Résultats : 1 texte(s)
Accéder à la liste des mots clefs.
Détail
Liste
1
p. 195-203
ALLEMAGNE.
Début :
Un Courier, arrivé le 13 Janvier de Versailles ; a apporté l'effrayante [...]
Mots clefs :
Impératrice Reine, Vienne, Prières publiques, Roi de France, Convention sur les déserteurs, Général Lascy, Attaque du poste d'Ostritz, Litoměřice, Dresde, Monnaie, Saxe, Roi de Prusse, Ratisbonne, Écrit, Remarques au sujet des écrits du roi de Prusse, Diète générale de l'Empire, Liège, Surveillance des étrangers, Prières, Discours
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ALLEMAGNE.
ALLEMAGNE.
DE VIENNE , le 29 Janvier.
UN Courier , arrivé le 13 Janvier de Verfailles ;
a apporté l'effrayante nouvelle du danger auquel
a été exposé le Roi Très - Chrétien. Auffitôt l'Impératrice
Reine manda au Cardinal de Trautſon ,
Archevêque de cette Ville , d'ordonner des prieres
publiques , pour obtenir du Ciel la confervation
d'un Prince , dont les jours font fi précieux à l'Europe
. Les Eglifes font remplies d'une affluence extraordinaire
de perfonnes de tous les Ordres , qui
demandent à Dieu le rétabliſſement de la fanté de
ce Monarque .
Notre Cour vient de conclure avec celle de France
une convention , par laquelle elles s'engagent à
Le rendre réciproquement les déferteurs de leurs
troupes. Cette convention commencera le premier
du mois prochain à avoir ſon effet .
DE LEITMERITZ , le 7 Janvier.
Le premier de ce mois , le Général Lafcy fit attaquer
par cinq cens Croates le poſte d'Óftritz ,
où il y avoit trois cens Pruffiens . Le Major Blumenthal
, qui y commandoit , fut tué. Les enne,
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
mis perdirent deux autres Officiers & trente - huit
Soldats. On fit neuf prifonniers. Le refte fut difper.
fé. De notre côté , il y eut un Capitaine tué , un
Lieutenant & fix Soldats bleffés . Le lendemain, les
Pruffiens reprirent ce pofte. Ils l'ont fait occuper
par mille hommes , & ils y ont mis quatre pieces
de canon.
DE DRESDE , le premier Février.
Le fieur Frege , Directeur de la Monnoie de
Leipfick , a eu ordre du Directoire Général de
Guerre du Roi de Pruffe , de délivrer , fous peine
d'être mis aux fers , les coins , les inftrumens néceffaires
à frapper des efpeces , & même les matieres
d'or & d'argent qu'il avoit fous fa garde.
Les exécutions militaires contre les Bailliages
qui n'ont pas fourni le nombre de recrues exigé ,
s'effectuent avec rigueur.
Malgré les circonftances où se trouve la Saxe ,
la Reine , le Prince Royal , la Princeffe fon épouse ,
& les Princes Albert & Clement, envoyerent complimenter
le Roi de Pruffe le jour anniverſaire de
fa naiffance. S. M. Pruffienne fit l'accueil le plus
gracieux aux Seigneurs chargés de s'acquitter de
ce cérémonial. Elle les affura qu'Elle ne defiroit
rien avec plus d'ardeur , que de pouvoir délivrer la
Saxe du Séjour des troupes étrangeres. Le 28 du
mois dernier , ce Prince partit pour la Siléfie.
Plufieurs des Régimens Pruffiens qui font en cette
Ville , ont reçu ordre de fe tenir prêts à marcher.
Plufieurs remifes confidérables , que la Reine a
reçues , ont mis cette Princefle en état , non feulement
d'acquitter une partie des dettes que de
malheureufes circonftances l'ont obligée de contracter
, mais encore de faire fentir les effets de fa
générosité aux Officiers Saxons , qui ont beſoin
MAR S. 1757. 197
de fecours , On a diſtribué ici clandeftinement divers
exemplaires d'un Ecrit anonyme , intitulé ,
Démonftrationfuccincte que le Royaume de Boheme
appartient au Roi de Pruffe. L'Auteur , pour établir
le prétendu droit de S. M. Pruffienne , remonte à
Marguerite , Princeffe de Boheme , qui dans le
quinzieme fiecle fut mariée à Jean III , Margrave
de Brandebourg. Le Roi de Pruffe , indigné qu'on
lui prêtât des vues contraires à celles qu'il a annoncées
dans fes Déclarations , a ordonné que
l'ouvrage fût brûlé par la main du Bourreau . Ce
Prince fait faire d'exactes perquifitions , pour découvrir
l'Auteur & l'Imprimeur.
