté.Vousvous imaginez aſſez la joyequiéclata fur le viſage detous les Intereſſez ſans que je m'arreſte à vous la dépeindre. Le marié parut l'air
د
Hij
172 LE MERCVRE
content , d'une parure magnifi- que, propre&bien entenduë ,
&foûtint cettegrade feſte avec un agrément toutparticulier.La Mariéequi demeuroit chezM
leTellierdepuis qu'elle eſt for- tiedu Convent, & qui a beau- coup profité de l'exemple de Madamele Tellier,dont chacun connoiſt le bon ſens &la piete,
arriva ſur les huit heures du
foir. Quoyqu'elle brillaſt d'une infinité de Pierreries, ſa Perſon- ne la paroit encor plus que tou- te autre chofe. Ellevint avecun
petit air ſérieux&nonchalant,
qui luy donnoitune gracemer- veilleufe , & jamais à quatorze ans onne s'eſt mieux tiré d'une
illuftre & grande Compagnie affembléepourelle feule, &das unjour où les Filles font le plus ſeverement critiquées. La Salle
2
GALAN T. 173 du Souper eſtoit éclairée d'un nombre infiny de Luftres. Il y
en avoitſur la Table de toutes
fortesde manieres, c'eſtoit commeun Theatrequi regnoitdans le milieu, maisdont la longueur ne caufoit aucunembarras.Tout
futfervy avec une propreté &
aune magnificence inconceva- ble. De chaque coſté de laTa- ble il y avoit deux rangs de vingt - cinq Plats chacun , qui faiſoiet centPlats en tout,& ces
centPlats furent relevez quatre fois. Le Fruit , & tout ce qu'il y a deplus delicat &de plus dé- licieux pour compoſer le plus ſuperbe Deſſert , eſtoit ſervy aumilieu de toute la longueur de la Table , dans des Baffins
de vermeil cizelé de diferentes
formes , &garnis en Pyramides tres-hautes de tout cequ'on ſe
Hiij
174 LE MERCVRE
peut imaginer de propre à ſatiſ- faire le gouft ; le tout dans des Porcelaines fines qui estoient là de toutes les fortes. Cette efpe- cede Montagne queformoit ce magnifique Deſſert , &qui fut trouvéeſur la Table en s'y met- tant , ne fatisfaifoit pas moins
les yeux. Quoyqu'il euſt de la fimetrie , il y avoit des endroits irréguliers , la juſteſſe ſe trou- voitdans leur inégalité , &on voyoit partout une agreabledi- verſité de couleurs. A chaque coſté du Fruit il y avoit des Flambeaux de vermeil du haut
de la Tablejuſqu'au bas,& com- me il eſtoit difficile qu'on pût ſervirfans confufion les quatre cens Plats quifurent mis àdou- ble rang des deux coſtez en quatre diférens Services , le Maistre -d'Hoſtel ſe ſervit de
GALANT. 175
aquelqu'un AUE DE LAVILL
1893
précaution. Il ranga tous ceux qui portoient leurs Plats, vis-à- vis des endroits où ils devoient
eſtreplacez , de forte qu'enpaf- fant entre leurs rangs , il les po- foit en unmoment ſur la Table
fans aucundeſordre. Cela fitdiz
re agreablement cauſe des rangs , qu'il croyoit voin N
un Exercice de Gens de Guerre. Si
la ſuite n'en eſtoit pas plus dan gereuſe , les Recruës ſe feroient facilement. Laricheſſe du Buffet ſurpaſſe l'imagination ; il eſtoit toutdevermeil , & on ne
vitjamais une ſi grande quanti- téde Vaſes cizelez. Pendant le
Souper,les Violons du Royjoüe- rent dans un grand Sallon qui répondoit à la Salle. Les Dames qui en furent eſtoient ( ſouvenez- vous je vous prie que je ne leurdonne aucun rang )Mefda Hiiij
176 LE MERCVRE
mes le Tellier , d'Aumont , de
Louvois , de Flez , dela Mote ,
dUxelles, de Frontenac,de Soubiſe , de Foix , de Coaquin , de Chaſteauneuf , de la Ferté , &
Mademoiselle d'Aumont, Fille
du feu Marquis de ce nom. Ces
dernieres eſtoient magnifique- mentparées. Au fortir de laTa- ble , on montadans des Aparte- mens enchantez. Les belles
Voix del'Opéra s'y trouverents Ia Symphonie les ſeconda , & à
minuit le Mariage fut celebré.
