EPITRE ,
A M. le Come de TAVANES , Brigadier
des Armées du Roy , et son premier Lieutenant
General en Bourgogne.
Si jusques à ce jour , dans ma verve lyrique ;
Je ne t'ai point offert un encens poëtique ,
Tavanes , ce n'est pas que pour chanter ton nom ,
Ma Muse n'ait souvent rêvé sur l'Hélicon.
Cent fois , quand j'ai formé le plan d'un long
Poëme ;
Pour
JUILLET. 1733. 1503
Pour mon premier Héros je t'ai choisi toi - même ;
Mais à ce noble emploi j'avois beau destiner ,
La Lyre qu'on entend sous mes doigts raisonner,
Aussi-tôt Apollon et sa Troupe immortelle ,
Condamnoient mon audace en approuvant mon
zele.
Laisse , me disoient - ils , à de's Auteurs fameux
Le soin de celebrer un Mortel digne d'eux.
Pour Chantre , un Mécenas doit avoir un Horace,
Voltaire peut chanter ton Héros avec grace ,
Cet Aigle , du Soleil soutiendroit les rayons ;
Mais toi que parmi nous rarement nous voyons,
Quand tu veux t'élever aussi haut que Pindare ,
Dans la profonde Mer tu tombes comme Icare.
Ainsi dans mes projets interrompu toujours ,T
Demon travail pour toi j'ai suspendu le cours ,
Et sur d'autres sujets moins grands et plus faciles,
Employant quelquefois des momens ' inutiles ,
Tavanes , j'attendois que pour te bien louer ,
Phébus et les neuf Soeurs daignassent m'avouer.
Toutefois , puisqu'enfin ma Muse a pú te plaire' ,
Je me crois maintenant séparé du vulgaire.
D'un suffrage si beau , content et glorfeux ,
Je sens que je puis prendre un essor jusqu'aux
Cieux . KurzbĮ alum.5295 30591
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Non, je n'ai plus besoin des Filles de Mémoire ,
Mon zele me suffit pour celebrer ta gloire.
I! K
Dieux avec quel plaisir je dirai dans mes Vers ,
E
504 MERCURE DE FRANCE
Et des rares vertus et tes exploits divers !
En vain ta modestie au silence m'invite ..
Plus on fuit la louange et plus on la mérite ;
Et les Fils d'Apollon aux génereux Mortels ,
Doivent dans leurs Ecrits ériger des Autels.
Eh ! qui fut plus que toi digne de notre hommage!
N'est-on pas informé qu'aussi vaillant que sage ,
Tu sçais dans les horreurs du plus sanglant
combat ,
Etre tout à la fois Capitaine et Soldat ?
Que depuis qu'au Laurier a succedé l'Olive ,
Ton ardeur pour ton Roi n'en est pas moins
active ?
Que ton coeur vertueux , toujours grand , toû
jours droit ,
Pouvant tout ce qu'il veut , ne veut que ce qu'il
doir. ?
Que par les dons divers que ta main liberale,
Répand de toutes parts dans cette Capitale ;
Tu cherches, non l'honneur d'être crû génereux,
Mais l'unique plaisir de faire des heureux ?
Qu'aux beaux Arts qu'Apollon tient sous sa dé
pendance ,
Tu prêtes un appui digne de ta.naissance ?
Que quand je n'osois pas m'élever jusqu'à toi ,
Ta facile bonté descendit jusqu'à moi ?
Que contraire à ces Grands de qui l'ame com
mune ,
I
N'offre rien à nos yeux de grand que leur fortune,
Affable sans bassesse , et fier sans vanité ;
JUILLET. 1733. 1505
On te voit en tous lieux aimé, craint, respecté ,
Que charmé que Louis t'ait placé sur nos têtes,
Le Peuple en prenant part à tes superbes Fêtes ,
Dit que toûjours la gloire excitant tes désirs ,
Tu te montres Héros jusques dans tes plaisirs.
Mais quoi ! je m'apperçois que frappant la barriere
,
Mon Pégase est tout prêt d'entrer dans la carriere;
Eh bien ! sans differer , il la lui faut ouvrir ;
Sur le Pinde avec lui je brûle de courir ,
Et dans l'heureux transport où mon coeur s'a→
bandonne ,
Je vais chercher des fleurs pour former ta Couronne.
Par M.COCQUARD, Avoc. au Parlement de Dijon.