9
En différens endroits , les Officiers Pruffiens
ont fait ouvrir les prifons , & ont enrôlé toutes les
perfonnes qu'ils y ont trouvées propres à porter
les armes. Depuis quelque temps ils engagent indiftinctement
tous les jeunes gens , foit artifans
foit domeftiques , fans avoir égard ni à la profeffion
, ni à la livrée. Le Roi de Pruffe a fait publier
une Ordonnance , par laquelle il enjoint à tous les
Saxons qui font à fon fervice , & qui poffedent
des biens fonds , de les vendre , & de dépofer à la
caiffe du Directoire militaire les fommes qui pro .
viendront de la vente. S'ils ont quelques préten
tions à faire valoir , les Bailliages refpectifs font
tenus de leur rendre prompte juftice , & les deniers
provenans de ces prétentions feront portés
pareillement à ladite caiffe.
DE RATISBONNE , le 25 Janvier.
On a reçu ici plufieurs exemplaires d'un Ecrit
que la Cour de Vienne vient de faire publier. , &
qui eft intitulé , Remarques fur les Manifeftes , Lettres
Circulaires autres Mémoires , donnés de la
I iij
198 MERCURE DE FRANCE .
part du Roi de Pruffe. Cette Piece contient trentefept
pages in-4° . Voici quelques-uns des principaux
traits qu'elle renferme . « Le Roi de Pruffe
prétend avoir feul le droit de tenir en tout tems
» de grandes armées prêtes à marcher , & d'aug-
» menter fucceffivement , fans aucun danger ap-
» parent , le nombre de fes troupes . Il s'arroge
» même le privilege de faire enlever , tantôt par
» rufe , tantôt par violence , les Sujets aux Souve-
» rains , les Miniftres aux Eglifes , les enfans aux
» peres , les peres aux enfans. En même temps , il
» ne veut pas qu'une Puiffance voifine puiffe le
»foupçonner d'un deffein offenfif, & qu'elle fe
» concerte avec d'autres Puiffances pour Le défen-
» dre en cas d'attaque..... Lorſqu'une Puiffance
» fonge à completter fes troupes , & à pourvoir
» d'artillerie & de munitions fes places frontieres ,
>> il croit pouvoir lui demander fierement , l'épée
» à la main , le motifde telles précautions. Si elle
» ne s'explique pas d'abord dans les termes qu'il
» lui preferit , & fi elle ne promet formellement
» de fufpendre les préparatifs qu'elle a commen-
» cés pour fa défenfe , il va jufqu'à la menacer
» de l'attaquer inceffamment avec une armée for-
» midable...... L'article ſecret du Traité de Pé-
» terfbourg devoit-il caufer quelque ombrage au
» Roi de Prufle ? Au devant de cet article , on avoit
> eu foin de mettre ces paroles remarquables : ( Si
contre toute attente , & contre les voeux communs
» S. M. Pruffienne eft la premiere à fe départir de
les
la Paix de Drefde. ) On avoit ajouté , que
» deux Parties Contractantes mettroient tout en
» ufage pour prévenir un tel inconvénient . Ces clau-
» fes ne prouvoient- elles pas évidemment que , fi
» l'Impératrice Reine fe réfervoit le droit de re-
» vendiquer la Siléfie , & d'employer le fecours
MAR S. 1757. 199
de fes Alliés pour la recouvrer , c'étoit feule-
» ment dans le cas où , malgré les voeux com-
» muns de l'Impératrice Reine & de l'Impératrice
» de Ruffie , & malgré toutes les peines qu'Elles
>> emploieroient pour le maintien de la paix , le
» Roi de Pruffe tenteroit une nouvelle aggref-
» fion ? .... Pour ce qui regarde la découverte de
» cet article , S. M. Pruffienne pouvoit s'épargner
» un expédient auffi illicite que celui de forcer un
» Cabinet Royal dans un pays neutre , puifque la
» Cour de Vienne n'auroit fait aucune difficulté
» difficulté d'avouer qu'elle a porté toujours fa plus
» grande attention fur les préparatifs de guerre
» des Pruffiens & fur leurs vexations , & qu'elle
» s'eft fervie de tous les moyens néceffaires & juf-
» tes , pour donner à l'auteur des troubles , s'il eft
» poffible , lieu de ſe repentir de ſes violences &
» de fes injuftices. >>
Le 17 de ce mois , la Diete générale de l'Empire
donna le Conclufum fuivant. « De la part des
Electeurs , Princes & Etats de l'Empire , on dé-
» clare à M. le Prince de la Tour - Taxis , Princi-
» pal Commiffaire de l'Empereur , qu'on a due-