Je ne vous parle pointdes riches & brillans Préfens qui ont eſté faits à la Mariće parMonfieur le Tellier & Mr le Premier, je vous diray ſeulement que ceux de M'le Marquis de Louvois , &de M. l'Archeveſque de Rheims ,
fes Oncles, ont fort paru. Jugez ſi luy ayant donné unAmeuble
GALANT. 177
ment de Chambre d'argent , &
tout ce qui peut ſervir à l'orner,
il peut y avoir eu rien de plus magnifique.Je tiens ces Particu- laritez d'une belle Damequi a
plus de part que moy à cette Deſcription. Comme elle a infiniment de l'eſprit , je n'ay fait que ſuivre fidellementſes idées.
GALANT. 165 dame , que vous ne demanderez pas d'autres preuves de ſa No- bleſſe , que celles qu'il a don- nées en ſe faiſant recevoir Chevalier de Malte; elles font affez
rigoureuſes pour tenir lieu de Titre de Nobleſſe. Peut- eftre
ferez-vous ſurpriſe qu'un Che- valier de Malte ſe marie ; mais
les Chevaliers de cet Ordre ne
font leurs Vœux qu'à vingt- cinq ans , & il ne les avoit pas.
Ce Marquis eſt d'une des plus anciennes Familles des Païs- Bas .
Son Grand-Pere eſtoit fort conſideré de Henry I V. qui l'em- -ploya en pluſieurs Négotiations .importantes aupres des Princes d'Allemagne. M. le Comte de Beringhen ſon Pereeſt Premier Ecuyer du Roy ( dont ilala fur- vivance)Gouverneur des Citadelles de Marseille, & Chevalier
166 LE MERCVRE
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une
des Ordres du Roy. C'eſt un parfaitement honneſte - Hom- me , à qui une grande modeſtie en toutes chofes , une fidelité éprouvée , une exactitude de probité qui ne ſe rencontre pas en tout le monde prudence reconnuë , &une fa- geſſe qu'on admire , ont acquis l'eſtime de toute la Cour. Madame de Beringhen ſa Fem- me eſtoit Fille de feu Monfieur
le marquis d'Uxelles , Gouver- neurde Châlons. Cette Famille
originaire de Bourgogne , eſt affez connuë par ſes ſervices &
fon ancienneté. Le nomd'Uxelles afaitbruit dansles Armées.
Pluſieurs qui le portoient , en ont commandé , &pluſieurs y
font morts l'Epée àlamain pour le ſervice de leur Prince. Le
Marié eſt bien fait , de belle
GALAN T. 167
taille , il a de l'eſprit & du me- rite ;&dans pluſieurs rencon-- tres qui ont fait paroiſtre ſon courage, il s'eſt montré digne Heritierde celuy de feu M. le Marquisde Beringhen fon Fre- re , qui fut tué devant Beſan- çon. Comme il eſt demeuré Chefde ſa Famille , le Roy qui le confidere , luy a défendu de s'expoſer davantage , & par cet- te marque d'eſtime il a voulu faire connoiſtre à Monfieur le
Premier la bienveillance parti- culiere dont il l'honore. La Mariée eſt Fillede M. le Ducd'Aumont , Premier Gentilhomme
de la Chambre , Gouverneur
de Boulogne & du Païs Boulo- nois. Il avoit épousé enpremie- res Nopces une Fille de Mon- fieur le Tellier , Chevalier &
Tréſorier des Ordres duRoy,
168 LE MERCVRE
Marquis de Louvois , Seigneur de Chaville , Miniſtre & Secretaire d'Etat ; & c'eſt de ce Mariage qu'eſt mademoiselled'Au- mont dont je vous parle. Elle
eſt bien faite , a une fortgran- de jeuneſſe , &c'eſt un Charme qu'elle ſoûtient par beaucoup d'autres qui la rendent toute ai- mable. J'aurois beaucoup àvous
dire , madame , fur ce qui regar- de la Maiſon d'Aumont. Elle eſt
remplie d'un nombre infiny de grands Perſonnages , Cheva- liers des Ordres , mareſchaux
de France , Gouverneurs de
Provinces , & autres qui ont *poffedé les plus belles Charges del'Etat. Avant l'an 1381.Pier- re d'Aumont fut Chambellan
des Roys Jean & CharlesV. Et Pierre II. fi renommé dans l'Hiſtoire , le fut de Charles VI. &
Garde
GALANT. 169
Garde de l'Oriflame de France.
