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1
p. 322-326
A S. Lucar de Carrameda, le 15. Juillet.
Début :
Il est arrivé icy il y a huit jours un grand malheur. Vous [...]
Mots clefs :
Gouverneur, Mort, Sanlúcar de Barrameda, Moines, Couvent
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texteReconnaissance textuelle : A S. Lucar de Carrameda, le 15. Juillet.
A S. LUCAT de Carrameda,
£iaicii le 15 Juillet.,_.f
M,ih v •i* Il estarrivé icy il y a huit
jours un grand malheur.Vous
sçavezque dans la pluspart des
Convents d'Andalousie, les
Moines vendent de la viande,
ce qui est frustrer les droitsdu
Roy Catholique, & de presque
tout le veste il en arrive
la même chose. Le Gouverneur
nomméDon Alonzo Jacinco
Velardo, homme tort
zélé pour le service,ayantsçu
qu'au Convent des Augustins
on la vendoit aussi publique
qu'à la Boucherie,avoir envoyé
dire plusieurs fois au
Prieur de s'abstenir de cela,
qu'autrement il seroit obligé
d'ymettre luy-même ordre.
Les Moines fc souciant
fort peu des menaces du GOlit
Vwfncur> continuaient toujours
.cTfiO'îvendre.*»! Lej-Rr?
rmerdes Milionnesvoyantcela
, sir posterdes Ministres de
la rrnrç auxenvirons du Con-
Vccenur;x pour reconnoistre tous
ungqauirednofonrm, aient;*On
àuqùebiJlt
trouvadvuxHivrcs de viande.
Les Mniftrcsl'anècoient
le menoiem en prison ; IOTU
qu'unM>me qui étoit à
porte du Convent, courut a-*
préseux pour faire relâch1er ceà
garçon, à quoy ils resisterent.
CeMoineirritédevoirque
çcs:Minifîresn'imûenr.poûit
de deference pour luy, commença
à lesmaltraiter de paroles&
devoîesde fait. Un des
Ministressevoyant outrage de
lasorre,tiraun coupde pistoler
auMoine,&luy cassalacuisse,
dontil t& mort trois jours aprés;
Les Ministres prirent la
fuite pour se refugier dans
quelque Eglise; mais on ne
voulut point les recevoir. Le
lendemain un Moine du meme
Convent, parent du mort,
voyantque le Gouverneur ne faisoitpoint de diligences
pourle châtier,s'en fut chez
luy, &demandaàluy parler,
la Garde le laissa entier, & des
qu'il fut dans la chambre où
étoit le Gouverneur, il tirade
sa manche un pistoler,dont
illuilâcha le coup à bout portant
dans l'estomach. CetOfsicier
se sentant blessé, voulut;
couriraprésle meurtrier,mais !
il tomba. Le Moine tira un
autre pistolet de l'autre manche.
paflj à travers la Garde,
& se réfugia dansun Convent,
d'où il décampa ensuite. Lr.
Gouverneur n'est pas mort
encore? mais on compte qu'il
n'enéchappera pas,car il a per- ,
du la paroledepuis troisjours
£iaicii le 15 Juillet.,_.f
M,ih v •i* Il estarrivé icy il y a huit
jours un grand malheur.Vous
sçavezque dans la pluspart des
Convents d'Andalousie, les
Moines vendent de la viande,
ce qui est frustrer les droitsdu
Roy Catholique, & de presque
tout le veste il en arrive
la même chose. Le Gouverneur
nomméDon Alonzo Jacinco
Velardo, homme tort
zélé pour le service,ayantsçu
qu'au Convent des Augustins
on la vendoit aussi publique
qu'à la Boucherie,avoir envoyé
dire plusieurs fois au
Prieur de s'abstenir de cela,
qu'autrement il seroit obligé
d'ymettre luy-même ordre.
Les Moines fc souciant
fort peu des menaces du GOlit
Vwfncur> continuaient toujours
.cTfiO'îvendre.*»! Lej-Rr?
rmerdes Milionnesvoyantcela
, sir posterdes Ministres de
la rrnrç auxenvirons du Con-
Vccenur;x pour reconnoistre tous
ungqauirednofonrm, aient;*On
àuqùebiJlt
trouvadvuxHivrcs de viande.
Les Mniftrcsl'anècoient
le menoiem en prison ; IOTU
qu'unM>me qui étoit à
porte du Convent, courut a-*
préseux pour faire relâch1er ceà
garçon, à quoy ils resisterent.
CeMoineirritédevoirque
çcs:Minifîresn'imûenr.poûit
de deference pour luy, commença
à lesmaltraiter de paroles&
devoîesde fait. Un des
Ministressevoyant outrage de
lasorre,tiraun coupde pistoler
auMoine,&luy cassalacuisse,
dontil t& mort trois jours aprés;
Les Ministres prirent la
fuite pour se refugier dans
quelque Eglise; mais on ne
voulut point les recevoir. Le
lendemain un Moine du meme
Convent, parent du mort,
voyantque le Gouverneur ne faisoitpoint de diligences
pourle châtier,s'en fut chez
luy, &demandaàluy parler,
la Garde le laissa entier, & des
qu'il fut dans la chambre où
étoit le Gouverneur, il tirade
sa manche un pistoler,dont
illuilâcha le coup à bout portant
dans l'estomach. CetOfsicier
se sentant blessé, voulut;
couriraprésle meurtrier,mais !
il tomba. Le Moine tira un
autre pistolet de l'autre manche.
paflj à travers la Garde,
& se réfugia dansun Convent,
d'où il décampa ensuite. Lr.
Gouverneur n'est pas mort
encore? mais on compte qu'il
n'enéchappera pas,car il a per- ,
du la paroledepuis troisjours
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Résumé : A S. Lucar de Carrameda, le 15. Juillet.
Le 15 juillet, un incident tragique a eu lieu à £iaicii. En Andalousie, des moines vendaient illégalement de la viande, violant ainsi les droits du Roi Catholique et du clergé. Le gouverneur, Don Alonzo Jacinco Velardo, a tenté de mettre fin à cette pratique au couvent des Augustins, mais les moines ont ignoré ses avertissements. Les ministres du roi ont arrêté un garçon en possession de viande de contrebande, ce qui a provoqué la colère d'un moine. Ce dernier a agressé les ministres, entraînant une altercation au cours de laquelle un ministre a tiré sur le moine, le blessant mortellement. Les ministres se sont ensuite réfugiés dans une église. Le lendemain, un moine, parent du moine tué, a tiré sur le gouverneur, le blessant gravement. Le moine a ensuite fui vers un autre couvent. Le gouverneur est gravement blessé et son pronostic vital est engagé.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 670-686
LETTRE de M..... au sujet de la nouvelle Histoire de la Ville et Abbaye de S. Filibert de Tournus ; dédiée à son Eminence M. le Cardinal de Fleury, Abbé de Tournus.