» ment propofé aux trois Colleges de l'Empire ,
» & mis en délibération les Décrets de Commif-
» fion Impériale , portés les 20 Septembre & 18
» Octobre de l'année derniere , à la Dictature , au
» fujet de l'invaſion hoftile du Roi de Pruffe Elec-
>> teur de Brandebourg , dans la Saxe & dans la
>> Boheme ; ainfi que la Lettre de S. M. l'Impéra-
» trice Reine , du 21 Octobre , & les Mémoires
» préſentés par les Miniftres de Saxe & de Brande-
» bourg les 23 Septembre & 20 Décembre der-
» niers : qu'on a vu , par leur contenu , toutes les
» circonftances de l'irruption faite par les troupes
» Pruffiennes dans les Etats de l'Impératrice Rei-
I iv
200 MERCURE DE FRANCE.
>> ne & du Roi de Pologne Electeur de Saxe , la
>> maniere dont l'Electorat de Saxe & autres Etats
» ont été faifis & font encore détenus , & enfin les
» Mandemens émanés du Juge Suprême de l'Em-
» pire contre ces entreprifes : qu'après une mûre
» délibération , telle que l'importance de l'affaire
» l'exigeoit , il a été conclu & arrêté que S. M.
» Impériale feroit très-refpectueufement remer-
» ciée de fes foins paternels pour le rétabliſſement
» de la tranquillité publique : qu'en même temps
» Elle feroit très - humblement requife de conti-
>> nuer d'agir , comme Elle a commencé , fui-
» vant les Loix & Conftitutions de la Patrie , ( en
particulier felon l'ordonnance d'exécution , la
» paix de Weftphalie & la Capitulation Impéria-
» le ) , afin que par les moyens déja mis en oeuvre
» & ceux qu'on emploiera , non feulement S. M.
» le Roi de Pologne foit remis en poffeffion de fes
Etats avec le dédommagement le plus complet ,
>> mais auffi que S. M. l'Impératrice , comme
» Reine & Electrice de Boheme , obtienne la ſatisfaction
qui lui eft dûe : qu'en conféquence
» des Excicatoires de S. M. Impériale , tous les
» Co-Etats de l'Empire , qui ont à coeur le main-
» tien de la Conftitution fondamentale du Corps
» Germanique , concourront de tout leur pou-
» voir aux moyens de parvenir au but propofé par
» Sadite Majefté : que pour fecourir tant les Etats
opprimés que ceux qui pourroient dans la fuite
» éprouver le même fort , tous les Cercles porte-
» ront fans délai leurs contingens au triple , & les
tiendront prêts à marcher avec tout ce qui eft
» néceffaire au fervice. On fe réſerve une expli-
» cation ultérieure fur les autres points des Décrets
de Commiſſion. »
MARS . 1757 . 201
DE LIEGE , le 31 Janvier.
Dès qu'on eut reçu
ici la nouvelle de l'attentat
commis contre la Perfonne de Louis XV , on donna
ordre d'arrêter & d'examiner , fans diſtinction
de rang , tous les étrangers qui arriveroient
en cet-
Ville. Les Etats de l'Evêché , étant actuellement
affemblés , députerent à M. Durand d'Aubigny ,
Réfident de France , pour lui témoigner le vif intérêt
qu'ils prennent àla confervation
de Sa Majefté
Très- Chrétienne. Le 14 , les Chanoines de l'Eglife
Collégiale de Saint Martin , dont le Roi de
France eft protecteur , firent chanter une grande
Meffe en mufique , en action de graces de ce qu'il
a plu à Dieu de fauver les jours de ce Monarque.
Les Chanoines Réguliers de l'Abbaye du Val
des Ecoliers de cette Ville , coururent fe profterner
au pied des Autels , pour obtenir du Ciel la
confervation de ce Monarque. Pendant neufjours,
ils ont continué leurs prieres. Lorsqu'ils eurent
appris la guérifon de S. M. Très - Chrétienne , ils
réfolurent de rendre de folemnelles actions de
graces au Tout-Puiffant. Le 27 de ce mois , jour
fixé pour cette cérémonie , elle fut annoncée le
matin par une falve de boîtes , qui fut répétée à
midi. M. d'Aubigny , Réfident de France , s'étant
rendu à l'Abbaye , l'Abbé à la tête des Chanoines
, & en habits pontificaux , le reçut à la porte
de l'Eglife , & lui adreffa ce difcours : « Mon-
» fieur , effuyons nos larmes , & oublions , s'il
» fe peut , les horreurs qui les ont fait couler ,
» pour ne penfer qu'aux miféricordes de l'Eternel ,
» qui vient d'arracher à la mort un Prince dont la
» perte eût été pour nous le comble des malheurs..
