CONSEIL
Qu'on me donne dans
une des Lettre Critiques
qui ont couru
sur mon Mercure.
Je conseille ÀPAutsurde
se défaire auplutost d'un
certain air de gayeté &
de plaisanterie dont son
stile est injecre,Il a réjouy
d'abord;maisacoupseur
il déplaira dans la suite:
le Publicse lasse bien-tost
deplaisanterie, &c. 4
Cette critique est tressensée
, car on se lassede
tout.Ainsi dés que je m'apercevray
qu'on se lasse
ra de mon stile, j'en changeray
promptement ; &
au lieu que je ne suis sericux
que dans les endroits
où il le faut estre,
je le seray par tout; je
prendray un stilesi serieusement
uniforme qu'il
m'ennuyra moy-même,
& j'en seray bien fâché.
Plût auCiel que je fusse
toujours en humeur de
me réjouïr , car il faut être
réjouy le premier pour
pouvoir réjouïr les autres.
Ouy,je fouhaiterois pouvoir
joindre à mon stile
celuy des Lettres Provinciales,
de Rablais, de Moliere.
En un mot je souhaite
de réjoüir tout le
monde,excepté ceux qui
font malignement chagrins
de voir que lesautres
se réjoüissent..
Lapluspart de ces critiques
atrabilaires ne ju.
gent de lasolidité d'un
ouvragequepar le degrq
de serieux qu'ils y trouvent,
désqu'une maxime
solide est plaisament
travestie
,
ils la méconnoissent,
mais qu'unemaxime
petite ou fausse se
presente pour ainsi dire
en habitserieux,ils la respectent.
Tout serieux
leur paroistgrand; tout
badinage leur paroist petit
: ils n'y sçavent autre
chose.Cen'est point à ces
Messieurs là que je veux
plaire
, un Livretelqu'ils
le veulent ne plairoitqu'a
eux seuls,,&jeveux plaire
à la meilleure partie,
ne pouvant plaire à tout
le monde.
Ces Critiques austeres
veulent être plus fages
que la Nature qui atache
presque toujours un goût
agreable aux nourritures
les plus solides
qu'elles produit pour les
hommes. Je veux nourrir
les esprits le plus agreablementque
jepourray.
Le serieux instruit,
j'en conviens; mais le
badinage peut instruire
réjouir: je le prefere,
& je ne prétens pas
mesme m'abstenirabsolument
de cette espece
de plaisanterie qui ne fait
queréjouïr sans instruire;
n'est-ce donc rien
que de réjouir-
Ceux qui tâchent de
suspendre par leurgayété.
les ennuis &les chagrins
dont l'esprit humain est
accablé
.> ne sont
-
ils pas
plus utiles à la societé
que ces Pleureurs de prosession
qui vous entretiennent
dans latristesse,
en vous representant vos
maux encore plus grands
qu'ils ne sont?
Examinons sérieusement
combien il est utile
de répandre la joye dans
le Public; voyez ce qu'en
'm
adit là- dessus feu Mrde
Pelisson
,
l'un des plus
beaux esprits de nostre
siecle.
Les plus grands Législateurs
en fondant des Républiques,
onteu pour but general que
les Citoyenspussent 'vivre
ensemblevertueusement, paisiblement,
c- agreablement.
Ces trois choses font donc
necessaires
, & tout ce qui
contribuë à la derniere sans
nuire aux deux autres ,
bien
loin de s'écarter de l'utilitépublique,
yvaquelquefoisparle
chemin le plusdroite&leplus
court. Par Qtemple les écrits
d'un célébréJurisconsultesont
utiles, qui le peut nier? Ils
instruisentl'Avocat pour bien
deffendre sa cause ; l'Avocat
bien instruit fait que le Juge
prononce justement; LeJuge en
rendantjustice met lesJCitoyent
en repos. Mais on voit fouirent
que les différentes mains
de tant de diversArtisans détournent
l'Art de son intention
naturelle
, & il en aryvt
comme de ces Machines belles
&bien inventéesenapparence,
qui pour estre composées de frofi
depieces, dontquelqu'unevient
toûjoursàmanquer, s'arrêtent à
toute heure,&renversent quelquefois
ce qu'elles devoientporterAu
contraire ces autres écrits
qu'on traite communement de
Bagatelles, quand ils ne serviroientpas
à reglerlesmoeurs,
ou àéclairer l'esprit, comme ils
le peuvent , comme ils le doivent,
comme ilsfontd'ordinaire
directement ou indirectement;
pour le moinssans avoir besoin
qued'euxmêmes, ils plaisent,
ils divertissent, ilssement&ils
répandentpar tout lajoye, qui
est aprés la vertu leplusgrand
de tous les tiens,