ODE.
Pour le commencement de PAnnée.
C
Omme la fleche empennée
Traverse les vastes Cieux ,
Ainsi la derniere année
S'est éclipsée à nos yeux.
Le flambeau qui nous éclaire ,
De retour sur l'Hemisphere
Nous retrace un nouveau cours ;
Et
2 MERCURE DE FRANCE
Et des Parques respectables ,
Les mains encor favorables ,
Nous fileront d'autres jours.
巍Tout change , tout se succede ,
L'Automne chasse l'Eté ,
Et la Balance précede
Le Sagittaire irrité.
Tout se passe , nos seuls vices ,
Nos détours , nos artifices ,
Ignorent le changement.
Dans sa route criminelle ,
L'homme à la vertu rebelle
Marche , helas ! torp constamment.
Quoi donc aveugle , insensible ,
Veut-il toujours prophaner
Les jours que le Ciel paisible ,
Daigne encore lui donner ?
Quel désordre plus funeste
De la clémence Celeste
Ne ressent-il les bienfaits ,.
Que pour mettre avec usure
La detestable mesure ,
A ses indignes fortfaits.
Celui
JANVIER. 1734.
པ
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Celui chez qui la richesse
Tient lieu du solide honneur
Et qui dans sa donce yvresse ,
Fait consister son bonheur ,
De son seul repos prodigue ,
Sans relâche se fatigue
Dans d'inutiles travaux ,
Cherchant par mille cabales ,
Par cent ruses infernales
A supplanter ses Rivaux .
En vain le sort les moissonne ,
Au sein de la vanité ;
Ces coups n'ont rien dont s'étonne
Sa fausse sécurité ;-
De ces grandeurs passageres ,
Vers les flateuses chimeres ,
On le voit encor courir.
Où l'engage donc son faste ?
Dans ses desseins toujours vaste
Croit-il ne jamais mourir ?
VE
Pense-t'il que ce grand nombre
D'infames adulateurs ,
Que l'attrait d'une vaine ombre
Rendoit ses Adorateurs ;
Que cette splendeur , ce faîte ,
Pourront
MERCURE DE FRANCE
Pourront soustraire sa tête ,
Au ciel qui nous juge tous ?
Non , son séjour sur la Terre ,
Du formidable Tonnerre ,
Ne fait que hâter les coups .
M
L'Air siffle ; le Foudre horrible
Frappe ces ambitieux.
Moment funeste , terrible ,
Qui leur désille les yeux .
Je vois ces sombres tenebres ,
Des Grands , compagnes funebres ,
Fuir devant la Verité ,
Qui montre , non plus ses charmes ,
Mais les redoutables Armes ,
Du Ciel contre eux irrité.
Où sont de leurs coeurs perfides
Les tumultueux projets ?
Consternez , pâles , timides ,
Ils condamnent leurs forfaits.
L'éclat pompeux de leur vie
Leur paroît une folie ;
Mais , ô regrets superflus !
Semblable à l'eau fugitive .
Qui s'éloigne de la Rive ,
Le passé ne revient plus.
Ils
JANVIER 1734
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Ils vécurent ces grands hommes.
Puissions- nous en profiter :
Ce qu'ils furent , nous le sommes
Et n'allons point nous flatter,
Frappez de leurs destinées ,
Ne comptons de nos années ,
Les jours que par nos bienfaits ,
Et que l'Astre de lumiere ,
Recommençant sa carriere ,
Nous retrouve plus parfaits,
De Genouilly en Berry.