Qu'il vive ce grand Roi , la gloire & les délices
1 v
202 MERCURE DE FRANCE.
» de la France ! Qu'il vive ce Prince Bien- Aimé !
>> Qu'il jouiffe longtemps des douceurs d'un nom
>> plus cher pour lui , que ceux qu'il s'eft acquis
9.
par les victoires ! C'eft en ne laiffant échapper
>> aucune occafion de mériter le nom de Bien-Ai-
» mé, de la part de l'Etranger même , que ce
» Roi pacifique étend chaque jour les bornes de
>> fon Empire au- delà des pays de fa domination .
» Nous en fommes témoins , Monfieur , & nous
» le publions avec joie. Louis eft pour les Voifins
» comme pour les François , Louis le Bien - Aimé.
>> C'eft un hommage & un tribut que la recon-
>> noiffance ne peut refufer à la générofité de ce
>> Prince bienfaifant . Que ne puis - je , Monfieur
» répandre dans le fein du Miniftre d'un fi grand
» Roi tous les fentimens que le devoir & l'amour
» le plus refpectueux m'infpirent ! ... Mais la
» Religion nous appelle dans le Sanctuaire. Al-
» lons , Monfieur , rendre gloire à Dieu du pro-
» dige éclatant qu'il a opéré pour la confervation
» du Fils Aîné de fon Eglife. Demandons en mê-
» me temps que fa main bienfaifante demeure
» étendue fur l'homme de fa droite , pour le protéger
& pour le défendre . Qu'il ajoute long-
» temps des jours à des jours fi précieux ! Le Ciel
attend nos voeux , pour les exaucer , & pour
>> nous prouver que Louis eft autant le Bien-Aimé
» de Dieu que des hommes . >>
On conduifit M. d'Aubigny dans le Choeur , &
le Te Deum fut chanté en Mufique . L'Eglife étoit
ornée avec la plus grande magnificence. Une tenture
, enrichie de fleurs de lys d'or , entouroit le
Choeur , jufqu'à la naiffance de la voute , & le
Chiffre de Louis XV étoit placé d'efpace en efpace
dans des cartouches. Des girandoles chargées de
bougies formoient un triple cordon de lumieres.
MARS. 1757. 203
Plufieurs luftres , qui defcendoient de la voûte ,
augmentoient le brillant de l'illumination . Vis - àvis
du fauteuil du Célébrant , on avoit élevé un
trône où étoit le Portrait de S. M. Très- Chrétienne
, auquel on a rendu les mêmes honneurs
que fi Elle avoit été préfente. Le Portrait étoit
couronné de cette Infcription : Dilectus Deo &
hominibus. On lifoit à la droite du trône ces
rots : Obducam cicatricem tibi , & à vulneribus
tuis fanabo te ; & à la gauche ceux - ci : Sanavi
Ludovicum reduxi , & reddidi confolationes
lugentibus eum. L'illumination de la Nef répondoit
à celle du Choeur. L'architecture de la tribune
dans laquelle eft l'Orgue , étoit deffinée avec.
des pots à feu. Des deux côtés de l'Orgue s'élevoient
deux pyramides de lampions. Un cordon
de flambeaux de cire blanche régnoit tout le long
de la corniche . Le portail de l'Eglife & les bâtimens
qui l'environnent , étoient entiérement illuminés.
DE VIENNE , le 29 Janvier.
UN Courier , arrivé le 13 Janvier de Verfailles ;
a apporté l'effrayante nouvelle du danger auquel
a été exposé le Roi Très - Chrétien. Auffitôt l'Impératrice
Reine manda au Cardinal de Trautſon ,
Archevêque de cette Ville , d'ordonner des prieres
publiques , pour obtenir du Ciel la confervation
d'un Prince , dont les jours font fi précieux à l'Europe
. Les Eglifes font remplies d'une affluence extraordinaire
de perfonnes de tous les Ordres , qui
demandent à Dieu le rétabliſſement de la fanté de
ce Monarque .
Notre Cour vient de conclure avec celle de France
une convention , par laquelle elles s'engagent à
Le rendre réciproquement les déferteurs de leurs
troupes. Cette convention commencera le premier
du mois prochain à avoir ſon effet .
DE LEITMERITZ , le 7 Janvier.
Le premier de ce mois , le Général Lafcy fit attaquer
par cinq cens Croates le poſte d'Óftritz ,
où il y avoit trois cens Pruffiens . Le Major Blumenthal
, qui y commandoit , fut tué. Les enne,
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
mis perdirent deux autres Officiers & trente - huit
Soldats. On fit neuf prifonniers. Le refte fut difper.
fé. De notre côté , il y eut un Capitaine tué , un
Lieutenant & fix Soldats bleffés . Le lendemain, les
Pruffiens reprirent ce pofte. Ils l'ont fait occuper
par mille hommes , & ils y ont mis quatre pieces
de canon.
