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p. 929-939
DECOUVERTE SINGULIERE faite à l'ouverture d'un Corps humain, par M. Pot Dargent, Chevalier du saint Sepulcre, & Maître Chirurgien de la Nation Françoise, à Seyde en Palestine. Extrait de son Procès Verbal Original, du 29. Septembre 1729.
Début :
Le jour de Saint Louis, 25. d'Août de l'année 1729. un Marchand de Marseille, nommé [...]
Mots clefs :
Maladie, Liqueur, Grosseur, Chirurgien, Corps, Humeur, Cellules, Pierres, Gravier
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texteReconnaissance textuelle : DECOUVERTE SINGULIERE faite à l'ouverture d'un Corps humain, par M. Pot Dargent, Chevalier du saint Sepulcre, & Maître Chirurgien de la Nation Françoise, à Seyde en Palestine. Extrait de son Procès Verbal Original, du 29. Septembre 1729.
DECOUVERTE SINGULIERE
faite à l'ouverture d'un Corps humain
par M. Pot Dargent , Chevalier du faint
Sepulcre , & Maître Chirurgien de la
Nation Françoife , à Seyde en Palestine.
Extrait de fon Procès Verbal Original ,
du 29. Septembre 1729..
Un
E jour de Saint Louis , 25. d'Août de l'année
1729. un Marchand de Marſeille, nommé
Louis Reyre , eft mort en cette Ville de Seyde ,
âgé de 28. ans accomplis , d'une maladie trèsfinguliere.
Elle confiftoit dans de grands points de côtez
& des difficultez d'uriner qui le mettoient au lit
pour 7. ou 8. jours. Pendant ce temps-là , il ne
pouvoit ni marcher , ni fe tenir de bout ; il étoit
alors affis fur un Sofa , à la maniere des Turcs , -
& fe plaignoit continuellement , faifant des contorfions
pitoyables . Ce qui eft très - particulier ,
c'eft qu'il affuroit que ce mal lui étoit ordinaire :
depuis fon enfance , & qu'il croyoit l'avoir apporté
en venant au monde.
Je l'ai traité comme beaucoup d'autres l'avoient
fait avant moi , & je lui ai donné tous les
remedes que j'ai crû les plus convenables & les
plus
930 MERCURE DE FRANCE
plus propres à le foulager , attribuant fa maladie
à des fables & à des graviers engagez dans fes
teins , qui arrêtoient les urines & caufoient les
maux qui le tourmentoient .
Un an avant la mort je fus obligé de faire un
voyage à Conftantinople ; pendant ce temps -là
d'autres Chirurgiens l'entreprirent & le mirent
dans le grand Remede, les Salivations , les Fumigations
, &c. attribuant la maladie à la débauche.
A mon retour je trouvai le Malade plus mal
qu'auparavant ; il ne ceffoit de fe plaindre des
reins , il n'y avoit plus d'intervalles , les difficultez
d'uriner étoient continuelles ; & cependant il
urinoit très -fouvent , mais 10. OU 12 .•goutes feulement
& avec des douleurs très - aigues , de forte
qu'il fe levoit 80. & 100. fois la nuit & autant le
jour. Cela a duré depuis qu'il a été dans les nouveaux
remedes , jufqu'au jour de fa mort.
Une maladie fi extraordinaire accompagnée
d'incidens fi étranges , excita ma curiofité & me
fit prendre le parti de m'adreffer à M. le Maire ,
Conful à Seyde , pour obtenir de lui la permiffion
de faire l'ouverture de ce Corps ; je pris cette
réfolution avec d'autant plus de confiance , que
fon zele pour tout ce qui regarde l'utilité publique
& Pattention qu'il a à ne laiffer échapper
rien de rare & de curieux dans ces Pays , me
fervoient d'afſurance qu'il m'accorderoit cette
permiffion . Je n'eus pas de peine à l'obtenir , &
même M. le Conful m'ordonna d'écrire ce que
j'y remarquerois de fingulier. Je ne pus operer
que depuis onze heures du foir du 25. au 26 .
Avril , jufqu'à 5. heures du lendemain matin ; de
forte que je ne confiderai qu'en gros les parties
qui me parurent les plus effentielles .
Ayant levé le Sternum , je vis le foye tout tacheté
de diverfes couleurs. Il étoit d'une groffeur
CXMAY.
1730. 93T
extraordinaire & d'une couleur blanchâtre ; if
étoit parfemé de petites bulles dont les unes étoient
remplies d'une eau jeaunâtre , les autres d'une
verte , d'autres d'une eau noire , & quelquesunes
d'eau ſemblable à l'eau ordinaire des Fontaines.
La Vefficule du fiel étoit toute ronde , affez
groffe pour contenir fix onces de liqueur. Il y
avoit au fond quelques petits fables .
La Rate étoit d'un brun noir, étroite & mince,
& n'avoit en largeur qu'un bon pouce,& en épaiffeur
que celle de deux écus de France.
Les Reins dans lefquels étoit la cauſe de cette
maladie , étoient , à les mefurer exactement , de
huit travers de doigt en longueur , & de cinq
d'épaiffeur, d'une couleur peu differente du noir
ils étoient diftants l'un de l'autre de deux travers
de doigt ; ils étoient entourez d'une matiere glaireufe
affez épaiffe. Le Baffinet étoit rempli d'une
humeur grife , pareille au pus d'un abfcès bien
mûr , & d'une odeur très - forte , de même que les
Ureteres , qui étoient tellement pleins de cette liqueur
mêlée avec des fables & des graviers , qui
faifoient paroître le tout fi condenfé, qu'à peine y
pû-je introduire ma Sonde creuſe.