Jean Sire d'Aumont , qui vivoit - avant l'an 1595. reçeut le Ba- ſton de Mareſchal , qu'il merita par quantité degrandes Actions qu'il fit à une infinité de Sieges &de Batailles. Je ne vousdiray
rien de celles de feu M. le Ма-
_reſchal d'Aumont , Pere du
Duc qui porte aujourd'huy ce nom. Comme ila veſcu de nos
jours , il n'y a perſonne qui ne les ſcache. Il eſt mort Gouver neurde Paris , & l'eſtoit encor
de Boulogne &du Païs Boulonois. C'eſt un Gouvernement
attaché des lõgtemps à leur Fa- mille , qui eſt entrée dans les plusgrandes Alliaces.Vous n'en douterez pas , quand je vous ✓ auray dit que Jean VI. d'Au- mont avoit épousé Antoinette Chabot ſeconde Fille de Philip- Tome VIII. H
170 LE MERCVRE
pe Chabot Comte de Garny &
de Buzançois , Sieur de Brion ,
Admiral de France , & Gouverneur de Bourgogne , & de Françoiſe LonguyDamedePai- gny , Sœur aifnée de Jaqueline de Longuy Ducheſſe de Mont- penfier , Trifayeule maternelle d'Anne Marie Loüiſe d'Orleans,
Souveraine de Dombes , Princeffe de la Roche-fur-Yon, &
Ducheſſe de Montpenfier. Le jourdu mariage eſtant arreſté ,
on prit les ordres de Monfieur le
Ducd'Aumont. Comme il s'entend admirablement àtout, c'eſt
un des premiers Hommes du monde à n'en donner quede ju- ſtes ſur les grandes choſes. Sa prévoyance en facilite l'execu- tion , &il explique toûjours ſi.
bien ce qu'il penſe , qu'on entre ans peinedans tout ce qu'ils'eſt
GALAN T. 171
imaginé. La Nopce ſe fit dans fon Hoſtel. Il eſt d'une beauté
ſurprenante ; rien n'égale celle des Apartemens, ils font &di- féremment conſtruits , & diféremment ornez. Touty eſt d'u- ne magnificence achevée ; la propreté ſemble y difputer de prix avec la ſomptuoſité des Meubles ; Raretez partout , par tout Tableaux admirables &des
plusgrands maiſtres ; & ce qui frape furtoutes choſes, ce font pluſieurs Portraits antiques des Deſcendans de cette maiſon,qui marquentje ne-ſçay-quoy de fi noble &de fi grand , qu'il fuf- firoient preſque pour en perfua- derl'ancienneté.Vousvous imaginez aſſez la joyequiéclata fur le viſage detous les Intereſſez ſans que je m'arreſte à vous la dépeindre. Le marié parut l'air
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content , d'une parure magnifi- que, propre&bien entenduë ,
&foûtint cettegrade feſte avec un agrément toutparticulier.La Mariéequi demeuroit chezM
leTellierdepuis qu'elle eſt for- tiedu Convent, & qui a beau- coup profité de l'exemple de Madamele Tellier,dont chacun connoiſt le bon ſens &la piete,
arriva ſur les huit heures du
foir. Quoyqu'elle brillaſt d'une infinité de Pierreries, ſa Perſon- ne la paroit encor plus que tou- te autre chofe. Ellevint avecun
petit air ſérieux&nonchalant,
qui luy donnoitune gracemer- veilleufe , & jamais à quatorze ans onne s'eſt mieux tiré d'une
illuftre & grande Compagnie affembléepourelle feule, &das unjour où les Filles font le plus ſeverement critiquées. La Salle
2
GALAN T. 173 du Souper eſtoit éclairée d'un nombre infiny de Luftres. Il y
en avoitſur la Table de toutes
fortesde manieres, c'eſtoit commeun Theatrequi regnoitdans le milieu, maisdont la longueur ne caufoit aucunembarras.Tout
futfervy avec une propreté &
aune magnificence inconceva- ble. De chaque coſté de laTa- ble il y avoit deux rangs de vingt - cinq Plats chacun , qui faiſoiet centPlats en tout,& ces
centPlats furent relevez quatre fois. Le Fruit , & tout ce qu'il y a deplus delicat &de plus dé- licieux pour compoſer le plus ſuperbe Deſſert , eſtoit ſervy aumilieu de toute la longueur de la Table , dans des Baffins
de vermeil cizelé de diferentes
formes , &garnis en Pyramides tres-hautes de tout cequ'on ſe