DE DRESDE , le premier Février.
Le fieur Frege , Directeur de la Monnoie de
Leipfick , a eu ordre du Directoire Général de
Guerre du Roi de Pruffe , de délivrer , fous peine
d'être mis aux fers , les coins , les inftrumens néceffaires
à frapper des efpeces , & même les matieres
d'or & d'argent qu'il avoit fous fa garde.
Les exécutions militaires contre les Bailliages
qui n'ont pas fourni le nombre de recrues exigé ,
s'effectuent avec rigueur.
Malgré les circonftances où se trouve la Saxe ,
la Reine , le Prince Royal , la Princeffe fon épouse ,
& les Princes Albert & Clement, envoyerent complimenter
le Roi de Pruffe le jour anniverſaire de
fa naiffance. S. M. Pruffienne fit l'accueil le plus
gracieux aux Seigneurs chargés de s'acquitter de
ce cérémonial. Elle les affura qu'Elle ne defiroit
rien avec plus d'ardeur , que de pouvoir délivrer la
Saxe du Séjour des troupes étrangeres. Le 28 du
mois dernier , ce Prince partit pour la Siléfie.
Plufieurs des Régimens Pruffiens qui font en cette
Ville , ont reçu ordre de fe tenir prêts à marcher.
Plufieurs remifes confidérables , que la Reine a
reçues , ont mis cette Princefle en état , non feulement
d'acquitter une partie des dettes que de
malheureufes circonftances l'ont obligée de contracter
, mais encore de faire fentir les effets de fa
générosité aux Officiers Saxons , qui ont beſoin
MAR S. 1757. 197
de fecours , On a diſtribué ici clandeftinement divers
exemplaires d'un Ecrit anonyme , intitulé ,
Démonftrationfuccincte que le Royaume de Boheme
appartient au Roi de Pruffe. L'Auteur , pour établir
le prétendu droit de S. M. Pruffienne , remonte à
Marguerite , Princeffe de Boheme , qui dans le
quinzieme fiecle fut mariée à Jean III , Margrave
de Brandebourg. Le Roi de Pruffe , indigné qu'on
lui prêtât des vues contraires à celles qu'il a annoncées
dans fes Déclarations , a ordonné que
l'ouvrage fût brûlé par la main du Bourreau . Ce
Prince fait faire d'exactes perquifitions , pour découvrir
l'Auteur & l'Imprimeur.
9
En différens endroits , les Officiers Pruffiens
ont fait ouvrir les prifons , & ont enrôlé toutes les
perfonnes qu'ils y ont trouvées propres à porter
les armes. Depuis quelque temps ils engagent indiftinctement
tous les jeunes gens , foit artifans
foit domeftiques , fans avoir égard ni à la profeffion
, ni à la livrée. Le Roi de Pruffe a fait publier
une Ordonnance , par laquelle il enjoint à tous les
Saxons qui font à fon fervice , & qui poffedent
des biens fonds , de les vendre , & de dépofer à la
caiffe du Directoire militaire les fommes qui pro .
viendront de la vente. S'ils ont quelques préten
tions à faire valoir , les Bailliages refpectifs font
tenus de leur rendre prompte juftice , & les deniers
provenans de ces prétentions feront portés
pareillement à ladite caiffe.
DE RATISBONNE , le 25 Janvier.