Les Reins , que l'on peut appeller pétrifiez ,
étoient remplis de pierres très -folides ; il y en
avoit deux groffes dans chacun' ; ces deux pierres
tenoient la longueur & la largeur de chacun des
deux Reins. Elles reffembloient à du Corail blanc.
On y voyoit aux extrémitez leur tête , lear corps,
leurs branches & leurs racines . On en trouvera un
Deffein exact joint à ce Procès Verbal..
Outre ces quatre pierres il y en avoit vingt-une
dans le Rein droit , & vingt-trois dans le gauche,
elles étoient très -adherantes aux Glandes , & enrelaffées
dans les efpaces que laiffoient les groffes
pierres
932 MERCURE DE FRANCE
1
pierres autour d'elles . La plus petite de toutes
étoit de la groffeur d'une Amande , & de diverfes
figures. Il y avoit outre cela beaucoup de fabies ·
dans les Reins , & ils étoient comme humectez-
& détrempez d'une humeur glaireuſe , dont l'odeur
étoit fi forte , que ceux qui étoient préfens
furent contraints de fe retirer.
Comme le temps me preffoit & que j'avois
trouvé les Reins dans un état fi extraordinaire
je m'attendois à quelque chofe d'aufli furprenant
dans la Veffie: je la découvris à l'inftant ; elle étoit
de la groffeur d'une bouteille , contenant quatre
onces de liqueur ; fon exterieur étoit couvert d'une
chair folide & ferme , elle étoit épaiffe d'un´
petit doigt & très-adherante à la Veffie . Je l'en
féparai & je trouvai que l'interieur de cette peau
étoit une veritable éponge , dont les Cellules n'étoient
point remplies par de l'urine mais par une
humeur bien liée & grifâtre . Cette humeur répandoit
une odeur fi forte , que les perfonnes qui
fe trouverent à cette ouverture ne purent la fupporter
, & que j'eus moi - même bien dé la peine
à y tenir. Voulant examiner plus particulierementce
que contenoit cette éponge , j'en fis la diffection
, mais je ne trouvai dans fes Cellules que ce
veritable pus & dans le fond des cellules des fables
& des graviers de la groffeur d'une Lentille, qu'on
pourroit comparer aux matieres que l'on trouve
dans le gefier des Pigeons.
Comme le bruit couroit que cet homme n'étoit
mort que de maladie venerienne & particulierement
de carnofitez; je me preffai de voir le Sphincter
, en examinant les Glandes Proftates , que je
trouvai vuides & feches. Le Sphincter étoit très--
dur & très-folide & reffembloit fort à un Cartilage
: mes cifeaux firent effort fur ma Sonde creufe
pour en faire la féparation ; en même temps j'ou--
vris
MAY. 1730.
933
•
ris tout l'Uretere où j'apperçus deux ulceres , l'ury
diftant du Sphincter d'un travers de doigt , &
l'autre à fa partie moyenne. L'extremité du Balanus
& du Prépuce étoit tout ulcerée ; il fembloit
que ce fut une quantité de petits chancres réunis
en un feul par leur proximité.
Il me reftoit fort peu de temps à caufe des chaleurs
, je l'employai à voir les poulmons & le
coeur. Je trouvai les Poulmons fort gros , tirant
fur le noir & parfemez de petites taches de diverfes
couleurs , ils étoient auffi couverts de plufieurs
petites Veffies remplies d'une eau noire. Quelques-
uns des lobules du Poulmon étoient trèsfecs
, particulierement du côté gauche .
Pour ce qui eft du Coeur, je n'en ai jamais vu de
fi petit & de fi extenué. A peine ai-je pû difcerner
les parties qui doivent être les plus appa
rentes.
J'ai cru qu'il ne feroit pas hors de propos de
faire ce détail, après les ordres que j'en ai reçus
de,
M. le Conful , & je puis affurer que perfonne n'a
mieux fuivi cette maladie depuis fix ans que moi.
Je laiffe aux Curieux à reflechir fur les circonftances
de cette maladie , fur ces cauſes & fon pro
grès. Qu'ils me permettent feulement de joindre
ce détail mes Obfervations & mes Reflexions
propres. Je les foumets à leur jugement.
Du propre aveu de feu M. Reyre , il s'eſt toû
jours plaint des côtez dès fa plus tendre enfance..
Sa mere lui avoit dit plufieurs fois qu'elle n'avoit
pû trouver aucun moyen pour l'empêcher de pleurer
, foit qu'il fût dans le berceau , foit qu'il fût
entre fes bras , & qu'elle n'avoit jamais crû qu'il
dût vivre long-temps . En effet, tous ceux qui l'ont
connu auffi bien que moi , fçavent que ces douleurs
aigues qu'il difoit avoir fenties de tout temps
n'ont fait qu'augmenter de jour en jour depuiss
qu'ils l'ont connu ..
