D'AMSTERDAM, le 8 Juillet 1763.
Un Navire parti de Surinam le 9 Mai dernier
a apporté hier des nouvelles de la Colonie des
Berbices plus sûres & plus circonftanciées que celles
qu'on a reçues jufqu'à préfent. Elles contienment
les détails fuivans :
Les cinq cens hommes de troupes détachées de
A O UST. 1763. 189
Surinam pour aller au fecours des Berbices y arriverent
le 28 Avril , & trouverent à bord d'un
Brigantin à l'embouchure de la rivière le Gouverneur
de cette Colonie qui , comme on l'a déjà
dit , avoit été forcé d'abandonner le Fort après y
avoir mis le feu , & de fuir avec environ vingttrois
Colons , tant hommes que femmes , échap
pés feuls à la fureur des Negres qui avoient impitoyablement
maffacré les autres au nombre
de foixante- dix à quatre- vingt.
Immédiatement après l'arrivée de ce renfort ,
on prit la réſolution de rentrer dans les Plantations
les plus voifines de l'embouchure de la riviè
re , & le Brigantin , accompagné de deux autres
Bâtimens , s'avança jufqu'à celle que l'on nomme
le Dageraad ; les troupes y defcendirent en préfence
des Negres qui leur crierent de fe préparer
à les bien recevoir le lendemain matin , parce
qu'ils ne manqueroient point de les aller trouver.
Ils y vinrent en effet ; l'attaque fut très - vive , &
dura depuis fept heures jufqu'à une heure aprèsmidi
: alors les Negres abandonnerent le combat
& laifferent fur la place quelques-uns de leurs
gens tués ou bleffés : du côté des Hollandois , il
n'y eut de tué que le Directeur de Dageraad.
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Le jour fuivant , un jeune Gentilhomme des
Berbices , que les Négres avoient cruellement
maltraité à coups de fouet , fut envoyé au Gouvernement
par le Chef des Rebelles avec une
lettre par laquelle celui-ci témoignoit qu'il étoit
très-mortifié que fes gens en fullent venus aux
voies de fait avec les Blancs ; qu'ils avoient agi
fans fon ordre & contre les intentions qu'au
refte ils feroient charmés de vivre dorénavant
en paix & amitié avec le Gouverneur ; qu'ils
ne demandoient autre choſe que leur liberté &
190 MERCURE DE FRANCE .
la moitié de la Colonie pour s'y établir & y vivre
tranquillement avec leurs femmes & leurs enfans
; pour gage de la fincérité de les intentions ,
ce Chef des Rebelles envoyoit en préſent au Gouverneur
de belles boucles d'or que fes gens avoient
prifes dans le pillage de quelques Plantations .
Les mêmes nouvelles portent que le détachement
de Surinam eft réſolu de fe maintenir dans
les poftes qu'il a occupés à fon arrivée ; mais qu'il
n'entreprendra rien contre les Rebelles avant qu'il
n'ait reçu les fecours qu'il attend d'Europe. Jufqu'à
ce moment on effayera la négociation pour
faire rentrer les Négres dans leur devoir , & l'on
fe flatte que l'offre d'une amniſtie détachera de leur
parti un grand nombre d'Elclaves que l'exemple
& legrand nombre ont entraînés dans la Rebellion.
On ne craint plus aujourd'hui pour les Plantations
de Timerary , parce que les Anglois y ont
envoyé des fecours fuffifans. Comme les trois
quarts des Plantations de la Barbade leur appartiennent
, il n'eft pas étonnant que le Gouverneur
de cet établiffement l'ait défendu avec tant de zèle
& d'activité.