Début :
Ce ne sont pas toujours les Villes Episcopales qui sont en état de fournir [...]
Mots clefs :
Abbaye Saint-Philibert de Tournus, Tournus, Abbé, Auteur, Abbaye, Monastère, Religieux, Saint Philibert, Comte de Chalon, Église, Moines, Évêque, Cour, Saint Valérien, Roi, Anciens
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M..... au sujet de la nouvelle Histoire de la Ville et Abbaye de S. Filibert de Tournus ; dédiée à son Eminence M. le Cardinal de Fleury, Abbé de Tournus.
LETTRE de M..... au sujet de la
nouvelle Histoire de la Ville et Abbaye
de S. Filibert de Tournus ; dédiée à son
Eminence M. le Cardinal de Fleury ;
Abbé de Tournus .
CE
E ne sont pas toujours les Villes
Episcopales qui sont en état de fournir
une matiere suffisante pour composer
de gros volumes d'Histoire . Souvent
en recherchant ce qu'il y a à dire d'une
Ville qui n'a commencé que par un simple
Château , et où dans la suite il s'est
étaAVRIL.
1734.
671
établi un Monastere , on trouve une plus
ample moisson qu'on ne croyoit , et enfin
de quoi former un volume complet.
C'est ce qui est arrivé à la Ville de Tournus
en Bourgogne , dont un Chanoine
vient de publier l'Histoire.
L'Auteur remonte jusqu'à l'origine de
la Ville , pour donner une connoissance
entiere du sujet qu'il traite. Tournus
étoit du Païs des Eduens ; c'étoit une
espece de Grenier ou de Magazin , qui
est appellé , Horreum Castrense , dans les
Actes de S. Valerien . Le martyre de ce
Saint rendit ce lieu encore plus célébre.
Il est nommé Tinurtium , Tenurcium , Ternocium
, Trinorcium , dans des Auteurs du
4. 5. et 6e siécles , et souvent avec le substantif
castrum.
On ne sçait pas bien en quel temps it
commença à y avoir un Monastere sur
le Tombeau de S. Valérien ; mais il étoit
déja ancien au 1x. siecle , lorsque l'Abbé
des Moines de Nermoutier , refugiez en
Auvergne , passant par Tournus , trouva
l'endroit si agréable , qu'il prit tous les
moyens de persuader aux anciens Religieux
de permettre que ses Moines vinssent
demeurer avec eux , pour ne faire
tous ensemble qu'une même Communauté.
De là vint l'accroissement de cette
Cij Ab-
·
672 MERCURE DE FRANCE
Abbaye , puisqu'alors elle augmenta en
biens comme en Religieux. Charles le
Chauve confirma la réunion de tous les
Prieurez de Nermoutier et autres dépendences
, à l'Eglise de Tournus , et il y
ajouta d'autres biens tres - considérables;
Apparemment le nom de la Sainte Vier-
. ge , et celui de S. Valerien , anciens Patrons
du lieu , commencerent alors à être
éclypsez par celui de S. Filibert , dont la
' nouvelle Colonie venoit d'y apporter les
Reliques .
C'est depuis ce temps - là que M.Juenin ,
Auteur de cette Histoire , donne une Liste
très -curieuse des Abbez de ce Monastere
; ceux des siècles précédens étant restez
inconnus . Géilon , auteur de la réünion
des deux Maisons , est le premier
dont il parle. Il rapporte à son temps , la
donation d'un Privilége accordé par le
Pape Jean VIII. au Concile de Troyes ,
et deux de Louis le Begue , de l'an 878 .
Cet Abbé étoit doté d'un si grand mérite
qu'il fut fait Evêque de Langres après
la mort d'Isaac. On croit que ce fut lui
qui tira de Tournus les Corps de S. Vétérin
et de S. Léonard , pour les donner
au Monastere de Corbigny.Sous Gautier,
second Abbé , est une suite de donations.
Le troisième , nommé Blitgaire , obtint
du
AVRIL . 1734 673
du Prince Eudes , le droit de faire battre
Monnoye.
L'Auteur représente icy deux sortes de
ces Monnoyes battuës à Tournus. A l'une
on lit d'un côté : scs VALERIANVS , et de
l'autre côté : TORNVCIO CASTRO . L'autre
Monnoye ne paroît pas si ancienne. Le
nom de S. Filibert y est écrit d'une maniere
corrompuë , puisqu'on y lit , S. PHILIBERTI
MONETA , comme si un nom purement
Teutonique pouvoit venir du
Grec. Ce fut aussi de son tems qu'on
croît qu'Adalger, Evêque d'Autun , mourut
à Tournus ; mais s'il n'y mourut pas,
il est certain qu'il y fut inhumé , à moins
que la Pierre où on lit Adalgerius hic
quiescit Episcopus , n'eût été apportée
d'ailleurs. La mort de cet Evêque avoit
fait du bruit : Un Moine de Flavigny
soupçonné d'en être l'Auteur , fut obligé
de se purger par la reception de la sainte
Eucharistie.La Communauté de Tournus
grossit encore sous Hervé , quatriéme
Abbé. Les Moines de S. Florent le vieux ,
en Anjou , craignant les courses des Normans
, vinrent se refugier chez eux avec
le Corps de leur S. Patron . Il est vrai
qu'ils n'y firent pas une longue réſidence
, mais ils furent toujours obligez de
laisser à Tournus leurs Reliques , et ils
Ciij ne
674 MERCURE DE FRANCE
ne purent les t'avoir que vers l'an 946.
par un effet de la subtilité de l'un d'entr'eux
.
Quoique la Ville eut été brûlée en
937. par des Barbares venus de Scythie
le Monastere qui étoit dans le Château
ne se ressentit pas beaucoup de ce malheur.
Il ne falloit pas alors des sommes
considérables pour la nourriture des Religieux
, puisque dans uue donation que
leur fit l'Archevêque de Besançon en 945 ,
il est dit que les Serviteurs de Dieu s'occupoient
à cultiver la terre. L'Abbaye préservée
de l'incendie , fut fatiguée vers le
même temps , par les poursuites de Gilbert,
Comte de Châllon ; ce qui fit que
les Moines prirent la résolution de quitter
le Lieu et de s'en aller avec le Corps
de S.Filibert et leurs autres Reliques , jusqu'à
S. Pourçain en Auvergne. Plusieurs
Evêques s'assemblérent à Tournus en
949. pour chercher les moyens de faire
revenir cés sacrez trésors ; ils revinrent en
effet , et quatre Evêques allerent audevant
jusqu'à un quart de lieuë de la ville.
De -là l'origine de plusieurs Processions
qui venoient autrefois à Tournus après
l'Ascension , des Diocèses de Besançon ,
de Mâcon, de Châllon et d'Autun . Il peut
paroître surprenant que les Evêques n'eussent
AVRIL. 1734.