934 MERCURE DE FRANCE
Il eft vrai que cet homme n'avoit vécu depuis
très-long temps que de chofes fort crues & fort
indigeftes ; les Jambons , les Fromages , les Sauciffons
, les Anchoyes & toutes les viandes dans
lefquelles dominoient le poivre & le fel , avoient
prefque été fes feuls alimens , & il ne fe ménageoit
point fur le vin & fur l'eau-de- vie ; de plus
il avoit fort fréquenté les femmes.
Je crois neanmoins qu'il avoit apporté en naiſfant
la caufe & comme le germe de cette maladie,
& qu'il avoit contracté de mauvais fucs & de
mauvais levains dans fa premiere formation , de
forte qu'il étoit rempli de graviers , même avant
qu'il eût vû le jour. Ce qui me confirme dans cette
conjecture , c'eft qu'il n'avoit aucune partie du
corps bien formée , qu'il femble qu'elles ayent
toutes fouffert pendant tout le cours de fa vie.
Je ne me fouviens point d'avoir entendu parler
d'une maladie accompagnée de pareilles circonftances.
Je n'ai trouvé aucun exemple ſemblable ,
à la réferve de celui du Pape Innocent XI . Encore
eft -il à remarquer qu'il eft mort âgé , & qu'il
n'eft fait mention dans fon hiftoire que de deux
pierres , dont chaque Rein en contenoit une , &
il n'eft point dit qu'il eût eû pendant ſa vie aucun
accident ; encore moins que ces Corps étrangers
ayent alteré aucune partie de fon corps. Mais
dans celui- cy tout étoit attaqué, tout étoit alteré ;
il n'y avoit pas une feule partie dans l'état où elle
auroit dû être , pas une n'étoit faine & dans fon
entier.
Le Foye eft, comme l'on fçait, un des plus gros
Vifceres ; mais celui - cy excedoit fa groffeur ordinaire
de beaucoup, je puis même dire de plus
d'un tiers : il étoit de la couleur d'un papier gris
clair , & parfemé de quantité de bulles remplies
de liqueurs , de couleurs diverfes , comme on l'a
dit:
-
MAY. 1730. 935
dit : Les Membranes de ces bulles étoient trèsfolides
& très - adherantes ; & j'ai remarqué par
leur épaiffeur qu'il devoit y avoir plufieurs années
que cette partie fouffroit : j'ai bien vû dans
d'autres corps de ces fortes de Vefficules attacheés
au foye, remplies d'une eau infipide, mais celle- cy
étoit d'une odeur prefque infupportable . Cette partie
étoit fi changée qu'elle paroiffoit toute alterée.
Je ferois curieux de fçavoir d'où peut être venu
ce changement de couleur ; la caufe de ce grand
nombre de Vefficules , de la diverfité des liqueurs
qui y étoient contenuës & de cette groffeur dé
mefurée.
Il eft rare encore & même extraordinaire de
trouver la Vefficule du fiel d'une figure ronde &
affez groffe pour contenir fix onces de liqueur ,
& fa Membrane de l'épaiffeur d'un écu ; il n'y
avoit aucune difference de fon fond à fon col
qui étoit très-dilaté. Elle avoit dans fon fond
des graviers épais , & étoit remplie d'une liqueur
gluante, fort épaiffe , tirant fur le noir . Le Malade
quatre jours avant fa mort ne pouvoit prendre
une cueillerée de bouillon ou de ptizanne , qu'il
ne rendît à l'inftant une pinte & demie d'une liqueur
noire comme de l'ancre & gluante comme
de la Therebentine , & qui infectoit toute la maifon
; deforte qu'en quatre jours il en a rendu 8. à
10. pots à diverfes repriſes ; ce qui me donna la
curiofité d'ouvrir la Membrane & d'en répandre la
liqueur pour voir fi elle avoit du rapport avec ce
qu'il vomiffoit. J'y trouvai en effet la même couleur
, mais l'odeur en étoit un peu moins forte ;
cette Membrane en étoit toute pleine. Je m'appliquai
à examiner fi cette humeur qu'il vomiffoit
en fi grande quantité ne venoit point de l'eftomach
, mais je n'y trouvai rien qui pût caufer de
parcilles évacuations , ni qui fût même teint de
cette
936 MERCURE DE FRANCE
cette humeur. Le temps ne me permit pas de
pouffer mes Recherches plus loin , ni de faire des
Remarques plus particulieres.
J'efpere que les Sçavans découvriront & m'enfeigneront
quelle étoit la nature & la qualité de
cette humeur, où elle fe formoit, quel devoit être
fon fiege ordinaire , d'où elle venoit en fi grande
abondance , quelle pouvoit être la caufe d'une
odeur fi forte , & comment la Nature avoit formé
un fiel d'une groffeur fi démefurée .
Je me fouviens que dans les Cours d'Anatomie
à S. Côme , on ne parloit prefque point des ufages
de la Ratte , & qu'on la faifoit paffer pour
une partie prefque fuperflue ; cependant je remar
que qu'elle eft fujette comme les autres parties a
des infirmitez . D'où vient cette grande alteration
dans fa longueur , dans fa largeur & dans fon
épaiffeur D'où vient ce changement exceffif dans
fa forme ? Il me paroît par là qu'elle a fes ufages-
& fes utilitez , je ferois charmé d'apprendre un
jour que l'on ait fait quelques découvertes fur ce
fujet, & qu'on puiffe affigner les veritables fonctions
de ce Vifcere.
