Je fais de mon mieux
( comme on voit) pour
animer les Auteurs. Tant
que j'auray de leurs ouvrages
,
j'en mettray
peu des miens dans mon
Livre. Nef1:-il pas julle
que jefasse les honneurs
de chez moy ?
Ouy, je feray toûjours
civilement les honneurs
de mon Livre; mais je
ne, poufferay pas la politesse
jusqu'afaire l'éloge
des Pieces que j'y placeray.
Je me fuis déjà déclaré
sur les louanges.
Il n'y a rien à gagner
en nous louant nous autres
Auteurs, celuyqu'-
on loüe croit que c'est
une dette qu'on luypaye:
nulle reconnoissance de
sa part, & vous vous
brouillez à coup sûravec
ses Confreres car chacun
,
--.,"'- roitqu'on luy détodo,&
leslouanges
qu'on ne luy donne pas,
& celles qu'on donne
aux autres. Pour me ménager
avec tous je feray
neutre. Nulle preference.
Mais,dira-t-on, placer
un ouvrage dans vostre
Recueil, c'est le préférer
àceluy que vous n'y placez
pas?
Consequence mal tirée,
mon choix prouvera
seulement que l'un
conviendra mieux que
l'autre aux sujets que
j'auray commence a traiter
dans le moment que
je recevray l'ouvrage.
Mais, dira-t-on,c'est à
vous de vous assujettir à
ce qu'on vous donne &
l'on entrevoit que vous
cherchez de mauvaises
exeuses pour refuser certains
ouvrages, sans ea
chagriner les Auteurs.
L'excuse peut estre
mauvaise,mais il est loüable
d'enchercher pour
ne chagriner personne.
N'approfondissez point
mes inrentions. Je prometsde
placer les bons
ouvrages, 6C je souhaite
que ceux qui en feront
de mauvais puissent se
flater que je les placeray
quand Foccadon s'en prefentera.
Dans le fond il se pourra
faire que les meilleurs ouvrages
ferontquelquefois
les moins convenables à
mon arrangement. Ils
seront ou trop longs ou
trop courts, ou trop gays
ou trop sérieux
5 peutêtre
même trop beaux
pour faire un bon effet
avec mes bagatelles. Je
pourray les placer une
autrefois dans un plus
beau jour.
Joignez à cela, que je
puis avoir des raisons particulières,
pour ne point
parler de quelque chose
ou de quelqu'un dans
certains endroits par rapport
à certainescirconstances.
Enunmotjepuis
avoir mille bonnes raisons
pour refuser une
bonne chose;mais je prévois
qu'un seul refus
pourra souvent me faire
plusieurs ennemis; c'est
le malheur de mon employ.
Ceux qui en ont
de plus grands ne peuvent
pas contenter tout
le monde, & je prouveray
sans sortir de ma petite
Sphere, qu'on ne
scauroitconcourir au
bien public sans chagriner
plusieurs particuliers.