675
sent pas songé à dédommager la Ville de
Tournus de la perte du Corps de S. Filibert,
par celui de S. Valerien . Il étoit toujours
resté dans un Cercueil de Pierre ,
dont ils auroient pû le tirer . Mais il ne le
fut que par l'Abbé Etienne. La cérémonie
est icy tres-bien détaillée , et l'Historien
la fixe au Dimanche 26 Janvier 76.
L'Abbaye de Tournus fut brûlée le 16
Octobre de l'an 1006.par un accident im
prévu ; et l'Eglise réparée de nouveau fut
consacrée l'an 1019. Hugues , Evêque
d'Auxerre , qui étoit Comte de Châllon ,
fit aux Moines des donations considérables
à l'occasion de cette cérémonie , et en
reconnoissance ils lui prétêrent la Banniere
de S Filibert , dont il avoit besoin
dans les Guerres qu'il soûtenoit pour lcs
intérêts du Roy Robert.L'Auteur en parlant
de S Ardaing qui est compté pour
13 Abbé de Tournus , attribue à S. Odilon
de Cluni , ce que M. Chastelain dans
son Martyrologe ( I Bémestre, 11 Février,
page 6 24. ) dit de S. Ardaing. L'un assure
que c'est à S. Odilon que l'Empereur
S. Henry envoya sa Couronne ; l'autre
écrit , que ce fut à l'Abbé de Tournus . Il
paroît que M. Juenin , qui n'oublie rien
de ce qui concerne le culte des Saints de
son Abbaye , n'a pas été informé qu'il est
C iiij ho676
MERCURE DE FRANCE
honoré, particulierement dans le Prieuré
de S. Syphorien d'Autun , qu'il y a en
cette Eglise une Chapelle de son nom ,
avec des Reliques , et un Puits proche de
l'Eglise , où on lit autour du bord : LE
PUITS SAINTARDAN.La politesse de l'Abbé
Guillaume de Jaligny fut poussée jusqu'au
point qu'il ne pouvoit souffrir que
les Bourgeois ou Bourgeoises de Tournus
se présentassent devant lui avec des habits.
négligez ; il leur en faisoit des reproches ,
et si c'étoit par indigence , il les secouroit.
Pierre , le 16 ° Abbé, reçut en 1105 ,
une Bulle qui lui permettoit de dire à la
Messe le Gloria in excelsis, le jour de l'Annonciation
, sans doute , parce que cette
Fête tombe le plus souvent en Carême
où alors ce Cantique ne se disoit pas aux
Fêtes , quoiqu'il n'y en eut que fort peu ,
dans le temps du grand jeûne .
Depuis le 12 siècle , l'Histoire est plei .
ne d'Actes de donations, accords , transactions
, échanges , confirmations de
droits , concessions de nouveaux droits ,
aux Habitans de Tournus. On y remarque
, pag. 132. que le Roy Loüis le Jeune
fut obligé de venir à Tournus pour accorder
les habitans avec l'Abbé, quoique
les contestations n'eussent pas été poussées
au point que l'avoient été celles de
l'Abbé
AVRIL 1734. 677
, 1245 . V
Ï'Abbé de Vezelay , contre ses habitans .
Outre les deux incendies dont il a été
parlé plus haut , il en survint un troisiéme
vers l'an On eut besoin des
aumônes des Fideles , pour la réparation
des dégats qu'il avoit causés. Les Moines
de Tournus se servirent de toutes les
voyes imaginables pour en attirer . Ils obtinrent
même de l'Abbé Général de Citeaux
des Lettres de recommandation ,
par lesquelles il promettoit à tous ceux
qui leur feroient quelque aumône, d'avoir
part aux suffrages de son Ordre. Ces quêtes
faites par des Moines , jointes à la séparation
de leur Mense , d'avec la Mense
Abbatiale , ne contribuerent pas peu à
introduire le relâchement parmi eux ,
aussi bien que l'érection des Offices
Claustraux en titre. Cependant ces Religieux
n'avoient encore alors par repas ,
qu'une portion de Fromage et trois Oeufs
où du poisson à l'équivalent ; cette simplicité
dans la nourriture dura jusqu'à ce
Î'Abbé Renaud augmenta la pitance en
1253. et permit d'augmenter la portion
de viande des malades de l'Infirmerie.
L'Auteur nous apprend qu'en blanchissant
dans ces derniers temps l'Eglise de
Tournus , on a effacé quelques monumens
des Abbez du 13siccle , et d'un
-
C v Sei68
MERCURE DE FRANCE
Seigneur de Montbelet . C'est une chose
que les Supérieurs des Lieux devroient
soigneusement empêcher. On rompt , on
brise , on efface , on détruit tout , et souvent
personne ne se plaint. Ceux qui aiment
à détruire , devroient au moins retenir
des copies figurées des anciens Monumens
avant que de les livrer au bras séculier.
C'est une réfléxion que M. Juenin
nous a laissé à faire.
En 1318 , l'Abbé fit avec Eudes IV.Duc
de Bourgogne un Traité , qu'on peut
voir à la page 176.Les droits du Maréchal
de l'Abbaye en 1334. sont curieux à lire.
Le premier Dimanche du Carême n'y est
pas nommé Brandonum , mais Bordarum ;
l'Auteur n'oublie point , lorsqu'il en est
au temps du Roy Jean , de dire que ce
Prince vint à Tournus en 1362. et qu'il y
confirma aux Religieux le droit de Pêche
dans la Rivire de Saone. Le reste de ce
qui se passa à Tournus au 14° siecle , finit
par un fait plus interessant. C'est l'érection
d'une Commune que les Bourgeois
tenterent encore, comme ils l'avoient fait
au 12 ° siècle, mais ils succomberent encore
cette fois ; l'Arrêt est de l'an 1399. La
Ville fut prise et pillée en 1422. par les
Troupes du Dauphin de France que l'on
nommoit les Armagnacs , et cette prise occaAVRIL.
1734. 679
casionna , dit l'Auteur , un mal qui n'est
pas encore entierement cessé. Il veut parler
de certains procès au sujet des usages
d'un Village voisin nommé Arbigny . On
voit aux années 1447 et aux suivantes , les
différens qui furent mus alors entre l'Evêque
diocésain , qui est celui de Châllon
et les Abbez de Tournus , touchant la
Jurisdiction .
?
Les Abbez Commandataires eurent lieu
à Tournus comme ailleurs , au commencement
du 16 siécle ; le premier fut Robert
de Lénoncourt, mort Archevêque de
Reims , lequel fit du bien à l'Abbaye. En
1501. Jean de Châllon , Prince d'Orange,
vint avec sa femme en dévotion à Tournus
, promettant à Dieu , que s'il leur
accordoit un fils ,ils le nommeroient Filbert.
Cet Enfant obtenu dans l'année- même
fut depuis le fameux Philibert , Prince
d'Orange , Vice Roy de Naples , pour
Charles- Quint , lequel quitta la France
pour une raison , rapportée par Gollut *.