Les Reins à qui j'attribuë la caufe de ce dérangement
general , donneroient lieu à de grandes
recherches que j'abandonne aux Medecins. Comment
il a pú fe former dans chaque Rein deux
pierres de cette groffeur, de cette figure & de cette
folidité , comment outre celle- là il s'eft pû former
une vingtaine d'autres pierres de differente
groffeur , dont la plus petite étoit auffi groffe
qu'une Olive ; pourquoi elles y étoient fi adherantes
, & comment elles pouvoient s'enchâffer
exactement dans les vuides & les interftices de
chaque pierre..
Les Ureteres etoient remplis d'un limon fort
épais ,, blanchâtre & très-puant. Ils contenoient
encore
MAY. 937 1730 .
encore des fables très-folides ; j'en tirai d'auſſi
gros qu'un pois , & il a fallu ouvrir ces Ureteres
dans toute leur longueur pour en ôter ces fables
qui y étoient très-adherans.
Je fus furpris de trouver la Membrane propre
de la Veffie de l'épaiffeur d'une Amande , à peine
ai-je pû découvrir quelqu'un de fes fibres charnus,
La feconde des Membranes propres étoit une
vraye éponge avec ces cellules , elle étoit remplie
de graviers & de fables , au lieu d'urine ; c'étoit
cette liqueur gluante & épaiffe , comme je l'ai dit
cy- deffus , & il faut remarquer que depuis cinq
mois la Veffie ne fourniffoit que de ce pus au lieu
d'urine .
J'ai déja dit qu'il ne rendoit par les urines que
dix ou douze gouttes chaque fois ; il faut ajoûter
que lorfque je voulois les affembler , & que je les
réuniffois , elles formoient un tout bien lié , &
une matiere fi bien coagulée , qu'avec une bagueta
te je lui faifois faire toute forte de
comme j'aurois pû faire avec du vif-argent.
mouvemens
J'ai fait encore une autre remarque qui m'a affez
furpris ; c'eft que quand je lui donnois quelques
remedes dieurétiques & bien fondans , la partie fe
dilatant apparemment alors plus qu'à l'ordinaire,
le Malade fe croyoit déchargé de ce poids par la
violence & les efforts que faifoit la Nature,& pour
lors il rendoit par la Verge jufqu'à fix ou huit
onces de grumeaux d'un fang bien noir avec des
graviers & des fables. Cela lui eft arrivé dix ou
douze fois , mais avec des douleurs fi aiguës , que
j'ai crú plufieurs fois qu'il me refteroit entre les
bras , ce qui me fit juger que mes Fondans n'é--
toient plus de faiſon , & même la nature approchoit
de fa deftruction ; car lorfque cette liqueur
venoit à paffer fur les deux Ulceres le
Malade avoit le long du canal de l'Urete , ces
que
que
douleurs
938 MERCURE DE FRANCE
douleurs redoubloient & devenoient fi violentes ,
qu'il tomboit par terre fans connoiffance , fans
refpiration & fans aucune marque de vie .
Je ne fuis pas étonné d'avoir trouvé les Poulmons
dans l'état que j'ai décrit , car la vie de cet
homme n'ayant été qu'une chaîne & un tiffu de
ſouffrances , je croi qu'il ne devoit avoir aucune
partie de fon corps qui ne fût très- alterée & qui
ne dût lui caufer la mort.
Une choſe très - furprenante , par laquelle je finis
, c'eſt qu'au milieu de tant de maux , il a toûjours
eu le Poulx bon ; il l'a conſervé reglé juſqu'à
trois heures avant fa mort qu'il devint trèsembarraſſé
; il n'eut_point d'agonie , & conferva
Fufage de la connoiffance & de la parole jufqu'au
dernier foupir.
Au bas du Procès Verbal eft Attestation
du Conful de France , conçuë en ces termes :
Nous , Benoît le Maire , Confeiller du Roi ,
Conful de Seyde & fes dépendances , certifions
& atteftons à tous ceux à qui il appartiendra , que
le fieur Jean- François Pot- Dargent , qui a fait le
rapport cy-deffus ; eft Maître Chirurgien de la
Nation, au feing duquel on peut ajoûter foi ,
ayant fait l'ouverture du corps de feu Louis
Reyre , Marchand en cette Echelle , de notre ordre
& confentement ; en temoin de quoi nous
avons figné les Prefentes , fait appofer le Sceau
Royal de ce Confulat , & fouffigner par notre
Chancelier. A Seyde , le 12. Octobre 1729. Signé
B. LE MAIRE , & plus bas , GALERNEAU ?
Chancelier,
faite à l'ouverture d'un Corps humain
par M. Pot Dargent , Chevalier du faint
Sepulcre , & Maître Chirurgien de la
Nation Françoife , à Seyde en Palestine.
Extrait de fon Procès Verbal Original ,
du 29. Septembre 1729..
Un
E jour de Saint Louis , 25. d'Août de l'année
1729. un Marchand de Marſeille, nommé
Louis Reyre , eft mort en cette Ville de Seyde ,
âgé de 28. ans accomplis , d'une maladie trèsfinguliere.
Elle confiftoit dans de grands points de côtez
& des difficultez d'uriner qui le mettoient au lit
pour 7. ou 8. jours. Pendant ce temps-là , il ne
pouvoit ni marcher , ni fe tenir de bout ; il étoit
alors affis fur un Sofa , à la maniere des Turcs , -
& fe plaignoit continuellement , faifant des contorfions
pitoyables . Ce qui eft très - particulier ,
c'eft qu'il affuroit que ce mal lui étoit ordinaire :
depuis fon enfance , & qu'il croyoit l'avoir apporté
en venant au monde.
