LE POETE PHILOSOPHE.
LONGTEMPS
ONGTEMPS obfcurci d'orages
Le Ciel , enfin , fans nuages
Reprend la férénité ? .
Et la terre que décore
A l'envi Cérès & Flore ,
Préfente à l'oeil enchanté
Richeffe enfemble & Beauté .
AVRIL. 1763. II
Zéphir agitant fes aîles
Autour des roſes nouvelles
Où brille un doux incarnat
Fait fentir à l'âme émue
Le plaifir de l'odorat
Joint à celui de la vue.
Sous ces arbres en berceau ,
Quel doux murmure m'attire !
C'eft le bruit d'un clair ruiffeau
Baignant la fleur qui fe mire
Dans le criftal de fon eau.
Je vois d'un rameau fur l'autre
Voltiger l'ardent moineau
Dont l'amour vaut bien le nôtre ,
Et le tendre tourtereau
De la conftance l'Apôtre.
Aujourd'hui pourtant l'on dit
Que ce fut bien à crédit
Qu'on lui donna cette gloire ;
Car dans ce fiécle maudir
Sans preuve on ne veut rien croire.
Moi qui ne doute de rien
Your mon falut & fais bien ,
Je croirois la tourterelle
Des gens conftans le modéle ,
Si je n'affignois le prix
A nos Femmes de Paris,
Fidéles à ce qu'ils fentent
A vj
12 MERCURE DE FRANCE.
Les oiſeaux amoureux chantent is
Et n'engagent point, leur foi : 1. SOÁ
De nature c'eft la loi.
Ils n'ont garde d'aller faire
Pardevant .... .... ou Notaire
Le ferment d'aimer toujours
Ce qui peut ceffer de plaire.
Hélas ! leurs tendres amours ,
Ce ruiffeau , ce doux ombrage , i
Tout à mes yeux dans ce bois
Retrace l'heureux boccage
Où, pour la premiere fois ,
Thémire écouta ma peine ;
Thémire ayant en ſa fleur
D'une roſe la couleur ,
Du Zéphir la douce haleine ,
Des cheveux qui fans deffein
Tomboient en boucle d'ébene
Sur l'albâtre de fon fein.
Temps heureux des doux menfonges !
Age fi court du bonheur ,
Que font devenus tes fonges !
Le temps cruel précepteur
Nous donne l'expérience ;
Fatal arbre de fcience ,.
Qui des douces voluptés.
Rompt l'illufion & chaffe
Les plaifirs qu'elle remplace
Par de dures yérités !