Charles III. Duc de Savoye , ayant imité
en 1527 , la piété de Jean de Châllon , obtint
aussi du ciel , par l'intercession de
* Selon cet Auteur , dans ses Mémoires , sur la
Franche- Comté,ilfut cho qué étant à Fontainebleau,
qu'ont l'eutfait sortir de son logis ponrfaire place à
un Nonce du Pape.
C vj
S.
1
680 MERCURE DE FRANCE
Ş. Filibert , un fils qui porta le nom de
ce Saint. Cette dévotion des Princes ne
peut servir qu'à condamner les Auteurs
de quelques nouveaux Bréviaires ,qui ont
supprimé tout à fait du Calendrier le
nom de S. Filibert.
·
Une remarque curieuse que M. Juenin
insére dans son Histoire , quoiqu'elle regarde
plus naturellement l'Histoire de
Mâcon , est qu'en 1518 , le Pont de Mâcon
menaçant ruine , l'Evêque ne donna
permission de faire gras le Lundy et
Mardy qui précedent le jour des Cendres
et d'user de laitages pendant le Carême ,
qu'à ceux qui contribueroient aux réparations
de ce Port. Il faut entendre l'Auteur
rapporter lui - même un fait qu'il a
tiré des preuves des libertez de l'Eglise
Gallicane.Ce fait est de l'an 1530. » Frere
» Jean de Trappes , dit de la Graverote
» Moine de Tournus mais Aumônier
» de Pairie en Bourgogne , fut trouvé le
de Juin à Paris , en la Salle du Pa-
» lais , vétu d'une maniere un peu extra-
» vagante pour un Moine. Il avoit un
» Pourpoint de Satin , une Robbe dou-
» blée de damas et un Froc de serge de
» soye. Il fut arrêté par des Huissiers de
» la Cour , et mené au Parquet des Gens
» du Roy. Ayant été mandé en ladite
»
27
,
>> Cour
AVRIL 1734 681
» Cour , après qu'il y eut été interrogé ;
» et que les Gens du Roy eurent été oüis,
» la Cour lui enjoignit de se conformer
» dans son habit aux autres Religieux
» de S. Benoît , lui fit inhibitions et dé
>> fenses sur peine de mille livres d'a-
» mende , de plus paroître au Palais avec
» un habit , tel que celui dans lequel il
» avoit été arrêté , ou avec tel autre ha-
>> bit qui ne conviendroit point à un Religieux
de son Ordre. La Cour ordonna
» outre cela qu'il fut mené au Monastere
» de S. Martin des Champs , pour y de-
» meurer ce jour-là , et y être admonesté
» de bien vivre. Le lendemain il présenta
» Requête à la Cour , pour qu'il lui fut
33
33
permis de se retirer en fon Abbaye de
>> Tournus ; sur quoi la Cour ordonna
» que le Prieur de S. Martin des Champs
» le feroit habiller selon son état ; que
»pour cet effet , il feroit vendre les ha-
» bits dont il étoit vêtu , et que le surplus
de l'argent seroit distribué aux
» pauvres ; après quoi il seroit mis hors
» du Monastere .
>>
M. Juenin dit qu'il ne connoît point
le Monastere de Pairie,dont ce Religieux
étoit Aumônier. Il y a grande apparence
que c'est celui de Paroy ou Parey , dont
le nom aura été mal orthographié. C'est
un
682 MERCURE DE FRANCE
un Prieuré de l'Ordre de Cluny , au
Diocèse d'Autun.
A l'occasion du différend qui s'éleva¸
sur la Pêche , sous le Cardinal de Tournon
, on fit à Tournus des recherches
des Bornes anciennes dans la Riviere de
Saone. On y trouva en 1548. une Pierre
longue de quatre pieds , et large de deux ,
sur laquelle étoient figurez deux personnages
que l'Historien de Tournus a fait
graver. La premiere figure qui est à droite
de l'autre , représente , à ce qu'il prétend
, un Religieux . Il a un Oyseau sur
le poing de la main droite , et il paroît
tenir de la main gauche une espece de
Corbeille ; l'autre figure paroît représenter
un jeune Seigneur. L'Auteur est persuadé
que cette Pierre avoit servi à marquer
les limites du droit de Pêche que
Hugues de Châllon , Evêque d'Auxerre,
avoit donné à ce Monastere au 11 siècle ,
et il croit que la Corbeille ovale , qui a
un manche semblable à celui d'une Raquette
, est pour figurer celle qui renfermoit
le titre de cette donation . Mais comme
l'Oyseau de la main droite démontre
surement le droit de Chasse , il s'ensuit
aussi que l'instrument d'Ozier , placé
dans l'autre main , est plutôt une espece
d'Engin destiné pour la Pêche ; et qu'ainså
AVRIL 1734 683'
si la figure de ce Moine représente le droit
de Chasse et de Pêche réunis ensemble.
C'est à quoi il y a d'autant plus d'apparence
, que la Pierre a dû être placée sur
le bord de la Riviere , avant que la rapidité
des Eaux eût entraîné les terres qui
la soutenoient.
Je ne suivrai point cet Auteur dans
ce qu'il rapporte de la guerre des Huguenots
et de celle de la Ligue , relativement
à Tournus . Il s'étend aussi beaucoup
à raconter l'Histoire de la sécularization
de cette Abbaye , qui fut faite
il y a environ cenr dix ans , à l'exemple
de celle de S. Etienne de Dijon et
de S. Pierre de Vienne. Cette nouvelle
Collégiale reçut en 1632. des Statuts
de M. de Neufchese , Evêque de Challon.
On fait remarquer parmi les Eyenemens
singuliers de ia Ville de Tournus
, que la peste y ayant été comme
ailleurs en 1630. ou environ , les Ha-,
bitans se voüerent à S. Charles , Archevêque
de Milan , à l'exemple de ceux
de Challon , et qu'on y fit voeu de chommer
sa Fête. C'est ce qui fait voir que
quelquefois les Saints nouveaux préjudicient
aux anciens , comme l'a dit Nicolas
de Clamengis , puisque presque partout
ailleurs les voeux faits à l'occasion
de
384 MERCURE DE FRANCE
de la peste se réunissoient dans l'augmentation
du culte de Saint Sebastien et
dans celui de. S. Roch.
que
Le reste de cette Histoire n'est qu'un
narré des changemens arrivez dans le
Pays , et autres Evenemens peu interessants
, tels la réunion de l'Aumônerie
de l'Abbaye à l'Hôpital du lieu ;
la dérogation qui fut faite aux droits de
l'Abbé par la création des Maire , Assesseurs
, &c. de Tournus ; differentes
décorations de l'Eglise , passages extraordinaires
, comme celui des Religieux de
la Trappe qui alloient s'établir en Toscane.