Je l'ai traité comme beaucoup d'autres l'avoient
fait avant moi , & je lui ai donné tous les
remedes que j'ai crû les plus convenables & les
plus
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plus propres à le foulager , attribuant fa maladie
à des fables & à des graviers engagez dans fes
teins , qui arrêtoient les urines & caufoient les
maux qui le tourmentoient .
Un an avant la mort je fus obligé de faire un
voyage à Conftantinople ; pendant ce temps -là
d'autres Chirurgiens l'entreprirent & le mirent
dans le grand Remede, les Salivations , les Fumigations
, &c. attribuant la maladie à la débauche.
A mon retour je trouvai le Malade plus mal
qu'auparavant ; il ne ceffoit de fe plaindre des
reins , il n'y avoit plus d'intervalles , les difficultez
d'uriner étoient continuelles ; & cependant il
urinoit très -fouvent , mais 10. OU 12 .•goutes feulement
& avec des douleurs très - aigues , de forte
qu'il fe levoit 80. & 100. fois la nuit & autant le
jour. Cela a duré depuis qu'il a été dans les nouveaux
remedes , jufqu'au jour de fa mort.
Une maladie fi extraordinaire accompagnée
d'incidens fi étranges , excita ma curiofité & me
fit prendre le parti de m'adreffer à M. le Maire ,
Conful à Seyde , pour obtenir de lui la permiffion
de faire l'ouverture de ce Corps ; je pris cette
réfolution avec d'autant plus de confiance , que
fon zele pour tout ce qui regarde l'utilité publique
& Pattention qu'il a à ne laiffer échapper
rien de rare & de curieux dans ces Pays , me
fervoient d'afſurance qu'il m'accorderoit cette
permiffion . Je n'eus pas de peine à l'obtenir , &
même M. le Conful m'ordonna d'écrire ce que
j'y remarquerois de fingulier. Je ne pus operer
que depuis onze heures du foir du 25. au 26 .
Avril , jufqu'à 5. heures du lendemain matin ; de
forte que je ne confiderai qu'en gros les parties
qui me parurent les plus effentielles .
Ayant levé le Sternum , je vis le foye tout tacheté
de diverfes couleurs. Il étoit d'une groffeur
CXMAY.
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extraordinaire & d'une couleur blanchâtre ; if
étoit parfemé de petites bulles dont les unes étoient
remplies d'une eau jeaunâtre , les autres d'une
verte , d'autres d'une eau noire , & quelquesunes
d'eau ſemblable à l'eau ordinaire des Fontaines.
La Vefficule du fiel étoit toute ronde , affez
groffe pour contenir fix onces de liqueur. Il y
avoit au fond quelques petits fables .
La Rate étoit d'un brun noir, étroite & mince,
& n'avoit en largeur qu'un bon pouce,& en épaiffeur
que celle de deux écus de France.
Les Reins dans lefquels étoit la cauſe de cette
maladie , étoient , à les mefurer exactement , de
huit travers de doigt en longueur , & de cinq
d'épaiffeur, d'une couleur peu differente du noir
ils étoient diftants l'un de l'autre de deux travers
de doigt ; ils étoient entourez d'une matiere glaireufe
affez épaiffe. Le Baffinet étoit rempli d'une
humeur grife , pareille au pus d'un abfcès bien
mûr , & d'une odeur très - forte , de même que les
Ureteres , qui étoient tellement pleins de cette liqueur
mêlée avec des fables & des graviers , qui
faifoient paroître le tout fi condenfé, qu'à peine y
pû-je introduire ma Sonde creuſe.
Les Reins , que l'on peut appeller pétrifiez ,
étoient remplis de pierres très -folides ; il y en
avoit deux groffes dans chacun' ; ces deux pierres
tenoient la longueur & la largeur de chacun des
deux Reins. Elles reffembloient à du Corail blanc.
On y voyoit aux extrémitez leur tête , lear corps,
leurs branches & leurs racines . On en trouvera un
Deffein exact joint à ce Procès Verbal..
Outre ces quatre pierres il y en avoit vingt-une
dans le Rein droit , & vingt-trois dans le gauche,
elles étoient très -adherantes aux Glandes , & enrelaffées
dans les efpaces que laiffoient les groffes
pierres
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pierres autour d'elles . La plus petite de toutes
étoit de la groffeur d'une Amande , & de diverfes
figures. Il y avoit outre cela beaucoup de fabies ·
dans les Reins , & ils étoient comme humectez-
& détrempez d'une humeur glaireuſe , dont l'odeur
étoit fi forte , que ceux qui étoient préfens
furent contraints de fe retirer.