On a reçu ici plufieurs exemplaires d'un Ecrit
que la Cour de Vienne vient de faire publier. , &
qui eft intitulé , Remarques fur les Manifeftes , Lettres
Circulaires autres Mémoires , donnés de la
I iij
198 MERCURE DE FRANCE .
part du Roi de Pruffe. Cette Piece contient trentefept
pages in-4° . Voici quelques-uns des principaux
traits qu'elle renferme . « Le Roi de Pruffe
prétend avoir feul le droit de tenir en tout tems
» de grandes armées prêtes à marcher , & d'aug-
» menter fucceffivement , fans aucun danger ap-
» parent , le nombre de fes troupes . Il s'arroge
» même le privilege de faire enlever , tantôt par
» rufe , tantôt par violence , les Sujets aux Souve-
» rains , les Miniftres aux Eglifes , les enfans aux
» peres , les peres aux enfans. En même temps , il
» ne veut pas qu'une Puiffance voifine puiffe le
»foupçonner d'un deffein offenfif, & qu'elle fe
» concerte avec d'autres Puiffances pour Le défen-
» dre en cas d'attaque..... Lorſqu'une Puiffance
» fonge à completter fes troupes , & à pourvoir
» d'artillerie & de munitions fes places frontieres ,
>> il croit pouvoir lui demander fierement , l'épée
» à la main , le motifde telles précautions. Si elle
» ne s'explique pas d'abord dans les termes qu'il
» lui preferit , & fi elle ne promet formellement
» de fufpendre les préparatifs qu'elle a commen-
» cés pour fa défenfe , il va jufqu'à la menacer
» de l'attaquer inceffamment avec une armée for-
» midable...... L'article ſecret du Traité de Pé-
» terfbourg devoit-il caufer quelque ombrage au
» Roi de Prufle ? Au devant de cet article , on avoit
> eu foin de mettre ces paroles remarquables : ( Si
contre toute attente , & contre les voeux communs
» S. M. Pruffienne eft la premiere à fe départir de
les
la Paix de Drefde. ) On avoit ajouté , que
» deux Parties Contractantes mettroient tout en
» ufage pour prévenir un tel inconvénient . Ces clau-
» fes ne prouvoient- elles pas évidemment que , fi
» l'Impératrice Reine fe réfervoit le droit de re-
» vendiquer la Siléfie , & d'employer le fecours
MAR S. 1757. 199
de fes Alliés pour la recouvrer , c'étoit feule-
» ment dans le cas où , malgré les voeux com-
» muns de l'Impératrice Reine & de l'Impératrice
» de Ruffie , & malgré toutes les peines qu'Elles
>> emploieroient pour le maintien de la paix , le
» Roi de Pruffe tenteroit une nouvelle aggref-
» fion ? .... Pour ce qui regarde la découverte de
» cet article , S. M. Pruffienne pouvoit s'épargner
» un expédient auffi illicite que celui de forcer un
» Cabinet Royal dans un pays neutre , puifque la
» Cour de Vienne n'auroit fait aucune difficulté
» difficulté d'avouer qu'elle a porté toujours fa plus
» grande attention fur les préparatifs de guerre
» des Pruffiens & fur leurs vexations , & qu'elle
» s'eft fervie de tous les moyens néceffaires & juf-
» tes , pour donner à l'auteur des troubles , s'il eft
» poffible , lieu de ſe repentir de ſes violences &
» de fes injuftices. >>
Le 17 de ce mois , la Diete générale de l'Empire
donna le Conclufum fuivant. « De la part des
Electeurs , Princes & Etats de l'Empire , on dé-
» clare à M. le Prince de la Tour - Taxis , Princi-
» pal Commiffaire de l'Empereur , qu'on a due-
» ment propofé aux trois Colleges de l'Empire ,
» & mis en délibération les Décrets de Commif-
» fion Impériale , portés les 20 Septembre & 18
» Octobre de l'année derniere , à la Dictature , au
» fujet de l'invaſion hoftile du Roi de Pruffe Elec-
>> teur de Brandebourg , dans la Saxe & dans la
>> Boheme ; ainfi que la Lettre de S. M. l'Impéra-
» trice Reine , du 21 Octobre , & les Mémoires
» préſentés par les Miniftres de Saxe & de Brande-
» bourg les 23 Septembre & 20 Décembre der-
» niers : qu'on a vu , par leur contenu , toutes les
» circonftances de l'irruption faite par les troupes
» Pruffiennes dans les Etats de l'Impératrice Rei-
I iv
200 MERCURE DE FRANCE.
>> ne & du Roi de Pologne Electeur de Saxe , la
>> maniere dont l'Electorat de Saxe & autres Etats
» ont été faifis & font encore détenus , & enfin les
» Mandemens émanés du Juge Suprême de l'Em-
» pire contre ces entreprifes : qu'après une mûre
» délibération , telle que l'importance de l'affaire
» l'exigeoit , il a été conclu & arrêté que S. M.
» Impériale feroit très-refpectueufement remer-
» ciée de fes foins paternels pour le rétabliſſement
» de la tranquillité publique : qu'en même temps
» Elle feroit très - humblement requife de conti-
>> nuer d'agir , comme Elle a commencé , fui-
» vant les Loix & Conftitutions de la Patrie , ( en
particulier felon l'ordonnance d'exécution , la
» paix de Weftphalie & la Capitulation Impéria-
» le ) , afin que par les moyens déja mis en oeuvre
» & ceux qu'on emploiera , non feulement S. M.