Ce fait est de l'an 1705. Le Lecteur
peut cependant y voir avec édification
, l'endroit où M. Juenin marque
la bonne réception que leur fir le Cardinal
de Bouillon , Abbé de Tournus ;
et comment les Chanoines , entez sur
les anciens Moines , parurent les regarder
comme une espece de Confreres.
Tout ce qu'il raconte depuis ce tempsrécent
pour nous y arrêter.
là est trop
Comme l'Auteur a mis à la tête de
son Ouvrage un Plan et un Profil de
la Ville et de l'Abbaye de Tournus , il
donne aussi à la fin des Pieces du même
genre. On y voit aussi un plan géométral
de l'Eglise de S.Filibert et de l'Eglise
AVRIL. 1734.
685
glise souterraine. Il ne croit pas cellecy
si ancienne que l'a crû Dom Martenne
, et il peut avoir raison. Il n'a
pas oublié non plus de donner dans le
corps de l'Ouvrage le dessein d'un Eventail
de vélin très ancien , qui servoit dans
les Saints Mysteres pour chasser les Mouches
qui auroient incommodé le Prêtre.
Ce meuble aisé à transporter , venoit ,
sans doute , du Monastere de Nermoutier
en Bretagne , selon qu'il est aisé d'en
juger par le nom de S. Philibert et de
S. Martin de Vertou , qui s'y lisent, pendant
que celui de S. Valerien n'y paroît
en aucun endroit . On voit parmi les
Pieces justificatives de cette Histoire ,
qui sont en 339. pages , les Vies de saint
Valerien , de S. Marcel Martyr de Challon
une Chronique de Tournus , qui
n'a jamais été publiée ; une Description
curieuse conservée dans l'Eglise de saint
Marcel de Cayret , au Diocèse d'Uzés .
On y trouve aussi la Vie , les Tranflations
et les Miracles de S. Filibert , où
l'on ne trouve point le trait fabuleux
qui a tant décrié la Légende de ce Saint.
>
Il est à souhaiter que l'exemple de
l'Historien de Tournus soit suivi , et que
dans chacune des Eglises Collegiales qui
ont succedé à d'anciens Monasteres , if
Se
686 MERCURE DE FRANCE
se trouve un Sujet aussi zelé que le paroît
M. Juenin , pour faire connoître la
celebrité des Lieux , et pour en conserver
à la posterité tous les monumens
qui sont dignes d'attention . Je suis , &c.
A A .... le 10. Octobre 1733.
nouvelle Histoire de la Ville et Abbaye
de S. Filibert de Tournus ; dédiée à son
Eminence M. le Cardinal de Fleury ;
Abbé de Tournus .
CE
E ne sont pas toujours les Villes
Episcopales qui sont en état de fournir
une matiere suffisante pour composer
de gros volumes d'Histoire . Souvent
en recherchant ce qu'il y a à dire d'une
Ville qui n'a commencé que par un simple
Château , et où dans la suite il s'est
étaAVRIL.
1734.
671
établi un Monastere , on trouve une plus
ample moisson qu'on ne croyoit , et enfin
de quoi former un volume complet.
C'est ce qui est arrivé à la Ville de Tournus
en Bourgogne , dont un Chanoine
vient de publier l'Histoire.
L'Auteur remonte jusqu'à l'origine de
la Ville , pour donner une connoissance
entiere du sujet qu'il traite. Tournus
étoit du Païs des Eduens ; c'étoit une
espece de Grenier ou de Magazin , qui
est appellé , Horreum Castrense , dans les
Actes de S. Valerien . Le martyre de ce
Saint rendit ce lieu encore plus célébre.
Il est nommé Tinurtium , Tenurcium , Ternocium
, Trinorcium , dans des Auteurs du
4. 5. et 6e siécles , et souvent avec le substantif
castrum.
On ne sçait pas bien en quel temps it
commença à y avoir un Monastere sur
le Tombeau de S. Valérien ; mais il étoit
déja ancien au 1x. siecle , lorsque l'Abbé
des Moines de Nermoutier , refugiez en
Auvergne , passant par Tournus , trouva
l'endroit si agréable , qu'il prit tous les
moyens de persuader aux anciens Religieux
de permettre que ses Moines vinssent
demeurer avec eux , pour ne faire
tous ensemble qu'une même Communauté.
De là vint l'accroissement de cette
Cij Ab-
·
672 MERCURE DE FRANCE
Abbaye , puisqu'alors elle augmenta en
biens comme en Religieux. Charles le
Chauve confirma la réunion de tous les
Prieurez de Nermoutier et autres dépendences
, à l'Eglise de Tournus , et il y
ajouta d'autres biens tres - considérables;
Apparemment le nom de la Sainte Vier-
. ge , et celui de S. Valerien , anciens Patrons
du lieu , commencerent alors à être
éclypsez par celui de S. Filibert , dont la
' nouvelle Colonie venoit d'y apporter les
Reliques .
C'est depuis ce temps - là que M.Juenin ,
Auteur de cette Histoire , donne une Liste
très -curieuse des Abbez de ce Monastere
; ceux des siècles précédens étant restez
inconnus . Géilon , auteur de la réünion
des deux Maisons , est le premier
dont il parle. Il rapporte à son temps , la
donation d'un Privilége accordé par le
Pape Jean VIII. au Concile de Troyes ,
et deux de Louis le Begue , de l'an 878 .
Cet Abbé étoit doté d'un si grand mérite
qu'il fut fait Evêque de Langres après
la mort d'Isaac. On croit que ce fut lui
qui tira de Tournus les Corps de S. Vétérin
et de S. Léonard , pour les donner
au Monastere de Corbigny.Sous Gautier,
second Abbé , est une suite de donations.
Le troisième , nommé Blitgaire , obtint
du
AVRIL . 1734 673
du Prince Eudes , le droit de faire battre
Monnoye.
L'Auteur représente icy deux sortes de
ces Monnoyes battuës à Tournus. A l'une
on lit d'un côté : scs VALERIANVS , et de
l'autre côté : TORNVCIO CASTRO . L'autre
Monnoye ne paroît pas si ancienne. Le
nom de S. Filibert y est écrit d'une maniere
corrompuë , puisqu'on y lit , S. PHILIBERTI
MONETA , comme si un nom purement
Teutonique pouvoit venir du
Grec. Ce fut aussi de son tems qu'on
croît qu'Adalger, Evêque d'Autun , mourut
à Tournus ; mais s'il n'y mourut pas,
il est certain qu'il y fut inhumé , à moins
que la Pierre où on lit Adalgerius hic
quiescit Episcopus , n'eût été apportée
d'ailleurs. La mort de cet Evêque avoit
fait du bruit : Un Moine de Flavigny
soupçonné d'en être l'Auteur , fut obligé
de se purger par la reception de la sainte
Eucharistie.La Communauté de Tournus
grossit encore sous Hervé , quatriéme
Abbé. Les Moines de S. Florent le vieux ,
en Anjou , craignant les courses des Normans
, vinrent se refugier chez eux avec
le Corps de leur S. Patron . Il est vrai
qu'ils n'y firent pas une longue réſidence
, mais ils furent toujours obligez de
laisser à Tournus leurs Reliques , et ils
Ciij ne
674 MERCURE DE FRANCE
ne purent les t'avoir que vers l'an 946.
par un effet de la subtilité de l'un d'entr'eux
.