Comme le temps me preffoit & que j'avois
trouvé les Reins dans un état fi extraordinaire
je m'attendois à quelque chofe d'aufli furprenant
dans la Veffie: je la découvris à l'inftant ; elle étoit
de la groffeur d'une bouteille , contenant quatre
onces de liqueur ; fon exterieur étoit couvert d'une
chair folide & ferme , elle étoit épaiffe d'un´
petit doigt & très-adherante à la Veffie . Je l'en
féparai & je trouvai que l'interieur de cette peau
étoit une veritable éponge , dont les Cellules n'étoient
point remplies par de l'urine mais par une
humeur bien liée & grifâtre . Cette humeur répandoit
une odeur fi forte , que les perfonnes qui
fe trouverent à cette ouverture ne purent la fupporter
, & que j'eus moi - même bien dé la peine
à y tenir. Voulant examiner plus particulierementce
que contenoit cette éponge , j'en fis la diffection
, mais je ne trouvai dans fes Cellules que ce
veritable pus & dans le fond des cellules des fables
& des graviers de la groffeur d'une Lentille, qu'on
pourroit comparer aux matieres que l'on trouve
dans le gefier des Pigeons.
Comme le bruit couroit que cet homme n'étoit
mort que de maladie venerienne & particulierement
de carnofitez; je me preffai de voir le Sphincter
, en examinant les Glandes Proftates , que je
trouvai vuides & feches. Le Sphincter étoit très--
dur & très-folide & reffembloit fort à un Cartilage
: mes cifeaux firent effort fur ma Sonde creufe
pour en faire la féparation ; en même temps j'ou--
vris
MAY. 1730.
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•
ris tout l'Uretere où j'apperçus deux ulceres , l'ury
diftant du Sphincter d'un travers de doigt , &
l'autre à fa partie moyenne. L'extremité du Balanus
& du Prépuce étoit tout ulcerée ; il fembloit
que ce fut une quantité de petits chancres réunis
en un feul par leur proximité.
Il me reftoit fort peu de temps à caufe des chaleurs
, je l'employai à voir les poulmons & le
coeur. Je trouvai les Poulmons fort gros , tirant
fur le noir & parfemez de petites taches de diverfes
couleurs , ils étoient auffi couverts de plufieurs
petites Veffies remplies d'une eau noire. Quelques-
uns des lobules du Poulmon étoient trèsfecs
, particulierement du côté gauche .
Pour ce qui eft du Coeur, je n'en ai jamais vu de
fi petit & de fi extenué. A peine ai-je pû difcerner
les parties qui doivent être les plus appa
rentes.
J'ai cru qu'il ne feroit pas hors de propos de
faire ce détail, après les ordres que j'en ai reçus
de,
M. le Conful , & je puis affurer que perfonne n'a
mieux fuivi cette maladie depuis fix ans que moi.
Je laiffe aux Curieux à reflechir fur les circonftances
de cette maladie , fur ces cauſes & fon pro
grès. Qu'ils me permettent feulement de joindre
ce détail mes Obfervations & mes Reflexions
propres. Je les foumets à leur jugement.
Du propre aveu de feu M. Reyre , il s'eſt toû
jours plaint des côtez dès fa plus tendre enfance..
Sa mere lui avoit dit plufieurs fois qu'elle n'avoit
pû trouver aucun moyen pour l'empêcher de pleurer
, foit qu'il fût dans le berceau , foit qu'il fût
entre fes bras , & qu'elle n'avoit jamais crû qu'il
dût vivre long-temps . En effet, tous ceux qui l'ont
connu auffi bien que moi , fçavent que ces douleurs
aigues qu'il difoit avoir fenties de tout temps
n'ont fait qu'augmenter de jour en jour depuiss
qu'ils l'ont connu ..
934 MERCURE DE FRANCE
Il eft vrai que cet homme n'avoit vécu depuis
très-long temps que de chofes fort crues & fort
indigeftes ; les Jambons , les Fromages , les Sauciffons
, les Anchoyes & toutes les viandes dans
lefquelles dominoient le poivre & le fel , avoient
prefque été fes feuls alimens , & il ne fe ménageoit
point fur le vin & fur l'eau-de- vie ; de plus
il avoit fort fréquenté les femmes.
Je crois neanmoins qu'il avoit apporté en naiſfant
la caufe & comme le germe de cette maladie,
& qu'il avoit contracté de mauvais fucs & de
mauvais levains dans fa premiere formation , de
forte qu'il étoit rempli de graviers , même avant
qu'il eût vû le jour. Ce qui me confirme dans cette
conjecture , c'eft qu'il n'avoit aucune partie du
corps bien formée , qu'il femble qu'elles ayent
toutes fouffert pendant tout le cours de fa vie.
Je ne me fouviens point d'avoir entendu parler
d'une maladie accompagnée de pareilles circonftances.
Je n'ai trouvé aucun exemple ſemblable ,
à la réferve de celui du Pape Innocent XI . Encore
eft -il à remarquer qu'il eft mort âgé , & qu'il
n'eft fait mention dans fon hiftoire que de deux
pierres , dont chaque Rein en contenoit une , &
il n'eft point dit qu'il eût eû pendant ſa vie aucun
accident ; encore moins que ces Corps étrangers
ayent alteré aucune partie de fon corps. Mais
dans celui- cy tout étoit attaqué, tout étoit alteré ;
il n'y avoit pas une feule partie dans l'état où elle
auroit dû être , pas une n'étoit faine & dans fon
entier.