» le Roi de Pologne foit remis en poffeffion de fes
Etats avec le dédommagement le plus complet ,
>> mais auffi que S. M. l'Impératrice , comme
» Reine & Electrice de Boheme , obtienne la ſatisfaction
qui lui eft dûe : qu'en conféquence
» des Excicatoires de S. M. Impériale , tous les
» Co-Etats de l'Empire , qui ont à coeur le main-
» tien de la Conftitution fondamentale du Corps
» Germanique , concourront de tout leur pou-
» voir aux moyens de parvenir au but propofé par
» Sadite Majefté : que pour fecourir tant les Etats
opprimés que ceux qui pourroient dans la fuite
» éprouver le même fort , tous les Cercles porte-
» ront fans délai leurs contingens au triple , & les
tiendront prêts à marcher avec tout ce qui eft
» néceffaire au fervice. On fe réſerve une expli-
» cation ultérieure fur les autres points des Décrets
de Commiſſion. »
MARS . 1757 . 201
DE LIEGE , le 31 Janvier.
Dès qu'on eut reçu
ici la nouvelle de l'attentat
commis contre la Perfonne de Louis XV , on donna
ordre d'arrêter & d'examiner , fans diſtinction
de rang , tous les étrangers qui arriveroient
en cet-
Ville. Les Etats de l'Evêché , étant actuellement
affemblés , députerent à M. Durand d'Aubigny ,
Réfident de France , pour lui témoigner le vif intérêt
qu'ils prennent àla confervation
de Sa Majefté
Très- Chrétienne. Le 14 , les Chanoines de l'Eglife
Collégiale de Saint Martin , dont le Roi de
France eft protecteur , firent chanter une grande
Meffe en mufique , en action de graces de ce qu'il
a plu à Dieu de fauver les jours de ce Monarque.
Les Chanoines Réguliers de l'Abbaye du Val
des Ecoliers de cette Ville , coururent fe profterner
au pied des Autels , pour obtenir du Ciel la
confervation de ce Monarque. Pendant neufjours,
ils ont continué leurs prieres. Lorsqu'ils eurent
appris la guérifon de S. M. Très - Chrétienne , ils
réfolurent de rendre de folemnelles actions de
graces au Tout-Puiffant. Le 27 de ce mois , jour
fixé pour cette cérémonie , elle fut annoncée le
matin par une falve de boîtes , qui fut répétée à
midi. M. d'Aubigny , Réfident de France , s'étant
rendu à l'Abbaye , l'Abbé à la tête des Chanoines
, & en habits pontificaux , le reçut à la porte
de l'Eglife , & lui adreffa ce difcours : « Mon-
» fieur , effuyons nos larmes , & oublions , s'il
» fe peut , les horreurs qui les ont fait couler ,
» pour ne penfer qu'aux miféricordes de l'Eternel ,
» qui vient d'arracher à la mort un Prince dont la
» perte eût été pour nous le comble des malheurs..
Qu'il vive ce grand Roi , la gloire & les délices
1 v
202 MERCURE DE FRANCE.
» de la France ! Qu'il vive ce Prince Bien- Aimé !
>> Qu'il jouiffe longtemps des douceurs d'un nom
>> plus cher pour lui , que ceux qu'il s'eft acquis
9.
par les victoires ! C'eft en ne laiffant échapper
>> aucune occafion de mériter le nom de Bien-Ai-
» mé, de la part de l'Etranger même , que ce
» Roi pacifique étend chaque jour les bornes de
>> fon Empire au- delà des pays de fa domination .
» Nous en fommes témoins , Monfieur , & nous
» le publions avec joie. Louis eft pour les Voifins
» comme pour les François , Louis le Bien - Aimé.
>> C'eft un hommage & un tribut que la recon-
>> noiffance ne peut refufer à la générofité de ce
>> Prince bienfaifant . Que ne puis - je , Monfieur
» répandre dans le fein du Miniftre d'un fi grand
» Roi tous les fentimens que le devoir & l'amour
» le plus refpectueux m'infpirent ! ... Mais la
» Religion nous appelle dans le Sanctuaire. Al-
» lons , Monfieur , rendre gloire à Dieu du pro-
» dige éclatant qu'il a opéré pour la confervation
» du Fils Aîné de fon Eglife. Demandons en mê-
» me temps que fa main bienfaifante demeure
» étendue fur l'homme de fa droite , pour le protéger
& pour le défendre . Qu'il ajoute long-
» temps des jours à des jours fi précieux ! Le Ciel
attend nos voeux , pour les exaucer , & pour
>> nous prouver que Louis eft autant le Bien-Aimé
» de Dieu que des hommes . >>
On conduifit M. d'Aubigny dans le Choeur , &
le Te Deum fut chanté en Mufique . L'Eglife étoit
ornée avec la plus grande magnificence. Une tenture
, enrichie de fleurs de lys d'or , entouroit le
Choeur , jufqu'à la naiffance de la voute , & le
Chiffre de Louis XV étoit placé d'efpace en efpace
dans des cartouches. Des girandoles chargées de
bougies formoient un triple cordon de lumieres.