Quoique la Ville eut été brûlée en
937. par des Barbares venus de Scythie
le Monastere qui étoit dans le Château
ne se ressentit pas beaucoup de ce malheur.
Il ne falloit pas alors des sommes
considérables pour la nourriture des Religieux
, puisque dans uue donation que
leur fit l'Archevêque de Besançon en 945 ,
il est dit que les Serviteurs de Dieu s'occupoient
à cultiver la terre. L'Abbaye préservée
de l'incendie , fut fatiguée vers le
même temps , par les poursuites de Gilbert,
Comte de Châllon ; ce qui fit que
les Moines prirent la résolution de quitter
le Lieu et de s'en aller avec le Corps
de S.Filibert et leurs autres Reliques , jusqu'à
S. Pourçain en Auvergne. Plusieurs
Evêques s'assemblérent à Tournus en
949. pour chercher les moyens de faire
revenir cés sacrez trésors ; ils revinrent en
effet , et quatre Evêques allerent audevant
jusqu'à un quart de lieuë de la ville.
De -là l'origine de plusieurs Processions
qui venoient autrefois à Tournus après
l'Ascension , des Diocèses de Besançon ,
de Mâcon, de Châllon et d'Autun . Il peut
paroître surprenant que les Evêques n'eussent
AVRIL. 1734.
675
sent pas songé à dédommager la Ville de
Tournus de la perte du Corps de S. Filibert,
par celui de S. Valerien . Il étoit toujours
resté dans un Cercueil de Pierre ,
dont ils auroient pû le tirer . Mais il ne le
fut que par l'Abbé Etienne. La cérémonie
est icy tres-bien détaillée , et l'Historien
la fixe au Dimanche 26 Janvier 76.
L'Abbaye de Tournus fut brûlée le 16
Octobre de l'an 1006.par un accident im
prévu ; et l'Eglise réparée de nouveau fut
consacrée l'an 1019. Hugues , Evêque
d'Auxerre , qui étoit Comte de Châllon ,
fit aux Moines des donations considérables
à l'occasion de cette cérémonie , et en
reconnoissance ils lui prétêrent la Banniere
de S Filibert , dont il avoit besoin
dans les Guerres qu'il soûtenoit pour lcs
intérêts du Roy Robert.L'Auteur en parlant
de S Ardaing qui est compté pour
13 Abbé de Tournus , attribue à S. Odilon
de Cluni , ce que M. Chastelain dans
son Martyrologe ( I Bémestre, 11 Février,
page 6 24. ) dit de S. Ardaing. L'un assure
que c'est à S. Odilon que l'Empereur
S. Henry envoya sa Couronne ; l'autre
écrit , que ce fut à l'Abbé de Tournus . Il
paroît que M. Juenin , qui n'oublie rien
de ce qui concerne le culte des Saints de
son Abbaye , n'a pas été informé qu'il est
C iiij ho676
MERCURE DE FRANCE
honoré, particulierement dans le Prieuré
de S. Syphorien d'Autun , qu'il y a en
cette Eglise une Chapelle de son nom ,
avec des Reliques , et un Puits proche de
l'Eglise , où on lit autour du bord : LE
PUITS SAINTARDAN.La politesse de l'Abbé
Guillaume de Jaligny fut poussée jusqu'au
point qu'il ne pouvoit souffrir que
les Bourgeois ou Bourgeoises de Tournus
se présentassent devant lui avec des habits.
négligez ; il leur en faisoit des reproches ,
et si c'étoit par indigence , il les secouroit.
Pierre , le 16 ° Abbé, reçut en 1105 ,
une Bulle qui lui permettoit de dire à la
Messe le Gloria in excelsis, le jour de l'Annonciation
, sans doute , parce que cette
Fête tombe le plus souvent en Carême
où alors ce Cantique ne se disoit pas aux
Fêtes , quoiqu'il n'y en eut que fort peu ,
dans le temps du grand jeûne .
Depuis le 12 siècle , l'Histoire est plei .
ne d'Actes de donations, accords , transactions
, échanges , confirmations de
droits , concessions de nouveaux droits ,
aux Habitans de Tournus. On y remarque
, pag. 132. que le Roy Loüis le Jeune
fut obligé de venir à Tournus pour accorder
les habitans avec l'Abbé, quoique
les contestations n'eussent pas été poussées
au point que l'avoient été celles de
l'Abbé
AVRIL 1734. 677
, 1245 . V
Ï'Abbé de Vezelay , contre ses habitans .
Outre les deux incendies dont il a été
parlé plus haut , il en survint un troisiéme
vers l'an On eut besoin des
aumônes des Fideles , pour la réparation
des dégats qu'il avoit causés. Les Moines
de Tournus se servirent de toutes les
voyes imaginables pour en attirer . Ils obtinrent
même de l'Abbé Général de Citeaux
des Lettres de recommandation ,
par lesquelles il promettoit à tous ceux
qui leur feroient quelque aumône, d'avoir
part aux suffrages de son Ordre. Ces quêtes
faites par des Moines , jointes à la séparation
de leur Mense , d'avec la Mense
Abbatiale , ne contribuerent pas peu à
introduire le relâchement parmi eux ,
aussi bien que l'érection des Offices
Claustraux en titre. Cependant ces Religieux
n'avoient encore alors par repas ,
qu'une portion de Fromage et trois Oeufs
où du poisson à l'équivalent ; cette simplicité
dans la nourriture dura jusqu'à ce
Î'Abbé Renaud augmenta la pitance en
1253. et permit d'augmenter la portion
de viande des malades de l'Infirmerie.
L'Auteur nous apprend qu'en blanchissant
dans ces derniers temps l'Eglise de
Tournus , on a effacé quelques monumens
des Abbez du 13siccle , et d'un
-
C v Sei68
MERCURE DE FRANCE
Seigneur de Montbelet . C'est une chose
que les Supérieurs des Lieux devroient
soigneusement empêcher. On rompt , on
brise , on efface , on détruit tout , et souvent
personne ne se plaint. Ceux qui aiment
à détruire , devroient au moins retenir
des copies figurées des anciens Monumens
avant que de les livrer au bras séculier.
C'est une réfléxion que M. Juenin
nous a laissé à faire.
En 1318 , l'Abbé fit avec Eudes IV.Duc
de Bourgogne un Traité , qu'on peut
voir à la page 176.Les droits du Maréchal
de l'Abbaye en 1334. sont curieux à lire.