Le Foye eft, comme l'on fçait, un des plus gros
Vifceres ; mais celui - cy excedoit fa groffeur ordinaire
de beaucoup, je puis même dire de plus
d'un tiers : il étoit de la couleur d'un papier gris
clair , & parfemé de quantité de bulles remplies
de liqueurs , de couleurs diverfes , comme on l'a
dit:
-
MAY. 1730. 935
dit : Les Membranes de ces bulles étoient trèsfolides
& très - adherantes ; & j'ai remarqué par
leur épaiffeur qu'il devoit y avoir plufieurs années
que cette partie fouffroit : j'ai bien vû dans
d'autres corps de ces fortes de Vefficules attacheés
au foye, remplies d'une eau infipide, mais celle- cy
étoit d'une odeur prefque infupportable . Cette partie
étoit fi changée qu'elle paroiffoit toute alterée.
Je ferois curieux de fçavoir d'où peut être venu
ce changement de couleur ; la caufe de ce grand
nombre de Vefficules , de la diverfité des liqueurs
qui y étoient contenuës & de cette groffeur dé
mefurée.
Il eft rare encore & même extraordinaire de
trouver la Vefficule du fiel d'une figure ronde &
affez groffe pour contenir fix onces de liqueur ,
& fa Membrane de l'épaiffeur d'un écu ; il n'y
avoit aucune difference de fon fond à fon col
qui étoit très-dilaté. Elle avoit dans fon fond
des graviers épais , & étoit remplie d'une liqueur
gluante, fort épaiffe , tirant fur le noir . Le Malade
quatre jours avant fa mort ne pouvoit prendre
une cueillerée de bouillon ou de ptizanne , qu'il
ne rendît à l'inftant une pinte & demie d'une liqueur
noire comme de l'ancre & gluante comme
de la Therebentine , & qui infectoit toute la maifon
; deforte qu'en quatre jours il en a rendu 8. à
10. pots à diverfes repriſes ; ce qui me donna la
curiofité d'ouvrir la Membrane & d'en répandre la
liqueur pour voir fi elle avoit du rapport avec ce
qu'il vomiffoit. J'y trouvai en effet la même couleur
, mais l'odeur en étoit un peu moins forte ;
cette Membrane en étoit toute pleine. Je m'appliquai
à examiner fi cette humeur qu'il vomiffoit
en fi grande quantité ne venoit point de l'eftomach
, mais je n'y trouvai rien qui pût caufer de
parcilles évacuations , ni qui fût même teint de
cette
936 MERCURE DE FRANCE
cette humeur. Le temps ne me permit pas de
pouffer mes Recherches plus loin , ni de faire des
Remarques plus particulieres.
J'efpere que les Sçavans découvriront & m'enfeigneront
quelle étoit la nature & la qualité de
cette humeur, où elle fe formoit, quel devoit être
fon fiege ordinaire , d'où elle venoit en fi grande
abondance , quelle pouvoit être la caufe d'une
odeur fi forte , & comment la Nature avoit formé
un fiel d'une groffeur fi démefurée .
Je me fouviens que dans les Cours d'Anatomie
à S. Côme , on ne parloit prefque point des ufages
de la Ratte , & qu'on la faifoit paffer pour
une partie prefque fuperflue ; cependant je remar
que qu'elle eft fujette comme les autres parties a
des infirmitez . D'où vient cette grande alteration
dans fa longueur , dans fa largeur & dans fon
épaiffeur D'où vient ce changement exceffif dans
fa forme ? Il me paroît par là qu'elle a fes ufages-
& fes utilitez , je ferois charmé d'apprendre un
jour que l'on ait fait quelques découvertes fur ce
fujet, & qu'on puiffe affigner les veritables fonctions
de ce Vifcere.
Les Reins à qui j'attribuë la caufe de ce dérangement
general , donneroient lieu à de grandes
recherches que j'abandonne aux Medecins. Comment
il a pú fe former dans chaque Rein deux
pierres de cette groffeur, de cette figure & de cette
folidité , comment outre celle- là il s'eft pû former
une vingtaine d'autres pierres de differente
groffeur , dont la plus petite étoit auffi groffe
qu'une Olive ; pourquoi elles y étoient fi adherantes
, & comment elles pouvoient s'enchâffer
exactement dans les vuides & les interftices de
chaque pierre..
Les Ureteres etoient remplis d'un limon fort
épais ,, blanchâtre & très-puant. Ils contenoient
encore
MAY. 937 1730 .
encore des fables très-folides ; j'en tirai d'auſſi
gros qu'un pois , & il a fallu ouvrir ces Ureteres
dans toute leur longueur pour en ôter ces fables
qui y étoient très-adherans.
Je fus furpris de trouver la Membrane propre
de la Veffie de l'épaiffeur d'une Amande , à peine
ai-je pû découvrir quelqu'un de fes fibres charnus,
La feconde des Membranes propres étoit une
vraye éponge avec ces cellules , elle étoit remplie
de graviers & de fables , au lieu d'urine ; c'étoit
cette liqueur gluante & épaiffe , comme je l'ai dit
cy- deffus , & il faut remarquer que depuis cinq
mois la Veffie ne fourniffoit que de ce pus au lieu
d'urine .