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peut imaginer de propre à ſatiſ- faire le gouft ; le tout dans des Porcelaines fines qui estoient là de toutes les fortes. Cette efpe- cede Montagne queformoit ce magnifique Deſſert , &qui fut trouvéeſur la Table en s'y met- tant , ne fatisfaifoit pas moins
les yeux. Quoyqu'il euſt de la fimetrie , il y avoit des endroits irréguliers , la juſteſſe ſe trou- voitdans leur inégalité , &on voyoit partout une agreabledi- verſité de couleurs. A chaque coſté du Fruit il y avoit des Flambeaux de vermeil du haut
de la Tablejuſqu'au bas,& com- me il eſtoit difficile qu'on pût ſervirfans confufion les quatre cens Plats quifurent mis àdou- ble rang des deux coſtez en quatre diférens Services , le Maistre -d'Hoſtel ſe ſervit de
GALANT. 175
aquelqu'un AUE DE LAVILL
1893
précaution. Il ranga tous ceux qui portoient leurs Plats, vis-à- vis des endroits où ils devoient
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re agreablement cauſe des rangs , qu'il croyoit voin N
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la ſuite n'en eſtoit pas plus dan gereuſe , les Recruës ſe feroient facilement. Laricheſſe du Buffet ſurpaſſe l'imagination ; il eſtoit toutdevermeil , & on ne
vitjamais une ſi grande quanti- téde Vaſes cizelez. Pendant le
Souper,les Violons du Royjoüe- rent dans un grand Sallon qui répondoit à la Salle. Les Dames qui en furent eſtoient ( ſouvenez- vous je vous prie que je ne leurdonne aucun rang )Mefda Hiiij
176 LE MERCVRE
mes le Tellier , d'Aumont , de
Louvois , de Flez , dela Mote ,
dUxelles, de Frontenac,de Soubiſe , de Foix , de Coaquin , de Chaſteauneuf , de la Ferté , &
Mademoiselle d'Aumont, Fille
du feu Marquis de ce nom. Ces
dernieres eſtoient magnifique- mentparées. Au fortir de laTa- ble , on montadans des Aparte- mens enchantez. Les belles
Voix del'Opéra s'y trouverents Ia Symphonie les ſeconda , & à
minuit le Mariage fut celebré.
Je ne vous parle pointdes riches & brillans Préfens qui ont eſté faits à la Mariće parMonfieur le Tellier & Mr le Premier, je vous diray ſeulement que ceux de M'le Marquis de Louvois , &de M. l'Archeveſque de Rheims ,
fes Oncles, ont fort paru. Jugez ſi luy ayant donné unAmeuble
GALANT. 177
ment de Chambre d'argent , &
tout ce qui peut ſervir à l'orner,
il peut y avoir eu rien de plus magnifique.Je tiens ces Particu- laritez d'une belle Damequi a
plus de part que moy à cette Deſcription. Comme elle a infiniment de l'eſprit , je n'ay fait que ſuivre fidellementſes idées.
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Résumé : Mariage de M. le Marquis de Beringhen, & de Mademoiselle d'Aumont. [titre d'après la table]
Le texte relate le mariage récent entre le Marquis de Beringhen et Mademoiselle d'Aumont. Le Marquis de Beringhen provient d'une des plus anciennes familles des Pays-Bas et a été reçu Chevalier de Malte, bien qu'il n'ait pas encore prononcé ses vœux. Son grand-père était considéré par Henri IV, et son père était Premier Écuyer du Roi et Gouverneur des citadelles de Marseille. La mariée, Mademoiselle d'Aumont, est la fille du Duc d'Aumont, Premier Gentilhomme de la Chambre et Gouverneur de Boulogne. La famille d'Aumont est connue pour ses services militaires et ses hautes charges à la cour. Le mariage a été célébré avec une grande magnificence. La fête s'est déroulée dans l'hôtel du Duc d'Aumont, décoré somptueusement avec des meubles rares et des tableaux de maîtres. La mariée, âgée de quatorze ans, a impressionné par sa grâce et son aisance. Le souper était somptueux, avec cent plats relevés quatre fois et un dessert luxueux. La soirée a été animée par les violons du Roi et des voix de l'Opéra. Des présents magnifiques ont été offerts à la mariée, notamment un ameublement de chambre en argent par le Marquis de Louvois et l'Archevêque de Reims.
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