Le premier Dimanche du Carême n'y est
pas nommé Brandonum , mais Bordarum ;
l'Auteur n'oublie point , lorsqu'il en est
au temps du Roy Jean , de dire que ce
Prince vint à Tournus en 1362. et qu'il y
confirma aux Religieux le droit de Pêche
dans la Rivire de Saone. Le reste de ce
qui se passa à Tournus au 14° siecle , finit
par un fait plus interessant. C'est l'érection
d'une Commune que les Bourgeois
tenterent encore, comme ils l'avoient fait
au 12 ° siècle, mais ils succomberent encore
cette fois ; l'Arrêt est de l'an 1399. La
Ville fut prise et pillée en 1422. par les
Troupes du Dauphin de France que l'on
nommoit les Armagnacs , et cette prise occaAVRIL.
1734. 679
casionna , dit l'Auteur , un mal qui n'est
pas encore entierement cessé. Il veut parler
de certains procès au sujet des usages
d'un Village voisin nommé Arbigny . On
voit aux années 1447 et aux suivantes , les
différens qui furent mus alors entre l'Evêque
diocésain , qui est celui de Châllon
et les Abbez de Tournus , touchant la
Jurisdiction .
?
Les Abbez Commandataires eurent lieu
à Tournus comme ailleurs , au commencement
du 16 siécle ; le premier fut Robert
de Lénoncourt, mort Archevêque de
Reims , lequel fit du bien à l'Abbaye. En
1501. Jean de Châllon , Prince d'Orange,
vint avec sa femme en dévotion à Tournus
, promettant à Dieu , que s'il leur
accordoit un fils ,ils le nommeroient Filbert.
Cet Enfant obtenu dans l'année- même
fut depuis le fameux Philibert , Prince
d'Orange , Vice Roy de Naples , pour
Charles- Quint , lequel quitta la France
pour une raison , rapportée par Gollut *.
Charles III. Duc de Savoye , ayant imité
en 1527 , la piété de Jean de Châllon , obtint
aussi du ciel , par l'intercession de
* Selon cet Auteur , dans ses Mémoires , sur la
Franche- Comté,ilfut cho qué étant à Fontainebleau,
qu'ont l'eutfait sortir de son logis ponrfaire place à
un Nonce du Pape.
C vj
S.
1
680 MERCURE DE FRANCE
Ş. Filibert , un fils qui porta le nom de
ce Saint. Cette dévotion des Princes ne
peut servir qu'à condamner les Auteurs
de quelques nouveaux Bréviaires ,qui ont
supprimé tout à fait du Calendrier le
nom de S. Filibert.
·
Une remarque curieuse que M. Juenin
insére dans son Histoire , quoiqu'elle regarde
plus naturellement l'Histoire de
Mâcon , est qu'en 1518 , le Pont de Mâcon
menaçant ruine , l'Evêque ne donna
permission de faire gras le Lundy et
Mardy qui précedent le jour des Cendres
et d'user de laitages pendant le Carême ,
qu'à ceux qui contribueroient aux réparations
de ce Port. Il faut entendre l'Auteur
rapporter lui - même un fait qu'il a
tiré des preuves des libertez de l'Eglise
Gallicane.Ce fait est de l'an 1530. » Frere
» Jean de Trappes , dit de la Graverote
» Moine de Tournus mais Aumônier
» de Pairie en Bourgogne , fut trouvé le
de Juin à Paris , en la Salle du Pa-
» lais , vétu d'une maniere un peu extra-
» vagante pour un Moine. Il avoit un
» Pourpoint de Satin , une Robbe dou-
» blée de damas et un Froc de serge de
» soye. Il fut arrêté par des Huissiers de
» la Cour , et mené au Parquet des Gens
» du Roy. Ayant été mandé en ladite
»
27
,
>> Cour
AVRIL 1734 681
» Cour , après qu'il y eut été interrogé ;
» et que les Gens du Roy eurent été oüis,
» la Cour lui enjoignit de se conformer
» dans son habit aux autres Religieux
» de S. Benoît , lui fit inhibitions et dé
>> fenses sur peine de mille livres d'a-
» mende , de plus paroître au Palais avec
» un habit , tel que celui dans lequel il
» avoit été arrêté , ou avec tel autre ha-
>> bit qui ne conviendroit point à un Religieux
de son Ordre. La Cour ordonna
» outre cela qu'il fut mené au Monastere
» de S. Martin des Champs , pour y de-
» meurer ce jour-là , et y être admonesté
» de bien vivre. Le lendemain il présenta
» Requête à la Cour , pour qu'il lui fut
33
33
permis de se retirer en fon Abbaye de
>> Tournus ; sur quoi la Cour ordonna
» que le Prieur de S. Martin des Champs
» le feroit habiller selon son état ; que
»pour cet effet , il feroit vendre les ha-
» bits dont il étoit vêtu , et que le surplus
de l'argent seroit distribué aux
» pauvres ; après quoi il seroit mis hors
» du Monastere .
>>
M. Juenin dit qu'il ne connoît point
le Monastere de Pairie,dont ce Religieux
étoit Aumônier. Il y a grande apparence
que c'est celui de Paroy ou Parey , dont
le nom aura été mal orthographié. C'est
un
682 MERCURE DE FRANCE
un Prieuré de l'Ordre de Cluny , au
Diocèse d'Autun.
A l'occasion du différend qui s'éleva¸
sur la Pêche , sous le Cardinal de Tournon
, on fit à Tournus des recherches
des Bornes anciennes dans la Riviere de
Saone. On y trouva en 1548. une Pierre
longue de quatre pieds , et large de deux ,
sur laquelle étoient figurez deux personnages
que l'Historien de Tournus a fait
graver. La premiere figure qui est à droite
de l'autre , représente , à ce qu'il prétend
, un Religieux . Il a un Oyseau sur
le poing de la main droite , et il paroît
tenir de la main gauche une espece de
Corbeille ; l'autre figure paroît représenter
un jeune Seigneur. L'Auteur est persuadé
que cette Pierre avoit servi à marquer
les limites du droit de Pêche que
Hugues de Châllon , Evêque d'Auxerre,
avoit donné à ce Monastere au 11 siècle ,
et il croit que la Corbeille ovale , qui a
un manche semblable à celui d'une Raquette
, est pour figurer celle qui renfermoit
le titre de cette donation . Mais comme
l'Oyseau de la main droite démontre
surement le droit de Chasse , il s'ensuit
aussi que l'instrument d'Ozier , placé
dans l'autre main , est plutôt une espece
d'Engin destiné pour la Pêche ; et qu'ainså
AVRIL 1734 683'
si la figure de ce Moine représente le droit
de Chasse et de Pêche réunis ensemble.
C'est à quoi il y a d'autant plus d'apparence
, que la Pierre a dû être placée sur
le bord de la Riviere , avant que la rapidité
des Eaux eût entraîné les terres qui
la soutenoient.