J'ai déja dit qu'il ne rendoit par les urines que
dix ou douze gouttes chaque fois ; il faut ajoûter
que lorfque je voulois les affembler , & que je les
réuniffois , elles formoient un tout bien lié , &
une matiere fi bien coagulée , qu'avec une bagueta
te je lui faifois faire toute forte de
comme j'aurois pû faire avec du vif-argent.
mouvemens
J'ai fait encore une autre remarque qui m'a affez
furpris ; c'eft que quand je lui donnois quelques
remedes dieurétiques & bien fondans , la partie fe
dilatant apparemment alors plus qu'à l'ordinaire,
le Malade fe croyoit déchargé de ce poids par la
violence & les efforts que faifoit la Nature,& pour
lors il rendoit par la Verge jufqu'à fix ou huit
onces de grumeaux d'un fang bien noir avec des
graviers & des fables. Cela lui eft arrivé dix ou
douze fois , mais avec des douleurs fi aiguës , que
j'ai crú plufieurs fois qu'il me refteroit entre les
bras , ce qui me fit juger que mes Fondans n'é--
toient plus de faiſon , & même la nature approchoit
de fa deftruction ; car lorfque cette liqueur
venoit à paffer fur les deux Ulceres le
Malade avoit le long du canal de l'Urete , ces
que
que
douleurs
938 MERCURE DE FRANCE
douleurs redoubloient & devenoient fi violentes ,
qu'il tomboit par terre fans connoiffance , fans
refpiration & fans aucune marque de vie .
Je ne fuis pas étonné d'avoir trouvé les Poulmons
dans l'état que j'ai décrit , car la vie de cet
homme n'ayant été qu'une chaîne & un tiffu de
ſouffrances , je croi qu'il ne devoit avoir aucune
partie de fon corps qui ne fût très- alterée & qui
ne dût lui caufer la mort.
Une choſe très - furprenante , par laquelle je finis
, c'eſt qu'au milieu de tant de maux , il a toûjours
eu le Poulx bon ; il l'a conſervé reglé juſqu'à
trois heures avant fa mort qu'il devint trèsembarraſſé
; il n'eut_point d'agonie , & conferva
Fufage de la connoiffance & de la parole jufqu'au
dernier foupir.
Au bas du Procès Verbal eft Attestation
du Conful de France , conçuë en ces termes :
Nous , Benoît le Maire , Confeiller du Roi ,
Conful de Seyde & fes dépendances , certifions
& atteftons à tous ceux à qui il appartiendra , que
le fieur Jean- François Pot- Dargent , qui a fait le
rapport cy-deffus ; eft Maître Chirurgien de la
Nation, au feing duquel on peut ajoûter foi ,
ayant fait l'ouverture du corps de feu Louis
Reyre , Marchand en cette Echelle , de notre ordre
& confentement ; en temoin de quoi nous
avons figné les Prefentes , fait appofer le Sceau
Royal de ce Confulat , & fouffigner par notre
Chancelier. A Seyde , le 12. Octobre 1729. Signé
B. LE MAIRE , & plus bas , GALERNEAU ?
Chancelier,
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Résumé : DECOUVERTE SINGULIERE faite à l'ouverture d'un Corps humain, par M. Pot Dargent, Chevalier du saint Sepulcre, & Maître Chirurgien de la Nation Françoise, à Seyde en Palestine. Extrait de son Procès Verbal Original, du 29. Septembre 1729.
Le 25 août 1729, à Seyde en Palestine, Louis Reyre, un marchand de Marseille âgé de 28 ans, décéda d'une maladie caractérisée par des douleurs abdominales et des difficultés à uriner. Ces symptômes, apparus dès l'enfance, le rendaient incapable de marcher ou de se tenir debout. Malgré divers traitements, son état s'aggrava avec des douleurs intenses et des urinations fréquentes mais en petites quantités. M. Pot Dargent, chevalier du Saint-Sépulcre et maître chirurgien, obtint la permission de pratiquer une autopsie. L'examen révéla plusieurs anomalies : un foie tacheté et hypertrophié, une vésicule biliaire anormalement grosse, une rate atrophiée, et des reins remplis de pierres solides et de sable. Les reins étaient entourés d'une matière gluante et les uretères étaient obstrués par une humeur purulente mélangée à des graviers. La vessie, de la taille d'une bouteille, contenait une humeur grise et malodorante. Les poumons étaient gros et noircis, tandis que le cœur était extrêmement petit et extenué. L'autopsie confirma que la cause principale de la maladie résidait dans les reins, remplis de pierres et de sable, et dans les obstructions des voies urinaires. Louis Reyre avait une alimentation pauvre et consommait beaucoup d'alcool et de viandes épicées. Sa mère avait noté ses douleurs abdominales dès la petite enfance, suggérant une origine congénitale de la maladie. M. Pot Dargent conclut que Reyre avait probablement apporté en naissant les germes de cette maladie, confirmée par l'absence de parties du corps bien formées et par les multiples anomalies observées lors de l'autopsie. Les observations notables incluaient des pierres de tailles variées dans les reins, des uretères remplis d'un limon épais et puant, ainsi que de calculs solides. La vessie présentait une membrane épaissie et une seconde membrane spongieuse remplie de graviers et de pus. Le patient urinait très peu, et les urines étaient coagulées. L'administration de diurétiques provoquait l'expulsion de grumeaux noirs avec des graviers et des calculs, accompagnés de douleurs intenses. Les poumons étaient altérés en raison des souffrances constantes du patient. Malgré ses maux, le patient a conservé un pouls régulier jusqu'à trois heures avant sa mort, sans agonie, conservant la connaissance et la parole jusqu'au dernier souffle. Le rapport a été certifié par le consul de France à Seyde, confirmant que l'autopsie a été réalisée par Jean-François Pot-Dargent, maître chirurgien.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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