MARS. 1757. 203
Plufieurs luftres , qui defcendoient de la voûte ,
augmentoient le brillant de l'illumination . Vis - àvis
du fauteuil du Célébrant , on avoit élevé un
trône où étoit le Portrait de S. M. Très- Chrétienne
, auquel on a rendu les mêmes honneurs
que fi Elle avoit été préfente. Le Portrait étoit
couronné de cette Infcription : Dilectus Deo &
hominibus. On lifoit à la droite du trône ces
rots : Obducam cicatricem tibi , & à vulneribus
tuis fanabo te ; & à la gauche ceux - ci : Sanavi
Ludovicum reduxi , & reddidi confolationes
lugentibus eum. L'illumination de la Nef répondoit
à celle du Choeur. L'architecture de la tribune
dans laquelle eft l'Orgue , étoit deffinée avec.
des pots à feu. Des deux côtés de l'Orgue s'élevoient
deux pyramides de lampions. Un cordon
de flambeaux de cire blanche régnoit tout le long
de la corniche . Le portail de l'Eglife & les bâtimens
qui l'environnent , étoient entiérement illuminés.
Fermer
Résumé : ALLEMAGNE.
En janvier 1757, des rumeurs alarmantes sur la santé du roi de France, Louis XV, ont circulé, incitant l'impératrice reine à ordonner des prières publiques à Vienne pour sa guérison. Les églises se sont remplies de fidèles de tous milieux sociaux. Une convention entre les cours d'Allemagne et de France a été conclue pour échanger les déserteurs de leurs troupes, effective à partir du 1er février. Sur le front militaire, le 1er janvier à Leitmeritz, le général Laffy a attaqué un poste prussien à Óstritz, tuant le major Blumenthal et faisant plusieurs prisonniers. Les Prussiens ont repris le poste le lendemain et l'ont renforcé. À Dresde, le directeur de la monnaie de Leipzig a reçu l'ordre de fournir les outils et matières nécessaires à la frappe des espèces au Directoire Général de Guerre du roi de Prusse. Les exécutions militaires contre les bailliages n'ayant pas fourni le nombre requis de recrues se poursuivaient avec rigueur. Malgré les difficultés, la reine de Saxe et les princes saxons ont complimenté le roi de Prusse à l'occasion de son anniversaire, exprimant leur espoir de voir les troupes étrangères quitter la Saxe. Plusieurs régiments prussiens se préparaient à partir, et la reine de Saxe a distribué des aides financières aux officiers saxons dans le besoin. Un écrit anonyme prétendant que la Bohême appartenait au roi de Prusse a été distribué clandestinement. Le roi de Prusse a ordonné la destruction de cet écrit et a lancé des enquêtes pour identifier l'auteur et l'imprimeur. Les officiers prussiens ont enrôlé de force des prisonniers et des jeunes gens pour renforcer leurs troupes. Une ordonnance prussienne a également contraint les Saxons au service prussien à vendre leurs biens fonciers. À Ratisbonne, la cour de Vienne a publié un document répondant aux manifestes du roi de Prusse, critiquant ses actions militaires et ses exigences. La Diète générale de l'Empire a conclu que l'impératrice reine devait continuer à agir selon les lois et constitutions pour rétablir la tranquillité et aider le roi de Saxe à récupérer ses États. À Liège, après un attentat contre Louis XV, des mesures de sécurité ont été prises pour arrêter et examiner les étrangers arrivants. Les États de l'Évêché ont exprimé leur soutien au roi de France. Des messes et des prières ont été organisées pour sa guérison, suivies de cérémonies de remerciement après sa récupération. Le résident de France a été accueilli à l'abbaye du Val des Écoliers pour une cérémonie de Te Deum en l'honneur du roi. En mars 1757, une illumination somptueuse a été réalisée dans une église. Le chiffre de Louis XV était placé dans des cartouches à intervalles réguliers. Des girandoles chargées de bougies formaient un triple cordon de lumières, et plusieurs lustres descendant de la voûte augmentaient l'éclat de l'illumination. En face du fauteuil du célébrant, un trône accueillait le portrait du roi Louis XV, auquel on rendait les mêmes honneurs qu'à sa présence. Le portrait était couronné de l'inscription 'Dilectus Deo & hominibus'. À droite du trône, on lisait 'Obducam cicatricem tibi, & vulneribus tuis sanabo te', et à gauche 'Sanavi Ludovicum reduxi, & reddidi consolationes lugentibus eum'. L'illumination de la nef répondait à celle du chœur. L'architecture de la tribune de l'orgue était ornée de pots à feu, et deux pyramides de lampions s'élevaient de chaque côté de l'orgue. Un cordon de flambeaux de cire blanche courait le long de la corniche. Le portail de l'église et les bâtiments environnants étaient entièrement illuminés.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer