Harangue de la Reine d'An
gleterre à fon Parlement le
13. Mars 1714 .
Milords & Meffieurs ,
les
J'ai beaucoup de fatisfaction
de me voir , à l'ouverture
de ce Parlement ,
en état de vous dire
que
ratifications des traitez de
paix & de commerce avec
Ï'Eſpagne font échangées.
Par e paix mes ſujets
feront mieux en état que
jamais d'augmenrer & d'é46
MERCURE
tendre leur
negoce ; les
avantages
qui ne leur é
toient que tolerez
, leur font
prefentement
affurez
par
ce traité , & tous les Marchands
de la Grande Bretagne
en jouiront également
fans diftinction .
Il a plû à Dieu de benir
mes efforts pour obtenir
une paix honorable & avantageuſe
à mon peuple & à
la plus grande partie de
mes alliez ; il ne fera rien
omis de ce qui eſt en mon
pouvoir pour la rendre univerfelle
, & je me perfuade
GALANT.
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qu'avec vôtre affiftance ,
mon entrepriſe pourra contribuer
à rétablir le repos
de
l'Europe.
En attendant , je me rejoüis
avec mes ſujets de le
voir delivré d'une guerre
ruïneufe , & entré dans une
paix dont les bons effets ne
peuvent être troublez que
par des divifions inteftines.
Les plus fages & les plus
grands d'entre mes predeceffeurs
faifoient leur gloire
de tenir la balance de l'Europe
, & de la maintenir
égale , en fourniſſant au
48 MERCURE
poids lors qu'il étoit necef
faire ; par cette conduite ils
ont enrichi le Royaume ,
& fe font rendus redoutables
à leurs ennemis & utiles
à leurs amis . J'ai agi ſur
les mêmes principes , & je
ne doute point que mes fucceffeurs
ne fuivent ces mê.
mes exemples.
Nôtre fituatió nous montre
affez quel eft nôtre veritable
interêt . Ce pays ne
peut fleurir que par
que par le commerce
, & il fera trés formidable
par la juſte application
de nos forces fur mer.
MefGALANT.
49%
Meffieurs de la Chambre
des
Communes ,
J'ai
donné ordre qu'on
vous expofe des choles qui
vous feront voir quelle a
été vôtre fituation à la conclufion
de cette paix , vous
ferez par là mieux en état
de juger des fecours qui
font
neceffaires. Je ne vous
on
demande que pour le
fervice de cette année , &
pour l'acquit des dettes que
vous trouverez raiſonna
bles & juftes, funny weete
Mars
1714.
E
so MERCURE
Milords & Meffieurs ,
Je vois par la joye fi generale
du rétabliſſement de
ma fanté & de mon arrivée
en cette ville , avec com ..
bien d'ardeur mon peuple
répond à la tendre affection
que j'ai toûjours euë pour
lui.
Je voudrois qu'on cût)
travaillé à faire fupprimer ,
comme je l'ai fouvent defiré
, ces écrits feditieux &
ces pernicieuſes infinua
tions par où des mal- intenGALANT.
tionnez ont lçû affoiblir le
credit public & faire fouffrir
l'innocent .
Il y en a qui font prevenus
jufqu'au point de malice
de vouloir infinuer que
la Succeffion Proteftante
dans la Maifon d'Hanovre
eft en danger fous mon regne.
Ceux qui travaillent de
la forte à effrayer les efprits
imaginaires , n'ont en vûë
que de troubler la tranquilité
prefente , & de nous
attirer des maux réels .
Aprés tout ce que j'ai fair
Eij
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MERCURE
pour la fûreté de nôtre Re-:
ligion & de nos libertez , &
pour la tranfmettre à la pofterité
, je ne puis parler de
ces procedez fans quelque
émotion , & je compte que
vous demeurerez tous d'accord
avec moy que les at
tentats pour affoiblir mon
autorité , ou pour me rendre
la poffeffion de la couronne
penible , ne peuvent
jamais être des moyens
propres à fortifier la Succeffion
Proteftante.
J'ai fait , & je continuërai
de faire de mon mieux
GALANT.
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pour le bien de tous mes
fujets ; faifons nos efforts
pour unir tous nos differens
, non pas en nous écartant
de la conftitution
de
nôtre Egliſe & de nôtre
Etat , mais en obfervant
nous-mêmes les loix , & en
·les faifant obferver
aux autres
.
Une longue guerre a non
feulement appauvri le public
, quoy qu'elle ait enrichi
quelques particuliers :
mais elle a encore alteré
beaucoup le gouvernement
même.
E iij
$4
MERCURE
Que vôtre plus grand ſoin
foit de profiter de la conjoncture
pour établir des fondemens
propres à vous relever
de ces defordres.
Le dernier Parlement a
concouru avec moy pour
faire la paix , que ce foit
l'honneur de celui - ci de
m'aider à obtenir les fruits
propres à nous attirer des
benedictions non feulement
dans le fiecle prefent
, mais encore à la der
niere pofterité.
Auffitôt que Sa Majeſté
GALANT.
SS
eut ceffé de parler, la Chambre
des Pairs refolut de lui
preſenter une Adreſſe pour
l'en remercier. Les Communes
en firent autant
& nommerent un Comité
pour la dreffer.