Je ne suivrai point cet Auteur dans
ce qu'il rapporte de la guerre des Huguenots
et de celle de la Ligue , relativement
à Tournus . Il s'étend aussi beaucoup
à raconter l'Histoire de la sécularization
de cette Abbaye , qui fut faite
il y a environ cenr dix ans , à l'exemple
de celle de S. Etienne de Dijon et
de S. Pierre de Vienne. Cette nouvelle
Collégiale reçut en 1632. des Statuts
de M. de Neufchese , Evêque de Challon.
On fait remarquer parmi les Eyenemens
singuliers de ia Ville de Tournus
, que la peste y ayant été comme
ailleurs en 1630. ou environ , les Ha-,
bitans se voüerent à S. Charles , Archevêque
de Milan , à l'exemple de ceux
de Challon , et qu'on y fit voeu de chommer
sa Fête. C'est ce qui fait voir que
quelquefois les Saints nouveaux préjudicient
aux anciens , comme l'a dit Nicolas
de Clamengis , puisque presque partout
ailleurs les voeux faits à l'occasion
de
384 MERCURE DE FRANCE
de la peste se réunissoient dans l'augmentation
du culte de Saint Sebastien et
dans celui de. S. Roch.
que
Le reste de cette Histoire n'est qu'un
narré des changemens arrivez dans le
Pays , et autres Evenemens peu interessants
, tels la réunion de l'Aumônerie
de l'Abbaye à l'Hôpital du lieu ;
la dérogation qui fut faite aux droits de
l'Abbé par la création des Maire , Assesseurs
, &c. de Tournus ; differentes
décorations de l'Eglise , passages extraordinaires
, comme celui des Religieux de
la Trappe qui alloient s'établir en Toscane.
Ce fait est de l'an 1705. Le Lecteur
peut cependant y voir avec édification
, l'endroit où M. Juenin marque
la bonne réception que leur fir le Cardinal
de Bouillon , Abbé de Tournus ;
et comment les Chanoines , entez sur
les anciens Moines , parurent les regarder
comme une espece de Confreres.
Tout ce qu'il raconte depuis ce tempsrécent
pour nous y arrêter.
là est trop
Comme l'Auteur a mis à la tête de
son Ouvrage un Plan et un Profil de
la Ville et de l'Abbaye de Tournus , il
donne aussi à la fin des Pieces du même
genre. On y voit aussi un plan géométral
de l'Eglise de S.Filibert et de l'Eglise
AVRIL. 1734.
685
glise souterraine. Il ne croit pas cellecy
si ancienne que l'a crû Dom Martenne
, et il peut avoir raison. Il n'a
pas oublié non plus de donner dans le
corps de l'Ouvrage le dessein d'un Eventail
de vélin très ancien , qui servoit dans
les Saints Mysteres pour chasser les Mouches
qui auroient incommodé le Prêtre.
Ce meuble aisé à transporter , venoit ,
sans doute , du Monastere de Nermoutier
en Bretagne , selon qu'il est aisé d'en
juger par le nom de S. Philibert et de
S. Martin de Vertou , qui s'y lisent, pendant
que celui de S. Valerien n'y paroît
en aucun endroit . On voit parmi les
Pieces justificatives de cette Histoire ,
qui sont en 339. pages , les Vies de saint
Valerien , de S. Marcel Martyr de Challon
une Chronique de Tournus , qui
n'a jamais été publiée ; une Description
curieuse conservée dans l'Eglise de saint
Marcel de Cayret , au Diocèse d'Uzés .
On y trouve aussi la Vie , les Tranflations
et les Miracles de S. Filibert , où
l'on ne trouve point le trait fabuleux
qui a tant décrié la Légende de ce Saint.
>
Il est à souhaiter que l'exemple de
l'Historien de Tournus soit suivi , et que
dans chacune des Eglises Collegiales qui
ont succedé à d'anciens Monasteres , if
Se
686 MERCURE DE FRANCE
se trouve un Sujet aussi zelé que le paroît
M. Juenin , pour faire connoître la
celebrité des Lieux , et pour en conserver
à la posterité tous les monumens
qui sont dignes d'attention . Je suis , &c.
A A .... le 10. Octobre 1733.
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Résumé : LETTRE de M..... au sujet de la nouvelle Histoire de la Ville et Abbaye de S. Filibert de Tournus ; dédiée à son Eminence M. le Cardinal de Fleury, Abbé de Tournus.
La lettre traite de l'histoire de la ville et de l'abbaye de Saint-Filibert de Tournus, dédiée au Cardinal de Fleury. L'auteur met en avant la richesse historique des villes non épiscopales comme Tournus. L'histoire de la ville remonte à l'époque des Éduens, avec des mentions dans divers textes anciens. Le martyre de Saint-Valérien a rendu le lieu célèbre, conduisant à l'établissement d'un monastère sur son tombeau. Au IXe siècle, des moines de Nermoutier ont rejoint la communauté, augmentant ainsi les biens et les religieux de l'abbaye. Charles le Chauve a confirmé cette union et ajouté des biens considérables. L'histoire de l'abbaye est marquée par des donations, des privilèges et des événements marquants, tels que des incendies et des conflits avec les comtes et les évêques. Plusieurs abbés notables sont mentionnés, ainsi que des faits historiques comme des processions et des donations royales. La lettre critique également la destruction de monuments anciens lors de rénovations et mentionne des événements du XVIe siècle, comme la visite de Jean de Châlon et la dévotion des princes pour Saint-Filibert. Par ailleurs, un religieux fut arrêté et conduit au monastère de Saint-Martin-des-Champs pour y être admonesté. Il demanda ensuite à être transféré à l'abbaye de Tournus, ce que la Cour accepta. Le monastère de Pairie, dont ce religieux était aumônier, est identifié comme étant probablement celui de Paroy ou Parey, un prieuré de l'Ordre de Cluny dans le diocèse d'Autun. En 1548, des recherches sur les bornes anciennes dans la rivière Saône à Tournus révélèrent une pierre gravée représentant un religieux et un jeune seigneur. Cette pierre marquait les limites du droit de pêche accordé au monastère par Hugues de Châllon, évêque d'Auxerre, au XIe siècle. Elle figurait également le droit de chasse et de pêche réunis. Le texte mentionne également des événements historiques à Tournus, comme la peste de 1630 et les vœux faits à saint Charles, archevêque de Milan. Il évoque la sécularisation de l'abbaye de Tournus, qui reçut des statuts en 1632. Divers changements et événements mineurs sont également relatés, comme la réunion de l'aumônerie de l'abbaye à l'hôpital local et la création de maires et d'assesseurs à Tournus. L'auteur de l'ouvrage sur l'histoire de Tournus inclut des plans et des profils de la ville et de l'abbaye, ainsi que des pièces justificatives telles que des vies de saints, des chroniques et des descriptions curieuses. Il est souhaité que d'autres historiens suivent l'exemple de M. Juenin pour conserver et faire connaître les monuments dignes d'attention.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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